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CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 6 décembre 1995

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 6 décembre 1995
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 4197/93
Date : 6/12/1995
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 24/08/1993
Décision antérieure : TGI TOULOUSE, 6 juillet 1993
Numéro de la décision : 664
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 843

CA TOULOUSE (2e ch. 1re sect.), 6 décembre 1995 : RG n° 4197/93 ; arrêt n° 664

Publication : Juris-Data n° 052910 ; D. 1996. IR. 87 ; RJDA 1996/6, n° 840

 

Extraits : 1/  « La Société TEISSEIRE affirme qu'à la date de l'assignation, le modèle de contrat critiqué n'était plus utilisé et qu'un nouveau modèle exempt de toute clause abusive, aurait été en vigueur depuis mars 1991, Le premier juge, par des motifs qui méritent adoption, a rejeté cette argumentation en l'absence de preuve de ces allégations, L'UFC relève d'ailleurs à juste titre qu'il serait étonnant, que la société TEISSEIRE ait adressé sans aucune réserve en octobre 1990 à l'UFC un contrat qu'elle se serait apprêtée à abandonner aussitôt après ».

2/ « L'appelant veut par ailleurs s'emparer des termes de l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988 qui ouvre aux organisations de consommateurs le droit de demander que soit ordonnée la suppression des clauses abusives « dans les modèles de convention « habituellement » proposés par les professionnels aux consommateurs », pour en tirer la conséquence que l'action ne serait ouverte que pour les contrats futurs, La Cour doit approuver le premier juge d'avoir refusé une telle interprétation qui n'est en rien commandée par les termes de la loi, laquelle s'adresse non seulement aux futurs contrats, mais aux contrats en cours ».

3/ « 1) Le contrat TEISSEIRE comporte une clause par laquelle le professionnel réserve son consentement à sa discrétion ainsi libellée : « Toute commande ne devient définitive qu'après confirmation par la Direction », Cette clause a été classée abusive par la Commission des Clauses Abusives, L'appelant soutient que cette considération ne peut suffire à emporter la conviction, et fait valoir que la clause se justifie par la nécessité de vérifier la faisabilité de la commande, Cette dernière considération ne saurait prévaloir, la commande étant nécessairement formalisée après examen des lieux où l'implantation est envisagée, le professionnel ne pouvant s'abriter derrière une prétendue mauvaise définition des contraintes techniques par le client, Le caractère abusif de la clause litigieuse résulte de ce que la conclusion du contrat dépend de la seule volonté du vendeur qui se trouve pourtant en état de sollicitation permanente ».

4/ « 2) Le contrat TEISSEIRE comporte une clause relative aux retards ainsi libellée « Nous nous efforçons de toujours respecter les délais de livraison, mais il est bien entendu qu'un retard ne peut constituer une cause de résiliation de la présente commande ni donner droit à dommages et intérêts », Une telle clause est illégale en ce qu'elle heurte les prescriptions de l'article 2 du décret du 24 mars 1978, L'appelant soutient que ce texte ne peut trouver application en l'espèce, le contrat devant être s'analyse en un contrat de louage d'ouvrage, Contrairement à cette affirmation, la qualification de vente l'emporte en l'espèce sur celle d'entreprise, En toute hypothèse, cette clause, qui aboutit à supprimer tout droit à réparation en cas de manquement du professionnel à son obligation de délivrance, est abusive en ce qu'elle procure au professionnel un avantage manifestement excessif ».

5/ « 3) Le contrat TEISSEIRE comporte une clause attributive de compétence au Tribunal de commerce, laquelle, quoiqu'elle ait pu être jugée valide pour des actes mixtes, a été qualifiée d'abusive par la recommandation du 24 février 1979 de la commission des clauses abusives, L'appelant soutient que la clause doit être jugée légale eu égard à la jurisprudence sur la validité des clauses attributives de compétence pour les actes mixtes, Le premier juge doit cependant être approuvé en ce qu'il a considéré qu'une telle cause, généralement illégale, est en même temps abusive en ce qu'elle apporte une dérogation aux règles normales de compétence dont le consommateur peut sous-estimer l'importance, et en ce qu'elle apporte un avantage excessif au professionnel, lequel vise à dissuader le consommateur d'agir devant le juge civil, puisqu'il ne s'adresse presqu'exclusivement qu'à des particuliers ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 6 DÉCEMBRE 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 4197/93. Arrêt n° 664. Prononcé à l'audience publique du SIX DECEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT QUINZE,

Par Madame FOULON, Président, assistée de Mr BORIES, Greffier.

