CA Paris (pôle 5 ch. 11), 6 décembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8271
CA Paris (pôle 5 ch. 11), 6 décembre 2019 : RG n° 17/22845
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La commande portant sur du matériel de téléphonie pour assurer le standard téléphonique de l'association Eglise protestante, le contrat ainsi conclu avec la société J2M a un rapport direct avec l'activité professionnelle de l'association Eglise protestante. En souscrivant le contrat de location financière, l'association Eglise protestante a d'ailleurs certifié que « le bien loué est destiné exclusivement aux besoins de son activité professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celui-ci ».
Le contrat litigieux ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de l'association Eglise protestante, celle-ci est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-5 du code de la consommation.
Aucune nullité du contrat n'est donc caractérisée au titre des dites dispositions. »
2/ « Selon l'article 122-11 du code de la consommation, modifié par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, applicable en l'espèce, « Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent : I. 1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ; 2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ; 3° Elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur. II. - Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération : […] Selon l'article L. 122-11-1 du code de la consommation, modifié par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, « Sont réputées agressives au sens de l'article L. 122-11 les pratiques commerciales qui ont pour objet : (...)8° De donner l'impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait : - soit il n'existe pas de prix ou autre avantage équivalent ; - soit l'accomplissement d'une action en rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à l'obligation pour le consommateur de verser de l'argent ou de supporter un coût.
L'association Eglise protestante n'étant pas un consommateur, défini comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou agricole, mais un non-professionnel ayant souscrit la commande pour les besoins de son activité professionnelle, ne peut prétendre aux bénéfices des dispositions susvisées.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le contrat conclu entre l'association Eglise protestante et la société J2M est valable, le jugement étant infirmé de ce chef ainsi qu'au titre des mesures ordonnées en conséquence du prononcé de cette annulation. »
3/ « Ainsi que le relève avec pertinence la société CM-CIC, si les conditions générales annexées au contrat de location financière ne sont ni signées ni paraphées, celles-ci figurent au verso du contrat de location financière dont le recto porte le tampon et la signature de l'association Eglise protestante, apposées à côté de la mention « Le locataire après avoir pris connaissance des conditions particulières de la location et des conditions générales au verso certifie que le bien loué est destiné exclusivement aux besoins de son activité professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celui-ci ».Les conditions générales du contrat, dont l'association Eglise protestante a attesté avoir pris connaissance, lui sont donc opposables. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 6 DÉCEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 17/22845 (15 pages). N° Portalis 35L7-V-B7B-B4UXO. Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 novembre 2017 - Tribunal de Grande Instance de PARIS – R.G. n° 16/03412.
APPELANTE :
SARL J2M BUREAUTIQUE FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro B XXX, représentée par Maître Frédéric T., avocat au barreau de PARIS, toque : C0767
INTIMÉES :
Association ÉGLISE PROTESTANTE PARIS ÉVANGILE
[...], représentée par Maître Nicolas D. de la SCP N.D., avocat au barreau de PARIS, toque : P0493, prise en la personne de ses représentants légaux [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro YYY, représentée par Maître Anne G.-B. de la SCP G. B., avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, assistée de Maître Thibaud P., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC396
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Françoise BEL, Présidente de chambre, Mme Agnès COCHET-MARCADE, Conseillère, Mme Estelle MOREAU, Conseillère, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.
ARRÊT :- contradictoire,- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Mme Françoise BEL, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
L'association Eglise protestante Paris évangile (ci-après, l'association Eglise protestante), a passé, le 18 janvier 2012, un bon de commande portant sur la location de matériel de téléphonie auprès la SARL J2M Bureautique France (ci-après, la société J2M), et a signé, le même jour, une demande de financement auprès de la société GE capital équipement finance, devenue la société CM CIC Leasing solutions (ci-après, la société CM CIC). L'association Eglise protestante a signé avec celle-ci, le 20 février 2012, un contrat de location multi-option K130113901 avec option d'achat, portant sur une installation téléphonique de marque Alcatel, conclu pour une durée de cinq ans, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels d'un montant de l.667,16 euros, le premier loyer intercalaire étant d'un montant de 759,49 euros.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 mars 2013 adressée à la société fournisseur J2M et à la société CM CIC en copie, l'association Eglise protestante a invoqué la nullité pour dol et erreur des contrats conclus le 20 février 2012.
Par acte du 23 mai 2013, l'association Eglise protestante a adressé une sommation interpellative à la société CM CIC l'informant qu'elle mettait un terme aux prélèvements trimestriels, et lui demandant de prendre acte de la nullité du contrat de vente du matériel et en conséquence de celle du contrat de location financière et de procéder à l'enlèvement du matériel.
La société CM CIC a vainement délivré à l'association Eglise protestante un commandement de payer le 21 août 2013 pour le loyer impayé du mois de juillet 2013, puis l'a assignée en référé, devant le président du tribunal de grande instance de Paris, par acte du 18 octobre 2013.
Par ordonnance en date 16 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, relevant le défaut de paiement du loyer échu du mois de juillet 2013, a constaté la résiliation de plein droit du contrat de location de matériel, a condamné l'association Eglise protestante à restituer le matériel et à payer à la société CM CIC la somme provisionnelle de 29.960,35 euros correspondant, conformément aux stipulations contractuelles prévues à l'article 11.3, au montant des loyers impayés pour 3.334,32 euros, à la pénalité contractuelle de 333,43 euros, à l'option d'achat pour 562,12 euros, aux loyers à échoir pour 23.340,24 euros et à la pénalité contractuelle de 2.390,24 euros.
