CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 8 mars 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7518
CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 8 mars 2018 : RG n° 16/00626
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Cependant aux termes de la convention de trésorerie établie le 30 septembre 2011, dont il n'est pas contesté qu'elle s'applique au compte n° [...] auquel elle est adossée, une autorisation de découvert a été consentie à M. X. à concurrence de la somme de 5.000 euros avec la mention de la destination suivante : « trésorerie crédits de campagne ou d'exploitation ». En outre, il n'est pas contesté que les opérations qui figurent sur les relevés de compte ont un caractère professionnel. Enfin, M. X. reconnaît lui-même, dans deux courriers adressés au Crédit Agricole les 24 juillet et 5 août 2014, qu'il s'agit d'un compte professionnel et il écrit, dans un courrier non daté reçu par le Crédit Agricole le 9 octobre 2014 « sur mon compte professionnel qui est fermé depuis 2011, je dois 3.642,99 euros ». L'ensemble de ces éléments est de nature à établir que le compte souscrit le 29 février 2008 est un compte professionnel et que l'action en paiement est soumise en conséquence au délai de prescription de droit commun et non aux dispositions du code de la consommation. »
2/ « Aux termes de l'article L. 311-9 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce antérieure à la loi du 1er juillet 2010 s'agissant d'un contrat souscrit en 2009, dans le cas d'une ouverture de crédit dont la durée est limitée à un an renouvelable, le prêteur doit indiquer, trois mois avant l'échéance, les conditions de reconduction du contrat. Il appartient à l'établissement de crédit de rapporter la preuve qu'il a informé l'emprunteur chaque année par écrit et de manière complète et explicite des conditions de reconduction du contrat. La seule mention figurant sur les relevés de compte ne saurait constituer une information suffisante sur les conditions de reconduction du contrat. La déchéance du droit aux intérêts sur les sommes prêtées en exécution du contrat reconduit est donc encourue au titre du manquement au devoir d'information annuelle, en application des dispositions de l'article L. 311-33 ancien du code de la consommation. Elle est également encourue au titre de la présence de clauses abusives prévues par le contrat au titre de la déchéance du terme prononcée par le prêteur dans l'hypothèse d'une perte totale et irréversible d'autonomie de l'emprunteur, ainsi que l'a justement relevé le premier juge. »
3/ « En l'espèce, il est constant que le Crédit Agricole ne justifie par aucune pièce versée aux débats qu'il a respecté cette obligation. La seule mention dans le contrat de crédit aux termes de laquelle « le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur et consulte le FICP » ne constitue pas une preuve de la consultation effective dudit fichier mais seulement un rappel de l'obligation légale de l'établissement de crédit à ce titre. »
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 8 MARS 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 16/00626. ORIGINE : DÉCISION en date du 26 janvier 2016 du Tribunal d'Instance de CAEN – R.G. n° 11-14-1514.
APPELANTE :
LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE
N° SIRET : XXX, prise en la personne de son représentant légal, représentée assistée de Maître Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville]
représentés et assistés de la SELARL DEJARDIN-VIGNON-B., avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme BRIAND, Président de chambre, [minute page 2] Mme HEIJMEIJER, Conseiller, Mme GOUARIN, Conseiller, rédacteur,
DÉBATS : A l'audience publique du 18 janvier 2018
GREFFIER : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 08 mars 2018 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour et signé par Mme BRIAND, président, et Madame ANCEL, greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant convention établie le 29 février 2008, M. X. a ouvert un compte individuel n° [...] et suivant convention non datée un compte individuel de dépôt n° [...] dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie.
Le 27 octobre 2009, Mme Y. épouse X. a ouvert un compte individuel de dépôt n°[...] dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie.
Suivant acte sous seing privé en date du 10 septembre 2009, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a consenti à M. X. un crédit renouvelable d'un montant de 3.000 euros remboursable en mensualités au taux nominal de 13,95% et au taux effectif global de 14,877% l'an.
Suivant acte sous seing privé en date du 14 mai 2011, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a consenti à M. et Mme X. un prêt à la consommation n° 001XX6986 d'un montant de 25.000 euros remboursable en 60 mensualités de 484,48 euros au taux d'intérêt nominal de 6,10% et au taux effectif global de 6,4501 %.
