CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA RENNES (4e ch.), 22 janvier 1998

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (4e ch.), 22 janvier 1998
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 4e ch.
Demande : 94/05228
Date : 22/01/1998
Nature de la décision : Avant dire droit
Décision antérieure : CA RENNES (4e ch.), 14 décembre 1995, CA RENNES (4e ch.), 26 septembre 1996, CA RENNES (4e ch.), 8 avril 1999
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 768

CA RENNES (4e ch.), 22 janvier 1998 : RG n° 94/05228

 

Extrait  : 1/ « Contrairement à ce qu'elle allègue dans ses conclusions déposées le 18 juin 1996, la Société de Gérance Immobilière ne fournit aucune justification de la suppression dans ses baux de toutes les clauses jugées abusives ou illicites par le Tribunal d'Instance dans son jugement du 26 mai 1994 puis par la Cour d'Appel dans son arrêt du 14 décembre 1995. En tout état de cause, cette argumentation n'est pas valable pour ce qui concerne les clauses dont l'appelante conteste le caractère abusif ou illicite et sur lequel il n'a pas encore été statué par la Cour. D'autre part, la production d'un ou de plusieurs exemplaires de contrats de bail dans lesquels les clauses abusives et les clauses illicites ont été effectivement supprimées ne serait pas de nature à faire disparaître l'objet de l'action en suppression ouverte aux associations de consommateurs par l'article L. 421-2 du Code de la Consommation pour ce qui concerne les clauses illicites et par l'article L. 421-6 du même Code pour ce qui concerne les clauses abusives. En effet, la définition des actes instrumentaires retenue par l'article L. 421-2, à savoir « le contrat ou le type de contrat proposé aux consommateurs », et par l'article L. 421-6, à savoir « les modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs », implique nécessairement la généralité de l'objet de l'action en suppression dont l'intérêt subsiste tant que la preuve n'est pas rapportée d'une renonciation générale et absolue, de la part du professionnel auteur du contrat, aux clauses concernées. ».

2/ « que, comme l'a indiqué la Cour dans les motifs de l'arrêt du 14 décembre 1995, l'article L. 132-1 du Code de la Consommation considère la qualité des co-contractants et que le caractère abusif des clauses litigieuses doit s'apprécier en fonction de l'avantage excessif qu'elles confèrent à l'autre partie, ce qui a pour conséquence d'exclure en l'espèce du champ d'application de ces dispositions l'ensemble des contrats dans lesquels le co-contractant du consommateur est inconnu, bien qu'ils aient pu être préparés et négociés par la SGI, celle-ci n'agissant qu'en qualité de mandataire, et de limiter l'examen du caractère abusif des clauses litigieuses à celles figurant au contrat de bail souscrit par Monsieur X. ».

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

QUATRIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 22 JANVIER 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 9405228.

PARTIES :

APPELANT :

SOCIÉTÉ GÉRANCE IMMOBILIÈRE

[...] Maîtres BAZILLE et GENICON, Avoués. Maître CHEVALLIER, Avocat. APPELANT.

 

INTIMÉS :

- CONFÉDÉRATION SYNDICALE DU CADRE DE VIE CSCV

[...] Maître BOURGES, Avoué. Maître BIHL, Avocat INTIME

- CONFÉDÉRATION SYNDICALE DES FAMILLES

[...] Maître BOURGES, Avoué Maître GLOAGUEN, Avocat INTIME

- MONSIEUR X.

[...] Maître BOURGES, Avoué. Maître BIHL, Avocat INTIME

- ASSOCIATION FORCE OUVRIÈRE CONSOMMATEURS

[...] Maître BOURGES, Avoué. Maître GLOAGUEN, Avocat INTIME

- ASSOCIATION UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS DE BREST

[...] Maître BOURGES, Avoué. Maître GLOAGUEN, Avocat INTIME

 

COMPOSITION DE LA COUR : Président : Monsieur THIERRY. Conseiller : Madame GENDRY ; Conseiller : Monsieur LAVERGNE.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I - Exposé du litige :

Par un arrêt du 26 septembre 1996, aux énonciations duquel il est fait référence quant à l'exposé de la procédure ainsi que des prétentions formulées et des moyens articulés par les parties à ce stade du déroulement de l'instance, la Cour, au vu des articles 8, 13, 16, 442, 444, 784, 910 et 954 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- a invité l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest, l'Association Force ouvrière des Consommateurs, la Confédération Syndicale des Familles, la Confédération Syndicale du Cadre de Vie et Monsieur X. à répondre au moyen déduit par la société de Gérance Immobilière de la disparition de l'objet de leur action en raison de la mise en conformité de ses baux avec les dispositions du jugement et de l'arrêt intervenus à ce jour ;

- a dit que la société de Gérance Immobilière pourra également conclure si elle le souhaite ;

- a invité les avoués de toutes parties concluant à nouveau à récapituler les moyens qu'ils ont successivement présentés, étant précisé que les moyens qui n'auront pas été récapitulés seront regardés comme abandonnés ;

- a prononcé la révocation de l'ordonnance de clôture, renvoyé la cause et les parties devant le Conseiller de la mise en état et réservé les dépens.

