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CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 15 décembre 2017

Nature : Décision
Titre : CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 15 décembre 2017
Pays : France
Juridiction : Saint-Denis de la Réunion (CA), ch. civ.
Demande : 16/01118
Date : 15/12/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/06/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7322

CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 15 décembre 2017 : RG n° 16/01118 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Pour refuser le remboursement des sommes versées par Mme X., la SARL CFJPR lui oppose les dispositions prévues dans la clause « rétractation résiliation » selon lesquelles en cas de résiliation de la part de l'élève plus de 8 jours après la signature du contrat les sommes versées restent acquises à la SARL CFJPR. La même clause contient des dispositions selon lesquelles deux à trois semaines après le début des cours, la SARL CFPJR se réserve le droit de résilier le contrat s'il s'avère que l'étudiant se trouve dans l'incapacité de suivre les enseignements dispensés. […]

En l'espèce c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que la clause selon laquelle en cas de résiliation de la part de l'élève plus de 8 jours après la signature du contrat les sommes versées restent acquises à la SARL CFJPR, constitue une clause abusive.

En effet, l'incapacité de suivre les enseignements dispensés, constatée jusqu'à deux à trois semaines après le début des cours, constituait manifestement un motif légitime et sérieux justifiant la résiliation du contrat, pour la SARL CFJPR, puisqu'il permettait à celle-ci de résilier le contrat. Dès lors, la stipulation contractuelle sus énoncée, faisant du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'appelante dès l'expiration d'un délai de huit jours suivant la signature du contrat avant même le début des cours, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux dans les premières semaines de cours, en l'occurrence l'incapacité de suivre les enseignements, créait, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif ; en effet, de son côté, l'établissement de formation se réservait la possibilité d'une résiliation pour un tel motif.

Constituant ainsi une clause abusive, cette clause selon laquelle en cas de résiliation de la part de l'élève plus de 8 jours après la signature du contrat les sommes versées restent acquises à la SARL CFJPR est réputée non écrite.

Dès lors, pour cette résiliation effectivement intervenue 10 jours après le début des cours, en raison de l'incapacité de sa fille, issue d'une section littéraire, à suivre les enseignements de la prépa médecine, Mme X. est fondée à demander remboursement de la somme de 9.700 euros représentant le coût de la scolarité sous déduction de frais divers. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/01118. Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-DENIS en date du 20 JUIN 2016 suivant déclaration d'appel en date du 30 JUIN 2016 R.G. n° 11-15-001188.

 

APPELANTE :

SARL CENTRE DE FORMATION JURISPREPA RÉUNION (CFJPR) LE SERMENT D'HYPOCRATE

Représentée par son gérant en exercice. Représentant : Maître Laurent B., avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-RÉUNION

 

INTIMÉE :

Madame X.

Représentant : Maître Vincent FONTAINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

 

DÉBATS : en application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 septembre 2017 devant Monsieur Bruno VIDON, président de la chambre d'appel de Mamoudzou, délégué à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion par ordonnance de la Première Présidente, qui en a fait un rapport, assisté de monsieur Edmond C., Directeur des services de greffe judiciaires, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 17 novembre 2017. Le délibéré a été prorogé au 15 décembre 2017.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président : Monsieur Bruno VIDON, président de la chambre d'appel de Mamoudzou, délégué à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion par ordonnance de la Première Présidente

Conseiller : Monsieur Maurice DE THEVENARD, Conseiller de la chambre d'appel de Mamoudzou, délégué à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion par ordonnance de la Première Présidente

Conseiller : Madame Isabelle MARTINEZ, conseillère de la chambre d'appel de Mamoudzou, déléguée à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion par ordonnance de la première présidente

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 15 Décembre 2017.

