CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA VERSAILLES (14e ch.), 5 avril 2018

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (14e ch.), 5 avril 2018
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 14e ch.
Demande : 17/05570
Date : 5/04/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/07/2017
Décision antérieure : CA VERSAILLES (12e ch.), 14 janvier 2021
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 7511

CA VERSAILLES (14e ch.), 5 avril 2018 : RG n° 17/05570 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Alors qu'il n'est pas discuté que la société M. est recevable en son appel, la cour relève que les contestations qu'elle invoque tenant aux manquements de la société Forcera à ses obligations de moyens, de bonne foi et d'information ne peuvent être qualifiées de prétentions nouvelles, car il s'agit de moyens développés pour s'opposer à la demande en paiement de la partie adverse et qu'en tout état de cause ne sauraient être considérées comme nouvelles les demandes en appel d'une partie qui n'a ni comparu ni été représentée en première instance. »

2/ « Certes l'article liminaire du code de la consommation issu de la loi du 21 février 2017 définit le non professionnel comme étant « toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles » et le professionnel comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ». Pour autant l'article L. 121-16-1 du code de la consommation issu de la loi du 17 mars 2014 étend les règles applicables aux relations entre consommateurs et professionnels et notamment le délai de rétractation prévu à l'article L. 121-21, aux contrats conclus entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq, ce qui est le cas en l'espèce, la société M. étant une entreprise de maçonnerie générale et d'étanchéité.

Il s'ensuit que la contestation soulevée par la société M. tenant à l'exercice de sa faculté de rétractation matérialisée par son courrier du 28 mars 2017 revêt un caractère sérieux qui rend l'obligation au paiement des honoraires du contrat du 21 mars 2017 de la société Forcera contestable, ne permettant pas dès lors de faire droit à ses demandes en paiement. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

QUATORZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 5 AVRIL 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G n° 17/05570. Code nac : 59B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 5 juillet 2017 par le tribunal de commerce de VERSAILLES : R.G. n° 2017R00142.

LE CINQ AVRIL DEUX MILLE DIX HUIT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

EURL M.

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Michèle D.-L. de la SCP D.-L. MICHELE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 519 - N° du dossier M., assistée de Maître Euria T., avocat au barreau d' ALES

 

INTIMÉE :

SASU FORCERA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, N° SIRET : YYY, Représentée par Maître Marie-Laure T., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 483, assistée de Maître Claude E., avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0043

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 février 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence SOULMAGNON, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Odette-Luce BOUVIER, président, Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller, Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon contrat de recouvrement judiciaire du 21 mars 2017, la société M. a confié à la société Forcera le recouvrement de deux de ses créances d'un montant de 16.843,48 euros et de 2.121,78 euros. Elle a signé le même jour une annexe au contrat.

Se prévalant du défaut de paiement par la société M. de la facture du 21 mars 2017 d'un montant de 4.922 euros TTC malgré une lettre de mise en demeure adressée avec avis de réception le 3 avril 2017, la société Forcera l'a fait assigner le 16 mai 2017 devant le président du tribunal de commerce de Versailles statuant en référé en paiement de cette facture et des indemnités contractuelles de retard.

La société M. n'a pas comparu à l'audience et n'y était pas représentée.

Par ordonnance réputée contradictoire du 5 juillet 2017, le juge des référés a condamné la société M. à payer à la société Forcera la somme de 4.992 euros à titre provisionnel et celle de 998,40 euros au titre de l'indemnité contractuelle, la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

L'Eurl M. a interjeté appel de la décision le 19 juillet 2017.

 

Par dernières conclusions reçues au greffe le 23 janvier 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société M., appelante, sollicite de la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

- « dire et juger » qu'il y a contestation sérieuse,

- « dire et juger » que la société Forcera a manqué à son obligation de bonne foi, à son obligation de moyen ainsi qu'à l'obligation d'information,

En conséquence,

- rejeter toutes les demandes de la société Forcera,

- condamner la société Forcera à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société M. soutient essentiellement :

- qu'elle est recevable en ses demandes qui ne sont pas nouvelles en cause d'appel, son avocat ayant demandé la prise en compte de ses écritures devant le juge des référés devant lequel il n'avait pas pu se déplacer,

- qu'elle a d'abord signé le 6 février 2017 un contrat de recouvrement amiable de créances qui ne prévoyait pas d'honoraires en cas d'échec, qu'elle a ensuite signé le contrat de recouvrement judiciaire le 27 mars 2017 sans s'apercevoir du montant des honoraires,

- que dès réception de la facture, elle a mis fin au contrat,

- qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion qui ne prévoit pas de clause de résiliation,

- que la société Forcera a trompé son consentement en lui faisant d'abord signer un contrat qui ne prévoyait de rémunération qu'en cas de succès, qu'elle a ainsi manqué tant à l'obligation de bonne foi qui fonde les relations contractuelles qu'à son obligation générale d'information,

- qu'elle conteste devoir les sommes réclamées alors qu'en tout état de cause elle a résilié le contrat le 28 mars 2017, s'étant rétractée dans le délai légal,

- que les dispositions du code de la consommation s'appliquent, étant une société de maçonnerie,

- qu'au surplus la société Forcera ne justifie pas de ses diligences dans le cadre du premier contrat conclu, s'étant empressée au contraire de lui faire signer un deuxième contrat,

- qu'il y a un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, en sa défaveur.

