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CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 10 décembre 2019

Nature : Décision
Titre : CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 10 décembre 2019
Pays : France
Juridiction : Reims (CA), ch. civ. sect. 1
Demande : 18/02193
Date : 10/12/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/10/2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8276

CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 10 décembre 2019 : RG n° 18/02193

                                                                                   Publication : Jurica

 

Extrait : « Le contrat d'assurance souscrit par Monsieur X. contenait une clause aux termes de laquelle « au moins une fois par an, l'assuré doit faire procéder par un organisme agréé à une inspection des extincteurs, et communiquer aux assureurs une copie du certificat Q4. » [...]

Devant le premier juge, les demandeurs avaient fait valoir que cette clause contractuelle devait être réputée non écrite au sens de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, prévoyant que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses ayant pour objet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le premier juge avait défini le consommateur comme toute personne physique agissant à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité professionnelle, en observant que cette définition jurisprudentielle, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, avait été reprise par cette dernière, aux termes de laquelle est considéré comme un consommateur toute personne physique agissant à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

Pour le premier juge, il était acquis que Monsieur X. avait assuré les locaux professionnels de la société X., dans lesquels il exerçait son activité de menuisier auprès des souscripteurs de la Lloyd's de Londres. Il a estimé que le demandeur ne pouvait pas utilement soutenir avoir souscrit cette assurance en son nom personnel en sa qualité de propriétaire de l'immeuble.

Il a observé que si l'immeuble accueillant les activités de la société X. était aussi utilisé à usage d'habitation, les lieux d'habitation étaient quant à eux assurés auprès de la compagnie Generali, de sorte qu'il y avait lieu de distinguer :

- les locaux professionnels de la société X., assurés par Monsieur X. en sa qualité de gérant de ladite société auprès des syndicats de la Lloyd's de Londres ;

- les locaux à usage d'habitation assurés par Monsieur X. en son nom propre auprès de la compagnie Generali.

Le premier juge a remarqué que l'avenant de renouvellement de la police litigieuse du 6 juin 2011 avait spécifié que Monsieur X. agissait tant pour son compte que pour celui de la société X. Il a relevé que l'article 101 intitulé Objet du risque/activité avait précisé que le présent contrat avait pour objet de garantir : atelier de menuiserie. Pour le premier juge, il était donc établi que le contrat d'assurance, portant sur les locaux de la société X., avait été souscrit par Monsieur X. dans le cadre de son activité professionnelle.

Le premier juge a relevé au surplus que les demandeurs à l'instance étaient à la fois Monsieur X. et la société X., et non pas seulement Monsieur X., confirmant ainsi l'intérêt à agir de la société X. à l'encontre de son assureur.

Il a en a déduit que Monsieur X. ne pouvait pas être considéré comme un consommateur, et que les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'avaient pas vocation à s'appliquer au contrat d'assurance litigieux.

* * *

A hauteur d'appel, Monsieur X. et la société X. soulèvent de nouveau ce même moyen, non sans évoquer de surcroît la nullité de cette clause.

Ils soutiennent que le texte susdit avait vocation à s'appliquer, puisque Monsieur X. s'était assuré pour lui-même, et que la circonstance qu'il exploite une activité professionnelle ne permet pas d'écarter l'application du code de la consommation, l'exploitation de cette activité étant indifférente à sa qualité de propriétaire.

Monsieur X. soutient de plus que s'il était indéniable qu'il exerçait son activité professionnelle dans les locaux assurés, le fait qu'il ait déclaré l'activité qui y était exercée ne présupposait nullement qu'il agissait dans le cadre de son activité professionnelle, celui-ci étant simplement tenu de déclarer l'activité qui était exercée dans son immeuble.

Les souscripteurs du Lloyd's de Londres approuvent intégralement les motifs retenus par le premier juge.

Avec le premier juge, l'analyse de la clause litigieuse relative au risque assuré permet cependant de retenir que c'était uniquement son activité professionnelle que Monsieur X., tant en son nom propre que pour le compte de la société X., avait entendu garantir. Ce contrat d'assurance présente donc un rapport direct avec l'activité professionnelle de son souscripteur.

Les appelants ne peuvent pas donc se prévaloir de la qualité de consommateur au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. »

2/ « Devant le premier juge, les demandeurs s'étaient prévalus de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, selon lequel engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculé au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Le premier juge avait estimé qu'en matière d'assurance multirisque dommage d'un local professionnel, et plus particulièrement d'un atelier de menuiserie, l'obligation faite à l'assurer de faire vérifier le bon fonctionnement des extincteurs ne paraissait pas en aucun cas excessif.

Au contraire, il a estimé qu'une telle clause d'entretien des extincteurs était une clause habituelle dans de tels contrats.

Selon le premier juge, de la même manière, les clauses contractuelles obligeant l'assureur à faire procéder à une inspection des installations électriques une fois par an, une inspection par thermographie des installations électriques une fois tous les 3 ans, la maintenance et l'inspection de la chaudière gaz une fois par an, et la maintenance et l'inspection des alarmes intrusion et incendie une fois par an, sont en cohérence avec la souscription d'un contrat d'assurance pour un local professionnel couvrant notamment les risques incendie, explosion, ou implosion.

Il en a donc déduit que la clause prévoyant l'entretien annule des extincteurs n'avait pas créé de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens du texte plus haut cité.

* * *

L'assureur observe que le texte dont ses adversaires réclament l'application est inséré au chapitre II, livre IV du code de commerce, relatif aux pratiques restrictives de concurrence, qui ne serait pas transposable à la présente affaire, pour en conclure que ce texte n'aurait pas vocation à s'appliquer.

Cependant, au regard du caractère général et inconditionnel de ce texte, visant tout opérateur économique qu'il spécifie, et dont le III e prévoit l'application par toute personne justifiant d'un intérêt, les appelants sont bien fondés à invoquer ce texte à l'encontre des souscripteurs de la Lloyd's de Londres.

