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T. COM. TOULOUSE, 8 décembre 1994

Nature : Décision
Titre : T. COM. TOULOUSE, 8 décembre 1994
Pays : France
Juridiction : Toulouse (TCom)
Demande : 94/3551
Date : 8/12/1994
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 31/05/1994
Décision antérieure : CA TOULOUSE (2e ch.), 12 mai 1997
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 807

T. COM. TOULOUSE, 8 décembre 1994 : RG n° 94/3551

(sur appel CA Toulouse (2e ch.), 12 mai 1997 : RG n° 95/665)

 

Extrait : « Qu'il apparaît par contre clairement que R&D Plus s'est présenté comme un professionnel de la fiscalité, alors que NÉON AQUITAINE est un professionnel de l'enseigne lumineuse. Que dès lors le contrat, critiquable compte tenu de la non conformité des conditions particulières avec les conditions générales, a été conclu entre un professionnel et un non professionnel, fut-il commerçant lui même. Que NÉON AQUITAINE ayant été démarché par R&D Plus devra bénéficier des dispositions de la loi du 10 janvier 1978, et de l'article 2 bis de la loi du 23 juin 1989. »

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE TOULOUSE

JUGEMENT DU 8 DÉCEMBRE 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94/3551. JUGEMENT DU 8 DÉCEMBRE 1994, Prononcé en audience publique par Monsieur VERGNE, assisté de Monsieur PUJOL, Greffier, après débats en audience publique le 13 OCTOBRE 1994 devant MM : VERGNE, Président, CATALA et HAMELLE, Juges, qui en ont délibéré et ont concouru au jugement, chacun suivant les droits et qualités qui lui sont attribués par la loi.

 

CAUSE D’ENTRE :

SARL RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT PLUS (R&D Plus)

[adresse], Partie demanderesse, Représentée par la partie

 

CONTRE :

SARL NÉON AQUITAINE RÉALISATIONS

[adresse], Partie défenderesse Représentée par la SCP BOUSCATEL-MONFERRAN-CARRIERE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par exploit du 31 mai 1994, enrôlé sous le N° 3551 du ministère de Maître X. huissier de justice à [ville], la SARL R&D Plus a assigné la SARL NÉON AQUITAINE RÉALISATIONS et demande :

De la condamner à lui régler en principal le montant des factures impayées soit :

- note d'honoraires N° 940130032 de francs 9.115,36,

- note d'honoraires N° 940230042 de francs 1.367,30

- note d'honoraires N° 940530066 de francs 17.203,64

- note d'honoraires N° 940530089 de francs 26.319,00

- note d'honoraires N° 940530090 de francs 26.319,00

- note d'honoraires N° 940530091 de francs 26.319,00

En accessoire :

- Les intérêts de droit,

- La somme de 9.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Celle de 9.000 francs à titre de dommages et intérêts pour propos injurieux et diffamatoires,

- Celle de 10.000 francs au titre de l'article 700.

De la condamner aux dépens.

D'ordonner l'exécution provisoire.

 

À LA BARRE :

La SARL R&D Plus maintient ses premières demandes y ajoutant :

Rejeter tous les motifs et prétentions de NÉON comme faux, sans fondement ni justification.

Dire et juger que l'article 2 bis de la loi du 23 juin 1989 ne s'applique pas et qu'en conséquence la demande de NÉON en nullité du contrat est irrecevable.

Dire et juger que R&D Plus a parfaitement exécuté ses obligations, de parfaite bonne foi, sur les dires de NÉON.

Dire et juger que R&D Plus est bien fondée à demander le paiement de ses honoraires et l'application des clauses conventionnelles prévues par les articles 4 et 7.

Dire et juger que NÉON a enfreint ses obligations en retirant sa déclaration 2069 « Crédit d'Impôt Recherche » de façon arbitraire, sans prévenir ni obtenir l'accord de R&D Plus.

