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CA RIOM (3e ch. civ. et com.), 24 janvier 2018

Nature : Décision
Titre : CA RIOM (3e ch. civ. et com.), 24 janvier 2018
Pays : France
Juridiction : Riom (CA), 3e ch. civ. et com.
Demande : 17/00639
Date : 24/01/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/03/2017
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2018-001620
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7402

CA RIOM (3e ch. civ. et com.), 24 janvier 2018 : RG n° 17/00639 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « L'article 125 du code de procédure civile prescrit au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. Tel est le cas de la forclusion prévue par l'article L. 311-37 du code de la consommation. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 141-4 du code de la consommation, issu de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, applicable au litige, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

Il résulte de l'application combinée de l'article L. 311-37 du code de la consommation et de l'article 125 du code de procédure civile que si les actions engagées devant le tribunal d'instance doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion, ce délai constitue une fin de non-recevoir devant être soulevée d'office par le juge du fond dès lors que celle-ci résulte des faits litigieux par lui constatés (Cass. civ. 1, du 13 décembre 2012 : n°11-25318).

En l'espèce, la forclusion soulevée d'office par le juge résultait des faits litigieux constatés par lui à l'occasion de l'examen qui lui incombait des pièces produites au soutien de sa demande par la SA BANQUE DU GROUPE CASINO et des moyens de droit dont elle a fait état dans son assignation du [8] avril 2015. Par suite, le fait que Mme X. ait été défaillante à l'instance n'empêchait pas le juge de soulever d'office cette fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action engagée par la société de crédit. »

2/ « L'argumentation de la SA BANQUE DU GROUPE CASINO selon laquelle le « découvert utile », fixé à 6.097 euros dans l'avenant précité représente la fraction immédiatement disponible utilisée par l'emprunteur d'un crédit de 15.000 euros, consenti intégralement dès la signature du contrat, revient à éluder les dispositions protectrices du code de la consommation relatives aux modalités de l'offre de crédit et au jeu de la forclusion. […]

La clause de l'article 4 des conditions générales du crédit du 2 mars 1999, non modifié par l'avenant du 27 décembre 2004, dont se prévaut la SA BANQUE DU GROUPE CASINO crée un avantage excessif au profit du prêteur en ce qu'il lui permet d'augmenter le montant du crédit en se dispensant d'émettre une nouvelle offre contenant des informations obligatoires imposées par la loi et en privant l'emprunteur de son droit de rétractation. Insérée dans un contrat d'adhésion dont le contenu ne pouvait être discuté par l'emprunteur, elle est le résultat d'un abus de puissance économique du prêteur dont le poids économique ne pouvait être contrebalancé par une personne physique. C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que cette clause devait être réputée non écrite. »

 

COUR D’APPEL DE RIOM

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 24 JANVIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

 

R.G. n° 17/00639. Sur APPEL d'une décision rendue le 7 octobre 2015 par le Tribunal d'instance du PUY-EN-VELAY (R.G. n° 11-15-133).

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : M. François RIFFAUD, Président, M. François KHEITMI, Conseiller, M. Sébastien TALENTI, Conseiller, En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé.

 

ENTRE :

APPELANTE :

BANQUE DU GROUPE CASINO

SA immatriculée au RCS de PARIS sous le n° XXX, Représentants : Maître Laurie F., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE (plaidant)

 

ET :

INTIMÉE :

Mme X.

Non représentée - assignée à l'étude le 9 mai 2017

 

DÉBATS : Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 16 novembre 2017, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Monsieur TALENTI, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRÊT : Prononcé publiquement le 24 janvier 2018 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. François RIFFAUD, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par un acte sous-seing privé en date du 2 mars 1999, la société COFINOGA FINANCES, devenue BANQUE DU GROUPE CASINO selon traité d'apport du 22 mars 2001, a consenti à Mme X. un crédit renouvelable utilisable par fractions pour un montant maximum de 40.000 Francs (soit 6.097,96 euros) avec un TEG de 14,33 %. Par un avenant en date du 27 décembre 2004, les parties ont convenu de porter le montant maximum du découvert autorisé à la somme de 15.000 euros avec une fraction de découvert disponible de 6.097 euros assorti d'un TEG de 18,29 % à 16,20 % l'an en fonction du montant de l'encours en compte.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 septembre 2014, la SA BANQUE DU GROUPE CASINO a prononcé la déchéance du terme du contrat et l'exigibilité immédiate des sommes dues suite à un incident de paiement non régularisé en dépit d'une mise en demeure du mois d'octobre 2013 et a mis en demeure Mme X. de lui payer la somme de 13.585,80 euros, arrêtée à la date du 24 septembre 2014 dont 11.648,66 euros au titre du capital restant dû et échéances de retard.