A hauteur de cour, les appelants reprennent un tel moyen, en soutenant n'avoir aucun pouvoir de discussion face aux contrats d'adhésion d'une puissante compagnie d'assurance qui lui a imposé cette clause, générant à son sens un déséquilibre significatif, dès lors qu'elle ne comporte pour l'assureur aucune contrepartie particulière, notamment d'information.

Ils soutiennent en outre que la clause contient une imprécision quant à la computation du délai d'un an à l'issue duquel les extincteurs doivent être inspectés, dont ils entendent aussi voir déduire l'existence d'un déséquilibre significatif au sens du texte susdit.

Il conviendra d'approuver le premier juge d'avoir retenu l'absence de déséquilibre significatif, notamment eu égard à l'objet du contrat. Ce dernier a en effet, pour rechercher si le déséquilibre significatif était ou non constitué, parfaitement apprécié de manière concrète et globale le contrat, son objet, son économie, et son contexte.

De la sorte, les appelants sont mal fondés à isoler du contrat cette clause, pour venir constater qu'elle ne crée aucune contrepartie à l'encontre de l'assureur, pour prétendre venir en déduire un quelconque déséquilibre significatif: c'est bien au contraire au regard de cette clause parfaitement justifiée notamment au regard de l'objet du contrat, ainsi que les autres obligations mises à la charge du souscripteur, que l'assureur a entendu apporter sa garantie.

En outre, si la clause susdite comporte une certaine imprécision quant à la computation du délai annuel d'inspection des extincteurs, il est indubitable que cette clause soumet son souscripteur à l'obligation de vérifier au moins une fois par an les extincteurs et d'en justifier à l'assureur.

Dès lors, l'obligation ainsi mise à la charge du souscripteur n'est ni trop générale ni trop imprécise, de telle sorte qu'elle ne créée pas le déséquilibre significatif allégué.

De surcroît, l'assureur répond, sans nouvelle réplique, que le montant des primes payées par l'assuré tient compte de la mise en place de la mesure imposée par la clause litigieuse.

Cette clause n'est donc pas caractérisée par une absence de contrepartie ou de réciprocité à la charge de l'assureur.

Cette clause n'est donc pas abusive au sens du texte plus haut visé. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 10 DÉCEMBRE

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/02193. N° Portalis DBVQ-V-B7C-ERZA.

 

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 14 septembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de TROYES

Monsieur X.

[...] [...], Représenté par Maître Jean-Baptiste R. DE C., avocat au barreau de l'AUBE

SARL X.

[...] [...], Représentée par Maître Jean-Baptiste R. DE C., avocat au barreau de l'AUBE

 

INTIMÉES :

SASU SOMPO JAPAN NIPPONKOA M. & B.

[...] [...], Représentée par Maître Jean-Pierre S. de l'AARPI PASCAL G. & JEAN-PIERRE, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître X.-H. avocat au barreau de PARIS

SAS LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES

pris en la personne de leur mandataire général pour les opérations en France, la Société LLOYD'S FRANCE SAS, [...], [...], Représentée par Maître Jean-Pierre S. de l'AARPI PASCAL G. & JEAN-PIERRE, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître X.-H. avocat au barreau de PARIS

SARL CG ASSURANCES

[...] [...], Représentée par Me Florence S. de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de l'AUBE et ayant pour conseil Maître H. avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, Madame Catherine LEFORT, conseiller, Monsieur Cédric LECLER, conseiller, rédacteur

GREFFIER : Madame Lucie NICLOT, greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 15 octobre 2019, où l'affaire a été mise en délibéré au 3 décembre, prorogé au 10 décembre 2019,

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2019 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 2 juillet 2009, Monsieur X., menuisier, a souscrit un contrat multirisque dommage n°IFAB9221 auprès de la société par actions simplifiée M. & B., devenue la société par action simplifiée Sompo Japan Nipponkoa M. & B., mandataire d'assurance (« coverholder ») des souscripteurs du Lloyd's de Londres, portant sur les locaux de la société à responsabilité limitée X., situés [...].

Ce contrat était souscrit par l'intermédiaire de la société par actions simplifiée CG Assurances, courtier en assurances, et renouvelé les 1er juillet 2010 et 6 juin 2011, avec effet au 1er juillet 2011.

Le 11 novembre 2011, un incendie s'est déclaré dans les locaux de la société X., avant de s'étendre à l'ensemble de l'immeuble.

Le 13 novembre 2011, la société Cg Assurances a déclaré le sinistre incendie à la société par actions simplifiée M. & B., qui en a informé les souscripteurs du Lloyd's de Londres.

Ces derniers ont mandaté la société SW Associates et le laboratoire Lavouz afin de déterminer les causes du sinistre, tandis que le cabinet R. était mandaté par Monsieur X. et la société X. aux fins d'évaluer les dommages.

Par lettre en date du 28 mars 2012, la société Sw Associates a informé Monsieur X. que les souscripteurs du Lloyd's de Londres avaient refusé d'indemniser le sinistre, en raison de l'absence de preuve de l'inspection annuelle des extincteurs du bâtiment, par la présentation d'un certificat Q4.

Par actes d'huissier en date des 21 mai et 6 juin 2013, Monsieur X. et la société X. ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Troyes la société par actions simplifiée M. & B. et la société Cg Assurances, aux fins de voir leur responsabilité retenue et de les voir condamner à indemniser le sinistre.

Le 3 octobre 2013, les souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par leur mandataire général pour leurs opérations en France la Sasu Lloyd's France, sont intervenus volontairement à l'instance.

