CA TOULOUSE (2e ch.), 12 mai 1997
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 840
CA TOULOUSE (2e ch.), 12 mai 1997 : RG n° 95/665
Publication : Juris-Data n° 042612
Extrait : « Mais attendu que les dispositions législatives visées ci-dessus ne s'appliquent pas aux seules personnes physiques qu'en effet, l'article 2 bis de la loi du 22 décembre 1972 modifié, applicable en l'espèce, ne fait état que du consommateur ; Que ces textes ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; […] ; que les pièces régulièrement communiquées n'établissent pas les allégations de la société appelante selon laquelle la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS bénéficierait d'une structure fiscale et financière lui permettant de connaître les arcanes de la législation fiscale applicable ; que certes, si elle est tenue de faire comme toute entreprise, ses déclarations à l'administration fiscale, la proposition de la SARL R&D PLUS concernait un domaine très spécifique qui lui était étranger ; qu'en effet, si elle est spécialisée dans le domaine des enseignes lumineuses et si elle effectue des recherches sur ce point, rien n'établit qu'elle avait seulement connaissance des crédits d'impôts que la société appelante lui proposait de solliciter ; Attendu au contraire que cette dernière est, selon son propre papier à en tête, spécialiste de la « valorisation de l'Innovation - Financement et fiscalité de la Recherche-Développement - Fusions et acquisitions » ; qu'elle est donc un spécialiste en la matière et que la lettre de mission conclue entrait tout à fait dans ses compétences ; Qu'ainsi, il est démontré que la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS signait un contrat dans un domaine qui n'avait pas de rapport direct avec l'activité commerciale qui était la sienne et que la SARL R&D PLUS devait respecter les conditions stipulées par la loi du 23 juin 1989 applicable ; que le contrat signé ne correspond pas à ces exigences et que c'est à bon droit que le tribunal en prononçait la nullité ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 12 MAI 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 95/665. Prononcé à l'audience publique du DOUZE MAI MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX-SEPT
Par Madame FOULON, Président, assistée de Madame THOMAS, greffier
La Cour d'Appel de TOULOUSE, deuxième chambre, a rendu l'arrêt contradictoire suivant, après que la cause ait été débattue en audience publique le 25 mars 1997
Devant Madame FOULON, Président, Messieurs BOUTIE et LOPEZ-TERRES, Conseillers assistés de Madame CAHOUE, greffier
Les avocats des parties entendus en leurs plaidoiries et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, les conseils des parties ayant été avisés de la date à laquelle l'arrêt serait rendu
DANS L'AFFAIRE OPPOSANT :
APPELANTE :
Société RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT PLUS « R et D PLUS » (SARL)
[adresse] APPELANTE, ayant pour avoué la SCP NIDECKER PRIEU, et représentée à l'audience par Maître J. Pierre VALARD, demeurant […] MONTPELLIER
C/
INTIMÉE :
SARL NÉON AQUITAINE
[adresse] INTIMÉE, ayant pour avoué la SCP BOYER LESCAT MERLE et pour avocat la SCP MONFERRAN du barreau de TOULOUSE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Aux termes d'une lettre de mission en date du 22 décembre 1993, la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS confiait à la SARL RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT PLUS (dite R&D PLUS) le soin d'obtenir de l'administration fiscale un « crédit d'impôt recherche » pour les années 1992 à 1995 inclus. Le 23 décembre 1993, la SARL R&D PLUS informait son cocontractant que son crédit d'impôt s'élevait à la somme de 110.957 Francs pour l'année 1992. Le même jour, la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS adressait les divers documents nécessaires aux administrations concernées. Le 5 janvier 1994, la SARL R&D PLUS émettait une facture de 38.429 Francs correspondant aux honoraires contractuellement définis, puis une facture supplémentaire au titre d'une indemnité contractuelle. La SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS refusait le paiement aux motifs que la direction générale des Impôts lui refusait le bénéfice de ce crédit d'impôt et elle retirait le dossier déjà déposé. Estimant que cette société rompait ainsi unilatéralement le contrat, la SARL R&D PLUS l'assignait en paiement des sommes qu'elle était en droit d'attendre si sa mission avait été menée à son terme.
Par jugement en date du 8 décembre 1994, le tribunal de commerce de TOULOUSE déclarait nul et de nul effet le contrat signé entre les parties le 22 décembre 1993, déboutait en conséquence la SARL R&D PLUS de ses demandes et la condamnait à verser à la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts et celle de 5.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par déclaration en date du 30 décembre 1994, dont la régularité n'est pas contestée, la SARL R&D PLUS relevait appel de cette décision.
Dans ses conclusions déposées les 28 avril, 28 septembre 1995 et 21 janvier 1997, elle soutient :
- que la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS, en raison de sa taille, des compétences de son personnel et en l'état de la jurisprudence en vigueur, ne saurait bénéficier des dispositions protectrices de la loi du 23 juin 1989 et ce d'autant plus que la directive européenne du 5 avril 1993 ne permet plus d'appliquer cette législation à un professionnel ;
- qu'elle a correctement assuré sa mission et que la société intimée ne pouvait retirer le dossier qu'elle avait déposé auprès de l'administration fiscale au seul vu du courrier de l'inspecteur des impôts du 18 mai 1994, celui-ci n'ayant ni la compétence, ni la capacité nécessaire pour refuser les pièces déposées et le projet présenté ;
- qu'en application des clauses générales du contrat signé, il lui est dû l'intégralité des sommes réclamées représentant les honoraires jusqu'en 1995.