Par acte du 10 février 2016, la société CM CIC a assigné l'association Eglise protestante devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir le paiement des loyers impayés, des loyers à échoir et des frais et pénalités liées à la résiliation. L'association a assigné la société J2M en intervention forcée par acte du 11 juillet 2016. Ces procédures ont fait l'objet d'une jonction.
Devant le tribunal, la société CM-CIC a fait valoir la résiliation de plein droit du contrat de location financière aux torts et griefs de l'association et a sollicité la restitution du matériel et la condamnation de l'association Eglise protestante à lui payer la somme de 29.988,25 euros au titre des onze loyers impayés, des pénalités contractuelles, des loyers à échoir, de l'option d'achat et de la clause pénale prévus au contrat, avec intérêts de droit à compter du 8 décembre 2015. A titre subsidiaire, elle a conclu à la résolution du contrat de vente et à la condamnation de la société J2M au paiement de la somme de 28.106 euros correspondant au prix de cession du matériel majoré des intérêts à compter du 21 février 2012.
L'association Eglise protestante a, pour sa part, fait valoir l'interdépendance des contrats et sollicité la nullité de l'ensemble contractuel pour manœuvres dolosives, subsidiairement pour vente agressive et pour clause abusive. Elle a ainsi sollicité la condamnation in solidum de la société J2M et CIC à lui payer la somme de 9.095,29 euros au titre de restitution des échéances réglées depuis février 2012 et la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la condamnation de la société CM CIC à retirer le matériel sous astreinte. A titre subsidiaire, elle a fait valoir la nullité de la clause relative au prix de la location, à titre infiniment subsidiaire, a sollicité la condamnation de la société J2M à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de la société CM CIC, et que la somme demandée par cette dernière au titre des loyers restant dus, constitutive d'une clause pénale, soit réduite à la somme d'un euro. Elle a conclu, en tout état de cause, à l'inopposabilité des conditions générales de location.
La société J2M a soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance de Paris au profit du tribunal de commerce de Bobigny et a conclu, à titre subsidiaire, au débouté de l'association de l'ensemble de ses demandes et à la condamnation de celle-ci au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
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Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 14 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit irrecevable l'exception d'incompétence soulevée,
- prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre la société J2M et l'association Eglise protestante,
- prononcé l'annulation du contrat de location financière conclu entre la société CM CIC et l'association Eglise protestante,
- condamné la société CM CIC à restituer à l'association Eglise protestante la somme de 9.095,29 euros assortie d'intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- condamné la société J2M à restituer à la société CM CIC la somme de 28.106 euros au titre du prix de la cession du matériel assortie d'intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- condamné la société CM CIC au retrait du matériel au sein de l'entreprise, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, 10 jours après le prononcé du jugement,
- condamné la société J2M à payer à l'association Eglise protestante la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté la société J2M de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive de l'association Eglise protestante,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société J2M à payer à l'association Eglise protestante la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société CM CIC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société J2M aux dépens.
Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société J2M, le tribunal a relevé que ce moyen étant formé pour la première fois par conclusions au fond notifiées par voie électronique le 30 janvier 2017 et non pas devant le juge de la mise en état par voie d'incident, était irrecevable.
Au fond, le tribunal a retenu que la proposition initiale de la société J2M soumise à l'association Eglise protestante portait initialement sur une location de photocopieurs et qu'une attestation de Mme Z., bénévole de l'association, confirmait que lors du démarchage du 6 décembre 2011, la proposition faite au président de l'association par deux représentants de la société J2M concernait uniquement deux photocopieurs, la société J2M ayant évoqué, lors d'un second rendez-vous de démarchage du 18 janvier 2012, la possibilité d'essayer un standard téléphonique sans engagement. Le tribunal a également relevé que les conditions générales du contrat versées aux débats par la société CM CIC et qui fixent les conditions réelles de résiliation du contrat ne sont ni signées, ni paraphées par le président de l'association, et qu'une certaine confusion a entouré la signature des contrats, le bon de commande signé le 18 janvier 2012 portant sur plusieurs postes de marque Siemens alors que du matériel Alcatel a finalement été livré. Il en a déduit que le président de l'association Eglise protestante a signé un bon de commande portant sur un matériel téléphonique et souscrit un contrat de location financière sans comprendre la portée de ses engagements. Le tribunal a jugé que la société J2M a ainsi usé d'artifices sans lesquels le président de l'association n'aurait pas contracté et qui caractérisent des manœuvres dolosives, et a prononcé la nullité du contrat de vente du matériel de téléphonie.
Le tribunal a retenu la caducité du contrat de location financière, celui-ci étant interdépendant avec le contrat de vente du matériel.
Enfin, le tribunal a constaté que l'association Eglise protestante justifiait d'un préjudice, ayant engagé des dépenses inutiles qui auraient pu être investies plus profitablement.