Dans le dernier de ses demandes, Monsieur X. et la société X. a demandé au tribunal de :

- constater l'acquisition par Monsieur X. et la société X. tant en son nom personnel qu'au nom de la société X., du bénéfice de la police d'assurance souscrite auprès de la société par actions simplifiée M. & B., ultérieurement transformée en la société par action simplifiée Sompo Japan Nipponkoa M. & B., et remplacée à l'action par les souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par leur mandataire général pour leurs opérations en France la Sasu Lloyd's France, par l'intermédiaire de la société Cg Assurances, à la suite de l'incendie survenu le 11 novembre 2011 ;

- condamner la société par actions simplifiée M. & B., ultérieurement transformée en la société par action simplifiée Sompo Japan Nipponkoa M. & B., et remplacée à l'action par les souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par leur mandataire général pour leurs opérations en France la Sasu Lloyd's France, à indemniser Monsieur X. et la société X. à hauteur de la somme globale de 612.057 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 novembre 2011, date du sinistre (plus précisément à indemniser Monsieur X. à hauteur de la somme du préjudice correspondant au bâtiment, soit 444.000 euros hors taxes (ht), et à indemniser la société X. à hauteur de la somme de 168.057 euros, correspondant à la somme du préjudice au titre du matériel, à savoir 110.000 euros, à la somme du préjudice au titre des marchandises, à savoir 7.820 euros, à la somme du préjudice au titre de la perte d'exploitation, soit 50.237 euros)  ;

- subsidiairement de condamner la société Cg Assurances à payer à la société X. et à Monsieur X. les sommes susdites, à raison de son manquement à son devoir de conseil ;

- condamner in solidum la société par actions simplifiée M. & B., ultérieurement transformée en la société par action simplifiée Sompo Japan Nipponkoa M. & B., et remplacée à l'action par les souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par leur mandataire général pour leurs opérations en France la Sasu Lloyd's France, et la société Cg Assurances, aux entiers dépens et à leur payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société Sompo Japan Nipponkoa M. & B., anciennement la société par actions simplifiée M. & B., et les souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par leur mandataire général pour leurs opérations en France la Sasu Lloyd's France demandent de :

- dire et juger que la société Sompo Japan Nipponkoa M. & B. n'est que le mandataire d'assurance des souscripteurs du Lloyd's de Londres ;

- dire et juger que les assureurs multirisques dommages de Monsieur X. pour ses locaux professionnels sont les seuls souscripteurs du Lloyd's de Londres ;

- mettre hors de cause la société Sompo Japan Nipponkoa M. & B. ;

- donner acte aux souscripteurs du Lloyd's de Londres de leur intervention volontaire ;

- constater que Monsieur X. n'a pas respecté les conditions du contrat multirisque dommages n°IFAB9221 ;

- dire et juger justifié le refus de garantie opposé par les souscripteurs du Lloyd's de Londres au titre du contrat multirisque dommages n°IFAB9221 ;

- débouter Monsieur X. et la société X. de l'ensemble de leurs demandes.

A titre subsidiaire, en l'hypothèse où les souscripteurs du Lloyd's de Londres seraient condamnés, condamner la société Cg Assurances à les relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

A titre subsidiaire, constater que les demandes de Monsieur X. et de la société X. sont excessives et non justifiées ;

- débouter Monsieur X. et la société X. de l'ensemble de leurs demandes ;

- ramener à de plus justes proportions les demandes de Monsieur X. et de la société X. en :

* limitant le montant des condamnations à la charge des souscripteurs du Lloyd's de Londres au titre du matériel à la somme de 110.000 euros, en application du plafond de garantie du contrat souscrit, à laquelle il conviendra de déduire la franchise de 1.500 euros ;

* les déboutant de leur demande au titre des pertes d'exploitation ;

*disant et jugeant que les intérêts au taux légal ne pourront s'appliquer qu'à compter du jugement ;

- condamner Monsieur X. et la société X. aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil et à payer aux souscripteurs du Lloyd's de Londres la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Cg Assurances a demandé au tribunal de :

in limine litis :

- donner acte à la société Lloyd's France de son intervention volontaire ;

- à titre principal, statuer ce que de droit sur la demande principal de Monsieur X. et de la société X. à l'encontre de la société Sompo Japan Nipponkoa M. & B., venant aux droits de la société X. & B. et de la société Lloyd's France ;

- dans l'hypothèse ou le tribunal estimerait que la garantie contractuelle est acquise à Monsieur X. et à la société X., constater que l'action, diligentée à l'encontre de la société Cg Assurances, intermédiaire d'assurance, ne peut être que subsidiaire ;

- mettre la société Cg Assurances hors de cause ;

- en toute hypothèse, dire et juger que la preuve des prétendues fautes reprochées au courtier Cg Assurances par Monsieur X. et la société X. ne sont pas rapportées ;

- dire et juger que la société Cg Assurance rapporte la preuve d'avoir satisfait à son obligation de conseil ;

- dire et juger que les demandeurs n'ont pas établi la preuve de leurs préjudices ;

- dire et juger que le rapport non contradictoire établi par le cabinet R. ne peut pas être retenu à titre de preuve ;

- en conséquence, débouter purement et simplement Monsieur X. et la société X. de l'ensemble de leurs demandes à son encontre ;

- débouter la société Sompo Japan Nipponkoa M. & B., venant droits de la société X. & B. et de la société Lloyd's France de leur demande de condamnation de la société Cg Assurances à les relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

 

Par jugement contradictoire rendu le 14 septembre 2018 le tribunal de grande instance de Troyes a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire des souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par la société Lloyd's France, en l'espèce :

* syndicats Sj Catlin SJC2003 contrat n°FX3000274725 35 %

* Marketforme MFM2468 contrat n° ECP11097121p 30 %

* Novae NVA2007 contrat n°TR94311ACUZX 25 %

* Hardy HDU382 contrat n°NF13DA5161CX 10 %

- déclaré hors de cause la société Sompo Japan Nipponkoa M. & B., venant aux droits de la société X. & B. ;

