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T. COM. TOULOUSE, 28 juillet 1998

Nature : Décision
Titre : T. COM. TOULOUSE, 28 juillet 1998
Pays : France
Juridiction : Toulouse (TCom)
Demande : 96/005017
Date : 28/07/1998
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 5/12/1996
Décision antérieure : CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 15 mars 2000
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 803

T. COM. TOULOUSE, 28 juillet 1998 : RG n° 96/005017

(sur appel CA Toulouse (2e ch. 1), 15 mars 2000 : RG n° 1998/04549 ; arrêt n° 180)

 

Extrait : « Le Tribunal constatera que cette clause est abusive dans la mesure où elle prévoit qu'un sinistre survenu pendant la défaillance technique éventuelle de l'installation trouve sa cause non pas dans cette défaillance mais dans le fait de l'auteur du sinistre et ne peut être retenue comme cause d'un sinistre dont le client serait simultanément victime. ATTENDU, de surcroît, que même si elle est conclue entre deux professionnels, Le Tribunal jugera que ladite clause est inopposable à l'acquéreur X. PARFUM, ce dernier, vendeur de PARFUM et produits de beauté, n'étant pas un professionnel de même spécialité et qu'il y a lieu de faire jouer la garantie légale et d'appliquer l'Article L. 132-1 du Code de la Consommation, Loi n° 95-96 du 1er février 1995. »

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE TOULOUSE

JUGEMENT DU 28 JUILLET 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 96/005017. JUGEMENT DU 28 JUILLET 1998 prononcé en audience publique par M. MALVAUX, PRÉSIDENT, Assisté de M. PUJOL, GREFFIER, Après débats en audience publique telle le 18 MAI 1998 devant MM. MALVAUX, faisant fonction de PRÉSIDENT, PASCAUD et HENRAS, JUGES, qui en ont délibéré et ont concouru au jugement, chacun suivant les droits et qualités qui lui sont attribués par la Loi.

 

CAUSE D’ENTRE :

SOCIÉTÉ X. PARFUM SARL

au capital de […], [adresse], en présence de : Maître LAVERGNE, es-qualités d'Administrateur judiciaire - Maître DUTOT, es-qualités de Représentant des Créanciers, partie demanderesse, représentée par SCP CAMILLE SARRAMON-VINCENTI-RUFF Avocats au Barreau de TOULOUSE

[minute page 2]

SOCIETÉ CEDI SECURITÉ ALARME N° 1

SA au capital de […], [adresse], partie défenderesse, représentée par : Maître Florence MAILLE BELLEST, Avocat plaidant du Barreau de NANTES,  Maître Jacques MESSAUD, Avocat postulant du Barreau de TOULOUSE

RÔLE N° 96005017 (Jo).

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA PROCÉDURE :

Par acte d'huissiers en date du 5 décembre 1996 enrôlé sous le N° 96005017 la société X. PARFUM a assigné la SA CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1, en son agence régionale de [ville], et demande au Tribunal :

Vu le rapport d'expertise de Monsieur X. désigné par ordonnance de référé du 26 avril 1996,

* de condamner la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 au paiement d'une somme de 300.000 Francs à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues du fait du dysfonctionnement du système d'alarme,

* de la condamner également au paiement d'une somme de 15.000 Francs par application de l'Article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens,

* d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant opposition ou appel et sans caution.

[minute page 3]

À LA BARRE :

LA SARL X. PARFUM soutient l'acte introductif d'instance.

LA SA CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 demande au Tribunal :

À TITRE PRINCIPAL :

- de juger que la responsabilité de la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 n'est pas engagée à l'égard de la société X. PARFUM et en conséquence,

- de la débouter purement et simplement de toutes ses demandes, fins et conclusions,

À TITRE SUBSIDIAIRE :

- de dire que la responsabilité de la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 n'est engagée que dans la mesure de la perte d'une chance de limiter l'étendue du vol,

- de réduire substantiellement le montant des dommages et intérêts sollicités,

- de condamner la société X. PARFUM aux entiers dépens.

