CA LYON (1er pdt), 1er septembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8535
CA LYON (1er pdt), 1er septembre 2020 : RG n° 20/01879
Publication : Jurica
Extrait : « S'il n'entre pas dans les pouvoirs du premier président, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative au montant et au recouvrement des honoraires de l'avocat, de trancher un litige portant sur la détermination du débiteur des honoraires (Civ. 2e, 28 mars 2013, pourvoi n° 12-17.493), qui relève des juridictions de droit commun, il lui appartient de statuer sur les exceptions relatives à la validité de la convention d'honoraires (Civ. 2e, 4 févr. 2016, pourvoi n° 14-23.960).
Madame X. a signé une lettre de mission du 21 novembre 2017, proposée par la SELARL LLC ET ASSOCIES, et confié au cabinet d'avocats la défense de ses intérêts pour obtenir l'annulation d'une décision de suspension de fonctions prise à son encontre par le Rectorat de l'académie de [ville], l'annulation de la sanction disciplinaire (blâme) dont elle a fait l'objet, ainsi que le retrait de ces deux décisions de son dossier individuel. Ce contrat prévoyait notamment une rémunération de l'avocat au taux horaire de 250 € HT, outre un honoraire de résultat, ainsi que les modalités de remboursement des frais, débours et vacations et de règlement d'une provision.
Madame X. a signé une seconde lettre de mission complémentaire du 4 janvier 2019 en vue d'obtenir l'annulation de nouvelles sanctions disciplinaires prononcées à son encontre par le Rectorat (mutation d'office et rétrogradation), ainsi que leur retrait de son dossier individuel, sur la base du même taux horaire. Les conditions générales de services étaient annexées à ces deux contrats, rappelant le cadre juridique applicable, en particulier les droits et obligations de l'avocat dans l'exercice de sa mission.
Madame X. ne précise pas les clauses qui créeraient un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article 1171 du Code civil, alors que ces conventions d'honoraires ne présentent pas de particularité par rapport à celles rédigées habituellement par la profession. Elle n'explique pas davantage ce qui crée, selon elle, l'existence d'un déséquilibre significatif.
Sa demande tendant à constater le caractère non écrit des conventions d'honoraires sera donc rejetée. »
COUR D’APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 1er SEPTEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 20/01879. N° Portalis DBVX-V-B7E-M5E4.
DEMANDERESSE :
Mme X.
[...], [...], comparante
DÉFENDERESSE :
Société LLC ET ASSOCIES
[...], [...], [...], non comparante
Audience de plaidoiries du 7 juillet 2020
DÉBATS : audience publique du 7 juillet 2020 tenue par Olivier MOLIN, Magistrat à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 6 janvier 2020, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.
ORDONNANCE : par défaut, prononcée publiquement le 1er septembre 2020 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; signée par Olivier MOLIN, Magistrat et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame X., attachée d'administration hors classe, alors affectée au Rectorat de l'académie de [ville], a confié à la SELARL LLC ET ASSOCIES, avocats au barreau de Lyon, dans deux lettres de mission signées le 22 novembre 2017 et le 4 janvier 2019, la défense de ses intérêts dans le cadre d'un litige disciplinaire l'opposant à son employeur.
Les diligences du cabinet d'avocats ont été facturées sur la période du 21 novembre 2017 au 6 mars 2019 pour un montant total de 15.946.50 € TTC, intégralement réglé par Madame X.
Par un courrier du 16 mars 2019, Madame X. a dessaisi la SELARL LLC ET ASSOCIES.
Par une décision du 26 février 2020, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon, saisi par Madame X., a rejeté la demande de remboursement partiel des honoraires réglés à la SELARL LLC ET ASSOCIES.
Par déclaration au greffe le 4 mars 2020, Madame X. a formé un recours contre cette décision.
A l'audience du 7 juillet 2020 devant le délégué du premier président, Madame X. s'en est remise à ses écritures, qu'elle a soutenues oralement.
Dans son recours, Madame X. sollicite le remboursement ne serait-ce que partiel des honoraires acquittés.
Elle reproche au cabinet d'avocats un certain nombre de manquements dans l'exécution de son mandat :
- avoir engagé un référé-suspension devant le tribunal administratif alors que la condition d'urgence n'était à l'évidence pas avérée ;
- ne pas l'avoir accompagnée lors d'un conseil de discipline ;
- ne pas avoir tenu compte d'un certain nombre de ses observations lors de l'audience du 9 janvier 2019 ;
- ne pas avoir effectué un recours gracieux devant la Rectrice alors qu'il était préconisé par la direction des ressources humaines du ministère ;
- avoir fait preuve de défiance vis-à-vis des représentants du personnel ;
- l'avoir incitée à faire appel ou à déposer une demande de reconnaissance de maladie professionnelle manifestement infondées et inutiles, conseils qu'elle n'a finalement pas suivis ;
- ne pas lui avoir fourni un suivi continu et personnalisé.