- dit que la société X. n'a pas satisfait à ses obligations issues de l'avenant de renouvellement de la police d'assurance n° IFAB9221, souscrit le 6 juin 2011 avec effet au 1er juillet 2011 auprès des souscripteurs du Lloyd's de Londres ;

en conséquence ;

- débouté Monsieur X. et la société X. de leurs demandes tendant à voir constater l'acquisition du bénéfice de la police d'assurance suite à l'incendie survenu le 11 novembre 2011et à condamner les souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société Lloyd's France, à leur verser la somme totale de 612.057 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 novembre 2011 ;

- dit que la société Cg Assurances n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de Monsieur X. et la société X. ;

en conséquence ;

- débouté Monsieur X. et la société X. de leur demande de condamnation de la société Cg Assurances à leur verser la somme totale de 612 057 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 novembre 2011 ;

- condamné Monsieur X. et la société X. à payer au titre des frais irrépétibles de première instance les sommes de :

* 1.500 euros aux souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société Lloyd's France ;

* 1.500 euros à la société Cg Assurances ;

- condamné Monsieur X. et la société X. aux entiers dépens de première instance, avec distraction au profit du conseil de la société Sompo Japan Nipponkoa M. & B., venant aux droits de la société X. & B., et des souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société Lloyd's France, de ceux des dépens de première instance dont il avait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Le 16 octobre 2018, Monsieur X. et la société X. ont relevé appel de ce jugement.

Le 24 septembre 2019, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées :

- le 16 janvier 2019 par Monsieur X. et la société X., appelants ;

- le 15 avril 2019 par la société Sompo Japan Nipponkoa M. & B., venant aux droits de la société X. & B. et par les souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société Lloyd's France, intimés ;

- le 6 avril 2019 par la société Cg Assurances, intimée.

Par voie d'infirmation, Monsieur X. et la société X. réitèrent leurs demandes indemnitaires initiales :

- à titre principal, à l'encontre des souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société Lloyd's France ;

- à titre subsidiaire, à l'encontre de la société Cg Assurances.

Ils demandent aussi la condamnation in solidum des souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société Lloyd's France et de la société Cg Assurances à leur payer la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

* * *

A titre principal, la société Sompo Japan Nipponkoa M. & B., venant aux droits de la société X. & B. et les souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société Lloyd's France, demandent la confirmation intégrale du jugement, et le débouté de toutes les prétentions de la société X. et de Monsieur X.

Ces intimés réitèrent néanmoins leurs demandes initiales formées à titre subsidiaire, plus subsidiaires, et encore plus subsidiaires.

Ils demandent à voir dire et juger que les syndicats du Lloyd's de Londres ne pourront être tenus qu'à concurrence de leur part respective non solidaire.

En tout état de cause, ils demandent de condamner Monsieur X. et la société X. aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de leur conseil, et à leur payer à chacun la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

* * *

A titre principal, La société Cg Assurance demande la confirmation intégrale du jugement.

A titre subsidiaire, elle demande le rejet de demande de condamnation in solidum, de débouter les souscripteurs du Lloyd's de Londres de leur demande de condamnation à les relever et garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre, et au contraire de condamner ceux-ci à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Dans tous les cas, elle demande la condamnation de tout succombant aux entiers dépens, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

La cour n'est saisie d'aucune prétention tendant à remettre en cause les dispositions du jugement ayant :

- déclaré recevable l'intervention volontaire des 4 souscripteurs du Lloyd's de Londres, énumérés à son dispositif, représentés par la société Lloyd's France ;

- déclaré hors de cause la société Sompo Japan Nipponkoa M. & B., venant aux droits de la société X. & B.

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

 

I - Sur les demandes formées à l'encontre de l'assureur les souscripteurs du Lloyd's de Londres, représentés par la société Lloyd's France :

Le contrat d'assurance souscrit par Monsieur X. contenait une clause aux termes de laquelle « au moins une fois par an, l'assuré doit faire procéder par un organisme agréé à une inspection des extincteurs, et communiquer aux assureurs une copie du certificat Q4. »

 

Sur le caractère abusif de la clause :

Devant le premier juge, les demandeurs avaient fait valoir que cette clause contractuelle devait être réputée non écrite au sens de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, prévoyant que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses ayant pour objet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le premier juge avait défini le consommateur comme toute personne physique agissant à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité professionnelle, en observant que cette définition jurisprudentielle, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, avait été reprise par cette dernière, aux termes de laquelle est considéré comme un consommateur toute personne physique agissant à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

Pour le premier juge, il était acquis que Monsieur X. avait assuré les locaux professionnels de la société X., dans lesquels il exerçait son activité de menuisier auprès des souscripteurs de la Lloyd's de Londres. Il a estimé que le demandeur ne pouvait pas utilement soutenir avoir souscrit cette assurance en son nom personnel en sa qualité de propriétaire de l'immeuble.

Il a observé que si l'immeuble accueillant les activités de la société X. était aussi utilisé à usage d'habitation, les lieux d'habitation étaient quant à eux assurés auprès de la compagnie Generali, de sorte qu'il y avait lieu de distinguer :

- les locaux professionnels de la société X., assurés par Monsieur X. en sa qualité de gérant de ladite société auprès des syndicats de la Lloyd's de Londres ;

- les locaux à usage d'habitation assurés par Monsieur X. en son nom propre auprès de la compagnie Generali.

Le premier juge a remarqué que l'avenant de renouvellement de la police litigieuse du 6 juin 2011 avait spécifié que Monsieur X. agissait tant pour son compte que pour celui de la société X. Il a relevé que l'article 101 intitulé Objet du risque/activité avait précisé que le présent contrat avait pour objet de garantir : atelier de menuiserie. Pour le premier juge, il était donc établi que le contrat d'assurance, portant sur les locaux de la société X., avait été souscrit par Monsieur X. dans le cadre de son activité professionnelle.

Le premier juge a relevé au surplus que les demandeurs à l'instance étaient à la fois Monsieur X. et la société X., et non pas seulement Monsieur X., confirmant ainsi l'intérêt à agir de la société X. à l'encontre de son assureur.

