CA ROUEN (ch. civ. com.), 30 janvier 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8363
CA ROUEN (ch. civ. com.), 30 janvier 2020 : RG n° 17/04895
Publication : Jurica
Extrait : « La Commission des clauses abusives, par sa recommandation n° 96-02 en date du 14 juin 1996 relative aux locations de véhicules automobiles, « considérant que la plupart des contrats sont rédigés de manière quasi illisible compte tenu soit de la taille des caractères, soit d'une impression claire sur fond pâle, ce qui d'une part ne permet pas au consommateur d'avoir une lecture simple des clauses qu'il signe et d'autre part est contraire aux dispositions de l'article L.133-2 de code de la consommation (qui impose que les clauses soient présentées et rédigées de façon claire et compréhensible) », recommande que les contrats soient rédigés de manière lisible ce qui suppose une impression contrastée et selon une typographie d'au moins corps 8,
Sous le visa de l'article L. 133-2 de code de la consommation et de cet avis de la Commission des clauses abusives, Mme X. soutient que les conditions générales doivent lui être déclarées inopposables, faisant valoir qu'elles sont imprimées selon la même typographie de très petite taille de sorte que l'attention du consommateur n'est pas spécialement attirée sur telle ou telle stipulation.
Le corps 8 n'est défini précisément par aucun texte, mais par référence d'usage courant au « point Didot » il détermine une hauteur de caractères de 3 mm calculée entre le point haut d'une lettre montante et le point bas d'une lettre descendante.
La hauteur mesurée des caractères utilisés pour l'impression des conditions générales du contrat litigieux est de 2 mm ; dans ces conditions celles-ci ne présentant pas de lisibilité suffisante pour permettre une lecture simple et aisée, et créant de ce fait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, doivent être déclarées inopposables à Mme X. »
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 30 JANVIER 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/04895. N° Portalis DBV2-V-B7B-HUWA. DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 14 septembre 2017 : R.G. n° 15/01103.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], [adresse], représentée et assistée par Maître Marie C. de la SCP DPCMK, avocat au barreau du HAVRE substituée par Maître Mathilde A., avocat au barreau de ROUEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2017/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
INTIMÉE :
SAS FRANCE CARS
[...], représentée et assistée par Maître Hervé A., avocat au barreau du HAVRE substitué par Maître Alexandre M., avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 24 octobre 2019 sans opposition des avocats devant Madame MANTION, Conseillère, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BRYLINSKI, Présidente, Madame MANTION, Conseillère, Madame LABAYE, Conseillère.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame BRIOT
DÉBATS : A l'audience publique du 24 octobre 2019, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 janvier 2020 prorogé à ce jour.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement le 23 janvier 2020, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame BRYLINSKI, Présidente et par Monsieur GUYOT, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 6 juin 2014, la société France Cars au Havre a donné en location à Mme X. un véhicule de type Renault Clio, pour une durée de trois jours et 1.500 Km pour un coût de 172,25 HT € par jour, le seul conducteur désigné au contrat étant M. Y.
Mme X. a remis à titre de dépôt de garantie la somme de 915 € réglée par carte bancaire.
A la suite d'un accident survenu le 10 juin 2014, à 5 h 55 sur l'autoroute à proximité de [ville S.], la société France Cars a établi une déclaration de sinistre qui n'a pas donné lieu à prise en charge par l'assurance du loueur.
C'est dans ces conditions que par acte signifié le 10 avril 2015, la société France Cars a fait assigner Mme X. devant le tribunal de grande instance du Havre à l'effet d'obtenir qu'elle soit condamnée au paiement des sommes de 11.076,48 € au titre du coût de la remise en état du véhicule loué et 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement en date du 14 septembre 2017, le tribunal de grande instance du Havre a :
- condamné Mme X. à payer à la société France Cars la somme de 10.856,48 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- dit que Mme X. pourra se libérer de la somme ainsi mise à sa charge par échéance mensuelle de 300 € chacune,
- dit que la première échéance sera payable dans les quinze jours de la signification du jugement et pour les échéances suivantes, trente jours après l'échéance qui précède,
- dit que la dernière échéance sera majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,
- dit que la dette devra être entièrement payée, en principal, intérêts et frais, au plus tard dans les deux ans de la décision,
- dit qu'en cas de non-paiement d'une seule échéance à sa date, la somme restant due deviendra immédiatement, en totalité et de plein droit exigible ;
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la société France Cars ;
- condamné Mme X. à payer à la société France Cars, la somme de 1.000 € au titre des frais non compris dans les dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Mme X. aux dépens.