Par ailleurs, elle soutient que le cabinet d'avocats lui a facturé des diligences qu'elle a elle-même réalisées.
En outre, elle estime que les lettres de mission qu'elle a signées sont des contrats d'adhésion qui doivent être réputés non écrits, en présence d'un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, sur le fondement de l'article 1171 alinéa 1 du Code civil ; que ces lettres ont été signées à une date proche de l'expiration des délais de recours contentieux ; que la signature dans l'urgence caractérise l'abus de faiblesse au sens de l'article L. 121-9 du code de la consommation.
Enfin, elle affirme que le cabinet d'avocats a manqué un certain nombre de ses obligations déontologiques :
- le désintéressement et la facturation en fonction de la fortune du client, le cabinet d'avocats sachant qu'elle était en arrêt maladie le 25 septembre 2018 à demi-traitement, puis en congé de longue maladie à compter du 15 juillet 2019 avec un traitement sans les primes ;
- en sa qualité de cadre chargée des affaires juridiques au Rectorat de l'académie de Lyon, elle a instruit une plainte pour harcèlement moral à l'encontre d'une cliente du cabinet d'avocats, ce qui plaçait ce dernier en conflit d'intérêts ;
- le prix facturé ne correspond pas au travail fourni, certaines diligences de l'avocat n'étant pas établies.
[*]
La SELARL LLC ET ASSOCIES n'a pas comparu, bien que reconvoquée par message électronique du 16 juin 2020, l'audience initiale du 19 mai 2020 ayant été annulée en raison de l'état d'urgence sanitaire instauré par la loi du 23 mars 2020.
[*]
La décision sera donc rendue par défaut, conformément aux dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Conformément aux dispositions de l'article 472 du Code de Procédure Civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s'il l'estime recevable, régulière et bien fondée.
Sur la validité des conventions d'honoraires :
S'il n'entre pas dans les pouvoirs du premier président, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative au montant et au recouvrement des honoraires de l'avocat, de trancher un litige portant sur la détermination du débiteur des honoraires (Civ. 2e, 28 mars 2013, pourvoi n° 12-17.493), qui relève des juridictions de droit commun, il lui appartient de statuer sur les exceptions relatives à la validité de la convention d'honoraires (Civ. 2e, 4 févr. 2016, pourvoi n° 14-23.960).
Madame X. a signé une lettre de mission du 21 novembre 2017, proposée par la SELARL LLC ET ASSOCIES, et confié au cabinet d'avocats la défense de ses intérêts pour obtenir l'annulation d'une décision de suspension de fonctions prise à son encontre par le Rectorat de l'académie de [ville], l'annulation de la sanction disciplinaire (blâme) dont elle a fait l'objet, ainsi que le retrait de ces deux décisions de son dossier individuel.
Ce contrat prévoyait notamment une rémunération de l'avocat au taux horaire de 250 € HT, outre un honoraire de résultat, ainsi que les modalités de remboursement des frais, débours et vacations et de règlement d'une provision.
Madame X. a signé une seconde lettre de mission complémentaire du 4 janvier 2019 en vue d'obtenir l'annulation de nouvelles sanctions disciplinaires prononcées à son encontre par le Rectorat (mutation d'office et rétrogradation), ainsi que leur retrait de son dossier individuel, sur la base du même taux horaire.
Les conditions générales de services étaient annexées à ces deux contrats, rappelant le cadre juridique applicable, en particulier les droits et obligations de l'avocat dans l'exercice de sa mission.
Madame X. ne précise pas les clauses qui créeraient un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article 1171 du Code civil, alors que ces conventions d'honoraires ne présentent pas de particularité par rapport à celles rédigées habituellement par la profession.
Elle n'explique pas davantage ce qui crée, selon elle, l'existence d'un déséquilibre significatif.
Sa demande tendant à constater le caractère non écrit des conventions d'honoraires sera donc rejetée.
S'agissant de l'abus de faiblesse, il ressort de ses écritures que Madame X. invoque les dispositions de l'article L. 121-9 alinéa 5° du code de la consommation selon lesquelles est interdit le fait d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour obtenir des engagements lorsque la transaction a été conclue dans une situation d'urgence ayant mis la victime de l'infraction dans l'impossibilité de consulter un ou plusieurs autres professionnels qualifiés, tiers au contrat.
En l'occurrence, Madame X. ne peut, en toute logique, affirmer que l'urgence l'aurait placée en situation de faiblesse alors que c'est elle qui a fait appel aux services du cabinet LLC ET ASSOCIES et qu'elle a eu la possibilité, pendant le délai de recours de deux mois, bien avant de signer la lettre de mission du 21 novembre 2017, de solliciter d'autres professionnels pour contester la mesure provisoire de suspension dont elle a fait l'objet le 22 septembre 2017.
