CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 26 mars 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7487
CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 26 mars 2018 : RG n° 16/05964 ; arrêt n° 18/0216
Publication : Jurica
Extrait : « Mme X. ne peut soutenir que la clause délimitant la garantie vol est abusive, dans la mesure où l'assureur est en droit de se protéger contre tout abus de la part des assurés, de vérifier que le vol est réel et n'est pas dû à la négligence de l'assuré. La rédaction d'une telle clause n'a pas pour effet de vider le contrat d'assurance de sa substance dans la mesure où les vols commis par effraction sont encore largement plus fréquents que les vols commis selon d'autres méthodes. Elle n'a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits des parties, dans la mesure où elle est claire et connue de l'assurée au moment de la souscription de l'assurance et se justifie au regard de l'économie générale du contrat, dès lors que le montant de la cotisation d'assurance est fixé par l'assureur en fonction de l'évaluation du risque, dont dépend notamment la définition du vol garanti. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 26 MARS 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 3 A 16/05964. Arrêt n° 18/0216. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2016 par le Tribunal d'Instance de COLMAR.
APPELANTE :
SA BPCE ASSURANCES
ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Claus W., avocat à la cour
INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE :
Madame X.
Représentée par Maître Sacha R., avocat au barreau de COLMAR (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2017/X du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme MARTINO, Présidente de chambre, Mme FABREGUETTES, Conseiller, M. RUER, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme FLEURET-MOURLEVAT
ARRÊT : - contradictoire, - prononcé publiquement après prorogation du 12 mars 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Annie MARTINO, présidente et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme X. a acheté un véhicule Nissan X Trail le 21 octobre 2014.
Ce véhicule a été assuré auprès de la société SA BPCE Assurances.
Mme X. a effectué une déclaration de sinistre à son assureur, datée du 11 janvier 2014, en réalité 2015, faisant valoir que son véhicule, dépourvu de plaque minéralogique et garé sur le parking des établissements S. à [ville T.], aurait été volé pendant les vacances de Noël en son absence, ce dont elle se serait rendu compte à son retour de congé le 27 décembre 2014.
Le véhicule a été découvert par les gendarmes sur la commune [ville I.].
Une expertise amiable contradictoire a été organisée par l'assureur, qui a confié les opérations au cabinet ECCE.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 février 2015, la Sa BPCE a informé Mme X. et de son refus de prise en charge du sinistre, au motif qu'aucune infraction sur les organes de direction n'a été constatée et que les conditions générales du contrat d'assurance prévoient que seuls les vols ou tentatives de vol consécutifs à une effraction du véhicule et des organes de direction sont couverts.
Le 25 novembre 2015, Mme X. a assigné la SA BPCE devant le tribunal d'instance de Colmar, aux fins de voir dire que la clause contractuelle réduisant les moyens de preuve de l'effraction est abusive, de dire que la garantie de l'assureur est acquise au titre du vol perpétré le 27 décembre 2014 et de voir condamner la défenderesse lui payer la somme totale de 9.801,42 euros tous postes de préjudices confondus. Elle a sollicité à titre subsidiaire que soit ordonnée une mesure d'expertise judiciaire du véhicule.
La SA BPCE a résisté à la demande, faisant valoir que Mme X. n'a pas fait suite à sa proposition de mandater son propre expert pour procéder à une nouvelle expertise et que selon les conclusions du rapport d'expertise, la réalité du vol allégué n'est pas démontrée.
Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal d'instance de Colmar a :
- rejeté les demandes subsidiaires des parties tendant à organiser une expertise judiciaire,
- dit que la clause contractuelle réduisant les moyens de preuve de l'effraction est abusive,
- déclaré la demande de garantie concernant le véhicule de type Nissan X Trail appartenant à Mme X. recevable et bien-fondé,
- condamné la Sa BPCE Assurances à verser à Mme X. à la somme totale de 5.801,42 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- débouté Mme X. de ses demandes d'indemnisation du préjudice de jouissance et de dommages-intérêts pour résistance abusive et préjudice moral,
- débouté Mme X. de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la Sa BPCE Assurances de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sa BPCE Assurances aux entiers dépens.
La Sa BPCE Assurances a interjeté appel de cette décision le 20 décembre 2016.