Par déclaration au greffe en date du 13 décembre 2017, la société J2M a interjeté appel du dit jugement en expliquant contester la décision d'annulation des contrats litigieux, en relevant que le tribunal n'a pas statué sur le remboursement des sommes versées par ses soins à l'association Eglise protestante, en contestant la condamnation de la société CIC au retrait du matériel au sein de l'entreprise, laquelle n'est plus propriétaire dudit matériel, ainsi que sa condamnation au paiement de dommages et intérêts.
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Prétentions et moyens des parties :
Par dernières conclusions notifiées et déposées le 9 mars 2018, la société J2M demande à la cour de :
A titre principal,
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 novembre 2017,
Jugeant à nouveau,
- Débouter l'association de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
En conséquence,
- Condamner l'association Eglise protestante à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire, la cour devait confirmer le jugement dont s'agit,
- Condamner l'association à lui restituer la somme de 10.918 euros qu'elle avait perçue lors de la signature du contrat,
A titre infiniment subsidiaire,
- Débouter la société CM CIC de l'ensemble de ses demandes à son encontre,
En tout état de cause,
- Condamner l'association à lui payer à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner l'association Eglise protestante en tous les dépens.
Elle soutient qu'elle n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat, ayant livré le matériel commandé, installé ledit matériel et versé le chèque de participations de 10.918 euros tel que prévu au bon de commande du 18 janvier 2012.
Elle conteste la nullité du contrat de prestation pour dol. Elle relève à ce titre que l'association Eglise protestante a régularisé les contrats, tant avec elle qu'avec la société CM CIC, sans émettre aucune réserve. Elle soutient que ladite association connaissait les termes et la portée de ses engagements contractuels, les conditions particulières et la durée du contrat étant clairement stipulées, que l'association était informée du système de participations et ne rapporte pas la preuve de manœuvres de sa part.
Elle réfute également la nullité du contrat pour pratiques commerciales abusives, faisant valoir qu'il est courant dans le domaine de la bureautique qu'un prestataire rachète la totalité et/ou une partie du contrat de son concurrent déjà en place, et que l'association Eglise protestante a acquis le matériel pour les besoins de son activité.
Elle relève la mauvaise foi de l'association qui a unilatéralement cessé d'honorer ses loyers et qui sollicite la nullité et la caducité des contrats qu'elle a régularisés avec elle et la société CM CIC sans proposer de rembourser la participation de 10.918 euros qu'elle a perçue à ce titre.
Elle fait valoir le caractère abusif de la procédure engagée à son encontre.
Elle s'oppose à la demande subsidiaire en restitution du prix de cession du matériel formée à son égard par la société CM CIC, dès lors que le contrat de financement est indépendant du contrat de prestation conclu avec le fournisseur du matériel, et qu'un transfert des risques s'est opéré envers la société CM CIC qui a accepté de financer le matériel commandé par l'association Eglise protestante et a procédé au règlement de la facture de la société J2M.
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Par dernières conclusions notifiées et déposées le 8 juin 2018, l'association Eglise protestante demande à la cour de :
- La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,
A titre principal,
- Confirmer le jugement du 14 novembre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions,
- Débouter les sociétés CM CIC et J2M de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Débouter la société J2M de sa demande nouvelle en cause d'appel,
Y ajoutant,
- Condamner in solidum les sociétés CM CIC et J2M au paiement de la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts,
A titre subsidiaire,
- Prononcer la nullité de la clause relative au prix de la location,
- Ordonner la compensation entre les sommes réclamées par la société la société J2M
et les éventuelles restitutions qui pourraient être mises à sa charge,
- Condamner la société J2M à la garantir de toutes les condamnations qui seraient mises à sa charge à l'égard de la société CM CIC,
A titre infiniment subsidiaire,
- Dire et juger que la somme de 8.362,50 euros réclamée par la société CM CIC au titre des loyers à échoir s'analyse en une clause pénale,
- Fixer le montant de cette indemnité à la somme de 1 euro,
- Condamner la société J2M à la garantir de toutes les condamnations qui seraient mises à sa charge à l'égard de la société CM CIC,
En tout état de cause,
- Condamner in solidum, ou à défaut l'une ou l'autre des sociétés CM CIC et J2M à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'interdépendance des contrats n'est aucunement liée à l'existence d'un contrat de maintenance ou de prestation de services, mais doit recevoir application en présence d'un contrat de location financière. Elle soutient que les contrats sont interdépendants et forment un même ensemble contractuel. Elle relève à ce titre que tous les documents contractuels ont été conclus à une même date, le 20 février 2012, dans un même espace temps, et par l'intermédiaire d'une même personne, soit un préposé de la société J2M. Elle ajoute que le contrat de location contient un mandat du locataire destiné à l'acquisition du matériel auprès du fournisseur, et que le personnel du fournisseur a proposé et négocié les conditions du contrat de location conclu avec l'organisme de location financière. Elle considère, en conséquence, que les fautes commises par le fournisseur du matériel sont opposables à l'organisme de location financière.
