CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-6), 1er octobre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8575
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-6), 1er octobre 2020 : RG n° 19/01733 ; arrêt n° 2020/210
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La SAS Lyon escalade oppose à la demande des consorts X. tendant à engager sa responsabilité à raison du dommage occasionné à L. X. son règlement intérieur et notamment l'article 5 de celui-ci selon lequel en dehors des cours, stages et formations dispensées par ses moniteurs la pratique de l'escalade dans ses locaux se fait sous l'entière responsabilité de l'usager, de manière autonome, sans encadrement ni surveillance. Les consorts X. qui invoquent l'inopposabilité de cette disposition à leur égard qu'ils qualifient de clause abusive ne forment pas devant la cour une demande nouvelle mais formulent une défense au fond qui est recevable au regard des articles 563 et 564 du code de procédure civile. »
2/ « Il résulte de l'article 1231-1 du code civil que la SAS Lyon escalade était tenue d'une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité d'escalade dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquaient librement cette activité et cette obligation était de moyens compte tenu du rôle actif des usagers dans la pratique de ce sport.
En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident faite par les consorts X. à leur assureur et il n'est pas contesté que le 8 novembre 2015 M. X. s'est rendu dans les locaux de la SAS Lyon escalade avec sa fille L., âgée de 10 ans, pour s'exercer avec elle sur le mur d'escalade mis à disposition des usagers en dehors de toute activité de cours ou de formation, que M. X. a fait monter sa fille en premier et est resté au sol pour tenir la corde et qu'après que L. X. a placé la corde entre ses dents pour fixer un mousqueton, la corde s'est tendue et a buté contre 3 de ses dents qui ont été expulsées.
Si M. X. était déjà venu le 21 octobre 2015 dans la salle d'escalade et avait signé une fiche d'autonomie par laquelle il reconnaissait avoir pris connaissance du règlement intérieur et être un grimpeur autonome sachant mettre un baudrier, faire un nœud de 8 pour s'encorder et le doubler, s'assurer en 5 temps et que la corde du bas ne devait jamais être lâchée et s'il a été informé des consignes de sécurité et de ce qu'il devait maîtriser les techniques de sécurité pour assurer sa sécurité et celle des autres pratiquants, l'accident démontre l'inexpérience de L. X. et de son père dans la pratique de l'escalade au point pour ce dernier de laisser sa fille pratiquer l'escalade en tête, alors que cela est dangereux et réservé aux grimpeurs expérimentés.
La SAS Lyon escalade s'est abstenue de vérifier sur place et par des exercices appropriés les aptitudes techniques de M. X. à la pratique de l'escalade et sa capacité à encadrer et surveiller sa fille qui était âgée de seulement 10 ans, de contrôler les connaissances de base de ce sport de L. X. et notamment de la règle élémentaire selon laquelle la corde ne doit pas être placée dans la bouche, et de déconseiller à M. X. de faire évoluer sa fille selon la technique de l'escalade en tête ; ces manquements à son obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence ont été à l'origine de l'accident et engagent sa responsabilité.
La clause 5 du règlement intérieur est abusive au sens de l'article R. 212-1 du code de la consommation en ce sens qu'elle a pour effet de dégager la SAS Lyon escalade de toute responsabilité lors de l'utilisation de ses équipements en dehors de cours ou formation encadrés et est donc inopposable aux consorts X.
Seule la SAS Lyon escalade était en mesure par des vérifications et mises en garde appropriées de prévenir l'accident lequel ne peut être considéré comme en lien de cause à effet avec une faute de M. X. ou de L. X. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-6
ARRÊT DU 1er OCTOBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/01733. Arrêt n° 2020/210. N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWTD. ARRÊT MIXTE. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Janvier 2019 enregistrée au répertoire général sous le R.G. n° 17/02144.
APPELANTS :
Mademoiselle L. X.
Numéro de sécurité sociale : [XXX]. Agissant par l'intermédiaire de ses administrateurs légaux ses parents : Mme X. et M. X., née le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représentée par Maître Cyril S., avocat au barreau de MARSEILLE.
Madame S. X.
N° [...], née le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représenté par Maître Cyril S., avocat au barreau de MARSEILLE.
Monsieur L. X.
Assuré n° YYY, né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représenté par Maître Cyril S., avocat au barreau de MARSEILLE.