La COUR D'APPEL DE TOULOUSE, DEUXIÈME CHAMBRE a rendu l'arrêt contradictoire suivant, après que la cause ait été débattue en audience publique le 8 novembre 1995.

Devant Madame FOULON, Président, Messieurs LEBREUIL et KRIEGK, Conseillers. assistés de Mr BORIES, Greffier

et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, les conseils des parties ayant été avisés de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

 

DANS L'AFFAIRE OPPOSANT :

APPELANT :

COMPTOIR GÉNÉRAL D'AMEUBLEMENT TEISSEIRE INTERNATIONAL (SARL)

[adresse], APPELANT, ayant pour avoué la SCP NIDECKER PRIEU et pour avocat la SCP RAVINA du barreau de TOULOUSE

C/

INTIMÉE :

UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS « UFC »

[adresse], INTIMÉE, ayant pour avoué la SCP BOYER LESCAT et pour avocat Maître BIHL du barreau de PARIS

 

Vu l'ordonnance de clôture du 31 janvier 1995.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par acte du 29 octobre 1991, l'union fédérale des consommateurs « QUE CHOISIR » se fondant sur les dispositions de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, a assigné le COMPTOIR GENERAL D'AMEUBLEMENT TEISSEIRE INTERNATIONAL aux fins d'obtenir la suppression de ses contrats, modèles de contrats et bons de commande, les clauses compromissoires celles soumettant la conclusion du contrat à l'approbation du vendeur, et celles supprimant le droit du consommateur à réparation en cas de manquement du vendeur à. ses obligations de livrer dans les délais,

La société défenderesse a soutenu que l'action était irrecevable et mal fondée,

Au terme de son jugement rendu le 6 juillet 1993, le Tribunal de grande instance de Toulouse a déclaré l'action recevable, a ordonné la suppression des trois clauses litigieuses sous astreinte de 1.000 Francs par infraction constatée, et a condamné la société TEISSEIRE à payer à l'UFC la somme de 50.000 Francs à titre de dommages et intérêts outre celle de 6.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC,

La société TEISSEIRE a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 24 août 1993,

Elle demande d'infirmer la décision entreprise ; ce faisant de déclarer l'action de l'UFC irrecevable ; subsidiairement de juger son action mal fondée ; plus subsidiairement de juger qu'elle n'établit aucun préjudice ; par voie de conséquence de la détourner de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC.

L'UFC QUE CHOISIR demande de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner la société C. au paiement de la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur la recevabilité de l'action :

La Société TEISSEIRE affirme qu'à la date de l'assignation, le modèle de contrat critiqué n'était plus utilisé et qu'un nouveau modèle exempt de toute clause abusive, aurait été en vigueur depuis mars 1991,

Le premier juge, par des motifs qui méritent adoption, a rejeté cette argumentation en l'absence de preuve de ces allégations,

L'UFC relève d'ailleurs à juste titre qu'il serait étonnant, que la société TEISSEIRE ait adressé sans aucune réserve en octobre 1990 à l'UFC un contrat qu'elle se serait apprêtée à abandonner aussitôt après,

[minute page 3] L'appelant veut par ailleurs s'emparer des termes de l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988 qui ouvre aux organisations de consommateurs le droit de demander que soit ordonnée la suppression des clauses abusives « dans les modèles de convention « habituellement » proposés par les professionnels aux consommateurs », pour en tirer la conséquence que l'action ne serait ouverte que pour les contrats futurs,

La Cour doit approuver le premier juge d'avoir refusé une telle interprétation qui n'est en rien commandée par les termes de la loi, laquelle s'adresse non seulement aux futurs contrats, mais aux contrats en cours,

C'est à bon droit que le tribunal a écarté ces arguments et a jugé que la demande de l'UFC était recevable,

 

Sur le caractère abusif des clauses :