En réponse, la société X. PARFUM demande au Tribunal :

- de condamner la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 au paiement d'une somme de 300.000 Francs à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts de droit à compter de l'assignation (c'est-à-dire du 5 décembre 1996),

- de dire et juger que ces intérêts, dès lors qu'ils seront dus pour une année entière, seront eux-mêmes productifs d'intérêts,

- de condamner la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 au paiement d'une somme de 20.000 Francs par application de l'Article 700 du NCPC,

- de condamner la même société aux entiers dépens en ceux non compris les frais de référé et d'expertise,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

LA SOCIÉTÉ CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1, en réplique, demande au Tribunal :

À TITRE PRINCIPAL :

de juger que la responsabilité de la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 n'est pas engagée à l'égard de la société X. PARFUM et en conséquence, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

[minute page 4] À TITRE SUBSIDIAIRE :

- de constater que la société X. PARFUM ne démontre pas la réalité de son préjudice et la débouter de toutes ses demandes,

À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

- de réduire substantiellement le montant des dommages et intérêts sollicités par la société X. PARFUM.

* * *

A l'issue des plaidoiries, le Président de la séance a prié le demandeur de lui faire parvenir en cours de délibéré un document faisant ressortir la valeur de l'assurance incendie des marchandises, ce qui fut fait le 15 juin 1998.

 

LES FAITS :

La société X. PARFUM exploite un fonds de commerce de parfumerie à X.

Elle passe commande le 23 juin 1995 à la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 d'un système d'alarme couplé à un système déclencheur d'émission de gaz lacrymogène pour un montant de 37.253.44 Francs.; cette installation est mise en place dans ses locaux le 27 juin 1995.

Le 26 mars 1996, la société X. PARFUM est victime d'une première tentative d'effraction qui échoue.

Le 16 avril 1996, elle est victime d'un nouveau cambriolage à 4 heures du matin et la gérante, Madame W., constate en se rendant sur les lieux à la suite d'un signal téléphonique relié à l'alarme qu'une seule des deux armoires renfermant le système d'éjection de gaz a fonctionné et qu'une grande partie du stock de parfums et de produits de beauté a disparu.

La société X. PARFUM dépose plainte contre inconnu le jour même auprès de la Gendarmerie de X. et fait également procéder à un constat d'huissier.

On peut y lire que les vitrines de la boutique sont protégées au moyen d'une grille métallique commandée par un système de levage électrique, grille protégée par une serrure, que les barres de fermeture manœuvrées par cette serrure sont tordues, que la porte d'entrée vitrée est brisée.

Ce constat décrit le système d'alarme après le cambriolage et les étagères partiellement vidées des marchandises qu'elles contenaient.

[minute page 5] A la demande de la société X. PARFUM, une ordonnance de référé est rendue le 25 avril 1996 qui procède à la désignation d'un expert en la personne de Monsieur X., [adresse].

Sa mission est la suivante :

- se rendre sur les lieux dès le Vendredi 26 avril 1996, [adresse],

- prendre connaissance des documents contractuels et procéder à la description du système d'alarme litigieux,

- procéder contradictoirement à l'ouverture des armoires renfermant les éjecteurs de gaz et rechercher si le système a ou non fonctionné normalement et, dans la négative, rechercher les causes du dysfonctionnement,

- chiffrer le coût de la remise en état de fonctionnement normal du système,

- chiffrer le préjudice subi par la société X. PARFUM du fait de ce cambriolage en se faisant éventuellement assister par tel sapiteur de son choix par application de l'Article 278 du NCPC,

- d'une manière générale, fournir au Tribunal tous autres éléments participant à la solution du litige.

Le 29 mai, le rapport est déposé.

Une assignation au fond est lancée le 5 décembre 1996 par la société X. PARFUM à l'encontre de la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1.