Mme X. a formé appel de ce jugement, par déclaration reçue le 16 octobre 2017 au greffe de la cour.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 décembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, Mme X. demande à la cour au visa des articles L. 133-2 du code de la consommation, 1732 du code civil, 1244-1 du code civil, de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Havre le 14 septembre 2017 ;
- dire et juger que les conditions générales de location de la société France Cars sont réputées non écrites et en tous cas inopposables à Mme X. ;
- débouter la société France Cars de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner la société France Cars au paiement de la somme de 915 € correspondant au dépôt de garantie ;
Subsidiairement,
- octroyer à Mme X. des délais de paiement à hauteur de 50 € par mois et le solde le dernier mois ;
En tout état de cause,
- condamner la société France Cars à payer à la SCP D.P.C.M.M. la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- condamner la société France Cars au paiement des entiers frais et dépens.
[*]
Par conclusions en date du 8 mars 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société France Cars demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, 1732 du code civil, 696, 699, et 700 du code de procédure civile, de :
- dire les conditions générales de location opposables à Mme X. ;
- dire Mme X. responsable des dégradations subis par le véhicule loué ;
- débouter Mme X. de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Havre en date du 14 septembre 2017 en ce qu'il a condamné Mme X. à payer à la société France Cars la somme de 11.771,48 - 915 = 10.856,48 € avec intérêts légaux à compter du jugement et celle de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- le réformer en ce qu'il a dit que Mme X. pourra se libérer de la somme ainsi mise à sa charge par échéances mensuelles de 300 €,
- débouter Mme X. de sa demande de délais de règlements à hauteur de 50 € par mois pendant 23 mois et le solde en principal, le dernier mois ;
Y ajoutant :
- condamner Mme X. au paiement de la somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Les conditions générales de location figurant au verso du contrat signé par Mme X., à l'article 12, rappellent que le loueur a souscrit une assurance garantissant la responsabilité civile obligatoire des dommages corporels et matériels causés au tiers et s'agissant des dommages causés au véhicule objet du contrat de location, il dispose d'une responsabilité limitée au montant de la franchise (doublée en cas de vol) ou au montant de la franchise non rachetable indiquée sur le contrat, si le locataire a souscrit le rachat de franchise.
Dans le corps du même article, dans un encadre intitulé « EXCLUSIONS » il est précisé que: « le locataire sera redevable du montant total des réparations, ou de la valeur vénale du véhicule dans les cas suivants :
- conduite du véhicule par une personne dont le nom ne figure pas sur le présent contrat en qualité de conducteur autorisé,
- dommages causés en l'absence de tiers identifié, ou à la suite d'une faute inexcusable, ou à la suite d'une négligence caractérisée,
- tous dommages résultant d'une mauvaise appréciation du gabarit du véhicule loué (exemple : haut de tout, ornière, frottement latéral de la carrosserie) ».
- conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à la norme légale ou sous l'effet d'éléments absorbés qui modifient les réflexes indispensables à la conduite,
- assoupissement et endormissement du locataire,
- dégradation à l'intérieur du véhicule, aux pneus et jantes, sauf à prouver qu'ils ne sont pas la conséquence de sa faute ou de sa négligence, erreur sur le type de carburant,
- la non restitution des clefs et papiers du véhicule exclut la garantie vol,
- dommages survenus sur chantiers, voie privée et fermée à la circulation,
- dommage survenus après la date prévue par le contrat pour le retour du véhicule,
- dommages survenus avec un autre véhicule de la société France CARS,
- dommages survenu avec un véhicule immatriculé au nom du locataire ou de ses filiales,
- vol par un préposé du locataire, ou un conducteur autorisé,
- les effets personnels et marchandises,
- déclaration parvenue après la restitution du véhicule.