Il a en a déduit que Monsieur X. ne pouvait pas être considéré comme un consommateur, et que les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation n'avaient pas vocation à s'appliquer au contrat d'assurance litigieux.

* * *

A hauteur d'appel, Monsieur X. et la société X. soulèvent de nouveau ce même moyen, non sans évoquer de surcroît la nullité de cette clause.

Ils soutiennent que le texte susdit avait vocation à s'appliquer, puisque Monsieur X. s'était assuré pour lui-même, et que la circonstance qu'il exploite une activité professionnelle ne permet pas d'écarter l'application du code de la consommation, l'exploitation de cette activité étant indifférente à sa qualité de propriétaire.

Monsieur X. soutient de plus que s'il était indéniable qu'il exerçait son activité professionnelle dans les locaux assurés, le fait qu'il ait déclaré l'activité qui y était exercée ne présupposait nullement qu'il agissait dans le cadre de son activité professionnelle, celui-ci étant simplement tenu de déclarer l'activité qui était exercée dans son immeuble.

Les souscripteurs du Lloyd's de Londres approuvent intégralement les motifs retenus par le premier juge.

Avec le premier juge, l'analyse de la clause litigieuse relative au risque assuré permet cependant de retenir que c'était uniquement son activité professionnelle que Monsieur X., tant en son nom propre que pour le compte de la société X., avait entendu garantir. Ce contrat d'assurance présente donc un rapport direct avec l'activité professionnelle de son souscripteur.

Les appelants ne peuvent pas donc se prévaloir de la qualité de consommateur au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

 

Sur le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties résultant de ladite clause :

Devant le premier juge, les demandeurs s'étaient prévalus de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, selon lequel engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculé au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Le premier juge avait estimé qu'en matière d'assurance multirisque dommage d'un local professionnel, et plus particulièrement d'un atelier de menuiserie, l'obligation faite à l'assurer de faire vérifier le bon fonctionnement des extincteurs ne paraissait pas en aucun cas excessif.

Au contraire, il a estimé qu'une telle clause d'entretien des extincteurs était une clause habituelle dans de tels contrats.

Selon le premier juge, de la même manière, les clauses contractuelles obligeant l'assureur à faire procéder à une inspection des installations électriques une fois par an, une inspection par thermographie des installations électriques une fois tous les 3 ans, la maintenance et l'inspection de la chaudière gaz une fois par an, et la maintenance et l'inspection des alarmes intrusion et incendie une fois par an, sont en cohérence avec la souscription d'un contrat d'assurance pour un local professionnel couvrant notamment les risques incendie, explosion, ou implosion.

Il en a donc déduit que la clause prévoyant l'entretien annule des extincteurs n'avait pas créé de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens du texte plus haut cité.

* * *

L'assureur observe que le texte dont ses adversaires réclament l'application est inséré au chapitre II, livre IV du code de commerce, relatif aux pratiques restrictives de concurrence, qui ne serait pas transposable à la présente affaire, pour en conclure que ce texte n'aurait pas vocation à s'appliquer.

Cependant, au regard du caractère général et inconditionnel de ce texte, visant tout opérateur économique qu'il spécifie, et dont le III e prévoit l'application par toute personne justifiant d'un intérêt, les appelants sont bien fondés à invoquer ce texte à l'encontre des souscripteurs de la Lloyd's de Londres.

A hauteur de cour, les appelants reprennent un tel moyen, en soutenant n'avoir aucun pouvoir de discussion face aux contrats d'adhésion d'une puissante compagnie d'assurance qui lui a imposé cette clause, générant à son sens un déséquilibre significatif, dès lors qu'elle ne comporte pour l'assureur aucune contrepartie particulière, notamment d'information.

Ils soutiennent en outre que la clause contient une imprécision quant à la computation du délai d'un an à l'issue duquel les extincteurs doivent être inspectés, dont ils entendent aussi voir déduire l'existence d'un déséquilibre significatif au sens du texte susdit.

Il conviendra d'approuver le premier juge d'avoir retenu l'absence de déséquilibre significatif, notamment eu égard à l'objet du contrat. Ce dernier a en effet, pour rechercher si le déséquilibre significatif était ou non constitué, parfaitement apprécié de manière concrète et globale le contrat, son objet, son économie, et son contexte.

De la sorte, les appelants sont mal fondés à isoler du contrat cette clause, pour venir constater qu'elle ne crée aucune contrepartie à l'encontre de l'assureur, pour prétendre venir en déduire un quelconque déséquilibre significatif: c'est bien au contraire au regard de cette clause parfaitement justifiée notamment au regard de l'objet du contrat, ainsi que les autres obligations mises à la charge du souscripteur, que l'assureur a entendu apporter sa garantie.

En outre, si la clause susdite comporte une certaine imprécision quant à la computation du délai annuel d'inspection des extincteurs, il est indubitable que cette clause soumet son souscripteur à l'obligation de vérifier au moins une fois par an les extincteurs et d'en justifier à l'assureur.

Dès lors, l'obligation ainsi mise à la charge du souscripteur n'est ni trop générale ni trop imprécise, de telle sorte qu'elle ne créée pas le déséquilibre significatif allégué.

De surcroît, l'assureur répond, sans nouvelle réplique, que le montant des primes payées par l'assuré tient compte de la mise en place de la mesure imposée par la clause litigieuse.

Cette clause n'est donc pas caractérisée par une absence de contrepartie ou de réciprocité à la charge de l'assureur.

Cette clause n'est donc pas abusive au sens du texte plus haut visé.