Le 23 juillet 1997, le Tribunal de Commerce de TOULOUSE prononce le redressement judiciaire de la société X. PARFUM.

Maître LAVERGNE est désigné en qualité d’Administrateur Judiciaire et Maître DUTOT en qualité de Représentant des Créanciers.

* * *

Aux termes des conclusions de l'expert, on peut lire que même si l'alarme téléphonique a très probablement correctement fonctionné dès l'intrusion des cambrioleurs, elle n'était plus suffisamment dissuasive pour un vol de nuit d'une durée limitée à quelques minutes.

Il considère que le système de protection du magasin a imparfaitement fonctionné ne protégeant qu'une des deux zones sous surveillance et rendant de ce fait le cambriolage possible.

Il ajoute, en outre, que le caractère offensif du système a fait défaut.

Il constate que, même si le système protégeant la deuxième zone a fonctionné provoquant la fuite des cambrioleurs quand les gaz ont été éjectés, ceci ne les a pas empêchés de dérober une partie des produits dans cette zone également.

[minute page 6]

MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES :

Le demandeur, la société X. PARFUM soutient :

- que dans l'entrée du magasin, c'est-à-dire la première partie, le radar, s'il a enregistré l'intrusion des cambrioleurs, n'a pas diffusé de gaz lacrymogène,

- que le matériel n'a pas ou a imparfaitement fonctionné,

- que la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 est donc responsable de cette absence de fonctionnement ou de dysfonctionnement sur le terrain contractuel en sa qualité de fournisseur et d'installateur du système d'alarme,

- qu'il n'est pas possible d'invoquer des phénomènes extérieurs audit système tels que la surtension du réseau électrique ou la foudre, l'expert ayant rejeté ces hypothèses,

- qu'il y a donc lieu de retenir la responsabilité de la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 sur le plan des faits,

- que le contrat liant la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 à la société X. PARFUM est un contrat de vente,

- que le vendeur est tenu de livrer un matériel conforme à l'usage auquel il est destiné, donc exempt de vices,

- que l'expert a mis en évidence que sur les deux radars, un seul a fonctionné, l'autre (le premier) n'ayant pas diffusé de gaz lacrymogène du fait de la défaillance du système de mise à feu,

- que de ce fait, le système qu'il a acheté n'a pas rempli l'usage auquel il était destiné et qu'il y a lieu de considérer la clause de non garantie prévue au contrat comme nulle et de nul effet,

- que de surcroît, la clause limitative de garantie, article 10-2, des conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande aux termes de laquelle « le client dégage formellement la société de toute responsabilité à raison du préjudice, quel qu’il soit, qu’il pourrait subir à la suite d'un sinistre survenu pendant que l'installation était partiellement ou totalement défaillante » apparaît comme étant nulle ou du moins inopposable car conclue entre un professionnel, la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1, et un non professionnel, la société X. PARFUM,

- qu'en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts, l'obligation de la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 reste limitée à la réparation des conséquences du manquement à ses obligations contractuelles au regard des circonstances du cambriolage,

- que si le radar avait fonctionné dans la première partie du magasin, c'est-à-dire dès l'entrée des cambrioleurs, ces derniers seraient très vite sortis, et n'auraient pu pénétrer dans la deuxième partie,

- [minute page 7] qu'elle a subi une perte de 268.672,21 Francs de marchandises dérobées dans la première partie et de 62.113,98 Francs dérobées dans la deuxième partie, soit un montant total prix d'achat de 330.786 Francs, ce qui représente un manque à gagner de 215.038,33 Francs,

- qu'elle a limité le montant de son préjudice total à 300.000 Francs seulement alors que sa perte est de 545.824,33 Francs,

- que de surcroît ce sinistre est lié au redressement judiciaire.

