CA AIX-EN-PROVENCE (15e ch. B), 14 octobre 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 735
CA AIX-EN-PROVENCE (15e ch. B), 14 octobre 2004 : RG n° 02/11302 ; arrêt n° 483
Publication : Juris-Data n° 254537
Extrait : « Que s'agissant d'une assurance de personne, et donc d'une créance contractuelle comme résultant d'un contrat conclu entre professionnels et non-professionnels, il convient de relever que cette clause ainsi libellée, en soumettant l'exécution de l'obligation de l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI, à sa seule volonté pour prévoir que le règlement n'interviendra que dans un délai de douze mois à compter de la réception d'une « preuve satisfaisante » de l'état d'invalidité absolue définitive de l'assuré, lui permet assurément de conserver ainsi la parfaite maîtrise de l'exécution de son obligation à l'égard de Monsieur X., profane, comme n'intervenant nullement dans ce secteur d'activités à titre professionnel, ceci constituant à l'évidence an déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties rendant manifestement abusive ladite clause 12 b au sens des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et du paragraphe 1 c de son Annexe ; Que dès lors, il échet de faire pleinement droit à la demande de Monsieur X. et de réputer non-écrite une telle clause prévoyant, nonobstant un engagement ferme du consommateur d'avoir à régler régulièrement ses cotisations, une exécution de prestations de la part de l'assureur professionnel clairement assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ».
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
QUINZIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 02/11302. Arrêt n° 483. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Tribunal de Grande instance de MARSEILLE en date du 23 Janvier 2002 enregistré au répertoire général sous le 02/12.
APPELANTE :
AGIPI (ASSOCIATION GÉNÉRALE INTERPROFESSIONNELLE DE PRÉVOYANCE ET D'INVESTISSEMENT),
dont le siège social est [adresse], représentée par la SCP BOISSONNET - ROUSSEAU, avoués à la Cour, assistée par Maître Jean-Bernard MONTIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le […] à […], demeurant [adresse], représenté par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour, assisté par Maître Alain XOUAL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Maître Karine LAIGNEL, avocat au barreau de MARSEILLE
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 2 juin 2004, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François CAMINADE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Louis DURAND, Président, Monsieur Jean-François CAMINADE, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller.
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement le 14 octobre 2004 par M. Jean-François CAMINADE, Conseiller, Signé par Monsieur Jean-François CAMINADE, Conseiller en remplacement du Président empêché et Melle Patricia POGGI, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par déclaration régulièrement enrôlée au greffe de la Cour, l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI, a interjeté appel de l'ordonnance de référé rendue le 23 janvier 2002 dans une instance l'opposant à Monsieur X. par le Président du Tribunal de grande instance de MARSEILLE, lequel l'a condamnée à lui payer la somme de 70.431,45 euros, outre les intérêts au taux légal et ce avec anatocisme à compter du 14 septembre 2000, ainsi que celle de 600 euros en application de l'article 700 du NCPC ;
Par dernières écritures au fond dites rectificatives et récapitulatives signifiées et déposées le 4 février 2004, l'appelante, l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI, a conclu, sur appel limité au point de départ des intérêts légaux de la condamnation contenue dans l'ordonnance du 23 janvier 2002, à ce que son appel soit déclaré recevable et, statuant à nouveau de ce chef, à ce qu'il soit dit et jugé que conformément à l'article 12 b du contrat liant les parties le capital n'aurait dû être réglé que le 5 décembre 2002 et à ce que Monsieur X. soit condamné à lui restituer les sommes encaissées du chef des intérêts et de l'anatocisme sur le commandement du 8 avril 2002 de Maître Y., huissier de justice à [ville],
L'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI, fait valoir que, selon l'article 12 b du contrat liant les parties, il est prévu que le règlement des sommes prévues intervient au terme d'un délai de consolidation de 12 mois décompté de la date de réception de l'AGIPI de la preuve satisfaisante de l'invalidité absolue et définitive si celle-ci résulte de maladie et que tel est bien le cas de l'espèce car pour prendre position elle devait nécessairement avoir connaissance de la lettre non transmise aux parties du professeur GASTAUT en date du 5 juillet mais versée aux débats le 4 décembre 2001 et qu'en conséquence elle disposait d'un délai de douze mois à compter de cette date pour effectuer le règlement et n'avoir à régler que le 4 décembre 2002 ;
L'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI, demande donc que l'ordonnance déférée soit réformée seulement en ce qu'elle a dit et jugé que la somme de 70.431,45 € représentant le capital invalidité absolue et définitive devait être réglé au taux légal et avec anatocisme à compter du 14 septembre 2000 au lieu du 5 décembre 2002 avec condamnation de Monsieur X. au remboursement du montant de ces intérêts de droit et des sommes réglées par anatocisme sur le commandement effectué par Maître Y., huissier de justice ;
Par dernières écritures au fond dites récapitulatives déposées et signifiées le 21 avril 2004, l'intimé, Monsieur X., conclut, au principal, au rejet des prétentions de l'AGIPI et à la confirmation de la décision rendue au visa des articles 1153, 1154 et 1134 alinéa 3 du Code civil et L. 132-1 du Code de la consommation et, subsidiairement, à ce que la clause contractuelle litigieuse soit déclarée non-écrite et qu'en conséquence la date à retenir en application de l'article 1153 du Code civil est celle du 14 décembre 2000 comme point de départ [minute page 4] des intérêts moratoires et à ce que la capitalisation des intérêts qui sont dus depuis plus d'un an doit être ordonnée en application de l'article 1154 du Code civil et à ce qu'en tout état de cause l'appelante soit condamnée à lui payer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du NCPC ;