Par dernières écritures transmises par voie électronique le 9 mai 2017, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande la cour de :
A titre principal,
- débouter Mme X. de l'ensemble de ses prétentions, fins et moyens,
A titre subsidiaire,
- ordonner une expertise judiciaire du véhicule Nissan X Trail version E/ numéro XX numéro d'identification JNI TENT YY et commettre tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :
- convoquer les parties et les entendre en leurs explications,
- se rendre au lieu où le véhicule Nissan X Trail version E/ numéro E/ XX, numéro d'identification JNI TENT YY est immobilisé,
- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles pour l'accomplissement de sa mission,
- déterminer si le véhicule version E/ numéro E/ XX, numéro d'identification JNI TENT YY a fait l'objet d'une effraction,
- déterminer si les organes de direction du véhicule ont fait l'objet d'une effraction,
- déterminer si les explications de Mme X. quant au vol avec effraction qu'elle allègue sont compatibles avec les constatations relevées sur le véhicule et avec les documents remit à l'expert,
- ordonner à Mme X. de remettre à l'expert désigné par la cour la seconde clef du véhicule Nissan X Trail version E/ numéro E/ XX, numéro d'identification JNI TENT YY, afin qu'il soit procédé à une lecture de cette clef, aux besoins sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de l'arrêt avant dire droit à intervenir,
- fixer la provision à consigner, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par l'arrêt avant dire droit intervenir,
- autoriser l'expert à s'adjoindre tout sapiteur qu'il jugera utile,
- inviter l'expert à déposer son rapport dans les trois mois de sa saisine,
- condamner Mme X. à supporter l'intégralité des frais d'expertise,
En tout état de cause,
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme X. à supporter les entiers frais et dépens nés de la procédure de première instance et d'appel.
Elle maintient qu'il a été constaté par expertise qu'aucune trace d'effraction n'a été relevée sur les organes de direction du véhicule permettant sa conduite, alors qu'il a été retrouvé sur la commune [ville I.], située à plusieurs kilomètres de [ville T.] ; que l'expert a conclu que le véhicule avait été déplacé avec une clé ; que Mme X. n'a jamais soutenu que la clé permettant le démarrage de la voiture lui aurait été dérobée ; que d'autres éléments relevés par l'expert rendent improbable le déroulement des faits tels que décrits par Mme X. ; qu'elle était en conséquence fondée à estimer que sa garantie au titre du vol n'était pas acquise.
Elle fait valoir que la clause du contrat d'assurance selon laquelle la garantie au titre du vol n'est acquise qu'en cas d'effractions du véhicule et des organes de direction n'est pas abusive ; qu'elle constitue au contraire une condition de garantie parfaitement valable dont la preuve incombe à l'assuré et qui ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits des parties ; qu'elle est justifiée au regard de l'économie générale du contrat et du montant de la cotisation d'assurance.
Subsidiairement, elle fait valoir qu'elle n'est pas opposée à l'organisation d'une expertise judiciaire du véhicule, aux frais de l'intimée.
Par écritures transmises par voie électronique le 9 mai 2017, Mme X. a conclu au rejet de l'appel principal et a formé appel incident pour voir :
- condamner l'appelante à lui payer la somme de 2.000 euros au titre du préjudice de jouissance et de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et pour préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, subsidiairement à compter de l'arrêt à intervenir,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- condamner l'appelante aux entiers frais et dépens ainsi qu'au paiement d'un montant de 2.000 euros au titre de l'article 700-2° du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- ordonner une mesure d'expertise judiciaire du véhicule,
- dispenser Mme X. de toute consignation, compte tenu du bénéfice de l'aide juridictionnelle, selon décision rendue par le bureau de juridictionnelle de Colmar en date du 10 janvier 2017.
Elle fait valoir que les conclusions de l'expert mandaté par l'assureur ne peuvent être retenues ; qu'en effet, l'auteur du vol a très bien pu conduire le véhicule malgré la présence de débris de verre sur le siège conducteur ; que des dégradations ont été commises par les voleurs à l'intérieur du véhicule ; qu'elle n'a pas été victime d'un vol d'un des jeux de clef du véhicule, qui n'a pas été démarré à l'aide d'une de ses clefs.
Elle affirme que l'assureur ne peut se prévaloir de la clause des conditions générales prévoyant que seuls les vols et tentatives de vol consécutifs à une effraction du véhicule et des organes de direction sont couverts, dans la mesure où cette clause est abusive au regard des dispositions des articles R. 132-2 et L. 132-1 du code de la consommation ; que les éléments produits montrent que le véhicule a incontestablement fait l'objet d'un vol et que la garantie de la compagnie d'assurance est due.