La Société TEISSEIRE commercialise des cuisines dont elle assure l'installation,

1) Le contrat TEISSEIRE comporte une clause par laquelle le professionnel réserve son consentement à sa discrétion ainsi libellée :

« Toute commande ne devient définitive qu'après confirmation par la Direction »,

Cette clause a été classée abusive par la Commission des Clauses Abusives,

L'appelant soutient que cette considération ne peut suffire à emporter la conviction, et fait valoir que la clause se justifie par la nécessité de vérifier la faisabilité de la commande,

Cette dernière considération ne saurait prévaloir, la commande étant nécessairement formalisée après examen des lieux où l'implantation est envisagée, le professionnel ne pouvant s'abriter derrière une prétendue mauvaise définition des contraintes techniques par le client,

Le caractère abusif de la clause litigieuse résulte de ce que la conclusion du contrat dépend de la seule volonté du vendeur qui se trouve pourtant en état de sollicitation permanente,

2) Le contrat TEISSEIRE comporte une clause relative aux retards ainsi libellée « Nous nous efforçons de toujours respecter les délais de livraison, mais il est bien entendu qu'un retard ne peut constituer une cause de résiliation de la présente commande ni donner droit à dommages et intérêts »,

Une telle clause est illégale en ce qu'elle heurte les prescriptions de l'article 2 du décret du 24 mars 1978,

[minute page 4] L'appelant soutient que ce texte ne peut trouver application en l'espèce, le contrat devant être s'analyse en un contrat de louage d'ouvrage,

Contrairement à cette affirmation, la qualification de vente l'emporte en l'espèce sur celle d'entreprise,

En toute hypothèse, cette clause, qui aboutit à supprimer tout droit à réparation en cas de manquement du professionnel à son obligation de délivrance, est abusive en ce qu'elle procure au professionnel un avantage manifestement excessif,

3) Le contrat TEISSEIRE comporte une clause attributive de compétence au Tribunal de commerce, laquelle, quoiqu'elle ait pu être jugée valide pour des actes mixtes, a été qualifiée d'abusive par la recommandation du 24 février 1979 de la commission des clauses abusives,

L'appelant soutient que la clause doit être jugée légale eu égard à la jurisprudence sur la validité des clauses attributives de compétence pour les actes mixtes,

Le premier juge doit cependant être approuvé en ce qu'il a considéré qu'une telle cause, généralement illégale, est en même temps abusive en ce qu'elle apporte une dérogation aux règles normales de compétence dont le consommateur peut sous-estimer l'importance, et en ce qu'elle apporte un avantage excessif au professionnel, lequel vise à dissuader le consommateur d'agir devant le juge civil, puisqu'il ne s'adresse presqu'exclusivement qu'à des particuliers,

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré abusives les trois clauses litigieuses,

 

Sur le préjudice :

L'appelant soutient que l'UFC ne démontre la réalité d'aucun préjudice,

l'UFC fait cependant justement valoir qu'elle est investie en vertu de la loi, de la mission de défendre les Intérêts collectifs des consommateurs, et que les clauses abusives dénoncées ont eu pour effet de dissuader les consommateurs de faire valoir leurs droits ; que le préjudice collectif de ces derniers est donc bien établi,

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il fait une juste appréciation du montant des dommages et intérêts qui méritent d'être alloués,

La société appelante, qui succombe, doit supporter les dépens d'appel,

L’équité commande de mettre à sa charge en cause d'appel une somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC,

La société appelante n'ayant proposé aucun moyen sérieux à l'appui de son recours, l'appel doit être considéré comme abusif, et il y a lieu de prononcer à son encontre une amende civile de 10.000 Francs,

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Reçoit l'appel jugé régulier,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 1993 par le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE,

Met les dépens d'appel à la charge de la Société COMPTOIR GENERAL D'AMEUBLEMENT TEISSEIRE INTERNATIONAL et dit qu’ils pourront être recouvrés directement par la SCP BOYER LESCAT, avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC,

Condamne la Société COMPTOIR GENERAL D'AMEUBLEMENT TEISSEIRE INTERNATIONAL à payer à l'UFC QUE CHOISIR, la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC,

Condamne la Société COMPTOIR GENERAL D'AMEUBLEMENT TEISSEIRE INTERNATIONAL au paiement d'une amende de 10.000 Francs.