Par conclusions déposées le 14 octobre 1997, l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest, l'Association Force Ouvrière Consommateurs et la Confédération Syndicale des Familles demandent à la Cour :

- de dire et juger illicite la clause 2.13.2 au regard des dispositions de l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

- de confirmer pour le surplus le jugement entrepris sur les diverses mesures de réparation ordonnées ;

- de condamner la SGI à leur payer la somme de 30.000,00 Frs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- et de la condamner aux dépens.

Elles soutiennent tout d'abord que la circonstance que la SGI ait procédé à certaines régularisations, en exécution du jugement du 26 mai 1994 et de l'arrêt du 14 décembre 1995, n'est pas de nature à rendre sans objet leur action au regard des articles L. 421-6 et L. 421-7 du Code de la Consommation.

Elles font valoir ensuite que c'est à la date de la signature des contrats de location critiqués qu'il convient de se placer pour apprécier la qualité de professionnel du co-contractant et que tel était bien le cas de la société COFIBRA, même si elle a pu, par la suite, céder les appartements.

Enfin, elles considèrent comme contraires à l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, relatif à la restitution du dépôt sauf exceptions limitativement indiquées, l'article 2.13.2 du contrat de bail stipulant qu'en cas de résiliation du contrat du fait du locataire en application des clauses résolutoires, le dépôt de garantie demeurera acquis de plein droit au bailleur à titre de clause pénale.

Par conclusions déposées le 17 février 1997, la Confédération Syndicale du Cadre de Vie C.S.C.V. et Monsieur X. déclarent reprendre leurs demandes précédemment exposées en précisant que Monsieur X. ainsi que les autres locataires sont de simples consommateurs alors que c'est la SGI, professionnel de l'immobilier et rédacteur des clauses critiquées, qui leur a proposé le contrat dans des conditions ne leur permettant pas de savoir qu'elle aurait agi comme mandataire d'un propriétaire, ce qui n'est d'ailleurs pas établi.

Ils ajoutent que l'article L. 421-6 du Code de la Consommation permet aux organisations de consommateurs de demander au Tribunal de supprimer les clauses abusives figurant « dans les modèles de contrat habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs » et que tel est bien le cas en l'espèce.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

II - Motifs :

Contrairement à ce qu'elle allègue dans ses conclusions déposées le 18 juin 1996, la Société de Gérance Immobilière ne fournit aucune justification de la suppression dans ses baux de toutes les clauses jugées abusives ou illicites par le Tribunal d'Instance dans son jugement du 26 mai 1994 puis par la Cour d'Appel dans son arrêt du 14 décembre 1995.

En tout état de cause, cette argumentation n'est pas valable pour ce qui concerne les clauses dont l'appelante conteste le caractère abusif ou illicite et sur lequel il n'a pas encore été statué par la Cour.

D'autre part, la production d'un ou de plusieurs exemplaires de contrats de bail dans lesquels les clauses abusives et les clauses illicites ont été effectivement supprimées ne serait pas de nature à faire disparaître l'objet de l'action en suppression ouverte aux associations de consommateurs par l'article L. 421-2 du Code de la Consommation pour ce qui concerne les clauses illicites et par l'article L. 421-6 du même Code pour ce qui concerne les clauses abusives.

En effet, la définition des actes instrumentaires retenue par l'article L. 421-2, à savoir « le contrat ou le type de contrat proposé aux consommateurs », et par l'article L. 421-6, à savoir « les modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs », implique nécessairement la généralité de l'objet de l'action en suppression dont l'intérêt subsiste tant que la preuve n'est pas rapportée d'une renonciation générale et absolue, de la part du professionnel auteur du contrat, aux clauses concernées.

Il est stipulé à l'article 2.13.2 du contrat souscrit le 18 septembre 1991 par Monsieur Olivier X. qu’« en cas de résiliation du présent contrat de location du fait du locataires, en application de l'une des clauses résolutoires ci-dessus, ou en cas de non-respect des délais légaux énoncés ci-dessus, le dépôt de garantie prévu aux présentes demeurera acquis au bailleur de plein droit, à titre de clause pénale, en réparation du préjudice subi ».

La Société de Gérance Immobilière considère que cette clause n'est pas contraire à l'économie de la loi du 6 juillet 1989 qui n'interdit pas d'insérer dans un contrat de bail une clause pénale en réparation du préjudice né d'une inexécution contractuelle et que la licéité d'une telle clause, admise par la jurisprudence, est d'autant moins contestable que la réparation ainsi stipulée demeure toujours soumise au pouvoir de modération du Juge en application de l'article 1152 du Code civil.

Mais la stipulation litigieuse concerne le dépôt de garantie auquel est attribuée par l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 la fonction spécifique de garantir au bailleur l'exécution de ses obligations locatives par le locataire.