Elle critique le jugement déféré en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre du préjudice de jouissance et d'un préjudice moral, alors que la privation de jouissance du véhicule mérite réparation et que la résistance abusive de l'assureur a généré pour elle un préjudice moral dès lors que sa bonne foi a été remise en question.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 septembre 2017 ;
En vertu des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
La délimitation du risque couvert en matière d'assurance de dommages est laissée à la liberté contractuelle.
Il est constant en l'espèce que les conditions générales du contrat d'assurance liant les parties prévoient que seuls les vols ou tentatives de vol consécutifs à une effraction du véhicule et des organes de direction sont couverts.
Cette clause qui définit le vol garanti est une clause qui, formulant des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée, institue les conditions de celle-ci, et non une exclusion de garantie.
La preuve de l'existence du sinistre, objet du contrat, du fait que les circonstances et les conséquences rentrent dans le champ de la garantie et, le cas échéant, que la ou les conditions de cette garantie sont réunies, incombe en conséquence à l'assurée.
Il ressort d'un procès-verbal de constat établi le 30 janvier 2015 par Maître G., huissier de justice que la vitre avant gauche du véhicule Nissan X Trail est brisée ; que le siège conducteur est recouvert de verre brisé ; que le barillet avant gauche est forcé ; que la colonne de direction est bloquée et qu'aucune trace d'effraction n'est visible ; que la clé remise par la propriétaire du véhicule permet de déverrouiller la colonne ; qu'il n'y a aucune trace d'effractions au niveau de l'antivol ; que le cache sous le volant ainsi que le cache de la boîte à gants sont cassés.
Le rapport d'expertise amiable contradictoire établi à la demande de l'assureur confirme qu'il y a une effraction par bris de la glace avant gauche, que le barillet avant gauche est forcé et que l'autoradio et la boîte à gants sont endommagés ; qu'en revanche, la colonne de direction est verrouillée, que l'antivol de direction est visuellement intact et que le faisceau électrique n'est pas dénudé ni torsadé.
L'expert estime que les bris de verre présents sur le siège du siège avant gauche rendent impossible de conduire le véhicule, de sorte qu'à son avis, le bris de glace avant gauche a été fait après le déplacement du véhicule.
Il relève également que les faits constatés sur le véhicule ne permettent pas la mise en route de la voiture et que le véhicule a été déplacé avec une clé.
En présence de ces pièces établies contradictoirement, rapportant clairement les conditions dans lesquelles le véhicule a été retrouvé et les dommages qu'il présentait, l'instauration d'une expertise judiciaire est inutile.
Il est ainsi établi que les conditions cumulatives de garantie telle que définie au contrat d'assurance ne sont pas réunies, puisqu'il n'existe en l'espèce pas d'effraction simultanée du véhicule et des organes de direction.
Mme X. ne peut soutenir que la clause délimitant la garantie vol est abusive, dans la mesure où l'assureur est en droit de se protéger contre tout abus de la part des assurés, de vérifier que le vol est réel et n'est pas dû à la négligence de l'assuré.
La rédaction d'une telle clause n'a pas pour effet de vider le contrat d'assurance de sa substance dans la mesure où les vols commis par effraction sont encore largement plus fréquents que les vols commis selon d'autres méthodes.
Elle n'a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits des parties, dans la mesure où elle est claire et connue de l'assurée au moment de la souscription de l'assurance et se justifie au regard de l'économie générale du contrat, dès lors que le montant de la cotisation d'assurance est fixé par l'assureur en fonction de l'évaluation du risque, dont dépend notamment la définition du vol garanti.
L'intimée n'explique au surplus pas les conclusions de l'expert selon lesquelles la conduite du véhicule après le bris de la fenêtre avant gauche est impossible compte tenu de la présence de nombreux débris de verre sur le siège conducteur, alors que ledit véhicule a été retrouvé à plusieurs kilomètres du lieu où elle l'avait stationné.
L'intimée ne rapporte dès lors pas la preuve que les conditions de la garantie, prévues par une clause licite et claire du contrat d'assurance, sont réunies.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a fait droit partiellement aux demandes de Mme X. et la cour statuant à nouveau, l'intimée sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmés.
Partie perdante, Mme X. sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera en revanche fait droit la demande formée par l'appelante au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits et qui seront compensés à hauteur de la somme de 800 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant contradictoirement, après débats publics,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE Mme X. de ses demandes,
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme X. à payer à la Sa BPCE Assurances la somme de 800 euros (huit cents euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente de chambre
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