 

Sur la nature de la clause :

Le premier juge a rappelé les mentions de l'avenant de renouvellement de la police litigieuse du 6 juin 2011, dont le paragraphe intitulé conditions de mise en œuvre des garanties avait prévu que :

- la mise en œuvre effective des garanties dépend impérativement de l'existence ou de l'installation préalable des moyens de protection et/ou de préventions suivants :

(...) 3. Au moins une fois par an, l'assuré doit faire procéder par un organisme agréé à une inspection des extincteurs, et communiquer aux assureurs une copie du certificat Q4 ;

- conformément aux dispositions du code des assurances, faute pour l'assuré de respecter les délais et/ou de se conformer aux stipulations ci-dessus, les assureurs seront en droit de résilier les garanties accordées.

Le premier juge a considéré qu'il ressortait des stipulations contractuelles que la condition de révision annuelle des extincteurs était prévue, ainsi que 4 autres obligations, à peine d'exclusion de la garantie, le respect des obligations de prévention et de protection étant la condition de mise en œuvre des garanties prévues au contrat d'assurance. Selon lui, à défaut pour l'assuré de rapporter la preuve du respect de ses obligations, l'assureur n'est pas tenu de garantir le sinistre, outre sa faculté de résilier le contrat.

Il en a conclu qu'il appartenait à Monsieur X. et à la société X. de rapporter la preuve de ce qu'ils s'étaient acquittés de leurs obligations, lesquelles conditionnaient la mise en oeuvre de la garantie des souscripteurs du Lloyd's de Londres, dans les limites du contrat souscrit.

* * *

A hauteur d'appel, les appelants soutiennent que ces clauses doivent s'analyser comme une clause de résiliation, et non une clause d'exclusion de garantie.

De cette clause, ils relèvent que la résiliation ne peut intervenir sur l'initiative des assureurs, en l'absence du justificatif de contrôle, sans qu'il s'agisse pour eux d'une obligation.

Ils observent qu'il revenait donc aux assureurs, en l'absence de communication du certificat de contrôle dans les délais contractuels, de solliciter cette résiliation, ce dont ils se sont abstenus.

Ils rappellent qu'à supposer même que la société X. aurait été tenue de justifier de l'inspection des extincteurs avant le 16 septembre 2011, l'assureur n'avait pas résilié le contrat, continuant à percevoir la contrepartie financière à la garantie d'un risque qu'il savait non indemnisable, puisque ne répondant pas aux conditions contractuelles.

- - - - -

L'assureur réplique que la clause litigieuse est une condition de garantie.

Il précise que celle-ci doit être considérée comme une obligation conditionnelle au sens de l'article 1168 ancien du code civil.

Plus particulièrement en matière d'assurances, les souscripteurs de la Lloyd's de Londres soutiennent que l'assureur peut conditionner le bénéficie de sa garantie à la mise en œuvre de mesures de prévention et de protection.

Les intimés relèvent que l'avenant de renouvellement avait prévu que les stipulations des conditions particulières et avenants antérieurs étaient intégralement abrogées et remplacées par les conditions particulières jointes au présent avenant (articles 101 à 111), y compris le tableau des garanties et franchises, ainsi que l'annexe obligations de prévention et de protection.

Or, l'article 105 des conditions particulières fait obligation à l'assuré de se conformer aux stipulations de l'imprimé "obligations de prévention et de protection" annexé au contrat.

Elle observe que l'imprimé "obligations de prévention et de protection" annexé au contrat avait prévu que ces clauses faisaient partie intégrante de la police d'assurance, qu'elles complètent, modifient ou remplacent en tant que de besoins les conditions générales ou particulières.

Cet imprimé énonce très clairement, sous un paragraphe « conditions de mise en œuvre des garanties » que :

« - la mise en œuvre effective des garanties dépend impérativement de l'existence ou de l'installation préalable des moyens de protection et/ou de préventions suivants :

(...) 3. Au moins une fois par an, l'assuré doit faire procéder par un organisme agréé à une inspection des extincteurs, et communiquer aux assureurs une copie du certificat Q4 ; »

* * *

Il conviendra d'approuver le premier juge dans son exacte analyse, ressortant par ailleurs d'une lecture littérale des clauses contractuelles, expresses, claires et non équivoque, selon laquelle la justification annuelle du contrôle des extincteurs constitue une condition d'application de la garantie.

C'est dès lors de manière inopérante que Monsieur X. et la société X. soutiennent que l'éventuelle absence d'inspection des extincteurs n'est en aucun cas une cause ou une source aggravante du sinistre, dès lors que l'origine même du sinistre est étrangère aux extincteurs.

 

Sur le respect de la clause par l'assuré et la mise en œuvre de la garantie par l'assureur :

Le premier juge a rappelé comme fait constant que la dernière vérification des extincteurs justifiée avait eu lieu le 16 septembre 2010, alors que l'incendie s'était produit le 11 novembre 2011.

Le premier juge s'est interrogé sur la notion d'annuité prévue à la clause d'inspection des extincteurs.

Il a estimé que celle-ci pouvait s'entendre de trois façons différentes :

- l'inspection devait être effectuée dans les 365 jours suivant la précédente vérification, soit en l'espèce, au plus tard le 16 septembre 2011 ;

- l'inspection devait être effectuée dans les 365 jours à compter de la passation du contrat, soit en l'espèce le 1er juillet 2012 (le contrat avait été renouvelé le 6 juin 2011, avec effet au 1er juillet 2011) ;

- l'inspection devait être effectuée dans l'année calendaire, soit entre le 1er janvier et le 31 décembre, soit en l'espèce au plus tard le 31 décembre 2011.

Devant le premier juge, les demandeurs avait privilégié la deuxième interprétation, et les défendeurs la première.

Le premier juge a rappelé les dispositions de l'article 1162 ancien du code civil, aux termes desquels en cas de doute sur l'interprétation d'une convention, celle-ci s'interprète contre celui qui a stipulé, soit l'assureur, et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, soit l'assuré, tout en analysant la commune intention des parties, et la vérification de leur compatibilité à l'aune des 3 hypothèses envisagées.

