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CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 10 mai 1996

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 10 mai 1996
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 8e ch. B
Demande : 92/15104
Date : 10/05/1996
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : T. COM AIX-EN-PROVENCE, 29 juin 1992, CASS. CIV. 1re, 17 novembre 1998
Numéro de la décision : 294
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CERCLAB/CRDP - FICHE N° 758

CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 10 mai 1996 : RG n° 92/15104 ; arrêt n° 294

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 17 novembre 1998 : pourvoi n° 96-17341)

Publication : Juris-Data n° 041972

 

Extrait : « Attendu que cette clause n'en est pas moins une clause abusive, comme le soutient d'ailleurs M. X. qui la qualifie de « léonine », en ce qu'elle procure un avantage excessif à l'UFB LOCABAIL qui, du fait de sa position économique, se trouve en mesure d'imposer à ses locataires de continuer à lui payer des loyers, alors que lesdits locataires se sont vus retirer, par un fait qui leur est étranger, la jouissance du matériel loué et qu'elle même, propriétaire de ce matériel a été indemnisée de la perte de celui-ci sans qu'elle soit tenue d'offrir un matériel de remplacement ; Attendu qu'une telle clause supprime donc abusivement l'obligation de l'UFB LOCABAIL de mettre à disposition de son locataire le matériel loué, alors qu'elle a été indemnisée de sa perte totale et que rien ne s'oppose à ce qu'elle le remplace ; que cette clause est donc contraire à l'article 1134 du Code civil ; Attendu que l'UFB LOCABAIL profite également de sa position dominante pour faire assurer par ses locataires un risque financier qui lui est propre et contre lequel elle doit s'assurer ; la clause qui fait supporter au locataire la totalité des risques de perte du matériel, même lorsque ceux-ci sont dus à un cas de force majeure, et qui confère donc au bailleur un avantage excessif, doit être réputée non écrite ».

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

HUITIÈME CHAMBRE B

ARRÊT DU 10 MAI 1996

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 92/15104. Arrêt n° 294.

Arrêt de la 8ème Chambre Civile en date du 10 mai 1996 prononcé sur appel d'un jugement rendu le 29 juin 1992 par le tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE.

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Monsieur BIHL.

CONSEILLERS : Monsieur ASTIER, Monsieur STERN.

GREFFIER-DIVISIONNAIRE (lors des débats) : Mme JASSAUD-LUCCISANO

DÉBATS : A l'audience publique du 28 mars 1996. Le Président a avisé les parties que le délibéré serait rendu le 10 mai 1996.

PRONONCÉ : A l'audience publique du 10 mai 1996 par le Président BIHL, assisté de Mme JASSAUD-LUCCISANO Greffier-Divisionnaire.

NATURE DE L'ARRÊT : CONTRADICTOIRE [minute page 2]

 

NOM DES PARTIES :

APPELANTE :

UFB LOCABAIL,

au capital de […] Francs, [adresse], APPELANTE, Représentée par la SCP COHEN Avoués à la Cour. Assistée par Maître OMAGGIO Jean-Pierre Avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

 

CONTRE :

Monsieur X.,

le […] à […] de nationalité française, domicilié à [adresse]. AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE DU […]. INTIMÉ. Représenté par la SCP JOURDAN et WATTECAMPS Avoués à la Cour. Assisté par Maître Sylvie DUPRES Avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel interjeté par la Compagnie UFB LOCABAIL à l'encontre d'un jugement sur le fond rendu le 29 juin 1992 par le tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE qui a rejeté toutes ses demandes à l'encontre de M. X. et qui l'a condamnée aux dépens.

Se référant expressément pour la relation détaillée des faits et de la procédure antérieure à la décision entreprise et pour l'énoncé complet des demandes et moyens des parties aux écritures qu'elles ont échangées en cause d'appel ;

Attendu qu'il convient cependant, pour résumer le litige, de rappeler ce qui suit :

Par contrat du 15 juin 1987, M. X. a pris en location auprès de l'UFB LOCABAIL un tracto-pelle pour un loyer mensuel de 7.364,65 Francs TTC.

Le 25 octobre 1988 M. X. a avisé son propriétaire que le matériel avait été volé.

L'UFB LOCABAIL a reçu la somme de 200.000 Francs de la compagnie d'assurances, mais a réclamé à M. X. une somme de 136.577,31 Francs, que celui-ci, selon elle, reste lui devoir par application des dispositions contractuelles au titre des loyers du 20 octobre 1988 au 20 mai 1992 et de la valeur résiduelle de l'engin, et ce, après déduction de l'indemnité d'assurance.

Le tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE l'a déboutée de ses demandes au motif que la somme réclamée par elle était une clause pénale manifestement excessive et léonine vis à vis de M. X. qui a exécuté le contrat de location en toute bonne foi.