Greffière lors de la mise à disposition : Véronique FONTAINE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte en date du 26 novembre 2015, Mme X. a fait assigner la SARL CENTRE DE FORMATION JURISPREPA REUNION (CFJPR) devant le tribunal d'instance de Saint-Denis afin d'entendre condamner celle-ci a lui rembourser la somme de 9.700 euros et à lui verser une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Par jugement en date du 20 juin 2016, le tribunal a :

- condamné la SARL CFJPR à rembourser à Mme X. la somme de 9.700 euros ;

- condamné Mme X. à verser à la SARL CFJPR la somme de 4.000 euros au titre du préjudice subi par celle-ci ;

- ordonné la compensation entre ces sommes ;

- rejeté toute autre demande ;

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 30 juin 2016, la SARL CFJPR a interjeté appel de ce jugement.

Mme X. a constitué avocat le 23 août 2016.

La SARL CFJPR a déposé des conclusions le 30 septembre 2016.

Mme X. a déposé le30 novembre 2016 des conclusions contenant appel incident.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 avril 2017.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions du 30 septembre 2016, l'appelante demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, de débouter Mme X. de ses demandes et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Elle expose que le 5 février 2014, Mme X. et sa fille S. ont signé un contrat d'inscription à la prépa médecine ; que celui-ci prévoyait que la résiliation intervenant après un délai de 8 jours à compter de sa signature devait être formulée par LRAR et signé par la personne ayant fait l'inscription ; qu'elle prendrait effet au jour de sa réception ; que les sommes versées restaient acquises et ne pouvaient faire l'objet d'un remboursement.

Elle indique que la rentrée de la prépa a eu lieu le 4 août 2014 ; qu'au bout de 10 jours de cours, le 14 août, Mme X. a écrit indiquant que sa fille souhaitait abandonner la prépa ; que le 13 septembre elle a sollicité le remboursement des frais d'inscription.

Elle soutient qu'au regard de la clause précitée, parfaitement claire, qui constitue la loi des parties, et qui ne constitue pas une clause abusive, Mme X. ne peut prétendre au remboursement sollicité.

Dans ses dernières conclusions du 30 novembre 2016, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL CFJPR à lui rembourser la somme de 9.700 euros, d'infirmer celui-ci en ce qu'il l'a condamnée à verser à la SARL CFJPR la somme de 4.000 euros et en ce qu'il a ordonné la compensation entre ces créances respectives, de dire qu'elle n'est débitrice d'aucune somme à l'égard de la SARL CFJPR ; elle sollicite une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Elle soutient que l'inscription de sa fille a été réalisée moyennant le versement d'une somme totale de 10.500 euros.

Elle observe que le contrat permettait à la SARL CFJPR de résilier le contrat 2 à 3 semaines après le début des cours s'il s'avérait que l'étudiant se trouvait dans l'incapacité de suivre les enseignements dispensés, les sommes versées étant alors remboursées sous déduction d'un montant de 800 euros.

Elle indique que sa fille a rapidement éprouvé des difficultés à suivre les cours et s'est rendue compte que cette formation n'était pas appropriée ; que dès le 14 août, elle a avisé la SARL CFJPR.

Elle soutient que la clause prévoyant qu'en cas de résiliation de la part de l'élève plus de 8 jours après la signature du contrat les sommes versées restent acquises à la SARL CFJPR, constitue une clause abusive dès lors qu'elle ne réservait pas à l'élève la possibilité d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux, alors même qu'il résultait du contrat que l'incapacité de suivre l'enseignement constituait un tel motif, puisque celui-ci permettait une résiliation de la part de l'organisme de formation deux à trois semaines après le début des cours ; qu'une telle faculté de résiliation ne pouvait ainsi être réservée à l'organisme de formation.

Elle observe que le tribunal ne pouvait par ailleurs la condamner au paiement d'une somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en l'absence de toute demande de ce chef de la part de la SARL CFJPR.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est constant que, la formation ayant débuté le 4 août, Mme X. a indiqué à la SARL CFJPR par courriels des 14 et 15 août 2014, dont la réception n'est pas contestée par l'appelante, que sa fille abandonnait la prépa, ce que celle-ci a effectivement fait à cette date.