INTIMÉES :
SAS LYON ESCALADE
SAS inscrite au RCS de Lyon sous le n° ZZZ prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [adresse], représentée par Maître Martine D. de la SCP D. M & J, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE.
SA ALLIANZ,
demeurant [adresse], représentée par Maître Christine C., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée par Maître Maurice B., avocat au barreau D'ALBERTVILLE.
MUTUELLE GÉNÉRALE DES AFFAIRES SOCIALES
Assignée le 19/03/2019 à personne habilitée, demeurant [...], Défaillante.
MUTUELLE GÉNÉRALE
Assignée le 19/03/2019 à personne habilitée, demeurant [...], Défaillante.
Les parties ont indiqué expressément qu'elles acceptaient que l'affaire soit jugée selon la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2020.
COMPOSITION DE LA COUR : La Cour lors du délibéré était composée de : Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller, Madame Anne VELLA, Conseiller
ARRÊT : Réputé contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2020, Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 8 novembre 2015 M. X. s'est rendu à la salle d'escalade Climp club Aix exploitée par la SAS Lyon escalade, assurée par la SA Allianz IARD, avec ses deux enfants dont L., née le [date], alors âgée de 10 ans ; au cours de la montée L. X. a rencontré une difficulté pour accrocher la corde à un mousqueton et l'a placée entre ses dents ; elle a perdu l'équilibre, est tombée, et la corde qui s'est tendue a provoqué l'expulsion de trois dents.
L. X. a été transportée au service des urgences pédiatriques de l'hôpital de […] à Marseille puis au service de chirurgie maxillo-faciale de l'hôpital de […] et a subi une opération de réimplantation des dents.
La SA Allianz IARD a refusé d'indemniser le préjudice de L. X. au motif qu'aucune obligation de sécurité ne pesait sur la SAS Lyon escalade.
Par acte du 15 février 2017 M. X. et Mme X., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure Loane ont assigné devant le tribunal de grande instance d'Aix-en- Provence la SAS Lyon escalade, la SA Allianz IARD, la Mutuelle générale des affaires sociales et la Mutuelle générale pour obtenir l'indemnisation des préjudices subis par leur fille.
Par jugement du 10 janvier 2019 cette juridiction a :
- déclaré le jugement commun à la Mutuelle générale des affaires sociales et à la Mutuelle générale,
- dit que la SAS Lyon escalade n'est pas responsable de l'accident,
- débouté M. X. et Mme X., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure Loane de leurs demandes,
- condamné in solidum M. X. et Mme X., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure Loane à payer à la SAS Lyon escalade la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,
- condamné in solidum M. X. et Mme X., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure Loane aux dépens avec distraction.
Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que :
- la SAS Lyon escalade était tenue d'une obligation contractuelle de sécurité de moyens dans la mesure où la pratique de l'escalade implique un rôle actif de chaque participant,
- M. X. avait déjà pratiqué l'escalade dans cette salle et avait signé le 21 octobre 2015 un document dans lequel il certifiait avoir pris connaissance et accepté le règlement sportif et intérieur de la salle,
- l'accident était le résultat d'une imprudence de M. X. qui avait choisi de remplir une fiche d'autonomie et avait en toute connaissance de cause amené sa fille dans la salle et choisi de la faire escalader en tête alors que cette pratique nécessite une certaine dextérité et l'avait laissée mettre la corde entre ses dents,
- la circonstance que la SA Allianz IARD avait indiqué à la SA Pacifia, assureur de M. X., accepter d'intervenir à hauteur de 50 % des préjudices subis, ne valait pas reconnaissance de responsabilité dans la mesure où cette proposition amiable avait été refusée par courrier du 18 avril 2016.
Par déclaration du 29 janvier 2019 L. X., M. X. « représentant légal » et Mme X. « représentant légal », ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a estimé que l'accident ne résultait pas d'un manquement de la SAS Lyon escalade à son obligation contractuelle de sécurité, a dit qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à cette société, les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. X. et Mme X., agissant ès qualités demandent à la cour dans leurs conclusions du 20 novembre 2019 en application des articles 1147 du code civil dans sa version en vigueur au 8 novembre 2015, R. 132-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur à la date des faits, 565, 566 et 700 du code de procédure civile, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes,
- juger que la clause de non responsabilité stipulée au règlement sportif et intérieur du Climp club Aix est abusive et réputée non écrite,
- juger que la SAS Lyon escalade est responsable de l'accident dont L. X. a été victime,
en conséquence
- condamner solidairement la SAS Lyon escalade et la SA Allianz IARD à indemniser L. X. de l'ensemble des conséquences dommageables de l'accident,
avant dire droit sur le l'évaluation du préjudice corporel de L. X.
- désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec mission habituelle en la matière quant aux conséquences médico-légales de l'accident du 8 novembre 2015,
- condamner solidairement la SAS Lyon escalade et la SA Allianz IARD au paiement d'une provision de 3.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice corporel de Loane,
- condamner solidairement la SAS Lyon escalade et la SA Allianz IARD au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux dépens avec distraction.
Ils soutiennent que :
* sur l'irrecevabilité de la déclaration d'appel
- bien que cela n'apparaisse pas sur l'avis de déclaration d'appel adressé par le greffe de la cour la déclaration d'appel a bien été effectuée par L. X. représentée par ses deux représentants légaux M. X. et Mme X., ainsi que cela apparaît sur la synthèse de la déclaration effectuée le 29 janvier 2019 par RPVA et cette omission du greffe ne saurait affecter la validité de l'acte,
- l'accident est survenu dans un cadre contractuel
- l'article 1147 du code civil, dans sa version à la date de l'accident, est applicable en vertu de l'article 9 de l'ordonnance du 10 février 2016
- dans le cadre du contrat les liant la SAS Lyon escalade était tenue à l'égard de M. X. et de L. X. d'une obligation de sécurité, de prudence et de diligence quand bien même ils auraient choisi de pratiquer l'escalade de façon libre et en dehors de tout encadrement, ce qu'ils n'ont pas fait
* sur le caractère abusif de la clause 5 de non responsabilité insérée au règlement sportif et intérieur du club :
- la demande tendant à faire dire la clause abusive n'est pas nouvelle en cause d'appel car elle tend aux mêmes fins que la demande initiale visant à faire juger que la SAS Lyon escalade est responsable de l'accident, conformément à l'article 565 du code de procédure civile et en outre elle doit être considérée comme l'accessoire et le complément nécessaire de la demande visant à engager la responsabilité de l'exploitant conformément à l'article 566 du même code,
- cette clause vise non à encadrer la responsabilité de la SAS Lyon escalade mais à exclure toute responsabilité de celle-ci puisque l'exclusion est suffisamment large pour englober toutes les situations dans lesquelles elle manquerait à une obligation de sécurité et ainsi à contourner cette obligation reconnue par la jurisprudence et mise à sa charge,
- en outre la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminés des contrats proposés par les clubs de sports à but lucratif les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter ou d'exclure la responsabilité du professionnel en cas d'accident survenu à l'occasion de la fréquentation de l'établissement en raison de leur caractère abusif,
* sur le défaut de vérification de l'aptitude de M. X. et de L. X. à pratiquer et à choisir la technique d'escalade employée
- le personnel de la salle de sport aurait dû s'assurer de l'aptitude de M. X. à pratiquer l'escalade avec sa fille alors que cette vérification n'a consisté qu'à faire remplir un simple questionnaire de quatre questions qui ne permettait pas de se faire une idée de la compétence des pratiquants, seule une vérification in situ étant appropriée,
- M. X. n'avait qu'une expérience très limitée de l'escalade et n'était pas en mesure d'en évaluer les risques,
- aucune explication n'a été donnée à M. X. sur la technique de l'escalade ni sur le fait qu'il ne fallait pas faire grimper sa fille selon le mode « escalade en tête » cette technique étant réservée aux pratiquants expérimentés,
- l'exploitant n'a pas vérifié que M. X. comprenait la notion « d'escalade en tête » et qu'il était en mesure de comprendre les instructions du règlement intérieur,
* sur le manquement à l'obligation de surveillance
- la jurisprudence de la Cour de cassation considère qu'il existe dans le cadre de l'obligation contractuelle de sécurité une obligation de surveillance à laquelle il n'est pas possible de déroger,
- cette règle doit être appliquée avec d'autant plus de rigueur qu'il s'agissait en l'espèce d'un pratiquant débutant non licencié accompagné de sa fille totalement novice,
- la présence d'un enfant aurait dû justifier une surveillance renforcée de la part du personnel de la salle,
- une surveillante adéquate aurait permis d'éviter la pratique pour Loane de l'escalade en tête et qu'elle place la corde dans sa bouche,
* sur l'éventuelle faute de la victime ou de son père
- une telle faute aurait été sans incidence si l'exploitant avait effectué une surveillance effective,
- une telle faute ne pourrait exonérer entièrement la SAS Lyon escalade de sa responsabilité.