- - - - -

S'agissant de la première hypothèse (justification de la vérification au plus tard le 16 septembre 2011) le premier juge avait observé que l'avenant de renouvellement, dans son article 111 (stipulations diverses) avait prévu que le présent contrat était établi sur la base des éléments fournis par le questionnaire rempli par le proposant. Or, le dit questionnaire avait précisé que :

- d'une part, le site à assurer était équipé d'extincteurs (certificats Q4 : oui) ;

- que d'autre part, Monsieur X. devait joindre au document le certificat Q4 ;

- que le certificat Q 4 du 16 septembre 2010 est annexé au questionnaire.

Pour le premier juge, de cette manière, l'assureur était en état de vérifier que l'assuré avait rempli les conditions nécessaires à sa prise en charge avant d'accorder sa garantie, et notamment de ce que ce dernier était titulaire d'un certificat Q4 en cours de validité. Ainsi, l'ensemble de la période du contrat était couverte par l'obligation pour l'assurer d'être détenteur d'un certificat Q4 en cours de validité attestant du bon fonctionnement des extincteurs.

- - - - -

S'agissant de la deuxième hypothèse (vérification au plus tard le 1er juillet 2012), le premier juge a observé que le dernier certificat Q4 étant daté du 16 septembre 2010, Monsieur X. aurait ainsi pu attendre presque 20 mois avant de faire vérifier les extincteurs, en ne procédant pas au renouvellement du certificat Q4 entre le 16 septembre 2010 et le 1er juillet 2012.

Le premier juge a en alors déduit que selon cette interprétation, l'ensemble de la période contractuelle, et notamment la période courant du 16 septembre 2011 au 1er juillet 2012 n'aurait pas été couverte par l'obligation pour l'assuré d'être détenteur d'un certificat Q4 en cours de validité.

Il a observé que de plus, la société Aube Sécurité Incendie a rappelé à la société X. par courrier du 24 novembre 2011 :

- la nécessité de procéder à la maintenance de son matériel, actant du refus de l'intéressé d'y procéder à cette date là ;

- que la norme NF-S 61-919 au demeurant moins contraignante que les obligations contractuelles prévoyait que la maintenance des extincteurs devait être effectuée tous les ans avec une tolérance de plus ou mois deux mois, et que passé ce délai, le bon fonctionnement du matériel n'était plus garanti.

Il en a conclu que selon cette interprétation, l'assuré pouvait donc ne pas attester du bon fonctionnement des extincteurs sur la totalité de la période du contrat.

- - - - -

Le premier juge a donc interprété la stipulation contractuelle comme obligeant l'assuré à être détenteur d'un certificat Q4 en cours de validité pendant la totalité de la période contractuelle, et donc à faire procéder à l'inspection des extincteurs mobiles dans un délai d'un an à compter de la dernière délivrance du certificat.

Il en a conclu que la société X. aurait dû faire vérifier son matériel au plus tard le 16 septembre 2011.

* * *

A hauteur de cour, les appelants font grief au premier juge d'être resté taisant sur la troisième hypothèse, et d'avoir retenu la première.

Ils avancent notamment que la clause litigieuse, prévoyant que la mise en œuvre des garanties dépendrait impérativement de l'existence ou de l'installation préalable des moyens de protection (au nombre desquels figurent les extincteurs) milite en faveur de la deuxième hypothèse.

A leur sens, dès lors que l'entretien du 16 septembre 2010 avait été validé lors du renouvellement convenu le 1er juillet 2011, l'entretien suivant devait intervenir au plus tard le 1er juillet 2012.

Monsieur X. et la société X. avancent que si l'assureur avait souhaité qu'il ne s'écoule pas plus d'une année entre chaque contrôle périodique, il l'aurait clairement indiqué dans les stipulations contractuelles.

- - - - -

La troisième hypothèse, envisagée par le premier juge, aboutit globalement, quoique moins sensiblement, au même résultat que la seconde hypothèse.

En effet, en postulant que l'inspection devait être effectuée dans l'année calendaire, soit entre le 1er janvier et le 31 décembre, soit en l'espèce au plus tard le 31 décembre 2011, cette hypothèse conduit également à la possibilité d'un écart supérieur à un an entre la dernière vérification le 16 septembre 2010 et l'ultime date pour y procéder le 31 décembre 2011.

Toutefois, la notion d'année civile apparaît complètement découplée de la date de début d'exécution contractuelle, soit le 1er juillet, sans pouvoir suffisamment être rattachée ou rapprochée de quelconques autres stipulations.

En outre, la circonstance qu'un tel délai entre deux vérifications ait pu excéder une durée totale d'un an, par exemple entre le 15 septembre 2008 et le 3 décembre 2009, et n'aurait fait l'objet d'aucune sanction de l'assureur, se trouve sans emport sur la résolution du présent litige.

En effet, non seulement, le contrat initial n'avait été souscrit qu'à la date du 2 juillet 2009, mais encore les parties n'ont pas soumis à la cour les conditions particulières, notamment en terme d'obligation de prévention et de protection, propre au contrat originaire, ou à celui renouvelé en juillet 2010.

Il en résulte que les seuls documents contractuels produits aux débats se rapportent à l'avenant du 6 juin 2011, ayant une prise d'effet au 1er juillet 2011.

Or, ceux-ci indiquent que les stipulations aux conditions particulières et avenant s émis jusqu'à présent sont intégralement abrogées et remplacées par les conditions particulières de l'avenant du 6 juin 2011, ainsi que par l'annexe obligations de prévention et de protection.

La cour ne peut donc pas procéder à une comparaison entre les obligations de prévention et de protection du contrat originaire, ou des contrats renouvelés, avec celles portant sur le seul contrat litigieux prenant effet au 1er juillet 2011.

Dès lors, il ne pourra tirer aucune conséquence de la périodicité des vérifications de cet équipement de sécurité ressortant du registre y afférent : en effet, ces vérifications sont toutes antérieures à la période d'exécution contractuelle litigieuse, commençant le 1er juillet 2011.