 

Par dernières conclusions reçues au greffe le 1er février 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Forcera, intimée, demande à la cour de :

- constater l'absence de la société M. en première instance,

En conséquence,

- « dire et juger » irrecevable sa demande,

- confirmer l'ordonnance entreprise,

- débouter la société M. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la société Forcera fait valoir :

- que la société M. qui était défaillante en première instance ne peut pas présenter de prétentions nouvelles en appel,

- que la société M. a signé le contrat et l'annexe du 21 mars 2017, qu'elle savait pertinemment que le contrat n'était pas gratuit puisqu'elle lui a demandé s'il était possible de la rémunérer avec le produit de sa créance,

- qu'il ne peut lui être reproché l'erreur inexcusable de la société M. qui dit n'avoir pas lu les conditions du contrat avant de signer,

- que la société M. ne remet pas en cause les clauses du contrat mais le contrat dans son intégralité, que le déséquilibre significatif ne peut porter que sur le prix du contrat,

- qu'elle ne pouvait pas résilier le contrat,

- que les dispositions du code de la consommation ne peuvent trouver à s'appliquer s'agissant de créances professionnelles de la société M..

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2018.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

 

Sur la recevabilité des demandes de la société M. :

En application de l'article 546 du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Alors qu'il n'est pas discuté que la société M. est recevable en son appel, la cour relève que les contestations qu'elle invoque tenant aux manquements de la société Forcera à ses obligations de moyens, de bonne foi et d'information ne peuvent être qualifiées de prétentions nouvelles, car il s'agit de moyens développés pour s'opposer à la demande en paiement de la partie adverse et qu'en tout état de cause ne sauraient être considérées comme nouvelles les demandes en appel d'une partie qui n'a ni comparu ni été représentée en première instance.

Il convient donc de débouter la société Forcera de cette demande non fondée et de dire recevables les demandes de la société M. ;

 

Sur le principal :

L'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce statuant en référé peut accorder une provision au créancier.

En l'espèce, la société M. produit aux débats un premier contrat de recouvrement amiable qu'elle a signé le 6 février 2017, duquel il ressort que les honoraires s'appliquent quand la société Forcera parvient à recouvrer les créances dues et qu'aucune somme ne sera facturée au client en cas d'échec du recouvrement. Par ce premier contrat, la société M. donne mission à la société Forcera de recouvrer ses créances impayées de manière amiable, sans qu'aucune précision ne soit apportée sur le montant et le débiteur des créances dues.

Dans le cadre de ce contrat, la société Forcera justifie certes avoir adressé des mises en demeure à la société Face Languedoc Roussillon et à la Sarl Medit Isolation Etanchéité et un courrier à la société M. lui indiquant que ces dernières ont refusé de procéder au paiement de leurs dettes et avoir alors transmis à la société M. un autre contrat de recouvrement de nature à fonder une action judiciaire à l'encontre des débitrices.

Aux termes de ce second contrat intitulé « contrat de recouvrement judiciaire » signé par les mêmes parties le 21 mars 2017 et qui porte expressément sur ces deux créances, la société M. donne mission à la société Forcera de diligenter une procédure judiciaire à l'encontre des débitrices précédemment dénommés et mentionne expressément le montant des honoraires dues de 3.840 euros hors taxes, avec la précision « ils sont payables au comptant, à la signature du présent mandat, sauf accord contraire », et il est indiqué in fine que « dans le cadre de recouvrement même partiel, la société Forcera facturera au client la somme de 8 % ht ( TVA en sus) sur toutes sommes recouvrées ».

La société Forcera souligne, à juste titre, qu'il résulte des courriels échangés entre les parties le 21 mars qu'à la suite de la signature dudit contrat par la société M., M. M. a demandé à la société Forcera, en raison de problèmes de trésorerie, s'il y avait la possibilité de rémunérer la société de recouvrement avec la créance ou en payant seulement un acompte (pièce 8 de la société Forcera), ce qui démontre, avec l'évidence requise en référé, la connaissance qu'avait le souscripteur du caractère onéreux de ce contrat.

Cependant, la société M. oppose le fait qu'elle a adressé le 28 mars 2017 à la société Forcera un courrier mettant fin au contrat de mandat et indiquant qu'en application de la clause 13, le mandat prendra fin à l'issue d'un préavis de huit jours. Devant la cour, elle fait état de l'utilisation de son droit à rétractation de 14 jours à compter de la conclusion du contrat, soit jusqu'au 3 avril 2017.

Si la société Forcera ne dément pas avoir reçu ce courrier du 28 mars, elle objecte que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables à la société M.

Certes l'article liminaire du code de la consommation issu de la loi du 21 février 2017 définit le non professionnel comme étant « toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles » et le professionnel comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ».

Pour autant l'article L. 121-16-1 du code de la consommation issu de la loi du 17 mars 2014 étend les règles applicables aux relations entre consommateurs et professionnels et notamment le délai de rétractation prévu à l'article L. 121-21, aux contrats conclus entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq, ce qui est le cas en l'espèce, la société M. étant une entreprise de maçonnerie générale et d'étanchéité.

Il s'ensuit que la contestation soulevée par la société M. tenant à l'exercice de sa faculté de rétractation matérialisée par son courrier du 28 mars 2017 revêt un caractère sérieux qui rend l'obligation au paiement des honoraires du contrat du 21 mars 2017 de la société Forcera contestable, ne permettant pas dès lors de faire droit à ses demandes en paiement.

En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

Il n'y a pas lieu de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société M. et de la société Forcera.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la société Forcera.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort

DIT recevables les demandes formées en appel par la société M. : et déboute en conséquence la société Forcera de son exception d'irrecevabilité ;

INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

STATUANT À NOUVEAU :

DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision de la société Forcera,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE la société Forcera aux dépens de première instance et d'appel, et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                Le président,