La partie défenderesse, la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1, oppose :

- qu'il ressort du rapport de l'expert « que le système a bien détecté l'intrusion dans le local mais que le percuteur n'a pas correctement fonctionné puisqu'il n'a pu déclencher l'éjection de gaz »,

- que ses conclusions sont contestables,

- que l'expert ne note aucune différence dans la composition et le mode de fonctionnement des deux PAG qui ont été tous deux testés au cours de la fabrication ainsi qu'en attestent les fiches de suivi de matériels versées aux débats,

- qu'il est manifeste que le dysfonctionnement ne trouve pas sa source dans le PAG même mais dans une cause extérieure qui ne lui est pas imputable,

- que plusieurs phénomènes aléatoires tels que surtensions EDF sur le réseau électrique alimentant le PAG, des travaux effectués sur le réseau électrique, les effets secondaires d'un orage (comme la foudre) peuvent endommager la résistance chauffante sans la détruire mais en compromettant le bon fonctionnement du système,

- que l'expert n'ayant relevé aucune anomalie dans la composition des deux matériels, le dysfonctionnement du PAG résulte d'une cause extérieure, postérieure à la délivrance du produit,

- que l'Article 8 des conditions générales de vente stipule que les garanties légales « ne concernent pas les défectuosités résultant d'une cause extérieure tels qu'une faute ou une erreur dans l'utilisation, un usage anormal, l'humidité, l'incendie, l'explosion, la foudre, la tentative de vol, l'intervention de tiers »

- que la demanderesse n'apporte pas la preuve d'un manquement contractuel,

- qu'il y a lieu de faire jouer l'Article 10.2 des conditions générales de vente où il est rappelé au client « qu'un sinistre survenu pendant la défaillance technique éventuelle de l'installation trouve sa cause non pas dans cette défaillance technique mais dans le fait de l'auteur du sinistre » etc.,

- que la société X. PARFUM ne peut bénéficier de la protection contre les clauses abusives prévues par l'Article L. 132-1 du Code de la Consommation car sont exclus du champ d'application de cet article tous les contrats passés pour les besoins de l'activité professionnelle,

- [minute page 8] que ceci est de surcroît conforme à la directive européenne du 5 avril 1993 qui exclut les professionnels agissant dans le cadre de leur activité professionnelle,

- que la société X. PARFUM a acquis ce système d'alarme pour les besoins de son activité professionnelle et que de ce fait, il y a lieu d'appliquer l'Article 10.2 et qu'en ce cas, la responsabilité de la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 ne saurait être engagée,

Subsidiairement, que la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1, après avoir observé que les demandes de la société X. PARFUM ont varié au cours de la procédure, soutient :

- que ses demandes ne sont justifiées par aucune pièce sérieuse et qu'elle n'a produit aucun élément de nature à démontrer :

* la réalité du stock, son volume,

* la valeur de la marchandise laquelle dépend de la date d'acquisition, de la fréquence de la rotation des stocks

- qu'aucune pièce n'a été versée aux débats et que de ce fait, la preuve du préjudice n'a pas été apportée,

- que le manque à gagner ne doit pas être pris en considération dans l'évaluation du préjudice puisqu'il ne correspond pas à un préjudice réel car il s'agit d'un bénéfice éventuel qui aurait pu être obtenu lors de la revente des produits, que rien ne prouve que ces marchandises auraient été revendues si le vol n'avait pas eu lieu,

- que la société X. PARFUM a pris volontairement un risque important (en ne s'assurant pas, en ne mettant pas en place des moyens de protection accrus) qu'elle cherche aujourd'hui à lui faire supporter et qu'elle ne saurait être responsable de l'ensemble des conséquences résultant du vol,

- que l'installateur d'un système d'alarme n'est pas tenu d'assurer l'inviolabilité des locaux protégés et l'absence totale de vol.