[*]
La SAS Lyon escalade demande à la cour dans ses conclusions du 28 novembre 2019, en application des articles 1147 et 1382 et suivants, anciens, du code civil L. 212-1, anciennement L. 132-1, et R. 212-1, anciennement R. 132-1, du code de la consommation et 564 du code de procédure civile, de :
* à titre principal
- la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions,
- juger ce que de droit concernant la validité de la déclaration d'appel formé par L. X.,
- déclarer en tout état de cause mal fondée l'action de L. X. agissant par l'intermédiaire de ses représentants légaux, en l'état de ses conclusions,
* en conséquence
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
* ainsi
- juger que l'article 5 de son règlement intérieur visé par L. X. ne saurait en aucun cas être qualifié de clause abusive et plus généralement,
- rejeter l'argumentation des consorts X. à ce titre comme étant irrecevable car nouvelle en cause d'appel et en tout état de cause mal fondée,
- juger qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles ni faute susceptible de retenir sa responsabilité dans l'accident,
- débouter M. X. et Mme X., agissant ès qualités de l'ensemble de leurs demandes,
- juger en revanche que le comportement imprudent de M. X. est constitutif d'une faute engageant sa responsabilité compte tenu des conséquences malheureuses qu'il a causées chez sa fille L. X.,
- juger pareillement qu'en exerçant l'autorité parentale sur L. X., dont la faute est l'origine du dommage, les administrateurs légaux de L. X. sont responsables du dommage qu'elle s'est elle-même causé,
* à titre infiniment subsidiaire
- condamner la SA Allianz IARD à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être, par exceptionnel, prononcée à son encontre,
* en tout état de cause
- condamner solidairement M. X. et Mme X., en leur qualité de représentants légaux de L. X. à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure code civile au titre de l'instance d'appel,
- rejeter toutes demandes formulées sur le fondement de cet article à son encontre,
- condamner solidairement les consorts X. aux dépens avec distraction.
Elle fait valoir que :
* sur son absence de responsabilité
sur le prétendu caractère abusif de la clause de non responsabilité
- l'appelante prétend pour la première fois en cause d'appel que la clause prévue à l'article 5 du règlement sportif et intérieur du club serait abusive au visa de l'article R. 132-1 du code de la consommation alors qu'en première instance elle fondait ses prétentions sur le seul article 1147 du code civil ; les prétentions ne tendent pas aux mêmes fins,
- la clause n'est pas abusive car elle n'a pas pour objet ni pour effet de créer au détriment du consommateur un quelconque déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et car loin d'exclure sa responsabilité en cas de faute elle vise précisément à encadrer les situations où les visiteurs pratiquent l'escalade en dehors des cours, stages et formations qu'elle dispense, ce qui est totalement différent,
- au surplus elle a pris le soin d'informer ses adhérents et donc M. X. des risques inhérents à l'activité pratiquée, des règles et usages sportifs et de l'intérêt de souscrire un contrat d'assurance couvrant les dommages aux personnes ; elle rappelle que selon l'article L. 212-1 du code de la consommation le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant à toutes les circonstances qui entourent la conclusion du contrat et que M. X. a rempli et signé préalablement à l'activité une fiche de renseignements permettant la délivrance d'une carte d'accès le 21 octobre 2015 et une fiche de responsabilité le 8 novembre 2015, chacun de ces documents renvoyant expressément au règlement intérieur également signé par M. X. qui rappelle les conditions d'utilisation des installations pour toute personne n'ayant jamais pratiqué l'escalade ou n'étant pas parfaitement à l'aise avec les techniques de base de sécurité et d'assurage âge en escalade,
- les recommandations de la Commission des clauses abusives n'ont aucun caractère impératif et en toute hypothèse l'avis visé par les demandeurs est inopérant car il y est mentionné un encadrement par des professionnels du sport alors que le propre de la pratique libre de l'escalade telle qu'elle la propose est de pratiquer l'escalade en parfaite autonomie,
* sur le prétendu défaut de vérification de l'aptitude de M. X. et de sa fille à pratiquer et à choisir la technique d'escalade employée et le prétendu manquement à l'obligation de surveillance
- l'obligation contractuelle de sécurité qui pèse sur elle est de moyen car le client a un rôle actif,
- M. X. avant l'accident était venu pratiquer l'escalade et avait signé un document par lequel il certifiait avoir pris connaissance et accepté le règlement sportif et intérieur de la salle qui édicte des recommandations que les usagers s'engagent à respecter et qui précise qu'en dehors des cours, stages et formations, la pratique de l'escalade se fait sous la responsabilité de l'adhérent de manière autonome, sans encadrement ni surveillance,