Dire et juger que l'attitude et les propos de NÉON, y compris devant le cabinet de recouvrement de R&D Plus, a causé un préjudice certain moral et financier.

Condamner de ce fait NÉON à 1 franc de dommages et intérêts.

La SARL NÉON AQUITAINE :

A titre principal, déclarer nul et de nul effet le contrat signé par application de l'article 2 bis de la loi du 23 juin 1989.

Débouter R&D Plus de l'intégralité de ses demandes.

Subsidiairement, pour le cas où le contrat serait déclaré valable, dire et juger que R&D Plus n'a pas respecté ses obligations.

Reconventionnellement condamner R&D Plus au paiement d'une somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et en réparation du préjudice causé.

Condamner R&D Plus au paiement de la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700.

La condamner aux dépens.

[minute page 3]

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat du 22 décembre 1993, NÉON AQUITAINE donne mandat à R&D Plus d'obtenir en sa faveur les « crédits d'impôts recherche » auxquels elle pouvait prétendre pour les périodes 1992 à 1995 inclusivement.

Honoraire convenus : 20 % des crédits d'impôts obtenus.

Les conditions générales précisent :

- art. 1 : ...le client s'oblige à effectuer toutes les démarches et formalités administratives prescrites par R&D Plus nécessaires pour mener la mission à bonne fin. En cas de non respect de ces obligations les sanctions prévues art. 7 s'appliqueront de plein droit.

- art. 7 : Ni l'une ni l'autre des parties ne peut résilier le présent contrat avant son arrivée à terme, sauf consentement mutuel... dans le cas contraire, la partie qui résilie devra à l'autre une indemnité égale au montant des honoraires de R&D Plus.

Dès le 23 décembre R&D Plus informera NÉON AQUITAINE que son crédit d'impôt s'élève à 110.957 francs et le même jour NÉON AQUITAINE adressera la déclaration correspondante à la Direction de l'innovation et de la technologie ainsi qu'au Trésor.

Le 5 janvier 1994 R&D Plus émettra sa note d'honoraires correspondant à 20 % de la somme de 38.429 francs imputée au titre de l'impôt 1992.

Le 4 février émettra une facture de 1.367,30 francs pour indemnité contractuelle pour non respect des délais de paiement.

Le 18 mars, après que la Direction Générale des Impôts lui ait notifié son refus au bénéfice du crédit d'impôt recherche, NÉON AQUITAINE informe R&D Plus qu'après étude plus attentive du dossier, sa société ne peut bénéficier du « crédit d'impôt recherche », les critères exigés n'étant pas remplis par le société.

Que, pour éviter toute poursuite fiscale elle a retiré le dossier déposé auprès du centre des impôts de Toulouse.

R&D Plus estimant qu'il y a rupture du contrat assigne donc en paiement des honoraires et indemnité auxquels elle prétend.

 

MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES :

R&D Plus :

Elle a effectué la mission convenue pour l'année 92 se traduisant par un crédit d'impôt recherche de 110.957 francs, au profit de NÉON AQUITAINE, dont 38.429 francs à imputer sur l'IS 92 à payer le 15 janvier 94 et 72.528 francs à reporter sur les années ultérieures.

Elle a établi sa note d'honoraires correspondant à cette première prestation, note restée impayée.

Monsieur W., gérant de NÉON AQUITAINE, a fait de fausses déclarations à R&D Plus afin d'obtenir des aides fiscales auxquelles il n'aurait pas droit et tente de rejeter la responsabilité sur R&D Plus, n'hésitant pas à l'accuser de l'avoir incité à commettre une fraude fiscale.

L'avis donné le 18 mai 1994 par l'inspecteur des impôts n'a pas valeur de décision et n'infirme aucunement les droits de NÉON qui ne peuvent être contestés qu'après avis des contrôleurs du Ministère de la recherche.

NÉON s'exposait seulement, au cas où ses déclarations auraient été inexactes, à régler le montant du crédit d'impôt utilisé majoré uniquement des intérêts au taux légal.