Le contrat conclu entre les parties s'est donc trouvé résilié au 15 août 2014, à l'initiative de Mme X., 11 jours après le début de son exécution.

Pour refuser le remboursement des sommes versées par Mme X., la SARL CFJPR lui oppose les dispositions prévues dans la clause « rétractation résiliation » selon lesquelles en cas de résiliation de la part de l'élève plus de 8 jours après la signature du contrat les sommes versées restent acquises à la SARL CFJPR.

La même clause contient des dispositions selon lesquelles deux à trois semaines après le début des cours, la SARL CFPJR se réserve le droit de résilier le contrat s'il s'avère que l'étudiant se trouve dans l'incapacité de suivre les enseignements dispensés.

Aux termes des dispositions de l'article L. 132-1 en sa rédaction applicable à l'espèce, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que la clause selon laquelle en cas de résiliation de la part de l'élève plus de 8 jours après la signature du contrat les sommes versées restent acquises à la SARL CFJPR, constitue une clause abusive.

En effet, l'incapacité de suivre les enseignements dispensés, constatée jusqu'à deux à trois semaines après le début des cours, constituait manifestement un motif légitime et sérieux justifiant la résiliation du contrat, pour la SARL CFJPR, puisqu'il permettait à celle-ci de résilier le contrat.

Dès lors, la stipulation contractuelle sus énoncée, faisant du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'appelante dès l'expiration d'un délai de huit jours suivant la signature du contrat avant même le début des cours, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux dans les premières semaines de cours, en l'occurrence l'incapacité de suivre les enseignements, créait, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif ; en effet, de son côté, l'établissement de formation se réservait la possibilité d'une résiliation pour un tel motif.

Constituant ainsi une clause abusive, cette clause selon laquelle en cas de résiliation de la part de l'élève plus de 8 jours après la signature du contrat les sommes versées restent acquises à la SARL CFJPR est réputée non écrite.

Dès lors, pour cette résiliation effectivement intervenue 10 jours après le début des cours, en raison de l'incapacité de sa fille, issue d'une section littéraire, à suivre les enseignements de la prépa médecine, Mme X. est fondée à demander remboursement de la somme de 9.700 euros représentant le coût de la scolarité sous déduction de frais divers.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné la SARL CFJPR à rembourser à Mme X. la somme de 9.700 euros.

En revanche le jugement sera infirmé en ce que, retenant que la résiliation du contrat à l'initiative de Mme X. occasionnait un préjudice à la SARL CFJPR, il a condamné Mme X. à verser à celle-ci la somme de 4.000 euros et ordonné la compensation entre les créances respectives des parties ; en effet, aucune demande en indemnisation d'un préjudice consécutif à la résiliation n'avait été formée par la SARL CFJPR, à titre principal ou subsidiaire, et, en prononçant ainsi le premier juge a statué ultra petita.

Il est équitable de condamner la SARL CFJPR à verser à Mme X. une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du CPC.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision mise à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL CENTRE DE FORMATION JURISPREPA REUNION à rembourser à Mme X. la somme de 9.700 euros ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Mme X. à verser à la SARL CENTRE DE FORMATION JURISPREPA REUNION la somme de 4.000 euros au titre du préjudice subi par celle-ci et ce qu'il a ordonné la compensation entre les créances respectives des parties ;

Y ajoutant, condamne la SARL CENTRE DE FORMATION JURISPREPA REUNION à verser à Mme X. une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

Condamne la SARL CENTRE DE FORMATION JURISPREPA REUNION aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Bruno VIDON, président de la chambre d'appel de Mamoudzou, délégué à la cour d'appel de Saint Denis par ordonnance de Madame la première présidente, et par Madame Véronique FONTAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE                 LE PRÉSIDENT