- M. X. connaissait parfaitement les gestes pour assurer puisqu'il a réussi à stopper la chute de sa fille avant qu'elle ne touche le sol,
- l'extrait du règlement sportif rappelait clairement que la technique d'escalade en tête présentait des risques et était réservée aux grimpeurs et assureurs expérimentés,
- l'origine du préjudice ne résulte pas du fait que L. X. a chuté ni du fait que son père n'aurait pas disposé des capacités requises mais du fait qu'elle a, à un moment, placé à tort la corde dans sa bouche et est tombée à cet instant précis,
- une prétendue reconnaissance par la SA Allianz IARD d'une quelconque responsabilité de sa part ne peut lui être opposée car elle n'y a jamais été associée et n'y a jamais souscrit,
* sur la faute et la responsabilité subséquente des parents
- M. X. n'a pas souhaité faire effectuer un cours d'escalade à ses filles comme proposé par la salle ou leur faire pratiquer l'escalade sur le bloc,
- M. X. a placé L. X. en situation de risque ce qui a conduit à l'accident, il ne l'a pas informée des risques liés au fait de mettre la corde entre ses dents lors de la grimpe et ne l'a pas surveillée,
- il a ainsi commis des fautes à l'origine de l'accident,
- L. X. a elle-même commis une faute en plaçant la corde dans sa bouche et a ainsi contribué à son propre dommage.
[*]
La SA Allianz IARD demande à la cour dans ses conclusions du 25 novembre 2019 en application des articles 1147 ancien du code civil et 58 et 122 du code de procédure civile, de :
* déclarer irrecevable la déclaration d'appel effectuée par L. X. celle-ci n'ayant pas la capacité à agir,
* subsidiairement
- confirmer le jugement,
- constater qu'aucune reconnaissance de responsabilité n'est intervenue de sa part,
- retenir au contraire l'absence de faute contractuelle de la SAS Lyon escalade,
en conséquence
- débouter L. X. de la totalité de ses demandes inondées,
subsidiairement
- retenir la responsabilité totale de la victime et de ses parents dans la survenance de l'accident,
* très subsidiairement
- lui donner acte de ses protestations et réserves concernant la demande d'expertise,
- rejeter la demande de provision et celle relative à l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement,
- condamner L. X. ou qui mieux le devra au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction.
Elle expose que :
* sur l'irrecevabilité de la déclaration d'appel
- le document remis au greffe pour l'avis de déclaration d'appel fait uniquement référence à L. X. or conformément à l'article 388 du code civil elle est une personne mineure ne pouvant agir en justice seule et les conclusions déposées postérieurement par ses parents modifiant l'intitulé de la personne appelante constituent la reconnaissance de cette irrecevabilité,
- les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile sont très strictes et renvoient à l'article 58 et par voie de conséquence à l'article 122 de ce code,
* sur la responsabilité
sur le contenu du contrat
- le contrat précise expressément que le libre accès est subordonné à la maîtrise des techniques de base de sécurité et d'assurage en escalade,
- M. X. en assurant lui-même la progression de sa fille âgée de 10 ans a estimé qu'il disposait des capacités nécessaires à la mise en sécurité de lui-même et de son enfant mineur sous son entière responsabilité et il a reconnu en signant la fiche d'autonomie avoir pris connaissance et accepté le règlement intérieur ; il a pris sous son entière responsabilité pour la journée du 8 novembre 2015 la gestion et la sécurité de ses filles,
- le contrat insiste sur le corollaire de l'autonomie et de l'absence de professeur d'escalade qui est de veiller scrupuleusement à la sécurité d'autrui,
* sur le défaut de surveillance
- aucun cours spécifique n'a été demandé et aucun témoin ne vient préciser l'existence d'une demande d'aide ou de conseil ou le refus d'une demande de surveillance ou de conseil,
- en dehors des cours il n'est pas prévu la mise en place d'une surveillance particulière,
* sur l'absence de formation
- soit M. X. était totalement novice en matière d'escalade et son statut d'adulte et de père l'engageait alors à recourir à un accompagnement par une connaissance expérimentée ou à l'inscription à des cours d'escalade pour acquérir lui-même un minimum de connaissances techniques soit il s'estimait suffisamment compétent pour encadrer ses deux filles,
- l'accident n'est pas survenu dans une activité d'ouverture d'une voie qui implique la mise en place d'un processus technique très précis soit prévoir un parcours, visser et dévisser des prises et mettre en place des mousquetons en évoluant en tête c'est-à-dire en premier,
* sur l'absence de reconnaissance de responsabilité
- la discussion entre rédacteurs de sociétés d'assurances est devenue caduque en l'absence de tout accord formalisé définitif, en effet la lettre du 21 mars 2016 qui était une simple proposition amiable a été refusée par la société Pacifia le 18 avril 2016,
- le choix procédural de M. X. ne lui permet plus de solliciter la répartition proposée amiablement,
* sur la faute de la victime
- elle fait sienne sur ce point les développements de la SAS Lyon escalade.