Elle fait valoir la nullité du contrat de location du matériel pour dol. Elle soutient ainsi qu'elle a été victime de manœuvres dolosives de la part de la société J2M afin d'obtenir son engagement dans la location d'un système de standard téléphonique qu'elle n'utilisait pas avant la proposition de la société J2M et qui est inutile à son fonctionnement, et de surcroît d'un coût sans commune mesure avec le coût réel du matériel livré. Elle explique qu'alors que la première proposition de la société J2M consistait en la location d'un photocopieur, en lieu et place de l'un de ceux déjà loués à l'association, le contrat de location finalement proposé concerne la mise en place d'un standard téléphonique, qu'il lui a toutefois été livré le photocopieur initialement prévu, sans que celui-ci ne figure sur le bon de livraison ni lui ait été facturé, lequel matériel a été repris par la société J2M sur sommation de l'association. Elle ajoute que le bon de livraison du matériel est daté du 20 février 2012, soit le jour même de la signature du contrat de location financière, alors qu'il est matériellement impossible que, le même jour et dans une même unité de temps, elle ait signé le bon de commande et le contrat de location financière, et réceptionné le matériel, sauf à considérer que la société J2M se soit présentée dans ses locaux avec le matériel et ait exercé des pressions pour l'installer juste après lui avoir fait signer le contrat de location. Elle indique que le procédé ainsi utilisé par la société J2M, consistant à lui formuler une proposition correspondant effectivement à ses besoins sur la base d'un « subventionnement » alléchant par la remise d'un chèque de 10.918 euros, pour finalement lui vendre un autre matériel ne correspondant pas à ses besoins, participe des manœuvres dolosives pour susciter la signature des deux contrats de location de matériel et de financement.
Compte tenu de la nullité du contrat de location du matériel pour dol, elle fait valoir la nullité du contrat de location financière en raison de l'interdépendance des contrats. Elle considère que la société J2M n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait accepté que le rôle de l'organisme de location financière soit limité au seul financement du matériel, aucune clause n'étant rédigée en ce sens et une telle clause devant, en tout état de cause, être réputée non écrite car étant inconciliable avec l'interdépendance des contrats. Elle ajoute que l'article 6-1des conditions générales prévoyant que le locataire renonce à tout recours contre le bailleur, doit être réputée non écrite et lui est inopposable.
Elle fait valoir l'inopposabilité des conditions générales du contrat de location financière qu'elle n'a pas paraphées ni signées. Elle indique que la seule circonstance que celles-ci soient reliées au bon de commande n'est pas suffisante pour justifier qu'elle aurait accepté ces conditions, ce d'autant plus que la société J2M lui a soumis les contrats dans la précipitation.
Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande en restitution de la somme de 10.918 euros formée pour la première fois en cause d'appel par la société J2M.
Subsidiairement, elle fait valoir la nullité du contrat pour déséquilibre significatif, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors qu'est abusif le fait, pour la société J2M et la société CM CIC, de lui laisser accroire que le prix de location du matériel est avantageux en raison du versement d'une somme de plus de 10.918 euros, alors que le montant des loyers sur une période de 5 années est exorbitant par rapport au prix brut du matériel loué et que le caractère abusif des clauses relatives au prix et au versement de l'indemnité de rachat justifie la nullité du contrat.
Elle invoque également la nullité du contrat au titre de pratiques commerciales agressives, en application des articles L. 122-11, L. 122-11-8° et L. 122-15 du code de la consommation. Elle considère que la pratique commerciale consistant à offrir au client non professionnel un avantage financier immédiat, soit la remise d'une somme d'argent, afin d'obtenir la conclusion d'un contrat de vente alors même que, sur la durée des dits contrats, le client ne bénéficie d'aucun avantage, relève de pratiques commerciales prohibées.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la garantie de la société J2M pour toutes sommes qu'elle serait condamnée à verser à l'organisme de location financière.
Enfin, elle considère que la somme de 8.362,50 euros correspondant au solde des loyers à échoir constitue une clause pénale qui doit être réduite à l'euro symbolique.
Par conclusions notifiées et déposées le 23 juillet 2018, la société CM CIC demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil, de :
A titre principal,
- La dire et juger recevable et bien fondée dans ses demandes,
- Infirmer le jugement du 14 novembre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et a annulé le contrat de location,
Et statuant à nouveau,
- Constater la parfaite exécution de ses obligations contractuelles par ses soins,
- Débouter l'association Eglise protestante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à son encontre,
En conséquence,
- Constater la résiliation du contrat de location aux torts et griefs de l'association Eglise protestante,
- Condamner l'association Eglise protestante à restituer le matériel objet de la convention résiliée, et ce dans la huitaine de la signification de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
- Condamner l'association Eglise protestante à lui payer les sommes suivantes : loyers impayés 18.386,82 euros ; pénalités contractuelles (art.4.4) 1.838,68 euros ; loyers à échoir 8.362,50 euros; option d'achat 564,00 euros ; clause pénale 836,25 euros, soit un total de 29.988,25 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure soit le 8 décembre 2015 ;
A titre subsidiaire, en cas d'anéantissement du contrat de location,
- Confirmer le jugement du 14 novembre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a fait droit à la demande subsidiaire de la société CM-CIC,
- Prononcer en conséquence la résolution du contrat de vente intervenu entre la société J2M et la société CM CIC sur mandat du locataire, l'association Eglise protestante,
- Condamner la société J2M au paiement de la somme de 28.106,00 euros correspondant au prix de cession du matériel majorée des intérêts à compter du 21 février 2012,
En tout état de cause,
- Condamner tout succombant à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir que l'association Eglise protestante ne prouve aucunement l'emploi de manœuvres dolosives, celle-ci ayant invoqué a posteriori un dol pour s'exonérer des obligations contractuelles mises à sa charge et ayant perçu de son fournisseur la somme de 10.918 euros à titre de participations en connaissance de ses engagements contractuels.