En prévoyant l'attribution intégrale et automatique du dépôt de garantie au bailleur en cas de mise en oeuvre d'une clause résolutoire ou en cas de non-respect des délais de préavis, et ce, quelles que soient la nature et les conséquences du manquement, cette clause est contraire à l'article 22 précité en ce qu'il prévoit seulement la déduction du dépôt de garantie, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées.

Les dispositions de l'article 22 de la loi N° 89-462 du 6 juillet 1989 étant d'ordre public, ainsi que le précise l'article 2 de cette loi, la clause de l'article 2.13.2 du contrat doit être déclarée illicite et, en application des dispositions de l'article L. 421-2 du Code de la Consommation, être supprimée dans les contrats et types de contrat proposés aux consommateurs par la SGI.

Sur l'application en l'espèce des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 95-96 du 1er février 1995, il est fait référence quant à l'exposé des données du litige à la partie de la motivation de l'arrêt du 14 décembre 1995 concernant ce point de la discussion exposé à la rubrique B) 10), page 8 de l'arrêt.

Il convient de rappeler que l'article susvisé dispose, en son premier alinéa :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, peuvent être interdites, limitées ou réglementées, par des décrets en Conseil d'Etat pris après avis de la commission instituée par l'article L. 132.2, en distinguant éventuellement selon la nature des biens et des services concernés, les clauses relatives au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu'à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge des risques, à l'étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d'exécution, de résiliation, résolution ou reconduction des conventions lorsque de telles clauses apparaissent imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif ».

Ainsi que le font valoir les intimés, il est justifié de ce que, pour la période du 1er octobre 1991 au 30 juin 1992, le relevé des charges de l'appartement de Monsieur X. établi par la société de Gérance Immobilière mentionne comme propriétaire la « COFIBRA » (Compagnie Foncière et Immobilière Bretagne Atlantique) qui, selon l'extrait du registre du commerce et des sociétés délivré le 10 juin 1996 et versé aux débats, a pour activité : « Acquisition, administration, exploitation de terrains et immeubles ainsi que la participation dans toutes sociétés de construction et aménagement de zones touristiques ».

Il résulte de ces éléments d'information :

- que la « COFIBRA » est un professionnel de l'immobilier,

- que, comme l'a indiqué la Cour dans les motifs de l'arrêt du 14 décembre 1995, l'article L. 132-1 du Code de la Consommation considère la qualité des co-contractants et que le caractère abusif des clauses litigieuses doit s'apprécier en fonction de l'avantage excessif qu'elles confèrent à l'autre partie, ce qui a pour conséquence d'exclure en l'espèce du champ d'application de ces dispositions l'ensemble des contrats dans lesquels le co-contractant du consommateur est inconnu, bien qu'ils aient pu être préparés et négociés par la SGI, celle-ci n'agissant qu'en qualité de mandataire, et de limiter l'examen du caractère abusif des clauses litigieuses à celles figurant au contrat de bail souscrit par Monsieur X. ;

- et que par conséquent, en application des dispositions de l'article 14 du Nouveau Code de Procédure Civile, il ne peut être statué sur les trois clauses considérées comme abusives par les premiers Juges et par les intimés en l'absence de la « COFIBRA ».

Il est donc nécessaire de procéder à la réouverture des débats, le litige se trouvant désormais circonscrit aux points suivants :

- la recevabilité et le bien-fondé de l'action tendant à l'application à l'espèce des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation compte tenu de la qualité du bailleur telle qu'elle résulte des éléments de preuve versés aux débats ;

- dans le cas où le point qui précède serait résolu en faveur de l'application à l'espèce de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation : le caractère abusif ou non des stipulations figurant aux articles 2 alinéa 4 (page 4), 2.3.4 (page 5) et 2.3.12 (page 7) du contrat de bail souscrit par Monsieur X. le 18 septembre 1991 ;

- les demandes en dommages-intérêts, publication de la décision et remboursement de frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

III - Décision :

PAR CES MOTIFS

la Cour,

statuant publiquement et contradictoirement, en suite des arrêts rendus les 14 décembre 1995 et 26 septembre 1996 ;

Déclare illicite la clause de l'article 2.13.2 du contrat stipulant qu'en cas de résiliation du contrat de location du fait du locataire en application des clauses résolutoires ou en cas de non-respect des délais de préavis légaux, le dépôt de garantie demeurera acquis au bailleur de plein droit, à titre de clause pénale, en réparation du préjudice subi ;

Ordonne la suppression de cette clause dans les contrats de la SGI se rapportant à la résidence Le Jardin des Sciences sous astreinte de 500,00 Francs par jour de retard et par infraction constatée, pendant une durée de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Avant de statuer sur les autres demandes ;

Invite les parties à conclure sur la recevabilité de l'action tendant à l'application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation et à la reconnaissance du caractère abusif des stipulations figurant aux trois articles visés aux motifs ;

Prononce la révocation de l'ordonnance de clôture et renvoie la cause et les parties devant le Conseiller de la mise en état ;

Réserve les dépens.