[*]
La Mutuelle générale des affaires sociales et la Mutuelle générale assignées par actes d'huissier du 19 mars 2019 délivrés à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'ont pas constitué avocat.
[*]
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
Il résulte de l'article 914 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel, et que les parties ne sont plus recevables à invoquer l'irrecevabilité de l'appel devant la cour d'appel après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause survienne ou soit révélée postérieurement.
En l'occurrence, la cour constate que la SA Allianz IARD, qui s'est abstenue de saisir le conseiller de la mise en état en temps utile, n'est pas recevable en sa demande tendant à faire constater l'irrecevabilité de l'appel.
La cour entend néanmoins se saisir d'office de la fin de non-recevoir tirée du défaut de capacité pour agir de L. X. Il sera constaté à cet égard que la déclaration d'appel horodatée du 29 janvier 2019 à 16 heures 19 a été effectuée par RPVA par M. X. et son conjoint, Mme X., ès qualité de représentants légaux de leur fille mineure non émancipée, et transmise au greffe par RPVA. Il s'ensuit que l'erreur matérielle affectant éventuellement le document remis au greffe pour l'avis de déclaration d'appel est sans portée véritable.
L'appel est recevable.
Sur la recevabilité de la demande relative à l'article 5 du règlement intérieur :
La SAS Lyon escalade oppose à la demande des consorts X. tendant à engager sa responsabilité à raison du dommage occasionné à L. X. son règlement intérieur et notamment l'article 5 de celui-ci selon lequel en dehors des cours, stages et formations dispensées par ses moniteurs la pratique de l'escalade dans ses locaux se fait sous l'entière responsabilité de l'usager, de manière autonome, sans encadrement ni surveillance.
Les consorts X. qui invoquent l'inopposabilité de cette disposition à leur égard qu'ils qualifient de clause abusive ne forment pas devant la cour une demande nouvelle mais formulent une défense au fond qui est recevable au regard des articles 563 et 564 du code de procédure civile.
Sur la responsabilité :
Il résulte de l'article 1231-1 du code civil que la SAS Lyon escalade était tenue d'une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité d'escalade dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquaient librement cette activité et cette obligation était de moyens compte tenu du rôle actif des usagers dans la pratique de ce sport.
En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident faite par les consorts X. à leur assureur et il n'est pas contesté que le 8 novembre 2015 M. X. s'est rendu dans les locaux de la SAS Lyon escalade avec sa fille L., âgée de 10 ans, pour s'exercer avec elle sur le mur d'escalade mis à disposition des usagers en dehors de toute activité de cours ou de formation, que M. X. a fait monter sa fille en premier et est resté au sol pour tenir la corde et qu'après que L. X. a placé la corde entre ses dents pour fixer un mousqueton, la corde s'est tendue et a buté contre 3 de ses dents qui ont été expulsées.
Si M. X. était déjà venu le 21 octobre 2015 dans la salle d'escalade et avait signé une fiche d'autonomie par laquelle il reconnaissait avoir pris connaissance du règlement intérieur et être un grimpeur autonome sachant mettre un baudrier, faire un nœud de 8 pour s'encorder et le doubler, s'assurer en 5 temps et que la corde du bas ne devait jamais être lâchée et s'il a été informé des consignes de sécurité et de ce qu'il devait maîtriser les techniques de sécurité pour assurer sa sécurité et celle des autres pratiquants, l'accident démontre l'inexpérience de L. X. et de son père dans la pratique de l'escalade au point pour ce dernier de laisser sa fille pratiquer l'escalade en tête, alors que cela est dangereux et réservé aux grimpeurs expérimentés.
