CA GRENOBLE (ch. com.), 31 janvier 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7957
CA GRENOBLE (ch. com.), 31 janvier 2019 : RG n° 12/02494
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La présente action du Ministre de l'économie et des Finances à l'encontre de la société SYSTEME U sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce en nullité des clauses relatives à la rémunération du contrat de services, en restitution du trop-perçu versé par l'UVCR et en paiement d'une amende civile n'est pas soumise à l'autorisation ou à la présence de cette dernière à cette procédure.
Par ailleurs, la décision du Conseil Constitutionnel en date du 13 mai 2011 suite à la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société SYSTEME U confirme la constitutionnalité et l'autonomie de cette action du Ministre de l'économie et des Finances en précisant qu'il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d'introduire, pour la défense d'un intérêt général, une action en justice visant à cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public ; que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s'opposent à ce que, dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux exigences constitutionnelles susvisées et sous la réserve selon laquelle les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action par le Ministre de l'économie et des Finances.
La conformité de ces dispositions à la constitution n'est dès lors pas subordonnée au consentement ou à la présence du partenaire commercial lésé mais à une obligation d'informer l'ensemble des cocontractants de l'engagement de l'action en justice.
En l'espèce par courrier en date du 2 avril 2007, la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes fait savoir à l'UVCR que suite à un contrôle des pratiques commerciales de la grande distribution et au vu des constations effectuées pour l'enseigne SYSTEME U, elle a dans le cadre de l'article L. 446-2 du code de commerce assigné la SA SYSTEME U en réparation et que l'affaire est appelée à l'audience du tribunal de commerce de Valence en date du 18 avril 2007.
Ce courrier précise le nom du défendeur, le fondement juridique de l'action du Ministre de l'économie et des Finances, la juridiction saisie et la date de la première audience, soit l'ensemble des éléments de nature à permettre à l'UVCR d'intervenir à la présente instance, il est dès lors conforme aux exigences du considérant 9 de la décision du Conseil Constitutionnel susvisée n'exigeant pas que cette information émane du Ministre de l'économie et des Finances.
La lettre en date du 16 décembre 2016 de la direction générale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi à l'UVCR comportant des informations complémentaires sur la présente action engagée par le ministre n'est pas pour autant la reconnaissance de la non-conformité de la lettre préalable au considérant 9 de la décision du Conseil Constitutionnel en date du 13 mai 2011 dans la mesure où ces informations complémentaires portent notamment sur l'évolution de la procédure et essentiellement sur l'avancement de la présente procédure devant la cour d'appel de Grenoble, éléments d'informations que l'on ne peut reprocher au ministre de ne pas avoir donnés à l'UVCR en avril 2007.
La tardiveté de ces informations complémentaires et le fait qu'à cette date l'action de l'UVCR était prescrite sont par conséquent sans incidence sur la recevabilité de la présente action et compte tenu de la conformité de la lettre du 2 avril 2007 au considérant 9 de la décision du conseil constitutionnel du 13 mai 2011 comme préalablement expliqué.
L'irrecevabilité soulevée par la SA SYSTEME U sera rejetée et l'action du Ministre de l'économie et des Finances déclarée recevable.
Le jugement contesté déclarant le Ministre de l'économie et des Finances sera confirmé en ce qu'il le déclare recevable en ses actions et demandes. »
2/ « L'article L. 442-6-I-2° b du code commerce, en vigueur au moment des faits mentionne que engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan « d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées ».
Mais l'intimé ne saurait utilement invoquer cet article qui sanctionne la faute civile de l'abus de puissance d'achat qui n'existe plus dès que cette disposition a été abrogée par la loi dite de modernisation de l'économie du 4 août 2008 et ne peut désormais recevoir application et ce, que les faits en cause soient antérieurs ou postérieurs à son abrogation. Le jugement contesté retenant cette faute civile de l'abus de puissance d'achat sur le fondement de l'article 442-6-I-2° b du code commerce dans ses dispositions applicables avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 sera infirmé de ce chef.
L'article 442-6-I-2°a du code commerce devenu suite à l'entrée en vigueur de la loi dite de modernisation de l'économie du 4 août 2008 L. 442-6-I-1° dispose que engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par tous producteur, commerçant, industriel ou artisan « d'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. »
Il est constant que les données chiffrées utilisées par la SA SYSTEME U pour la réalisation de son rapport proviennent du panéliste IRI SECODIP auprès duquel l'UVCR a souscrit un contrat de fournitures de statistiques pour 2005 et 2006 et pour un coût de 12.000 euros. Les deux rapports soit pour 2005 et 2006 réalisés par la SA SYSTEME U pour l'UVCR sont versés aux débats. Il convient de constater que ces deux rapports de quelques pages composés essentiellement de tableaux ne sont pas spécifiques à l'UVCR dans la mesure où pour partie les produits cités ne correspondent pas à l'activité de ce fournisseur, que les données statistiques utilisées ne sont pas réalisées par la SA SYSTEME U mais sont fournies par IRI SECODIP en exécution d'un contrat conclu avec l'UVCR et que les conclusions de ce rapport se limitent à l'énoncé de quelques constatations d'ordre général et ne font aucune référence aux produits spécifiques de l'UVCR.
Il convient dès lors de constater que le contenu de ces deux rapports constituent un service commercial manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu à hauteur de la somme de 730.113 euros au sens de l'article susvisé et ce indépendamment de l'appréciation énoncée par l'UVCR dans sa lettre du 23 mai 2007.
Le rapport de décembre 2005 de Performance Monitor France ayant un objet différent des rapports réalisés en 2005 et 2006 par la SA SYSTEME U en exécution des contrats passés avec l'UVCR ne peut dès lors en démontrer la pertinence.
La SA SYSTEME U engage par conséquent sa responsabilité, il convient de prononcer la nullité de la clause relative à la rémunération des deux contrats de services rendus et de condamner la SA SYSTEME U à ce titre à restituer les sommes perçues soit la somme totale de 730.113 euros sur le fondement de l'article L 442-6-III du code de commerce permettant au ministre sur le fondement de la répétition de l'indu d'obtenir la restitution des sommes perçues par la SA SYSTEME U.
Le jugement contesté sera confirmé en ce qu'il prononce la nullité de la clause des contrats de services conclus entre la SA SYSTEME U et l'UVCR et condamne la SA SYSTEME U à restituer la somme de 730.113 euros.
La faute ainsi démontrée de la SA SYSTEME U justifie de prononcer également une amende civile de 150.000 euros compte tenu de sa gravité, de l'atteinte à l'ordre public économique consécutive, du préjudice subi par l'UVCR et du montant indûment perçu par la SA SYSTEME U. Le jugement contesté prononçant une amende civile de 1.500.000 euros sera infirmé. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 31 JANVIER 2019
- 6167 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Application dans le temps
- 6202 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Distribution - Services de coopération commerciale
- 6246 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Consentement
- 6247 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Mise en cause
- 6248 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Information
- 6254 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Restitutions
- 6255 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Amende civile