Par acte d'huissier de justice en date du 8 avril 2015, la SA BANQUE DU GROUPE CASINO a assigné Mme X. devant le tribunal d'instance du Puy-en-Velay afin de la voir condamner au paiement de la somme de 14.023,60 euros, arrêtée au 18 février 2015, au titre du crédit renouvelable précité, outre intérêts au taux contractuel de 9,332 % à compter de la mise en demeure, avec exécution provisoire, et à la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 7 octobre 2015, le tribunal d'instance du Puy-en-Velay a constaté la forclusion de l'action de la SA COFINOGA s'agissant des sommes prêtées au titre du contrat signé le 2 mars 1999 et au titre de l'avenant du 27 décembre 2004 et a mis les dépens à la charge de la SA COFINOGA.

Par déclaration électronique reçue au greffe de la cour le 16 mars 2017, la SA BANQUE DU GROUPE CASINO a interjeté appel de ce jugement.

Par des conclusions déposées au greffe le 9 juin 2017 elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de Mme X. au paiement de la somme de 14.023,60 euros, arrêtée au 18 février 2015, au titre du crédit renouvelable précité, outre intérêts au taux contractuel de 9,332 % à compter de la mise en demeure, et à la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que le premier juge ne pouvait soulever d'office le moyen tiré de la forclusion de son action au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle seule la partie intéressée peut invoquer et prouver ce moyen. Ensuite, elle soutient, au regard des dispositions contractuelles applicables et de jurisprudences qu'elle cite, qu'il n'était pas nécessaire de faire souscrire une nouvelle offre pour les utilisations au-delà de la première fraction utilisée.

Par acte d'huissier de justice du 19 juin 2017, la SA BANQUE DU GROUPE CASINO a assigné Mme X. devant la cour lui faisant délivrer copie de sa déclaration d'appel, de ses conclusions et de ses pièces. L'huissier instrumentaire a établi un procès-verbal de recherches sur le fondement de l'article 659 du code de procédure civile.

Il convient de se référer aux conclusions du 9 juin 2017 pour un plus ample exposé des moyens de l'appelante.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 octobre 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'erreur matérielle portant sur le dispositif du jugement du 7 octobre 2015 :

Il est constant que l'action a été exercée par la SA BANQUE DU GROUPE CASINO, venant aux droits de la SA COFINOGA, de sorte que c'est par erreur que le premier juge a visé dans son dispositif cette dernière société en déclarant forclose son action et en la condamnant aux dépens. Il y aura lieu en conséquence, en cas de confirmation de la décision, de procéder à la rectification de cette erreur matérielle en application de l'article 462 du code de procédure civile.

 

Sur le moyen soulevé d'office :

La SA BANQUE DU GROUPE CASINO soutient que c'est à tort que le tribunal a soulevé d'office le moyen de droit tiré de l'application de l'article L. 311-37 du code de la consommation pour déclarer son action forclose alors que cette forclusion ne peut être opposée qu'à la demande de la partie intéressée et qu'en l'espèce Mme X., qui n'était ni comparante ni représentée en première instance, n'a pu invoquer ni démontrer l'existence de la forclusion de son action en paiement.

L'article 125 du code de procédure civile prescrit au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. Tel est le cas de la forclusion prévue par l'article L. 311-37 du code de la consommation.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 141-4 du code de la consommation, issu de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, applicable au litige, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

Il résulte de l'application combinée de l'article L. 311-37 du code de la consommation et de l'article 125 du code de procédure civile que si les actions engagées devant le tribunal d'instance doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion, ce délai constitue une fin de non-recevoir devant être soulevée d'office par le juge du fond dès lors que celle-ci résulte des faits litigieux par lui constatés (Cass. civ. 1, du 13 décembre 2012 : n°11-25318).