Suivant offre préalable acceptée le 15 novembre 2011, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a consenti à M. et Mme X. un prêt à la consommation n° 0016YY036 d'un montant de 16.500 euros remboursable en 120 mensualités de 162,78 euros au taux d'intérêt nominal de 3,45 % et au taux effectif global de 3,5051 % l'an.
Par courriers recommandés datés du 5 mars 2014, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a mis M. et Mme X. en demeure de régulariser les soldes débiteurs des comptes et les mensualités impayées des prêts.
Par courrier recommandé en date du 30 juillet 2014, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a mis en demeure M. X. de lui verser la somme de 42.489,16 euros au titre du solde des sommes dues.
Par courrier recommandé en date du 30 juillet 2014, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a mis en demeure Mme X. de lui verser la somme de 39.510,42 euros au titre du solde des sommes dues.
Par jugement contradictoire rendu le 26 janvier 2016, le tribunal d'instance de Caen a :
- déclaré la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie forclose et donc irrecevable en son action en paiement contre M. X. au titre du compte n° [...] ;
- débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie de ses demandes en paiement au titre des comptes n°[...] ouvert au nom de M. X., n° [...] ouvert au nom de Mme X. et du prêt n°70063XX395 souscrit par M. X. ;
- [minute page 3] débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie de ses demandes relatives à l'exécution provisoire et à l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts, de leur demande de restitution de frais bancaires et de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement M. et Mme X. à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 5.819,91 euros au titre du prêt n°001XX6986 souscrit le 14 mai 2011, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- condamné solidairement M. et Mme X. à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 11.045,67 euros au titre du prêt n°0016YY036 souscrit le 5 novembre 2011, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- autorisé M. et Mme X. à se libérer de leur dette en 24 mensualités de 400 euros la dernière étant majorée du solde restant dû ;
- dit que les mensualités seront exigibles à compter du 30ème jour suivant la signification de la décision, sous réserve de l'exigibilité immédiate de la dette en cas de défaut de paiement d'une seule échéance à son terme exact, ce qui permettra au créancier de reprendre les poursuites, après l'envoi d'une mise en demeure restée infructueuse ;
- condamné solidairement M. et Mme X. aux dépens.
Par déclaration reçue le 19 février 2016, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie a relevé appel de la décision.
Aux termes des dernières conclusions signifiées par RPVA le 20 janvier 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens de l'appelante, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie demande à la cour de
- réformer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Caen ;
- débouter les époux X. de leurs demandes ;
Statuant à nouveau
A titre principal
- condamner solidairement M. et Mme X. à lui verser la somme de 6.781,45 euros outre intérêts au taux de 6,10 % à compter du 2 janvier 2017 au titre du prêt n° 00153596986 ;
- condamner solidairement M. et Mme X. à lui verser la somme de 14.991,02 euros outre les intérêts au taux de 3,45 % à compter du 2 janvier 2017, au titre du prêt n° 0016YY036 ;
A titre subsidiaire
- si la cour devait confirmer le jugement en considérant que le Crédit Agricole n'a pas satisfait à l'obligation prévue par l'article L. 311-9 du code de la consommation et à l'obligation de consultation du FICP, ramener à de plus justes proportions la déchéance du droit aux intérêts éventuellement encourue ;
En tout état de cause
- [minute page 4] condamner M. X. à payer la somme de 2.978,75 euros outre intérêts au taux de 13,95% à compter du 2 janvier 2017, au titre du crédit n° 70063XX395 ;
- le condamner à payer la somme de 3.462,99 euros outre les intérêts au taux de 13,96 % à compter du 2 janvier 2017, au titre du compte professionnel n°[...] ;
- condamner Mme X. au paiement de la somme de 31.454,58 euros outre les intérêts au taux de 18,46 % à compter du 2 janvier 2017, au titre du compte n°[...] ;
- confirmer le jugement en ses dispositions non contraires ;
- condamner solidairement M. et Mme X. au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Par dernières conclusions reçues le 25 novembre 2016, auxquelles il sera référé pour l'exposé des moyens des intimés, M. et Mme X. demandent à la cour de
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en paiement contre M. X. au titre du compte n°[...] ;
- déclarer irrecevable comme étant forclose l'action engagée au titre des comptes n°[...] et n°[...] et au titre du crédit renouvelable n° 7996ZZ83 ;
