CA LYON (1re ch. civ. B), 18 décembre 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7977
CA LYON (1re ch. civ. B), 18 décembre 2018 : RG n° 17/01326
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « L'insuffisance de l'information fournie sur les risques d'un prêt en devise ou de clarté des clauses d'un contrat ne caractérise pas un dol dès lors qu'il n'est pas établi que les manquements invoqués aient été faits dans l'intention de tromper la partie adverse pour l'amener à contracter, étant relevé que Mme X., qui travaillait en Suisse mais vivait en France connaissait nécessairement les mécanismes de la conversion et de l'évolution de la parité. »
2/ « Sur la nullité de la clause stipulant le paiement en monnaie étrangère : Les dispositions de l'article L. 312-3-1 (devenu L. 313-64) du code de la consommation prohibant les prêts libellés dans une autre devise que l'euro y compris pour les emprunteurs déclarant percevoir principalement leurs revenus ou détenir un patrimoine dans cette devise au moment de la signature du contrat de prêt excepté si le risque de change n'est pas supporté par l'emprunteur, résultent d'une loi du 26 juillet 2013. En l'absence de dispositions en ce sens à la date de souscription du prêt litigieux, la demande de nullité du prêt est sans fondement et doit être rejetée. »
3/ « Sur le caractère abusif de la stipulation des clauses relatives au risques de change : Selon l'article L. 132-1 (devenu L. 212-1) du code de la consommation, « [...] ».
En l'espèce, la rubrique « remboursement » des conditions générales précise que les remboursements s'effectueront dans la devise figurant dans l'offre, par utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en devises de l'emprunteur, ou à défaut, par l'achat de devises au comptant ou à terme par débit du compte en euros de l'emprunteur qui supportera donc intégralement, en cas d'achat de devises au comptant ou à terme, le risque de change. Si le compte en euros n'est pas suffisamment approvisionné pour permettre l'achat des devises, le prêteur transformera le montant de l'échéance en euros au cours du jour de l'échéance. La rubrique « particulière au risque de change » précise quel le risque de change est supporté en totalité par l'emprunteur.
La notice d'information, communiquée en cause d'appel, si elle a été dûment signée par les emprunteurs et si elle permettait à ces derniers, familiers de la variation des cours de change entre le franc suisse et l'euros, de comprendre que le taux de change pouvait évoluer à tout moment à la hausse comme à la baisse, ne comporte aucune précision permettant à ceux-ci de comprendre l'influence de la variation du taux de change sur l'amortissement du crédit et en particulier d'appréhender le risque que faisait peser sur eux une variation importante et brutale des parités entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement et le risque encouru en cas de perte de la source de revenus en francs suisses.
C'est dès lors par une exacte analyse et par de justes et pertinents motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que les emprunteurs n'avaient pas bénéficié d'une information claire et précise sur les conséquences d'un changement de parité entre le franc suisse et l'euros et par là-même d'une information claire sur le risque de change. Il convient en conséquence de faire droit à la demande d'annulation des dispositions du contrat fixant le montant et les échéances de remboursement du prêt par référence à la contre-valeur en euros du franc suisse.
Cette annulation n'a toutefois pas pour effet d'entraîner la nullité de l'ensemble du contrat de prêt comme étant sans incidence sur le montant de la somme empruntée à savoir 66.000 euros, le taux du prêt à savoir un taux fixe de 4,40 %, le nombre des échéances, leur périodicité et leur fixité, et permet par conséquent à celui-ci de subsister comme un prêt en euros, étant relevé que les époux H. ont accepté l'offre de prêt comportant le tableau d'amortissement du prêt en euros à raison de 99 échéances trimestrielles fixes de 1.098,73 euros, la dernière de 1.097,97 euros conformément à ce qui était indiqué à la première page de l'offre mentionnant un coût du crédit de 49.473,32 euros auquel s'ajoutaient un coût d'assurance de 5.400,65 euros. »
4/ « Sur la déchéance du terme : Le contrat de prêt stipule : « Le prêteur aura la possibilité de se prévaloir de l'exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoire, par la seule survenance de l'un quelconque des événements ci-après et sans qu'il soit besoin d'aucun préavis ou d'aucune formalité judiciaire : - en cas de diminution de la valeur de la garantie, - en cas de non-paiement des sommes exigibles ou d'une seule échéance malgré une mise en demeure de régulariser, adressée à l'emprunteur, par tout moyen et restée sans effet pendant 15 jours ».
Cette clause ne revêt aucun caractère abusif comme ne créant pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, s'agissant d'une sanction proportionnée du manquement de l'emprunteur à ses obligations principales.
Par contre, outre que la Banque ne justifie pas de son envoi, la lettre de mise en demeure du 20 mars 2014 dont elle verse la copie aux débats, porte sur un montant calculé sur la base des clauses annulées de sorte qu'elle ne saurait valoir mise en demeure.
Il en résulte que la déchéance du terme n'a pas joué et que la Banque n'est pas fondée à solliciter le montant du capital restant dû ni la pénalité contractuelle de 7 %. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2018
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