Elle ajoute que l'association Eglise protestante échoue à établir qu'elle serait victime d'un déséquilibre significatif et qu'elle aurait fait l'objet de pratiques commerciales trompeuses de la part du fournisseur, alors que ladite association a régularisé les documents contractuels et exécuté le contrat querellé pendant près de 18 mois sans jamais émettre le moindre grief quant au contrat de location, le matériel lui ayant été livré et étant toujours utilisé par ses soins. Elle relève qu'aucun déséquilibre significatif ne peut être caractérisé, alors que l'obligation principale du contrat de location financière pèse sur le bailleur qui s'est engagé à l'égard de sa locataire à régler l'intégralité de la facture du fournisseur et que sans son intervention, l'association Eglise protestante n'aurait pu bénéficier du matériel. Elle ajoute que l'association Eglise protestante ayant agi à son égard à titre professionnel, ne peut bénéficier de la protection du code de la consommation.
Elle considère que l'association Eglise protestante ne saurait remettre en cause le montant des loyers dont elle s'est acquittée auprès d'elle pendant presque 2 ans et que ladite association demeure tenue au respect de ses obligations contractuelles envers elle, sans pouvoir lui opposer les accords conclus avec le fournisseur.
Elle soutient à ce titre que le bon de commande du matériel, le contrat de maintenance souscrit avec la société J2M et le contrat de location financière sont indépendants, d'autant plus que, s'agissant de matériel de téléphonie (standard téléphonique), la maintenance peut être assurée par n'importe quel autre prestataire et que le contrat de location financière a été conclu 'sans maintenance intégrée'. Elle en déduit que l'association Eglise protestante ne peut s'exonérer du paiement de ses loyers à l'égard de son bailleur qui a accompli ses obligations contractuelles, les matériels financés par ses soins étant en parfait état de fonctionnement, ayant été utilisés par le locataire et étant toujours à sa disposition. En tout état de cause, elle considère que l'interdépendance contractuelle ne saurait avoir pour effet de faire peser sur le bailleur les obligations du fournisseur, la mise à disposition du matériel étant étrangère à sa maintenance et le locataire ayant renoncé à tout recours contre le bailleur.
Elle considère que les pratiques commerciales agressives alléguées par l'association Eglise protestante à l'encontre du fournisseur lui sont inopposables, étant pour sa part engagée uniquement dans le financement du matériel choisi par ladite association auprès du fournisseur conformément aux articles 1-1 et 1-3 des conditions générales du contrat, sans avoir participé aux négociations entre lesdites parties, et l'association Eglise protestante ayant seule négocié les conditions de mise en œuvre du contrat de location directement avec le fournisseur. Elle relève, en outre, que selon l'article 6-1 des conditions générales du contrat de location financière, dont le locataire a indiqué avoir pris connaissance et qui lui sont donc opposables, l'association Eglise protestante a renoncé à tout recours à son égard.
Elles s'estime donc fondée à solliciter le paiement, par l'association Eglise protestante, en conséquence de la résiliation de plein droit du contrat de location financière, en application de l'article 11-1 du contrat, des 11 loyers impayés et échus pour un montant de 18.386,82 euros , des pénalités conventionnelles de retard (article 4-4 du contrat) pour un montant de 1.838,68 euros, des loyers restant dus pour un montant de 8.362,50 euros, l'option d'achat, de 564 euros, outre une pénalité de 10% de la totalité des loyers restant à échoir, soit de 836,25 euros (article 11-3 du contrat).
A considérer caractérisé un manquement du fournisseur J2M et que soit constaté l'anéantissement du contrat de location, elle sollicite la remise des parties audit contrat en leur état antérieur au 21 février 2012, et la condamnation de la société J2M à lui restituer le prix de cession du matériel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la validité du contrat conclu entre l'association Eglise protestante et la société J2M :
Sur le dol :
Selon l'article 1116 du code civil, dans la version applicable aux faits, « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas, et doit être prouvé ».
Il résulte des pièces versées aux débats et des explications des parties que l'association Eglise protestante, qui avait souscrit pour les besoins de son activité deux contrats de location de photocopieurs Sharp C300 et Riso auprès des sociétés Allburotic et Riso, pour des loyers de 825 euros et 746 euros, soit d'un montant total de 1.571 euros, a été démarchée par la société J2M laquelle a formé, en décembre 2012, une proposition commerciale consistant en la conservation du photocopieur Sharp C300 et la mise en place d'un photocopieur Sharp neuf MX 2610 nouvelle et 3ème génération, avec maintenance, durant deux ans, délai à l'issue duquel « dans le cadre d'un nouveau contrat solde définitif de votre contrat photocopieur chez all bureautic » et le client sera libre de travailler avec le fournisseur de son choix, ainsi qu'en la remise d'un chèque de 10.918 euros permettant à l'association Eglise protestante de continuer à régler ses prestataires, ladite offre portant sur un loyer mensuel de 1.335 euros, permettant ainsi une économie de 1.129,02 euros TTC/an à l'association Eglise protestante tout en bénéficiant d'un photocopieur Sharp neuf.