[minute page 3] Elle conclut à la réformation du jugement en ce sens et réclame encore la somme de 18.000 Francs à titre de dommages-intérêts et celle de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS, dans ses écritures déposées les 12 octobre 1995 et 6 février 1997, estime que les premiers juges ont fait une exacte application des règles de droit aux éléments de l'espèce. Elle sollicite donc la confirmation du jugement entrepris dans son principe de débouté de la SARL R&D PLUS. Par appel incident toutefois, elle réclame que les dommages-intérêts soient portés à la somme de 50.000 Francs et qu'il soit accordé encore la somme de 10.000 Francs en remboursement de ses frais irrépétibles.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI,
Sur la nullité du contrat :
Attendu que la société appelante fait grief au tribunal d'avoir considéré qu'elle s'était présentée à la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS comme un professionnel de la fiscalité alors que cette dernière est un professionnel de l'enseigne lumineuse ; que cette dernière avait été démarchée et qu'elle doit donc bénéficier des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 et de l'article 2 bis de la loi du 23 juin 1989 ;
Qu'elle explique que la loi de 1989 ne peut s'appliquer qu'à une personne physique et que surtout, cette personne morale employait neuf salariés compétents, réalisait un chiffre d'affaires de plus de quatre millions de francs ; qu'elle disposait en conséquence de toutes les compétences lui permettant de prendre ses décisions en toute connaissance de cause, sans aucun rapport de force défavorable ;
Qu'elle ne peut soutenir qu'elle a contracté dans un domaine qui lui est étranger, toute entreprise ne pouvant ignorer la loi ;
Que surtout, depuis un revirement de jurisprudence appliquant la directive européenne du 5 avril 1993, une personne morale contractant pour ses besoins professionnels ne peut plus s'exonérer de ses obligations ;
Mais attendu que les dispositions législatives visées ci-dessus ne s'appliquent pas aux seules personnes physiques qu'en effet, [minute page 4] l'article 2 bis de la loi du 22 décembre 1972 modifié, applicable en l'espèce, ne fait état que du consommateur ;
Que ces textes ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ;
Attendu en l'espèce qu'il est constant que la SARL R&D PLUS avait démarché la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS par téléphone et qu'un rendez-vous était pris le 22 décembre 1993 ; que la lettre de mission était signée le même jour ;
Que les pièces régulièrement communiquées n'établissent pas les allégations de la société appelante selon laquelle la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS bénéficierait d'une structure fiscale et financière lui permettant de connaître les arcanes de la législation fiscale applicable ;
Que certes, si elle est tenue de faire comme toute entreprise, ses déclarations à l'administration fiscale, la proposition de la SARL R&D PLUS concernait un domaine très spécifique qui lui était étranger ; qu'en effet, si elle est spécialisée dans le domaine des enseignes lumineuses et si elle effectue des recherches sur ce point, rien n'établit qu'elle avait seulement connaissance des crédits d'impôts que la société appelante lui proposait de solliciter ;
Attendu au contraire que cette dernière est, selon son propre papier à en tête, spécialiste de la « valorisation de l'Innovation - Financement et fiscalité de la Recherche-Développement - Fusions et acquisitions » ; qu'elle est donc un spécialiste en la matière et que la lettre de mission conclue entrait tout à fait dans ses compétences ;
Qu'ainsi, il est démontré que la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS signait un contrat dans un domaine qui n'avait pas de rapport direct avec l'activité commerciale qui était la sienne et que la SARL R&D PLUS devait respecter les conditions stipulées par la loi du 23 juin 1989 applicable ; que le contrat signé ne correspond pas à ces exigences et que c'est à bon droit que le tribunal en prononçait la nullité ;
Que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par les parties, le jugement sera confirmé en ce qu'il prononçait l'annulation du contrat et le débouté de la SARL R&D PLUS ;
[minute page 5]
Sur le préjudice
Attendu que la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS relève appel incident en demandant que la somme allouée à titre de dommages-intérêts soit portée à 50.000 Francs ; qu'elle fait valoir sur ce point que malgré la motivation précise du jugement, la SARL R&D PLUS relevait appel, l'obligeant à nouveau à se défendre devant la Cour ;
Mais attendu qu'il n'est pas établi une faute qu'aurait commise la SARL, R&D PLUS dans l'exercice par elle de la voie de l'appel ni l'existence d'un préjudice supplémentaire supérieur à celui inhérent à l'exercice de toute action en justice ; que la somme accordée par le tribunal sera confirmée ;
Attendu que la SARL R&D PLUS, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens ;
Que, tenu aux dépens, elle devra payer à la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit en la forme l'appel principal et l'appel incident jugés réguliers,
Au fond, confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 décembre 1994 par le tribunal de commerce de TOULOUSE,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à octroi de dommages-intérêts supplémentaires en cause d'appel,
Condamne la SARL R&D PLUS à payer à la SARL NEON AQUITAINE REALISATIONS la somme de 10.000 Francs en [minute page 6] application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel,
Condamne la SARL R&D PLUS aux dépens et autorise la SCP d'Avoués BOYER-LESCAT-MERLE à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le président et le greffier ont signé la minute de l'arrêt.
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5881 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : identité de spécialité
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5949 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Gestion et organisation de l’entreprise