La société France Cars se fonde essentiellement sur ces dispositions pour demander la condamnation de Mme X. au remboursement de l'intégralité du coût des travaux de réparation du véhicule accidenté, soutenant notamment que M. Y. s'était assoupi au volant.
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, sont réputées non écrites les clauses abusives définies comme celles qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, ces dispositions étant applicables notamment à des conditions générales préétablies, étant précisé que le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat.
Aux termes de l'article L. 133-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible (...)
La Commission des clauses abusives, par sa recommandation n° 96-02 en date du 14 juin 1996 relative aux locations de véhicules automobiles, « considérant que la plupart des contrats sont rédigés de manière quasi illisible compte tenu soit de la taille des caractères, soit d'une impression claire sur fond pâle, ce qui d'une part ne permet pas au consommateur d'avoir une lecture simple des clauses qu'il signe et d'autre part est contraire aux dispositions de l'article L.133-2 de code de la consommation (qui impose que les clauses soient présentées et rédigées de façon claire et compréhensible) », recommande que les contrats soient rédigés de manière lisible ce qui suppose une impression contrastée et selon une typographie d'au moins corps 8,
Sous le visa de l'article L. 133-2 de code de la consommation et de cet avis de la Commission des clauses abusives, Mme X. soutient que les conditions générales doivent lui être déclarées inopposables, faisant valoir qu'elles sont imprimées selon la même typographie de très petite taille de sorte que l'attention du consommateur n'est pas spécialement attirée sur telle ou telle stipulation.
Le corps 8 n'est défini précisément par aucun texte, mais par référence d'usage courant au « point Didot » il détermine une hauteur de caractères de 3 mm calculée entre le point haut d'une lettre montante et le point bas d'une lettre descendante.
La hauteur mesurée des caractères utilisés pour l'impression des conditions générales du contrat litigieux est de 2 mm ; dans ces conditions celles-ci ne présentant pas de lisibilité suffisante pour permettre une lecture simple et aisée, et créant de ce fait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, doivent être déclarées inopposables à Mme X.
La société France Cars se réfère également au transfert de la garde du véhicule à Mme X. et aux dispositions de l'article 1732 du code civil, qui dispose que le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.
Mais il est constant que l'accident est survenu alors que le véhicule était conduit par M. Y., seul conducteur déclaré au contrat de location.
Mme X., dont de surcroît aucun élément ne permet de retenir qu'elle se trouvait alors dans le véhicule, ne pouvait en avoir de quelque façon que ce soit la maîtrise ni en assurer le contrôle, de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 1384 (ancien) du code civil.
Aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Mme X., que ce soit dans le fait de la conduite par M. Y., ou dans les circonstances ayant conduit à l'accident ; elle ne peut en conséquence être recherchée sur le fondement de l'article 1732 du code civil.
Ainsi, il y a lieu compte tenu de ce qui précède de réformer le jugement entrepris et de débouter la société France Cars de sa demande tendant au remboursement du coût des travaux de réparation du véhicule loué.
Par ailleurs, la société France Cars ne fait valoir aucun moyen dont il se déduirait qu'elle est bien fondée à conserver la totalité du dépôt de garantie de 915 €.
Mme X. a signé 'l'option rachat de franchise 1ère classe' qui prévoit clairement qu'en cas de dommages matériels avec ou sans tiers identifié, France Cars rembourse la différence entre le montant de la franchise encaissée inscrite initialement au contrat de location (en l'espèce 915 €) et le montant de la franchise minimum « 1ère classe » telle que définie ci-dessous : dommages : 300 €.
France Cars sera en conséquence condamnée à payer à Mme R. la somme de 615 €.
L'équité et la situation économique de Mme X. justifient d'allouer à son conseil intervenant au titre de l'aide juridictionnelle la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; la société France Cars sera condamnée au paiement de cette somme ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt rendu contradictoirement,
Réforme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Déclare inopposables à Mme X. les conditions générales telles qu'imprimées au verso du contrat de location ;
Déboute la société France Cars de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamne la société France Cars à payer à Mme X. la somme de 615 €;
Condamne la société France Cars à payer à la SCP D.P.C.M.M. la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,
Condamne la société France Cars aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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