- à tout le moins confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le Crédit Agricole de ses demandes formées à ce titre ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une déchéance du terme et débouter en conséquence le Crédit Agricole de sa demande de paiement du capital des emprunts n°0016YY036 et n°00159569806 et n°7996ZZ83 ;
A titre subsidiaire
- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts concernant les trois comptes et les trois prêts ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre des indemnités forfaitaires ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre des frais bancaires et agios ;
- rejeter les demandes formées au titre des frais bancaires et agios et condamner le Crédit Agricole à leur restituer le trop-perçu à ce titre, après production d'un décompte de l'ensemble des frais et agios prélevés ;
- à défaut, condamner le Crédit Agricole à leur verser la somme de 4.663,48 euros au titre du trop-perçu de frais et agios ;
En tout état de cause
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêts ;
- condamner le Crédit Agricole à leur verser la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts, compte-tenu des fautes commises ;
- confirmer le jugement en ce qu'il leur a accordé des délais et l'infirmer s'agissant du montant des [minute page 5] échéances ;
- juger qu'ils se libéreront de leurs dettes éventuelles en 24 mensualités de 200 euros chacune, la 24ème étant majorée du solde restant dû ;
- condamner le Crédit Agricole à leur verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamner le Crédit Agricole aux dépens, dont distraction au profit de Maître B. ;
- débouter le Crédit Agricole de toutes demandes contraires ou supplémentaires.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
La cour observe que ne sont pas contestées en cause d'appel, les dispositions du jugement ayant déclaré irrecevable comme étant forclose la demande formée à l'encontre de M. X. au titre du compte n° [...]. Ces dispositions seront en conséquence confirmées.
Sur la demande en paiement formée contre M. X. au titre du compte n° [...] :
Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion :
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 1156 ancien du code civil dispose qu'on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.
Il résulte de la convention versée aux débats que le 29 février 2008, M. X. a ouvert un compte individuel dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie sans mention du caractère professionnel dudit compte.
L'appelant soutient qu'il s'agit d'un compte professionnel ainsi que cela résulte de la destination professionnelle des fonds, de la mention de l'adresse professionnelle de M. X. sur la convention et des mentions portées sur les relevés de compte et que dès lors, seule la prescription quinquennale de droit commun est applicable.
M. X. fait valoir qu'il s'agit d'un compte individuel soumis aux dispositions du code de la consommation et au délai biennal de forclusion.
Cependant aux termes de la convention de trésorerie établie le 30 septembre 2011, dont il n'est pas contesté qu'elle s'applique au compte n° [...] auquel elle est adossée, une autorisation de découvert a été consentie à M. X. à concurrence de la somme de 5.000 euros avec la mention de la destination suivante : « trésorerie crédits de campagne ou d'exploitation ». En outre, il n'est pas contesté que les opérations qui figurent sur les relevés de compte ont un caractère professionnel. Enfin, M. X. reconnaît lui-même, dans deux courriers adressés au Crédit Agricole les 24 juillet et 5 août 2014, qu'il s'agit d'un compte professionnel et il écrit, dans un courrier non daté reçu par le Crédit Agricole le 9 octobre 2014 « sur mon compte professionnel qui est fermé depuis 2011, je dois 3.642,99 euros ».
L'ensemble de ces éléments est de nature à établir que le compte souscrit le 29 février 2008 est un compte professionnel et que l'action en paiement est soumise en conséquence au délai de prescription [minute page 6] de droit commun et non aux dispositions du code de la consommation.
L'action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie, engagée par voie d'assignation le 18 août 2014 soit dans le délai de 5 ans à compter du premier incident de paiement du 31 mai 2011, doit en conséquence être déclarée recevable comme n'étant pas prescrite.
Sur la demande en paiement du solde du compte :
Il résulte de l'historique du compte versé aux débats que M. X. reste devoir à ce titre la somme de 3.462,99 euros, somme qu'il reconnaît devoir aux termes du courrier reçu par le Crédit Agricole le 9 octobre 2014 et au paiement de laquelle il convient de le condamner.
Les dispositions du code de la consommation n'étant pas applicables au contrat, aucune déchéance du terme des intérêts contractuellement prévus n'est encourue au titre du découvert en compte consenti pendant une durée de plus de trois mois.