L'association Eglise protestante, a passé, le 18 janvier 2012, un bon de commande n°1241 auprès de la société J2M portant sur la location de matériel de téléphonie de marque Siemens ainsi désigné « PABx (1), postes fixe (2), postes sans file (sic) (2), pré-décroché (1), musique d'attente (1), messagerie (1) auprès la SARL J2M Bureautique France (ci-après, la société J2M) », payable en 21 loyers trimestriels de 1.335 euros, moyennant la remise par la société J2M d'un chèque de participation de 10.918 euros, et précision étant faite que « dans 2 ans et dans le cadre d'un nouveau contrat solde définitif de votre contrat All burotic (MX 310), maintenance offerte pendant 2 ans. Maintenance à 26 euros HT/mois à partir de la 3ème année ».
Le même jour, l'association Eglise protestante a souscrit, par l'intermédiaire de la société J2M, une demande de location multi-options auprès de la société GE capital équipement finance, devenue la société CM CIC Leasing solutions, au titre du financement de matériel neuf « standard téléphonique Alcatel oxo + postes » objet du contrat de location avec option d'achat conclu avec la société J2M à raison de 21 loyers trimestriels de 1.335 euros.
Le 20 février 2012, l'association Eglise protestante a signé avec la société GE capital équipement finance, devenue la société CM CIC, un contrat de location multi-option K13013901 portant sur le financement de l'installation téléphonique de marque Alcatel à l'état neuf, conclu pour une durée de cinq ans avec 21 loyers trimestriels d'un montant de 1.667,16 euros, le premier loyer intercalaire étant d'un montant de 759,49 euros
Le même jour, l'association Eglise protestante a signé le procès-verbal, à entête de la société GE capital équipement finance et référencé « dossier K13013 » portant réception du matériel fourni par la société J2M, ainsi désigné « standard téléphonique Alcatel oxo+ post », en reconnaissant notamment « avoir pris livraison du matériel en bon état de fonctionnement, après toute mise en service et/ou tout essai nécessaires, le reconnaître conforme à celui ayant fait l'objet du contrat signé avec le bailleur, ci-dessus référencé [la société CE capital équipement finance], (...), accepter en conséquence le matériel, sans restriction ni réserve et dégager GR capital équipement finance de toute responsabilité ».
Le 24 février 2012, la société GE capital équipement finance a adressé à l'association Eglise protestante un échéancier en exécution du contrat de location financière K1301390, dont l'association s'est acquittée de six échéances du 20 février 2012 au 1er avril 2013.
Le 28 février 2012, la société J2M a adressé à l'association Eglise protestante un chèque de 10.918 euros, que celle-ci a encaissé.
Le 22 mars 2013, l'association Eglise protestante a fait valoir la commission de manœuvres dolosives par la société J2M.
Il résulte des éléments ci-avant que le 18 janvier 2012, l'association Eglise protestante a commandé auprès de la société J2M la location de matériel de téléphonie avec maintenance, formé, par l'intermédiaire de la société J2M, une demande de location multi-options auprès de la société GE capital équipement finance, au titre du financement de matériel neuf « standard téléphonique Alcatel oxo + postes » objet du contrat de location avec option d'achat conclu avec la société J2M à raison de 21 loyers trimestriels de 1.335 euros, et régularisé un contrat de location financière à ce titre avec la société GE capital équipement finance le 20 février 2012, dont elle a réceptionné sans réserve le matériel et déclaré expressément sa conformité avec la commande passée.
La circonstance que la proposition initiale de la société J2M, formée en décembre 2011, portait sur la location de photocopieurs, et non pas de matériel de téléphonie, ne suffit pas à caractériser l'existence de manœuvres frauduleuses commises au moment de la souscription du bon de commande du 18 janvier 2012. Il n'est nullement démontré par les pièces produites aux débats que la société J2M aurait livré en 2012 un photocopieur et qu'elle l'aurait récupéré sur sommation de l'association Eglise protestante, la seule pièce fournie par cette dernière pour en justifier consistant en un bon de transport en date du 13 février 2015 à destination de la société Allburotic, qui avait loué un photocopieur à l'association Eglise protestante.
Le fait que le matériel de téléphonie ait été commandé le 18 janvier 2012 puis réceptionné le 20 février 2012, soit le jour de la signature du contrat de location financière, n'est pas matériellement impossible dès lors que la demande de financement a été formulée par l'association Eglise protestante par l'intermédiaire du cabinet J2M dès le 18 janvier 2012. Ces circonstances ne démontrent pas à elles seules que la société J2M aurait exercé des pressions sur les dirigeants de l'association Eglise protestante pour installer le matériel tout juste après lui avoir fait signer le contrat de location, étant relevé que ladite association a attesté la conformité du matériel reçu avec celui commandé et s'est acquittée de plusieurs loyers trimestriels au titre de la location du dit matériel.
Aucun élément ne démontre que le matériel de téléphonie loué par l'association Eglise protestante ne correspondait pas à ses besoins et qu'elle aurait été induite en erreur à ce titre. La seule attestation de Mme Z., préposée de l'association Eglise protestante, ne suffit pas à établir la commission de manœuvres frauduleuses et l'erreur provoquée sur l'objet du contrat, Mme Z. précisant que le 18 janvier 2012, la proposition commerciale de la société J2M portait bien sur un standard téléphonique.