En l'espèce, la forclusion soulevée d'office par le juge résultait des faits litigieux constatés par lui à l'occasion de l'examen qui lui incombait des pièces produites au soutien de sa demande par la SA BANQUE DU GROUPE CASINO et des moyens de droit dont elle a fait état dans son assignation du [8] avril 2015. Par suite, le fait que Mme X. ait été défaillante à l'instance n'empêchait pas le juge de soulever d'office cette fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action engagée par la société de crédit.

 

Sur la forclusion :

La SA BANQUE DU GROUPE CASINO soutient que son action n'était pas forclose car le découvert maximum autorisé était, selon l'avenant du 27 décembre 2004, de 15.000 euros et non pas de 6.097 euros qui était la première fraction utilisée par l'emprunteur, le montant maximum du crédit n'ayant jamais été dépassé avant qu'elle résilie le contrat de prêt.

L'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit que les actions engagées devant le tribunal d'instance doivent être formées dans le délai de deux ans suivant l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.

Il est constant que lorsque le litige a pour cause la défaillance de l'emprunteur, le point de départ du délai biennal de forclusion de l'action en paiement est le premier incident de paiement non régularisé. De même, lorsqu'un crédit est accordé dans les limites d'un plafond déterminé, le délai biennal de forclusion court à compter du moment où le montant du découvert convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur.

L'argumentation de la SA BANQUE DU GROUPE CASINO selon laquelle le « découvert utile », fixé à 6.097 euros dans l'avenant précité représente la fraction immédiatement disponible utilisée par l'emprunteur d'un crédit de 15.000 euros, consenti intégralement dès la signature du contrat, revient à éluder les dispositions protectrices du code de la consommation relatives aux modalités de l'offre de crédit et au jeu de la forclusion.

Il ressort de l'historique du compte permanent de Mme X. que le montant du découvert a été dépassé le 29 mars 2006 et n'a jamais été restauré par la suite.

En l'absence d'un avenant augmentant dans des conditions régulières le montant du découvert de 6.097 euros, initialement autorisé, le dépassement de ce découvert survenu le 29 mars 2006 et jamais restauré doit être considéré comme constituant un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur.

L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que sont abusives et réputées non écrites les clauses insérées dans un contrat liant un professionnel à un non-professionnel ou consommateur conférant à celui qui l'a imposée un abus de sa puissance économique, un avantage excessif.

La clause de l'article 4 des conditions générales du crédit du 2 mars 1999, non modifié par l'avenant du 27 décembre 2004, dont se prévaut la SA BANQUE DU GROUPE CASINO crée un avantage excessif au profit du prêteur en ce qu'il lui permet d'augmenter le montant du crédit en se dispensant d'émettre une nouvelle offre contenant des informations obligatoires imposées par la loi et en privant l'emprunteur de son droit de rétractation. Insérée dans un contrat d'adhésion dont le contenu ne pouvait être discuté par l'emprunteur, elle est le résultat d'un abus de puissance économique du prêteur dont le poids économique ne pouvait être contrebalancé par une personne physique.

C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que cette clause devait être réputée non écrite.

Il y a lieu de constater que plus de deux ans se sont écoulés entre le 29 mars 2006 et l'assignation du 8 avril 2015, l'action en paiement est donc forclose et irrecevable.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions sauf à ce qu'il soit procédé à la rectification de l'erreur matérielle susvisée.

La SA BANQUE DU GROUPE CASINO, qui succombe en son recours, supportera les dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt par défaut et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction,

Confirme le jugement prononcé le 7 octobre 2015 par le tribunal d'instance du Puy-en-Velay dans toutes ses dispositions sauf à préciser, en application de l'article 462 du code de procédure civile, que l'action visée par le dispositif du jugement est celle qui a été engagée par la SA BANQUE DU GROUPE CASINO et que la condamnation aux dépens de la première instance vise la SA BANQUE DU GROUPE CASINO.

Condamne la SA BANQUE DU GROUPE CASINO aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier                             Le président