La somme restant due à ce titre sera en conséquence augmentée des intérêts au taux conventionnel de 13,96% prévus par le contrat au titre du « taux conventionnel sur découvert » à compter du 2 janvier 2017, date du décompte, conformément à la demande.
Sur la demande en paiement formée contre Mme X. au titre du compte n° [...] :
Les parties conviennent que le compte de dépôt ouvert par Mme X. est soumis aux dispositions du code de la consommation qui qualifient d'ouverture de crédit le découvert en compte consenti pour une période supérieure à trois mois.
L'appelante soutient que c'est à tort que le premier juge l'a déboutée de sa demande formée à ce titre alors que l'historique du compte permet de constater que le premier débit non régularisé date du 28 août 2012, de sorte que son action, engagée le 18 août 2014, n'est pas forclose.
L'intimée fait valoir que l'historique du compte versé aux débats est partiel en ce qu'il ne permet pas de vérifier que le compte est en position créditrice depuis le 27 octobre 2009 et que la demande doit en conséquence être rejetée.
C'est à juste titre que le jugement déféré a débouté le Crédit Agricole de sa demande formée à ce titre dans la mesure où l'absence de production d'un historique complet du compte depuis son ouverture ne permet pas de déterminer si, entre la date d'ouverture le 27 octobre 2009 et l'historique des mouvements à compter du 1er août 2012, le compte, qui n'était assorti d'aucune autorisation de découvert, n'a pas fonctionné en position débitrice pendant plus de trois mois sans qu'une offre préalable conforme aux dispositions du code de la consommation ne soit soumise à Mme X..
Il importe peu à cet égard que le compte apparaisse en position créditrice avant le 28 août 2012, la régularisation intervenue étant insuffisante à écarter l'application des dispositions du code de la consommation relatives au délai de forclusion biennale dans la mesure où seule l'analyse de l'historique complet des mouvements du compte permet de déterminer si la forclusion n'était pas acquise avant que le compte ne revienne en position créditrice.
Dès lors que la banque ne met pas la cour en mesure de vérifier l'absence de forclusion en produisant l'historique complet du compte depuis le 27 octobre 2009, ce qu'elle s'abstient de faire en cause d'appel comme en première instance, elle doit être déboutée de sa demande formée à ce titre et le jugement doit être confirmé.
Sur la demande en paiement formée contre M. X. au titre du prêt n° 70063XX395 :
[minute page 7] Sur la forclusion :
Aux termes de l'article L. 311-37 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
En application de ces dispositions, le délai de forclusion court à compter du premier incident de paiement non régularisé.
En l'espèce, le Crédit Agricole produit l'historique du compte afférent au contrat souscrit le 10 septembre 2009 à compter du 10 mai 2013 et soutient que le crédit renouvelable n'a été utilisé qu'à compter du 14 juin 2012, qu'il ressort des relevés de compte que les échéances ont été réglées entre le mois de juillet 2012 et le mois de mai 2013 puis que des paiements partiels sont intervenus jusqu'au mois d'avril 2014, de sorte que la forclusion n'est pas encourue.
Mme X. soutient que l'absence de forclusion ne peut être vérifiée en l'absence de production de l'historique du compte depuis son ouverture.
L'offre de crédit renouvelable Supplétis acceptée le 10 septembre 2009 établit que les mensualités du crédit renouvelable étaient prélevées sur le compte personnel ouvert au nom de M. X. sous le n°[...] et le Crédit Agricole verse aux débats l'historique intégral dudit compte depuis le 2 septembre 2009.
Dès lors, au vu de l'historique produit, la cour est en mesure de déterminer la date du premier impayé non régularisé.
Les relevés de compte produits démontrent que le crédit n'a fait l'objet d'aucune utilisation au cours des années 2009, 2010 et 2011, que la première utilisation a été faite le 22 juin 2012 pour une somme de 1.500 euros et la deuxième le 28 juin 2012 pour une somme de 1.100 euros, que le remboursement des mensualités a été effectué par des prélèvements de 108 euros les 10 juillet, 10 août, 10 septembre, 10 octobre, 12 novembre et 10 décembre 2012, de 116,64 euros le 20 décembre 2012, de 108 euros les 10 janvier, 11 février, 11 mars, 10 avril et 10 mai 2013, qu'une nouvelle utilisation du crédit a été faite par M. X. le 13 mai 2013 pour un montant de 700 euros et que les prélèvements postérieurs ont été rejetés faute de provision suffisante sur le compte.