Monsieur X. fait valoir à titre principal la juste application par le premier juge de l'article 1153 du Code civil suite à la sommation délivrée d'avoir à payer sans méconnaissance des termes de la clause 12 b du contrat dont le caractère abusif est soulevé à titre subsidiaire pour soumettre l'appréciation de la date du versement du capital à la seule volonté de l'AGIPI en violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation et du paragraphe 1 c) de l'annexe et devant être réputée comme telle non-écrite ;
Plus subsidiairement encore, Monsieur X. fait valoir que dans l'hypothèse où cette clause serait reconnue comme valable, l'AGIPI a fait preuve d'une telle particulière mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations contractuelles pour avoir été parfaitement informée de la gravité réelle de son état de santé en n'ayant cesse de contester chacune des obligations contractuelles en méconnaissance flagrante de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil qu'il est en droit de solliciter l'application des dispositions de l'article 1154 dudit code par l'octroi de la capitalisation des intérêts échus, ceux-ci étant dus depuis plus d'une année ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En la forme :
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée et rien au dossier ne conduit la Cour à le faire d'office ;
Attendu que l'appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable ;
Au fond :
Attendu qu'il résulte des pièces et documents régulièrement produits aux débats que Monsieur X., aux droits d'un contrat d'assurance souscrit auprès de l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI, lui garantissant notamment le bénéfice d'un capital en cas d'invalidité absolue et définitive, en sollicite l'application par le paiement du capital garanti de 70.431,45 €, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2000, date du refus de son versement opposé par l'AGIPI ;
Attendu que sur l'appel limité par l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI à la disposition de l'ordonnance de référé critiquée [minute page 5] concernant seulement le point de départ de ces intérêts, force est de constater qu'aux termes de l'article 12 b du contrat d'assurance intitulé « Règlement » il est expressément prévu que : « Le règlement anticipé des sommes prévues intervient immédiatement après consolidation de l'IAD, si celle-ci résulte d'accident au terme d'un délai de consolidation de 12 mois décompté de la date de réception par l'AGIPI de la preuve satisfaisante de l'IAD si celle-ci résulte de maladie ; ce délai est porté à trois ans en cas d'aliénation mentale de l'Assuré » [N.B. la ponctuation est conforme à la minute originale] ;
Que s'agissant d'une assurance de personne, et donc d'une créance contractuelle comme résultant d'un contrat conclu entre professionnels et non-professionnels, il convient de relever que cette clause ainsi libellée, en soumettant l'exécution de l'obligation de l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI, à sa seule volonté pour prévoir que le règlement n'interviendra que dans un délai de douze mois à compter de la réception d'une « preuve satisfaisante » de l'état d'invalidité absolue définitive de l'assuré, lui permet assurément de conserver ainsi la parfaite maîtrise de l'exécution de son obligation à l'égard de Monsieur X., profane, comme n'intervenant nullement dans ce secteur d'activités à titre professionnel, ceci constituant à l'évidence un déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties rendant manifestement abusive ladite clause 12 b au sens des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et du paragraphe 1 c de son Annexe ;
Que dès lors, il échet de faire pleinement droit à la demande de Monsieur X. et de réputer non-écrite une telle clause prévoyant, nonobstant un engagement ferme du consommateur d'avoir à régler régulièrement ses cotisations, une exécution de prestations de la part de l'assureur professionnel clairement assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;
Attendu que c'est donc à bon droit que le premier juge a, par des motifs pertinents en droit et conformes aux faits de la cause que la Cour adopte expressément, pleinement accueilli la demande de Monsieur X., répondant ainsi exactement aux moyens respectifs avancés par les partie, en condamnant l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI, à lui payer la somme de 70.431,45 €, avec intérêts au taux légal et anatocisme à compter du 14 septembre 2000 par stricte application des dispositions de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil, date du refus du versement du capital par l'AGIPI suite à une lettre missive dont il ressort une interpellation suffisante valant acte équivalent à une sommation de payer ;
Attendu que l'appel de l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI n'est pas fondé et doit dès lors être rejeté ; Que la décision déférée sera en conséquence confirmée en son intégralité ;
Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
Attendu qu'il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge exclusive de la partie intimée en la personne de Monsieur X. les frais irrépétibles qu'elle a nécessairement dû engager en cause d'appel ; Qu'il lui sera donc alloué, de ce chef, la somme de 1.200 euros ;
[minute page 6] Attendu que la partie appelante qui succombe doit supporter la charge des dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
VU les dispositions des articles 1134 et 1153 du Code civil et L. 132-1 du Code de la consommation ;
REÇOIT en la forme l'appel ;
RÉPUTE non-écrite la clause contractuelle litigieuse 12 b ;
DÉBOUTE l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI, de son appel mal fondé, ainsi que de tous ses chefs de demandes, fins et conclusions tout autant infondés ;
CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT, CONDAMNE l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI à payer à Monsieur X. la somme de 1.200 € (mille deux cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE l'appelante succombante, l'Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement, dite AGIPI , aux entiers dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec distraction au profit de la SCP d'avoués TOUBOUL - DE SAINT FERREOL, sur son affirmation de droit.
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
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- 6368 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Preuves et expertise