Le moyen soulevé pat NÉON, tendant à voir appliquer en sa faveur les dispositions de la loi du 23 juin 1989, est irrecevable NÉON étant une personne morale et un professionnel, de plus il n'y a eu aucun [minute page 4] démarchage de la part de R&D Plus.

La mission a été interrompue sur décision unilatérale de NÉON qui n'a pas réglé la note d'honoraires à échéance du 31 janvier 94, et ce n'est que trois mois plus tard que R&D Plus a appris que NÉON avait retiré sa demande de crédit d'impôt recherche.

Le dossier d'éligibilité [N.B. minute originale : égibilité] de NÉON à bénéficier du crédit d'impôt recherche a été établi à partir des informations communiquées par NÉON elle-même.

NÉON ayant retiré la déclaration « crédit d'impôt recherche » a ainsi empêché la mission de se poursuivre et a donc résilié unilatéralement le contrat.

La SARL NÉON AQUITAINE :

Elle est l'une des nombreuses victimes de différentes sociétés de conseil en tout genre qui ont proliféré ces dernières années.

Elle a été démarchée par un représentant de R&D Plus qui lui a indiqué être en mesure de la faire bénéficier de crédits d'impôts et un rendez vous lui a été proposé pour le 22 décembre 1993 date à laquelle elle signait une « lettre de mission destinée à la faire bénéficier de crédits d'impôts en faveur de la recherche pour les années 92 à 95 inclusivement ».

Il était prévu que les honoraires de R&D Plus seraient réglés « à échéance de l'imputation ou de la restitution et/ou de la compensation… ».

La demande était déposée auprès de l'administration fiscale qui le 18 mai 94 indiquait que les conditions pour bénéficier de ce crédit n'étaient pas réunies, dans la mesure où les entreprises bénéficiaires doivent se livrer à des opérations de recherche ou de développement expérimental, ce qui n'était pas le cas.

R&D Plus facturait néanmoins ses prestations au delà de ce qui était prévu.

Le contrat signé est nul car ne respectant pas les prescriptions prévues pour les contrats signés à la suite d'un démarchage, ce qui est bien le cas en l'espèce.

Subsidiairement, il résulte des pièces versées aux débats que NÉON a adressé à R&D Plus la notification de l'administration fiscale rejetant la demande de crédit d'impôt.

Il résulte du contrat que les honoraires ne sont dus que pour autant que le crédit d'impôt a été obtenu.

R&D Plus n'a pas exécuté ses obligations de telle sorte qu'elle ne peut prétendre à honoraires.

R&D Plus lui a laissé croire qu'elle pouvait bénéficier de crédit d'impôt, ce qui ne pouvait être le cas eu égard à la nature de son activité.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'il ressort des débats et des pièces produites par les parties que NÉON AQUITAINE a été démarchée par R&D Plus, et qu'à l'initiative de cette dernière un rendez vous fut convenu le 22 décembre 1993 à 10 heures dans les bureaux de NÉON AQUITAINE.

Qu'à cette occasion une lettre de mission, signée par NÉON AQUITAINE, confiait à R&D Plus mandat d'examiner l'éligibilité [N.B. minute originale : égibilité] de la société à bénéficier des « Crédits d'impôts en faveur de la Recherche pour les années civiles 1992 à 1995 inclusivement ».

[minute page 5] Attendu que l'entretien ayant eu lieu le 22 décembre 1993, c'est dès le lendemain que R&D Plus fera savoir à NÉON AQUITAINE qu'elle pouvait bénéficier d'un crédit d'impôt à hauteur de 110.957 francs.

Que ce même jour NÉON AQUITAINE adressait au Trésor Public une demande de dégrèvement pour cette somme, dont une partie imputée sur le solde de l'IS à payer pour l'exercice clos le 30 septembre 1993, le solde reporté sur les exercices suivants.