Il s'en déduit que la première échéance impayée non régularisée est du 10 juin 2013, de sorte que l'action en paiement engagée par voie d'assignation le 18 août 2014 doit être recevable comme n'étant pas forclose.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
Mme X. estime que la présence de clauses abusives dans le contrat de prêt ainsi que le défaut de justification de l'information annuelle de l'emprunteur sont sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts.
La banque réplique que l'information du débiteur figurait sur l'état actualisé de chaque relevé et que la déchéance du droit aux intérêts n'est dès lors pas encourue.
Aux termes de l'article L. 311-9 ancien du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce antérieure à la loi du 1er juillet 2010 s'agissant d'un contrat souscrit en 2009, dans le cas d'une ouverture de crédit dont la durée est limitée à un an renouvelable, le prêteur doit indiquer, trois mois avant l'échéance, les conditions de reconduction du contrat.
[minute page 8] Il appartient à l'établissement de crédit de rapporter la preuve qu'il a informé l'emprunteur chaque année par écrit et de manière complète et explicite des conditions de reconduction du contrat.
La seule mention figurant sur les relevés de compte ne saurait constituer une information suffisante sur les conditions de reconduction du contrat.
La déchéance du droit aux intérêts sur les sommes prêtées en exécution du contrat reconduit est donc encourue au titre du manquement au devoir d'information annuelle, en application des dispositions de l'article L. 311-33 ancien du code de la consommation. Elle est également encourue au titre de la présence de clauses abusives prévues par le contrat au titre de la déchéance du terme prononcée par le prêteur dans l'hypothèse d'une perte totale et irréversible d'autonomie de l'emprunteur, ainsi que l'a justement relevé le premier juge.
Sur la somme due :
En application de l'article L. 311-33 ancien du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital.
Les relevés de compte établissent que M. X. a emprunté la somme de 3.300 euros au titre des trois utilisations du crédit renouvelable et qu'il a remboursé la somme de 1.304,64 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande du Crédit Agricole formée à ce titre et M. X. sera condamné à lui verser la somme de 1.995,36 euros au titre du capital restant dû sur les sommes prêtées.
Sur la demande en paiement au titre des deux prêts souscrits par M. et Mme X. :
Sur la déchéance du terme :
Aux termes des conditions générales du contrat du 14 mai 2011 versé aux débats, « le prêteur a la possibilité de se prévaloir de l'exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoires, par la seule survenance de l'un quelconque des événements ci-dessus et sans qu'il soit besoin d'aucun préavis et d'aucune formalité judiciaire : en cas de non-paiement des sommes exigibles ou d'une seule échéance (en totalité ou partiellement) malgré une mise en demeure de régulariser adressée à l'emprunteur par tout moyen et restée sans effet pendant 15 jours ».
M. et Mme X. soutiennent que les sommes réclamées ne sont pas exigibles en l'absence de justification par la banque de la déchéance du terme et compte-tenu des paiements effectués postérieurement à la mise en demeure.
Cependant, la banque justifie avoir adressé à M. et Mme X. une mise en demeure de régulariser les mensualités impayées des prêts sous quinzaine par courriers datés du 5 mars 2014, lesquels comportaient la mention suivante : « passé ce délai et faute de régularisation de votre part, vous serez déchu du bénéfice du terme. Nous exigerons alors le remboursement de la totalité de vos engagements ».
S'il n'est pas contesté que M. et Mme X. ont effectué des règlements entre le 5 mars et le 30 juillet 2014, les emprunteurs ne justifient pas s'être acquitté du montant intégral des mensualités impayés dans le délai de 15 jours qui leur était imparti par le courrier recommandé de la banque, ce dont il résulte que la déchéance du terme rendant l'intégralité des sommes dues exigible a été valablement prononcée par le Crédit Agricole le 30 juillet 2014.
S'agissant des versements postérieurs au 30 juillet 2014, ils sont sans effet sur la déchéance du terme intervenue antérieurement.