Il en est de même s'agissant de la lettre de mission signée le 4 janvier 2019, dont l'objet était de contester devant la juridiction administrative sa nouvelle affectation décidée par un arrêté du Rectorat du 8 décembre 2017, ainsi que la sanction disciplinaire (rétrogradation) prise à son encontre le 12 novembre 2018.
Sa demande en annulation des conventions d'honoraires sur ce fondement sera donc rejetée.
Sur la fixation des honoraires :
- Sur les moyens tirés du manquement de l'avocat à ses obligations :
Il convient de rappeler que le premier président, qui ne statue, conformément à l'article 174 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, que sur les contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats, n'a pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client.
Par conséquent, Madame X. ne saurait invoquer les éventuels manquements commis par la SELARL LLC ET ASSOCIES, tant sur le plan déontologique, que pour une faute commise dans le cadre de sa mission, pour obtenir une réduction du montant de ses honoraires et il lui revient, le cas échéant, d'engager la responsabilité de l'avocat devant les juridictions de droit commun, les moyens soulevés à ce titre étant inopérants.
La qualité du travail de l'avocat, en particulier sa stratégie procédurale, ne saurait, pour les mêmes motifs, être un critère de rémunération de l'avocat.
- Sur les diligences facturées :
Conformément à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
Sauf urgence ou force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires.
Toutefois, il a été jugé dans un arrêt du 14 juin 2018 (n° 17-19.709) par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation que le défaut de signature d'une convention ne privait par l'avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci étaient établies, des honoraires, qui sont alors fixés conformément à l'alinéa 4 de l'article 10 susvisé, en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Par ailleurs, le premier président ne peut réduire l'honoraire dû à l'avocat dès lors que son principe et son montant ont été acceptés par le client après service rendu (Civ. 2e, 6 mars 2014, pourvoi n° 13-14.922).
Le paiement après service rendu n'est pas subordonné à la fin de la mission de l'avocat et peut s'entendre des diligences facturées au fur et à mesure de leur accomplissement (Civ. 2e, 8 févr. 2018, pourvoi n° 16-22.217).
En l'occurrence, la SELARL LLC ET ASSOCIES a établi les factures suivantes, au fur et à mesure de ses diligences, pour les différentes procédures dont elle a assuré le suivi :
- facture du 5 janvier 2018 : 1.687.50 € TTC, après déduction d'une provision de .000 € ;
- facture du 3 avril 2018 : 1.155 € TTC ;
- facture du 25 juin 2018 : 330 € TTC ;
- facture du 24 septembre 2018 : 3.465 € TTC ;
- facture n° 184045 du 28 décembre 2018 : 990 € TTC ;
- facture n° 184046 du 28 décembre 2018 : 990 € TTC ;
- facture du 31 décembre 2018 : 990 € TTC ;
- facture du 4 janvier 2019 : 2.640 € TTC ;
- facture du 7 janvier 2019 : 495 € TTC ;
- facture du 9 janvier 2019 : 1.029 € TTC ;
- facture du 6 mars 2019 : 975 € TTC.
Il convient de constater que chacune de ces factures désigne précisément la nature des diligences entreprises en référence à la procédure concernée, ainsi que le temps qui y a été consacré, auxquels sont ajoutés 10 % de frais administratifs et de gestion, conformément aux conditions générales des conventions conclues entre les parties.
Le détail de ces factures, établies sur la base du taux horaire contractuellement prévu et comprenant les mentions obligatoires prévues par l'article L. 441-9-I du code de commerce, permettait à Madame X. de connaître précisément les diligences réalisées par son avocat.
Par conséquent, Madame X. ne saurait désormais remettre en question ces honoraires et frais qu'elle a réglés après facturation, sur service rendu, qu'il s'agisse ou non de diligences inutiles comme elle le prétend pour la facture du 7 janvier 2019.
Il y a donc lieu de rejeter intégralement le recours contre la décision rendue le 26 février 2020 par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon.
Sur les demandes accessoires :
Madame X. succombant à l'instance sera condamnée aux dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le délégué du premier président, statuant par ordonnance rendue publiquement et par défaut
Rejette les exceptions invoquées par Madame X. au titre du caractère non écrit et de la nullité des conventions d'honoraires conclues entre les parties les 21 novembre 2017 et 4 janvier 2019.
Rejette intégralement le recours de Madame X. contre la décision rendue le 26 février 2020 par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon.
Condamne Madame X. aux dépens.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
- 5982 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge du fond - Illustrations diverses
- 5984 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Règles de preuve
- 6039 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clauses usuelles
- 6387 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Avocat
- 8543 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ord. du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Notion de clause abusive – Règles de preuve
- 8544 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ord. du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Notion de clause abusive – Clauses usuelles
- 8545 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Avocat