La SAS Lyon escalade s'est abstenue de vérifier sur place et par des exercices appropriés les aptitudes techniques de M. X. à la pratique de l'escalade et sa capacité à encadrer et surveiller sa fille qui était âgée de seulement 10 ans, de contrôler les connaissances de base de ce sport de L. X. et notamment de la règle élémentaire selon laquelle la corde ne doit pas être placée dans la bouche, et de déconseiller à M. X. de faire évoluer sa fille selon la technique de l'escalade en tête ; ces manquements à son obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence ont été à l'origine de l'accident et engagent sa responsabilité.
La clause 5 du règlement intérieur est abusive au sens de l'article R. 212-1 du code de la consommation en ce sens qu'elle a pour effet de dégager la SAS Lyon escalade de toute responsabilité lors de l'utilisation de ses équipements en dehors de cours ou formation encadrés et est donc inopposable aux consorts X.
Seule la SAS Lyon escalade était en mesure par des vérifications et mises en garde appropriées de prévenir l'accident lequel ne peut être considéré comme en lien de cause à effet avec une faute de M. X. ou de L. X.
Il résulte des motifs qui précèdent que la SAS Lyon escalade et son assureur la SA Allianz IARD doivent être condamnées in solidum à indemniser le préjudice corporel subi par L. X.
Sur l'expertise et la provision :
Le certificat médical initial faisant état de plaies labiales et d'une expulsion avec luxation complète des dents 11, 12 et 13 justifie l'organisation d'une expertise afin de déterminer les postes du préjudice corporel de Loane et l'allocation à son profit d'une provision de 3 000 euros.
Sur les demandes annexes :
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées.
La SAS Lyon escalade et la SA Allianz IARD qui succombent dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité commande d'allouer à M. X. et Mme X., agissant ès qualités une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et le rejet des demandes de la SAS Lyon escalade et de la SA Allianz IARD formulées au même titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- Déclare l'appel recevable,
- Déclare recevable la demande de M. X. et Mme X., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille L. X. tendant à faire dire que la clause 5 du règlement intérieur de la SAS Lyon escalade est abusive,
- Infirme le jugement,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
- Dit que la SAS Lyon escalade est responsable du dommage subi par L. X. le 8 novembre 2015,
- Condamne in solidum le SAS Lyon escalade et la SA Allianz IARD à indemniser L. X. de son préjudice corporel consécutif à l'accident du 8 novembre 2015,
- Ordonne une expertise médicale de L. X.,
Commet à cette fin [désignation de l’expert et délimitation de sa mission : non reproduit]
Dit que M. X. et Mme X., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille L. X. devront consigner dans le mois de la présente décision la somme de 800 euros HT à la Régie d'Avances et de Recettes de la Cour d'appel d'Aix en Provence destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert,
Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert est caduque, à moins que le magistrat chargé du contrôle de la mesure, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité,
Dit que l'expert informera le juge de l'avancement des ses opérations et de ses diligences,
Désigne un des membres de la chambre 1-6 comme magistrat chargé du contrôle des expertises pour surveiller les opérations d'expertises,
Rappelle que l'article 173 du code de procédure civile fait obligation à l'expert d'adresser une copie de son rapport à chacune des parties ou, pour elles, à leur avocat,
- Condamne in solidum la SAS Lyon escalade et la SA Allianz IARD à verser à M. X. et Mme X., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille L. X. une indemnité provisionnelle de 3.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice de celle-ci,
- Dit qu'il appartiendra en tant que de besoin à la victime de saisir le tribunal de grande instance de d'Aix-en-Provence après le dépôt du rapport,
- Condamne in solidum la SAS Lyon escalade et la SA Allianz IARD à verser à M. X. et Mme X., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille L. X. la somme de 3.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- Déboute la SAS Lyon escalade et la SA Allianz IARD de leur propre demande au titre de leurs frais irrépétibles,
- Condamne in solidum la SAS Lyon escalade et la SA Allianz IARD aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le greffier Le président
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