Le demandeur, la société X. PARFUM rétorque :

- qu'elle a pris toutes les précautions utiles,

* en faisant installer un rideau de fer anti-effraction avec coffre fort à clé par commande extérieure en février 1994 pour un montant de 54.556 Francs,

* en faisant installer un système d'alarme présenté comme remarquablement performant compte tenu du caractère « offensif» de l'éjection de gaz lacrymogène,

- qu'elle n'a pu s'assurer car aucun assureur n'a voulu assurer le risque (voir l'attestation de la MACIF du 20 février 1997)

- qu'en toute éventualité, si elle s'était assurée, ce serait son assureur qui, subrogé dans ses droits, aurait intenté la présente procédure,

- [minute page 9] quant aux clauses limitatives de garantie (article 10.2) celles-ci doivent être déclarées inopposables à l'acquéreur puisqu'il ne s'agit pas de professionnels de même spécialité,

- que le bon fonctionnement du système relève d'une obligation de résultat et non pas de moyens,

- que si le système d'alarme avait normalement fonctionné, le préjudice aurait été insignifiant,

- que du fait que la première armoire n'a pas fonctionné contrairement à la deuxième, la première partie des locaux a pu être totalement dévalisée et la deuxième presque pas, ce qui démontre le lien de causalité.

A cela la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 répond :

- que les demandeurs ont produit deux jours avant l'audience un extrait des comptes de la société X. PARFUM ce qui permet de constater qu'en 1996 cette société a eu un excédent de stock tout à fait inhabituel, qu'elle a « surstocké » et cherche aujourd'hui à lui faire supporter une partie de son erreur de gestion,

- que contrairement à ses dires, la société X. PARFUM a toujours évalué son préjudice à 300.000 Francs et ne l'a pas volontairement « limité »,

- qu'il ressort des dernières pièces fournies qu'elle ne réalise pas la marge qu'elle invoque mais une marge inférieure à 30 %.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LES MOTIFS DE LA DÉCISION :

SUR LE PLAN DES FAITS :

ATTENDU qu'il ressort de l'ensemble des procès-verbaux, des pièces soumis au Tribunal et du rapport de l'expert, Monsieur X., que le système de protection du magasin X. PARFUM, dit « TURBO PAG » a imparfaitement fonctionné, ne protégeant qu'une des deux zones sous surveillance.

ATTENDU que l'expert précise dans son rapport du 29 mai 1996 que ce système repose sur un principe de protection dite « offensive » par éjection de gaz, le Tribunal ne pourra que le suivre quant il constate que le caractère « offensif du système a fait défaut dans l'un des deux zones de protection du magasin.

[minute page 10] Vu le procès-verbal N° 1230 de la Gendarmerie de X. auquel est annexé un dossier photographique et plus particulièrement la photographie n° 5, dernier cliché au-dessus de laquelle on peut lire :

« Vue de la porte d'entrée forcée.

Vue partielle du rayonnage intérieur vidé après le cambriolage.

Sur la prise de vue, en haut à droit, nous voyons le rideau métallique forcé.

NOTA : L'alarme TALCO a partiellement fonctionné.

Le diffuseur de gaz lacrymogène qui se trouve à gauche, juste en entrant par la porte fracturée ne s’est pas déclenché. Le diffuseur du fond du magasin a normalement fonctionné. »

Le Tribunal jugera que le système de protection du magasin X. PARFUM n'a que partiellement fonctionné ne protégeant pas la première partie, « à gauche juste en entrant par la porte fracturée ».

Vu le procès-verbal d'enquête préliminaire de la Gendarmerie dressé le 16 avril 1996 quant à la manière de procéder des malfaiteurs selon laquelle « Ils ont coupé la tige en fer équipée d'un cadenas qui servait de renfort à la fermeture d'un des rideaux métalliques de protection. Ils ont forcé le petit panneau qui protégeait la serrure et le bouton électrique des commandes des rideaux métalliques. Ils ont fait levier sur le rideau métallique et actionné en même temps la commande électrique forcée. Ils ont forcé ensuite la porte d'entrée et pénétré ainsi dans tout le magasin ».