La proposition d'une participation financière formée par la société J2M afin d'être le nouveau fournisseur de matériel de l'association Eglise protestante, qui relève de pratiques commerciales courantes et dont le montant de 10.918 n'est pas disproportionné au vu du montant global du contrat, ne caractérise pas en soi une manœuvre frauduleuse.
Le fait que la société J2M ait maintenu sa proposition de participation de 10.918 euros initialement formulée pour permettre à l'association Eglise protestante de régler les échéances dues à la société All burotic au titre du photocopieur MX 310 et qu'elle ait effectivement adressé un chèque de ce montant à l'association le 28 février 2012, ne suffit pas à démontrer une confusion dans la nature du matériel loué, lequel est clairement indiqué comme étant du matériel de téléphonie dans le bon de commande, dans la demande de financement puis dans le contrat de location financière.
La mention, dans le bon de commande du 18 janvier 2012, d'un matériel de marque Siemens et qui résulte manifestement d'une erreur matérielle, ne caractérise pas davantage des manœuvres frauduleuses de la part de la société J2M, dès lors que la demande de financement signée le même jour et le contrat de location financière conclu le 20 février 2012 portent sur du matériel de téléphonie de marque Alcatel et que l'association a, lors de la réception du dit matériel, attesté de la conformité du matériel reçu à celui commandé.
Aucune manœuvre frauduleuse de la société J2M ni aucune erreur subséquente provoquée n'étant caractérisées, le contrat conclu avec ladite société n'est affecté d'aucun vice de consentement entachant sa validité.
Sur le déséquilibre significatif :
Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation issu de la loi n°95-96 du 1er février 1995, applicable aux faits de l'espèce, « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...)
Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'un de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable en toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses (...) ».
La commande portant sur du matériel de téléphonie pour assurer le standard téléphonique de l'association Eglise protestante, le contrat ainsi conclu avec la société J2M a un rapport direct avec l'activité professionnelle de l'association Eglise protestante. En souscrivant le contrat de location financière, l'association Eglise protestante a d'ailleurs certifié que « le bien loué est destiné exclusivement aux besoins de son activité professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celui-ci ».
Le contrat litigieux ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de l'association Eglise protestante, celle-ci est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-5 du code de la consommation.
Aucune nullité du contrat n'est donc caractérisée au titre des dites dispositions.
Sur les pratiques commerciales agressives :
Selon l'article 122-11 du code de la consommation, modifié par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, applicable en l'espèce, « Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent :
I. 1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ;
2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ;
3° Elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur.
II. - Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération :
1° Le moment et l'endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance; 2° Le recours à la menace physique ou verbale ; 3° L'exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ; 4° Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ; 5° Toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible.
Selon l'article L.122-11-1 du code de la consommation, modifié par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, « Sont réputées agressives au sens de l'article L. 122-11 les pratiques commerciales qui ont pour objet : (...)
8° De donner l'impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait :
- soit il n'existe pas de prix ou autre avantage équivalent ;
- soit l'accomplissement d'une action en rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à l'obligation pour le consommateur de verser de l'argent ou de supporter un coût.
L'association Eglise protestante n'étant pas un consommateur, défini comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou agricole, mais un non-professionnel ayant souscrit la commande pour les besoins de son activité professionnelle, ne peut prétendre aux bénéfices des dispositions susvisées.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le contrat conclu entre l'association Eglise protestante et la société J2M est valable, le jugement étant infirmé de ce chef ainsi qu'au titre des mesures ordonnées en conséquence du prononcé de cette annulation.
Sur le contrat de location financière :
Sur la validité du contrat :
Le contrat conclu entre la société J2M et l'association Eglise protestante étant valable, le contrat de location financière ne saurait être annulé au motif de l'interdépendance des contrats, le jugement étant également infirmé de ce chef, ainsi qu'au titre des mesures ordonnées en conséquence du prononcé de cette annulation.
Sur l'opposabilité des conditions générales du contrat :
Ainsi que le relève avec pertinence la société CM-CIC, si les conditions générales annexées au contrat de location financière ne sont ni signées ni paraphées, celles-ci figurent au verso du contrat de location financière dont le recto porte le tampon et la signature de l'association Eglise protestante, apposées à côté de la mention « Le locataire après avoir pris connaissance des conditions particulières de la location et des conditions générales au verso certifie que le bien loué est destiné exclusivement aux besoins de son activité professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celui-ci ».
Les conditions générales du contrat, dont l'association Eglise protestante a attesté avoir pris connaissance, lui sont donc opposables.
Sur la résiliation du contrat :
Selon l'article 4.4 des conditions générales du contrat, « Sans préjudice de la résiliation du contrat prévue à l'article 11, tout défaut de paiement même partiel d'un loyer et de toute autre somme due pourra, si bon semble au bailleur, entraîner de plein droit et sans qu'une mise en demeure soit nécessaire la perception des intérêts de retard auxquels s'ajouteront les taxes, ainsi que les frais et honoraires de recouvrement même non répétibles. Ces intérêts sont calculés sur le montant de l'impayé du jour de son échéance au jour du règlement au taux de 1,5% par mois (...). Le bailleur aura droit également à des frais de retour sur impayés d'un montant égal à 7,5%HT par impayé, une pénalité égale à 10% des impayés avec un minimum de 45 euros HT et en réparation du préjudice résultant de la procédure de recouvrement une somme de 38 euros HT ».