[minute page 9] Le moyen tiré de l'absence d'exigibilité des sommes réclamées en conséquence de l'absence de déchéance du terme doit en conséquence être écarté.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
Il n'est pas contesté que les contrats litigieux, souscrits respectivement les 14 mai et 5 novembre 2011 sont soumis aux dispositions de la loi du 1er juillet 2010 entrée en vigueur le 1er mai 2011.
M. et Mme X. reprochent à la banque de ne pas justifier de la consultation du FICP ni de la remise de la notice d'information précontractuelle.
Sur le défaut de remise de la fiche d'information précontractuelle :
Aux termes de l'article L. 311-6 ancien devenu l'article L. 312-12 du code de la consommation, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de ses engagements.
Cette fiche d'information doit comporter l'ensemble des mentions prévues à l'article R. 311-3 ancien devenu R. 312-12 du code de la consommation.
En l'espèce, la banque produit en cause d'appel les fiches d'information précontractuelle afférentes aux deux prêts paraphées à chaque page par chacun des emprunteurs.
M. et Mme X. ne peuvent dès lors valablement soutenir que la fiche d'information ne leur a pas été remise et aucune déchéance du droit aux intérêts n'est donc encourue à ce titre.
Sur le défaut de consultation du FICP :
Aux termes de l'article L. 311-9 ancien du code de la consommation, devenu l'article L. 312-16, le prêteur a l'obligation de consulter le FICP avant de conclure le contrat de crédit.
L'article 10 de l'arrêté du 26 octobre 2010 oblige ainsi le prêteur à « conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat sur un support durable » et dispose que le prêteur « doit être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l'intégrité des informations ainsi collectées ».
En l'espèce, il est constant que le Crédit Agricole ne justifie par aucune pièce versée aux débats qu'il a respecté cette obligation. La seule mention dans le contrat de crédit aux termes de laquelle « le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur et consulte le FICP » ne constitue pas une preuve de la consultation effective dudit fichier mais seulement un rappel de l'obligation légale de l'établissement de crédit à ce titre.
En conséquence, la déchéance du droit aux intérêts partielle ou totale est donc encourue à ce titre en application de l'article L. 311-48 alinéa 2 ancien du code de la consommation, devenu l'article L. 342-2.
En l'espèce, c'est à juste titre que le jugement déféré a prononcé une déchéance totale du droit aux intérêts du prêteur sur le fondement du manquement constaté à l'obligation de consultation du FICP et il convient de confirmer les dispositions du jugement relatives aux condamnations intervenues au titre des prêts personnels.
Sur la demande de remboursement des frais et agios :
[minute page 10] M. et Mme X. ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, du prélèvement des frais et intérêts dont ils sollicitent la restitution autrement que par la production d'un décompte manuscrit, lequel n'est pas de nature à établir la preuve des paiements qui seraient intervenus.
Il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement qui les a déboutés de leur demande formée à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme X. :
En application des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, le banquier est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard des emprunteurs non avertis compte tenu de leurs capacités financières et des risques d'endettement nés de l'octroi du prêt.
En l'espèce, M. et Mme X. soutiennent que la banque a manqué à son devoir d'information et de mise en garde dans le cadre des crédits consentis les 14 mai et 5 novembre 2011. Ils exposent notamment que le revenu imposable du couple s'élevait pour l'année 2010 à la somme de 41.592 euros, qu'il faisait face au remboursement d'un emprunt immobilier d'un montant de 20.000 euros et que les prêts ont été accordés alors que la banque avait connaissance de l'accident de cheval survenu le 14 mai 2011 et de la chute de revenus qui en résultait. Ils reprochent également à la banque de ne pas avoir attiré leur attention sur les conséquences de la non souscription d'une assurance au regard de l'état de santé de Mme X.
La banque estime que M. et Mme X. étaient des emprunteurs parfaitement avertis sans cependant développer aucun moyen au soutien de cette prétention.
Les pièces versées aux débats établissent que Mme X. était préparatrice en pharmacie et M. X. artiste, de sorte que les emprunteurs ne disposaient d'aucune compétence ou expérience particulière en matière financière et qu'ils doivent être qualifiés d'emprunteurs profanes.
S'agissant du prêt consenti le 14 mai 2011, les emprunteurs ne peuvent valablement soutenir que la banque avait connaissance de l'accident de cheval survenu le même jour. Ils ne rapportent pas davantage la preuve de ce que la banque était informée de la baisse de leurs revenus lors de la souscription du prêt du 5 novembre 2011.