[minute page 4] A l'appui de son appel, la Compagnie UFB LOCABAIL soutient que :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en décidant d'office que la somme demandée était une clause pénale excessive, alors qu'elle est due en raison d'une obligation souscrite par le locataire,

- la somme due par M. X. n'est pas une clause pénale le sanctionnant mais une indemnité préétablie constituant une évaluation forfaitaire du préjudice subi par le bailleur en cas de sinistre du bien loué,

- cette indemnité ne présente aucun caractère excessif ou abusif, elle indemnise strictement le manque à gagner du bailleur,

M. X. doit en conséquence être condamné à lui payer 136.577,31 Francs outre intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1990 ou du 17 mai 1992, 30.000 Francs pour résistance abusive et 5.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. X. demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante à lui payer 3.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile après avoir exposé que :

- le juge peut modérer d'office une clause pénale,

- la qualification de clause pénale dans un contrat de crédit-bail découle nécessairement du débat et, la procédure étant orale devant le tribunal de commerce, ce moyen de droit est présumé avoir été contradictoirement débattu,

- la clause du contrat obligeant M. X. au paiement de loyers restant à courir en cas de perte ou de vol du matériel peut s'analyser comme étant une clause pénale,

- [minute page 5] le juge peut modérer cette clause pénale conformément à l'article 1152 du Code civil, si celle-ci est manifestement excessive, comme c'est le cas en l'espèce,

- en effet, M. X. n'a commis aucune faute et il a été privé par un élément extérieur de l'engin lui permettant d'exercer sa profession et de payer les loyers,

- l'UFB LOCABAIL a été remplie de ses droits par les loyers payés et l'indemnité d'assurance,

- la clause prévoyant une indemnité supplémentaire est excessive et a un caractère léonin.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE ;

Attendu que la régularité formelle de l'appel n'est pas discutée et que rien au dossier ne permet à la Cour de le déclarer irrecevable d'office ;

Attendu que la procédure étant orale devant le tribunal de commerce et un litige portant sur un contrat de crédit-bail impliquant la discussion de la clause pénale, rien n'indique que ce moyen n'ait pas été contradictoirement débattu devant le tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE ; qu'au surplus l'appelante ne formule aucune demande en nullité pour violation du principe du contradictoire ; que ses digressions sur une éventuelle violation de ce principe sont donc dénuées d'intérêt ;

Attendu que la clause de l'article 5 du contrat de crédit-bail signé le 15 juin 1987 par M. X. prévoit qu'en cas de destruction totale du matériel, même par cas fortuits (ce qui est le cas du vol), le locataire doit verser au bailleur « à titre forfaitaire une indemnité égale auxdits loyers augmentée de la valeur résiduelle prévue au contrat sous déduction de l'indemnité de la compagnie d'assurance » ;

Attendu qu'une telle indemnité qui a pour objet d'évaluer forfaitairement le préjudice subi par le bailleur [minute page 6] en cas de sinistre total du matériel dû à un fait étranger au locataire ne constitue pas une clause pénale susceptible d'être modérée par application de l'article 1152 du Code civil ;

Attendu que cette clause n'en est pas moins une clause abusive, comme le soutient d'ailleurs M. X. qui la qualifie de « léonine », en ce qu'elle procure un avantage excessif à l'UFB LOCABAIL qui, du fait de sa position économique, se trouve en mesure d'imposer à ses locataires de continuer à lui payer des loyers, alors que lesdits locataires se sont vus retirer, par un fait qui leur est étranger, la jouissance du matériel loué et qu'elle même, propriétaire de ce matériel a été indemnisée de la perte de celui-ci sans qu'elle soit tenue d'offrir un matériel de remplacement ;

Attendu qu'une telle clause supprime donc abusivement l'obligation de l'UFB LOCABAIL de mettre à disposition de son locataire le matériel loué, alors qu'elle a été indemnisée de sa perte totale et que rien ne s'oppose à ce qu'elle le remplace ; que cette clause est donc contraire à l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que l'UFB LOCABAIL profite également de sa position dominante pour faire assurer par ses locataires un risque financier qui lui est propre et contre lequel elle doit s'assurer ;

Attendu que la clause qui fait supporter au locataire la totalité des risques de perte du matériel, même lorsque ceux-ci sont dus à un cas de force majeure, et qui confère donc au bailleur un avantage excessif, doit être réputée non écrite ;

qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ou tirée de la situation économique des parties ne permet en l'espèce, vu que M. X. bénéficie de l'Aide Juridictionnelle totale, de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

[minute page 7] Attendu que la Compagnie UFB LOCABAIL, qui succombe, doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de la SCP JOURDAN & WATTECAMPS, qui devra justifier en avoir fait l'avance sans avoir reçu provision selon les règles prévues en matière d'Aide Juridictionnelle ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS.

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort.

Reçoit en la forme l'appel de la Société UFB LOCABAIL, au fond l'en déboute ;

Confirme le jugement déféré ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les articles 696 et 699 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Sté UFB LOCABAIL aux dépens, ceux d'appel recouvrés par la SCP JOURDAN & WATTECAMPS selon les règles prévues en matière d'Aide Juridictionnelle ;

Rejette toute demande des parties contraire à la présente décision.