TI MARSEILLE, 18 novembre 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 84
TI MARSEILLE, 18 novembre 1996: RG n° 3463/95
Publication : Site CCAB
Extrait : « Qu'en l'espèce le bon de commande signé au verso par Monsieur X. renvoie « aux conditions générales de vente et de garantie exposées ci-contre, que le client déclare avoir acceptées » ; que seules les conditions de garantie sont effectivement explicitées au verso du duplicata du bon de commande ; que la S.N. AGENCE CENTRALE avait d'ailleurs conservé ce duplicata pourtant destiné au client sans autre réserve au recto ; que les conditions générales de vente figuraient au verso du reçu de l'acompte sur la commande ; que ces conditions expliquaient que la remise du récépissé à l'acheteur lors de la signature du bon de commande n'avait pour effet d'exprimer que le seul accord de l'acheteur, la confirmation par le vendeur s'effectuant dans les quatre jours ouvrables suivant la signature du bon de commande par l'envoi en lettre simple à l'acheteur de l'exemplaire du bon de commande lui revenant ; Qu'un tel agencement des documents et relations contractuels, dont un professionnel tel que la S.N. AGENCE CENTRALE ne pouvait ignorer qu'il avait été stigmatisé par la recommandation précitée, ne permettait pas au contractant non-professionnel de s'assurer de l'étendue de leurs obligations réciproques et d'ainsi donner son consentement en toute connaissance de cause ; qu'en utilisant ces imprimés, la S.N. AGENCE CENTRALE a commis une faute ouvrant droit à la réparation du dommage subi par Monsieur X. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE MARSEILLE
JUGEMENT DU 18 NOVEMBRE 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 3463/95.
Audience Publique du Tribunal d'Instance de MARSEILLE siégeant Place Monthyon, 13006 – MARSEILLE, tenue le DIX HUIT NOVEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT SEIZE Par Madame M. BUNOT-ROUILLARD Juge présidant l'audience assisté de Madame P. MANNUCCI Greffier,
ENTRE :
Monsieur X.
demeurant et domicilié [adresse]. DEMANDEUR comparant en personne.
ET :
- la S. N. AGENCE CENTRALE FORD
- Monsieur Y.
[adresse]. DEFENDERESSE comparant par Maître GRISOLI, Avocat au Barreau de MARSEILLE.
Suite à la déclaration au greffe reçue au greffe le 7 août 1995, les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception pour l'audience du 30 octobre 1995. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 10 juin 1996. A cette date les parties ont été entendues en leurs explications et l'affaire mise en délibéré à l'audience du 30 septembre 1996, prorogée aux audiences des 28 octobre 1996 et 18 novembre 1996 où le présent jugement a été rendu.
[minute page 1 bis]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LE TRIBUNAL :
Vu la déclaration reçue au greffe le 7 août 1995 ;
Ouï les parties en leurs explications ;
[minute page 2]
I - SUR LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par déclaration au greffe remise le 7 août 1995 Monsieur X. a sollicité à l'encontre de la S.N. AGENCE CENTRALE le paiement d'une somme de 12.000 Francs suite à l'annulation le 10 juillet 1995 du bon de commande d'une voiture.
A l'audience, il a maintenu cette demande à concurrence de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts et de 2.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il a exposé :
- que le 6 juillet 1995 ce concessionnaire lui avait fait signer un bon de commande pour l'achat d'une voiture Ford Fiesta Cap Horn d'un prix de 60.123,00 Francs, moyennant le paiement d'un acompte de 5.000 Francs ; que le vendeur lui avait indiqué, sur sa demande, que les conditions générales de vente figuraient sur le reçu qui lui serait délivré après règlement de cet acompte ;
- que seul ce reçu lui avait été remis alors qu'il croyait être en possession du double du bon signé ;
- que le 10 juillet 1995 il avait reçu un courrier du directeur des ventes l'informant de l'impossibilité de traiter l'affaire avec la remise consentie, par référence à des conditions générales de vente ; qu'il avait alors et seulement découvert les conditions au verso du reçu remis ; qu'un exemplaire du bon annulé, non signé par le vendeur, lui avait aussi été adressé sur lequel figurait une mention relative à des conditions générales de vente avant la signature dont la contexture n'avait rien à voir avec le reçu remis, bien que ce dernier ait été monté en double exemplaire par duplication partielle ; que le chèque de 5 000 Francs y était joint ;
- que le versement d'un acompte avait pourtant rendu cette commande ferme et définitive ;
- que le vendeur avait commis une faute en :
* ne l'avertissant pas de l'existence de ces conditions si particulières de vente avant la signature ;
* lui délivrant un reçu au lieu du double du bon ;
* en réalisant une vente à un particulier, en toute connaissance de cause, pour un prix prétendument réservé à des sociétés ;
* ne l'avertissant pas qu'il n'avait aucun pouvoir pour signer ce bon qui devait être ensuite soumis à sa hiérarchie ;
- que la réduction de 8 % accordée était dans l'ordre normal de la concurrence ;
- [minute page 3] que la clause dont se prévalait ce concessionnaire était inégalitaire puisque seul le vendeur pouvait se dédire et donc abusive par référence à l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ;
- que le responsable de cette société était resté injoignable ;
- qu'il avait été contraint d'acheter un autre véhicule, moins satisfaisant et 7.000 Francs plus cher.