ATTENDU que la société X. PARFUM, après avoir mis en place en avril 1994 un rideau métallique pour protéger les vitrines de sa parfumerie, a subi une première tentative d'effraction le 27 mars 1996, a alors aussitôt procédé à un renforcement des systèmes : serrures supplémentaires ainsi que le renfort des poteaux,

Le Tribunal constatera que même si le matériel mis en place par la société X. PARFUM s'est révélé insuffisant pour empêcher l'intrusion des voleurs, le système d'alarme n'a qu'imparfaitement et partiellement pris le relais, facilitant ainsi le vol des PARFUMS notamment dans la première zone.

 

SUR LE PLAN DU DROIT :

ATTENDU que la société X. PARFUM prétend que la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 a manqué à son obligation de délivrance en livrant un matériel non conforme à l'usage auquel il était destiné.

ATTENDU que la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 oppose l'Article 8.2 du Bon de commande « véritable contrat de vente » selon lequel « les prestations de garantie énumérées ci-dessus (garanties légales) ne concernent évidemment pas les défectuosités résultant d'une cause extérieure telles qu'une faute ou une erreur dans l'installation, un usage anormal, l'humidité, l'incendie, l'explosion, la foudre, la tentative de vol, l'intervention de tiers »,

[minute page 11] Mais,

ATTENDU qu'aucune preuve n'a été apportée de l'existence d'une cause extérieure.

ATTENDU que l'expert, Monsieur X., écrit notamment « l'hypothèse d'une surtension du secteur ou d'une autre origine ayant pu partiellement endommager le système pyroélectrique, avancée par la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 ne nous paraît pas vérifiable dans ce cas précis »,

Le Tribunal retiendra l'avis de l'expert, Monsieur X., sur ce point et notamment « la défaillance provient du système pyroélectrique qui n'a pas enclenché la cartouche de gaz. Bien que la mise à feu se soit bien effectuée, l'effet de l'explosion a été inefficace » et jugera que le système vendu par la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 à la société X. PARFUM n'a pas rempli l'usage auquel il était destiné et que le dysfonctionnement de matériel ne provient pas d'une cause étrangère non imputable à la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1.

Vu l'Article 8.1 du contrat de vente passé le 23 juin 1995, le Tribunal jugera que le sinistre du 16 avril 1996 est intervenu pendant la période de garantie prévue au contrat soit dans les douze mois écoulés depuis le 23 juin 1995.

ATTENDU l'Article 10.2 des conditions générales de vente selon lequel :

« Il est en effet rappelé au client qu'un sinistre survenu pendant la défaillance technique éventuelle de l'installation trouve sa cause, non pas dans cette défaillance technique, mais dans le fait de l'auteur du sinistre. Il est en d'autres termes rappelé au client que la défaillance de l'installation ne peut, en aucun cas, être retenue comme la cause d'un sinistre dont le client serait simultanément victime. Notre société ne garantit en aucune façon que l'installation empêchera tout vol ou agression. L’installation n’a pour objet que de détecter, à l'aide des éléments qui la composent, et dont la fiabilité dépend de l'état actuel des techniques, une intrusion éventuelle. Le client dégage en conséquence, formellement, la société de toute responsabilité à raison du préjudice, quel qu'il soit, qu'il pourrait subir à la suite d'un sinistre survenu pendant que l'installation était partiellement ou totalement défaillante »,

Le Tribunal constatera que cette clause est abusive dans la mesure où elle prévoit qu'un sinistre survenu pendant la défaillance technique éventuelle de l'installation trouve sa cause non pas dans cette défaillance mais dans le fait de l'auteur du sinistre et ne peut être retenue comme cause d'un sinistre dont le client serait simultanément victime.

ATTENDU, de surcroît, que même si elle est conclue entre deux professionnels,

Le Tribunal jugera que ladite clause est inopposable à l'acquéreur X. PARFUM, ce dernier, vendeur de PARFUM et produits de beauté, n'étant pas un professionnel de même spécialité et qu'il y a lieu de faire jouer la garantie légale et d'appliquer l'Article L. 132-1 du Code de la Consommation, Loi n° 95-96 du 1er février 1995.