Que la chronologie des faits démontre que NÉON AQUITAINE n'a pas eu le temps nécessaire à l'étude du contrat qui lui était soumis par R&D Plus.

Que le courrier, en date du 18 mars 1994, adressé par NÉON AQUITAINE au cabinet de recouvrement mandaté par R&D plus confirme qu'il n'était pas possible, compte tenu du fait que le dossier de demande de crédit d'impôt devait être déposé sans délai, d'appréhender en un aussi bref laps de temps l'intégralité du problème.

Que R&D Plus qui soutient que le dossier de demande de crédit d'impôt a été établi par ses soins à partir des informations communiquées par NÉON AQUITAINE, ne produit pas les documents qui lui auraient permis de juger de l'éligibilité [N.B. minute originale : égibilité] de son client à bénéficier du crédit d'impôt recherche.

Que R&D Plus, qui à la suite du refus de l'administration fiscale d'accorder à NÉON AQUITAINE le bénéfice du crédit d'impôt demandé, ne démontre nullement avoir conseillé utilement son client pour pallier cet éventuel refus en lui faisant connaître que seul le Ministère de la Recherche était habilité à opposer un éventuel refus.

Attendu, par ailleurs, que le contrat du 22 décembre que R&D plus avait mandat d'effectuer les démarches auprès des administrations concernées, obligation qu'elle ne démontre pas avoir rempli.

Que ses honoraires, fixés à 20 % des crédits d'impôt obtenus, ont été réclamés à NÉON AQUITAINE dès le 5 janvier 1994, alors que leur règlement ne pouvait intervenir qu'à échéance de l'imputation et/ou de la restitution et/ou de la compensation par le Trésor Public en faveur de NÉON AQUITAINE.

Que ces dispositions figurant explicitement sur la lettre de mission semblent être en contradiction avec les conditions générales, d'ailleurs non signées par NÉON AQUITAINE, qui prévoient art. 4 « le règlement des honoraires se fait aux échéances convenues contractuellement au verso sur présentation de la note d'honoraires faisant état de l'avancement de la mission confiée à R&D Plus ».

Que cette convention de règlement n'est pas produite aux débats.

Attendu que R&D Plus reproche à NÉON AQUITAINE d'avoir retiré sa demande de crédit d'impôt et par voie de conséquence d'avoir rompu le contrat.

Qu'il n'apparaît pas que NÉON AQUITAINE ait pu se priver du plaisir rare d'obtenir de l'administration fiscale un dégrèvement de 111.000 francs dans le seul but de nuire à R&D Plus.

Qu'il apparaît par contre clairement que R&D Plus s'est présenté [minute page 6] comme un professionnel de la fiscalité, alors que NÉON AQUITAINE est un professionnel de l'enseigne lumineuse.

Que dès lors le contrat, critiquable compte tenu de la non conformité des conditions particulières avec les conditions générales, a été conclu entre un professionnel et un non professionnel, fut-il commerçant lui même.

Que NÉON AQUITAINE ayant été démarché par R&D Plus devra bénéficier des dispositions de la loi du 10 janvier 1978, et de l'article 2 bis de la loi du 23 juin 1989.

Qu'en conséquence la SARL R&D Plus sera déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Que, faisant droit aux demandes de NÉON AQUITAINE le Tribunal dira le contrat signé entre les parties nul et de nul effet.

Que NÉON AQUITAINE se verra accorder la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Qu'ayant du assurer sa défense, il lui sera allouée la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC.

Attendu que la partie qui succombe est passible des dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal jugeant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, après en avoir délibéré :

Dit nul et de nul effet le contrat signé le 22 décembre 1993 entre la SARL RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT PLUS et la SARL NÉON AQUITAINE.

Déboute la SARL RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT PLUS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La condamne à payer à la SARL NÉON AQUITAINE :

- la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts,

- celle de 5.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC.

La condamne aux dépens.

LE GREFFIER                        LE PRÉSIDENT