L'article 11.1 des conditions générales stipule que « Le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur sans adresser de mise en demeure ou accomplir de formalité judiciaire, en cas d'inexécution d'une seule des conditions de la location, notamment en cas de non-paiement d'un seul loyer (...) ».
L'article 11-2 des mêmes conditions précise que « La résiliation entraîne l'obligation pour le locataire de restituer immédiatement le matériel en un lieu désigné par le bailleur aux conditions prévues aux articles 5.1 et 13. A défaut, le bailleur pourra faire enlever le matériel en tous lieux il se trouve, aux frais du locataire (...) ».
L'article 11-4 des conditions générales prévoit que « Le bailleur se réserve également la faculté d'exiger, outre le paiement des loyers impayés et de toutes les sommes dues jusqu'à la date de restitution effective du matériel, le paiement, en cas de location avec option d'achat,
a) en réparation du préjudice subi, d'une indemnité de résiliation égale au montant total des loyers HT postérieurs à la résiliation, majorée de la valeur résiduelle HT du matériel. Cette indemnité est diminuée dans la limite du montant encaissé des sommes HT correspondant au prix de vente du matériel ou à sa re-location, le locataire disposant de la faculté de soumettre à l'agrément du bailleur un acheteur ou une locataire solvable, dans la quinzaine de la résiliation,
b) pour assurer la bonne exécution du contrat, d'une pénalité égale à 10% de l'indemnité de résiliation ».
Au vu de ces dispositions contractuelles, et compte tenu du défaut de paiement des loyers dus à compter du mois de juillet 2013, en dépit de la délivrance d'un commandement de payer le 21 août 2013, la société CIC-CM est bien fondée à faire valoir la résiliation de plein droit du contrat et à solliciter les sommes de :
- 18.386,82 euros au titre des loyers échus et impayés,
- 1.838,68 euros au titre des pénalités contractuelles,
- 8.362,50 euros au titre des loyers à échoir,
- 564 euros au titre de l'option d'achat,
- 836,25 euros au titre de la clause pénale,
soit une somme totale de 29.988,25 euros.
La clause litigieuse stipulant le payement d'une indemnité forfaitaire et d'avance au cas d'impayés de loyers, s'analyse en une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil applicable à la cause.
En revanche, l'association Eglise protestante ne démontrant nullement le caractère manifestement excessif de la clause destinée à réparer le préjudice subi par le bailleur résultant de la résiliation anticipée du contrat, égal au gain manqué et à la perte éprouvée, la demande de réduction à un euro symbolique est rejetée.
En conséquence, l'association Eglise protestante sera condamnée à payer à la société CIC CM la somme totale de 29.988,25 euros assortie des intérêts au taux légal, non pas à compter de la mise en demeure du 8 décembre 2015, aucun accusé de réception de ce courrier n'étant fourni aux débats, mais à compter de la délivrance de l'assignation en date du 10 février 2016.
La société J2M n'ayant commis aucune faute, l'association Eglise protestante sera déboutée de sa demande de garantie exercée à son encontre.
Il convient, en outre, d'ordonner la restitution du matériel dans le délai de 15 jours de la signification de l'arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte, l'article 11-2 des conditions générales prévoyant la faculté pour le bailleur de récupérer le matériel aux frais du locataire en cas de non-restitution.
Sur la résistance abusive :
La société J2M ne démontrant pas la résistance abusive de l'association Eglise protestante qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, sera déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement entrepris, relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, seront infirmées
L'association Eglise protestante échouant en ses prétentions sera condamnée aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel, et à payer à la société J2M et à la société CM-CIC une indemnité de 5.000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 14 novembre 2017, dans l'ensemble de ses dispositions critiquées par les parties, sauf en ce qu'il a débouté la société J2M Bureautique France de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive de l'association Eglise protestante,
Statuant de nouveau,
DÉBOUTE l'association Eglise protestante Paris évangile de l'ensemble de ses demandes,
CONSTATE la résiliation du contrat de location financière aux torts de l'association Eglise protestante Paris évangile,
CONDAMNE l'association Eglise protestante Paris évangile à payer à la société CIC CM Leasing solutions la somme de 29.988,25 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2016,
CONDAMNE l'association Eglise protestante Paris évangile à restituer le matériel objet du contrat résilié, et ce dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'association Eglise protestante Paris évangile à payer à la société CIC CM Leasing solutions la somme de 5.000 euros,
CONDAMNE l'association Eglise protestante Paris évangile à payer à la société J2M Bureautique France la somme de 5.000 euros,
CONDAMNE l'association Eglise protestante Paris évangile aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
- 5748 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Impossibilité de maintenir le contrat
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- 5945 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Téléphonie et télécopie
- 6389 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs - Acceptation et opposabilité des clauses
- 6942 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Illustrations : Loi n° 2017-203 du 21 février 2017
- 6979 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à la loi n° 2017-203 du 21 février 2017