ATTENDU que si la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 n'était pas tenue d'assurer l'inviolabilité des locaux protégés, le système d'alarme vendu devait sinon empêcher, du moins limiter sérieusement l'étendue du vol (aucune preuve n'ayant été apportée de ce que les malfaiteurs auraient été munis de masques à gaz),

[minute page 12] Vu les articles 1147 et 1382 du Code Civil, le Tribunal jugera que la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 doit à la société X. PARFUM réparation des conséquences du manquement à ses obligations contractuelles.

Vu l'attestation du Cabinet Z. SARL, expert comptable de la société X. PARFUM selon laquelle au vu des éléments fournis par sa cliente, la société X. PARFUM, le préjudice subi s'est élevé à 330.786 Francs en coût d'achat de produits.

Vu les extraits de compte 1995, 1996 et 1997 fournis par la société X. PARFUM.

ATTENDU que lors du sinistre, le stock était assuré pour un montant maximum de 736.200 Francs.

ATTENDU que la société X. PARFUM n'a pas fourni au Tribunal la totalité des éléments lui permettant de chiffrer le préjudice, notamment les factures et justificatifs d'achat des produits volés,

Le Tribunal ne pourra que chiffrer d'une manière forfaitaire le préjudice subi par la société X. PARFUM et condamnera la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 à lui payer la somme de 115.000 Francs à titre de dommages, toutes causes de préjudice confondues et déboutera la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 de l'ensemble de ses demandes.

ATTENDU que les intérêts de droit sont demandés, le sinistre étant ancien, le Tribunal jugera que ces intérêts sont dus au taux légal à compter du 5 décembre 1996 (date de l'assignation) et condamnera la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 à les payer à la société X. PARFUM, étant précisé que ces intérêts étant dus pour plus d'une année entière, ils seront eux-mêmes productifs d'intérêts, conformément à l'Article 1154 du Code Civil.

Vu les faits de la cause, le Tribunal déboutera la société X. PARFUM de sa demande d'exécution provisoire.

ATTENDU que la conduite de la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 a obligé la société X. PARFUM à engager des frais irrépétibles, le Tribunal la condamnera à lui payer une somme de 8.500 Francs HT au titre de l'Article 700 du NCPC.

ATTENDU l'Article 696 du NCPC, le Tribunal condamnera la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 à payer les entiers dépens tant de la présente procédure que ceux de l'instance en référé ainsi que les frais et honoraires d'expert.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 13] PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, après en avoir délibéré,

Constate que le système d'alarme mis en place par la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 n'a qu'imparfaitement et partiellement fonctionné.

Retient l'avis de l'expert commis par le Tribunal, Monsieur X.

Juge que le système vendu par la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 à la société X. PARFUM n'a pas rempli l'usage auquel il était destiné.

Condamne la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 à payer à la société X. PARFUM :

* la somme de 115.000 Francs (cent quinze mille francs) à titre de dommages et intérêts (toutes causes du préjudice confondues), somme assortie des intérêts de droit à compter du 5 décembre 1996, ces intérêts étant eux-mêmes productifs d'intérêts conformément l'Article 1154 du Code Civil.

Déboute la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 de l'ensemble de ses demandes.

Déboute la société X. PARFUM de sa demande d'exécution provisoire.

Condamne la société CEDI SÉCURITÉ ALARME N° 1 à payer à la société X. PARFUM :

* la somme de 8.500 Francs HT (huit mille cinq cents francs HT) au titre de l'Article 700 du NCPC

Vu l'Article 696 du NCPC, condamne la société CEDI SÉCURITÉ ALARMÉ N° 1 aux entiers dépens, en ce compris les frais de référé, les frais et honoraires d'expertise.

LE GREFFIER                                               LE PRÉSIDENT