Il résulte des mentions de la fiche de dialogue établie lors de la souscription du prêt n° 001159516986, le 14 mai 2011 que les emprunteurs ont déclaré bénéficier de revenus mensuels de 4.669 euros outre un patrimoine immobilier en pleine propriété estimé à 150.000 euros et une épargne de 1.242 euros. Au titre des crédits en cours, M. et Mme X. ont déclaré devoir faire face au remboursement de deux prêts à hauteur de la somme de 789 euros par mois.
Dès lors, les crédits consentis, d'un montant de 25.000 euros le 14 mai 2011 et de 16.500 euros le 5 novembre 2011, remboursables en mensualités d'un montant respectif de 484,48 et de 162,78 euros étaient parfaitement compatibles avec les capacités de remboursement des emprunteurs. En effet, les mensualités du crédit consenti le 14 mai 2011 ont porté l'endettement du couple à 27% et celles du crédit consenti le 5 novembre 2011 à 30 %, soit un taux n'excédant pas le taux d'endettement admissible pour un couple avec un enfant à charge.
Aucun manquement à son devoir de mise en garde ne peut être reproché à l'établissement de crédit et il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement qui ont débouté M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de délais de paiement :
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut reporter ou échelonner le paiement des [minute page 11] sommes dues dans la limite de deux années, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie conclut au rejet de la demande de délais de paiement motifs pris des délais de fait dont les époux X. ont bénéficié dans le cadre de la procédure et du caractère insuffisant de la proposition.
M. et Mme X. demandent à la cour de confirmer le jugement sur le principe des délais de paiement qui leur ont été accordés mais de l'infirmer s'agissant du montant des mensualités, fixées à la somme de 400 euros par le premier juge. Ils proposent de verser la somme de 200 euros par mois et font valoir qu'ils font face à d'importantes difficultés, tant de santé que financières.
Les débiteurs justifient par les pièces produites que Mme X. perçoit une pension d'invalidité de 805,49 euros par mois et M. X. une pension de retraite d'un montant mensuel de 1.600 euros. Le couple justifie de charges courantes habituelles et d'une situation de surendettement caractérisée par les multiples procédures dont ils sont l'objet.
Avec des revenus de 2.400 euros par mois, les débiteurs ne sont manifestement pas en mesure de régler la somme de 900 euros par mois qui serait nécessaire pour assurer le règlement de la somme due en principal dans un délai de 24 mois.
Compte tenu du montant des sommes dues en principal à hauteur de 22.323 euros, la proposition faite par les débiteurs à hauteur de 200 euros par mois revient à solliciter des délais de paiement de plus de 9 ans.
Dès lors, M. et Mme X. sont dans l'incapacité de s'acquitter de leur dette dans le délai maximum de 24 mois prévu par l'article 1343-5, il convient d'infirmer le jugement déféré de ce chef et de les débouter de leur demande de délais de paiement.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.
La charge des dépens de l'instance d'appel sera supportée in solidum par M. et Mme X. en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Les considérations tirées de l'équité ne justifient pas de faire droit aux demandes de l'une ou l'autre des parties formées au titre des frais irrépétibles. Les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doivent en conséquence être rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Caen le 26 janvier 2016 dans toutes ses dispositions sauf celles ayant débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie de ses demandes en paiement formées à l'encontre de M. X. au titre du solde du compte n°[...] et au titre du solde du crédit renouvelable n° 70063XX395 et en ce qu'il a accordé des délais de paiement à M. et Mme X., qui seront réformées ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées
Condamne M. X. à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 3.462,99 euros augmentée des intérêts au taux de 13,96 % à compter du 2 janvier 2017 au titre du solde débiteur du compte n° n°[...] ;
[minute page 12] Déclare recevable l'action en paiement engagée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie contre M. X. au titre du crédit renouvelable n°70063XX395 ;
Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur au titre du crédit n°70063XX395 ;
Condamne M. X. à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 1.995,36 euros au titre du solde du crédit renouvelable n°70063XX395 ;
Déboute M. et Mme X. de leur demande de délais de paiement ;
Condamne in solidum M. et Mme X. aux dépens de l'instance d'appel ;
Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. ANCEL S. BRIAND
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
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- 6084 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Obligations d’information - Mise en garde - Conseil
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