La S.N. AGENCE CENTRALE a conclu au débouté de l'intégralité de ces demandes et au paiement d'une somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il a soutenu :
- qu'il s'était avéré que Monsieur X. s'était vu concéder une remise réservée à l'acquisition d'un véhicule de société ;
- que l'article 1 des conditions générales de vente instaurait au profit du vendeur un délai de quatre jours pour confirmer toute commande ;
- qu'une telle clause, qui avait pour seul effet de disqualifier l'offre en conférant à l'acquéreur la position de pollicitant et en retardant la formation valable du contrat jusqu'à l'acceptation concordante du vendeur, ne présentait aucun caractère abusif ;
- que le bon de commande comportait une clause apparente renvoyant expressément aux conditions générales de vente ; que ces dernières étaient donc opposables à l'acquéreur, en possession de l'ensemble des documents contractuels et dont le consentement était parfaitement éclairé ;
- que la somme versée par Monsieur X. était un acompte et non des arrhes, conformément à l'usage en matière de vente automobile ;
- qu'un courrier en réponse lui avait été adressé le 3 août 1995 ;
- qu'il n'était justifié d'aucun préjudice spécifique.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II - SUR LES MOTIFS :
Vu l'article 1134 du Code Civil ;
Attendu que les pièces versées aux débats ne permettent pas au Tribunal de s'assurer des conditions verbales de remise des documents contractuels à Monsieur X. telles [minute page 4] qu'invoquées par celui-ci ;
Mais attendu que Monsieur X. soutient que la clause ayant permis à la S.N. AGENCE CENTRALE de ne pas donner suite au bon de commande qu'il avait signé est abusive et qu'en s'en prévalant celle-ci a commis une faute, lui ayant occasionné un dommage ouvrant droit à dommages et intérêts ;
Qu'il convient de relever que dans sa recommandation n°85-02 CCA du 4 septembre 1985, la commission des clauses abusives recommande, concernant les contrats d'achat de véhicules automobiles de tourisme que soient éliminées les clauses ayant pour objet ou pour effet :
- de constater que l'acheteur a pris connaissance des conditions de vente figurant au verso du document qu'il signe ou figurant sur un document distinct ;
- de retarder la conclusion du contrat jusqu'à la signature du dirigeant de l'établissement, tout en stipulant le versement immédiat d'un acompte ou la signature de l'acheteur, sans que son attention ait été expressément attirée sur le fait que ce versement ou cette signature ne suffisent pas à l'engager et qu'il peut mettre obstacle à la conclusion définitive du contrat en notifiant son désaccord à condition de le faire avant d'avoir reçu le contrat signé de ce dernier ;
- de prévoir, lors de la signature du bon de commande un engagement immédiat et définitif du consommateur ou de lui faire croire qu'en signant le bon de commande il s'est immédiatement lié par le contrat de vente, alors que l'engagement du vendeur n'est qu'éventuel ;
Qu'en l'espèce le bon de commande signé au verso par Monsieur X. renvoie « aux conditions générales de vente et de garantie exposées ci-contre, que le client déclare avoir acceptées » ; que seules les conditions de garantie sont effectivement explicitées au verso du duplicata du bon de commande ; que la S.N. AGENCE CENTRALE avait d'ailleurs conservé ce duplicata pourtant destiné au client sans autre réserve au recto ; que les conditions générales de vente figuraient au verso du reçu de l'acompte sur la commande ; que ces conditions expliquaient que la remise du récépissé à l'acheteur lors de la signature du bon de commande n'avait pour effet d'exprimer que le seul accord de l'acheteur, la confirmation par le vendeur s'effectuant dans les quatre jours ouvrables suivant la signature du bon de commande par l'envoi en lettre simple à l'acheteur de l'exemplaire du bon de commande lui revenant ;
Qu'un tel agencement des documents et relations contractuels, dont un professionnel tel que la S.N. AGENCE CENTRALE ne pouvait ignorer qu'il avait été stigmatisé par la recommandation précitée, ne permettait pas au contractant non-professionnel de s'assurer de l'étendue de leurs obligations réciproques et d'ainsi donner son consentement en toute connaissance de cause ; [minute page 5] qu'en utilisant ces imprimés, la S.N. AGENCE CENTRALE a commis une faute ouvrant droit à la réparation du dommage subi par Monsieur X. ;
Que le dommage découle en effet de l'absence de suite réservée à cette commande dont les conséquences ont été décrites par Monsieur X. ;
Que la S.N. AGENCE CENTRALE sera donc condamnée à lui payer la somme de 2.500 Francs à titre de dommages et intérêts et condamnée aux dépens (article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile) ;
Qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X. l'intégralité de ses frais irrépétibles et ce à concurrence de la somme de 500 Francs ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
condamne la S.N. AGENCE CENTRALE à payer à Monsieur X. la somme de 2.500 Francs à titre de dommages et intérêts et celle de 500 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
condamne la S.N. AGENCE CENTRALE aux dépens.
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PUBLIQUEMENT LES JOURS, MOIS ET AN QUE DESSUS.
- 5750 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Consommateur - Clause imposée par le cocontractant
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6076 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Consentement du professionnel postérieur à celui du consommateur
- 6086 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Clauses inconnues du consommateur
- 6087 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions figurant sur l’écrit signé par le consommateur - Clauses de reconnaissance et d’acceptation
- 6485 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente de véhicules automobiles - Voiture neuve (1) - Formation et contenu du contrat