De même, exiger, comme le fait en substance l'assureur, que pendant toute la durée d'exécution contractuelle, l'extincteur soit couvert par un certificat Q4 en cours de validité, ne résulte pas de la lecture littérale de la clause.

L'assureur considère que la clause impose à Monsieur X. et à la société X. de procéder à la vérification des extincteurs au plus tard le 16 septembre 2011, la précédente vérification ayant eu lieu le 16 septembre 2010.

Aussi, cette interprétation équivaut à introduire dans le champ contractuel la norme technique NF S61-919, selon laquelle la maintenance des extincteurs doit être effectuée une fois par an, par une entreprise ou un organise certifié, avec une tolérance de plus ou mois deux mois, de laquelle il résulte la tolérance d'un écart maximum entre deux visites de 14 mois.

Cependant, nonobstant l'objet de la clause, aucun élément ne permet de présumer que cette norme technique aurait été intégrée dans le champ contractuel, et l'assureur approuve le premier juge d'avoir répondu par la négative à cette question.

Dès lors, il conviendra de considérer que le point de départ du délai annuel litigieux doit être fixé au début de l'exécution contractuelle : il en ressortait que Monsieur X. et la société X. devaient faire procéder à la vérification des extincteurs au plus tard le 1er juillet 2012.

Il y aura donc lieu de dire que le bénéfice de la police d'assurance est acquise aux appelants, et le jugement sera infirmé de ce chef.

 

II - Sur l'indemnisation :

Monsieur X. et la société X. fondent leur demande à ce titre sur la seule base des rapports d'expertise amiable du cabinet R., qu'ils ont mandaté.

Or, ces rapports d'expertise amiable n'ont pas été réalisés au contradictoire de l'assureur, et c'est bien ces seules pièces qui fondent les prétentions des appelants.

C'est donc vainement que les appelants rappellent que ces rapports ont été transmis à l'assureur et ses mandants, et que ceux-ci avaient tout loisir pour les contester et éventuellement demander une expertise judiciaire, ce dont ils se sont abstenus.

Il conviendra donc de débouter les appelants de leur demande formée à l'encontre de l'assureur, et le jugement sera confirmé de ce chef.

 

III - Sur les demandes formées à l'encontre du courtier en assurances la société Cg Assurances :

Monsieur X. et la société X. font grief à ce courtier non seulement de ces manquements à son obligation d'information et à son devoir de conseil, mais encore de son prétendu défaut de promptitude pour mettre en œuvre l'indemnisation.

Pour autant, ils réclament à être indemnisés du sinistre par le courtier dans les mêmes termes que par l'assureur.

Cependant, il n'y aura pas lieu d'examiner les éventuels manquements de la société Cg Assurances.

En effet, le courtier fait aussi exactement valoir que les rapports d'expertise amiable, qui seuls fondent les demandes indemnitaires des appelants, n'ont pas réalisés à son contradictoire.

Les appelants seront donc déboutés de leurs prétentions à l'encontre de la société Cg Assurances, et le jugement sera confirmé de ce chef.

* * *

Monsieur X. et la société X. seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance et condamnés :

- aux entiers dépens de première instance, avec distraction au profit du conseil de la société Lloyd's France ès qualité de et la société Sompo ;

- à payer au titre des frais irrépétibles de première instance :

à la société Lloyd's France ès qualité de et la société Sompo la somme de 1.500 euros,

à la société Cg Assurances la somme de 1.500 euros.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Toujours succombants à hauteur d'appel, Monsieur X. et la société X. seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel et condamnés :

- aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit du conseil de la société Lloyd's France ès qualités et de la société Sompo Japan, et au profit du conseil de la société Cg ;

- à payer au titre des frais irrépétibles d'appel :

* à la société Lloyd's France ès qualités et à la société Sompo la somme de 1.500 euros à chacun, soit la somme totale de 3.000 euros,

* à la société Cg Assurances la somme de 3.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la société à responsabilité limitée M. n'avait pas satisfait à ses obligations issues de l'avenant de renouvellement de la police d'assurance n°IFAB9221 souscrit le 6 juin 2011 avec effet au 1er juillet 2011 auprès des souscripteurs du Lloyd's de Londres ;

Infirme le jugement de ce seul chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Dit que la société à responsabilité limitée M. a satisfait à ses obligations issues de l'avenant de renouvellement de la police d'assurance n°IFAB9221 souscrit le 6 juin 2011 avec effet au 1er juillet 2011 auprès des souscripteurs du Lloyd's de Londres ;

Déboute Monsieur X. et la société à responsabilité limitée M. de leurs demandes indemnitaires formées à l'encontre des souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société par actions simplifiée Lloyd's France, et à l'encontre de la société à responsabilité limitée Cg Assurances ;

Déboute Monsieur X. et la société à responsabilité limitée X. de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Monsieur X. et la société à responsabilité limitée X. à payer au titre des frais irrépétibles d'appel :

- à la société par actions simplifiée Sompo Japan Nipponkoa M. & B., venant aux droits de la société par actions simplifiée M. & B. et aux souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société par actions simplifiée Lloyd's France, à chacun la somme de 1.500 euros, soit la somme totale de 3.000 euros ;

- à la société à responsabilité limitée Cg Assurance, la somme de 3.000 euros ;

Condamne Monsieur X. et la société à responsabilité limitée M. aux entiers dépens d'appel, et ce avec distraction au profit de Maître Jean-Pierre S., conseil de la société par actions simplifiée Sompo Japan Nipponkoa M. & B., venant aux droits de la société par actions simplifiée M. & B. et des souscripteurs du Lloyd's de Londres pris en la personne de la société par actions simplifiée Lloyd's France, et au profit de la Scp B.M.R.S.T., conseil de la société à responsabilité limitée Cg Assurance, de ceux des dépens d'appel dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Le greffier                             La présidente