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TI MONTPELLIER, 13 novembre 2000

Nature : Décision
Titre : TI MONTPELLIER, 13 novembre 2000
Pays : France
Juridiction : Montpellier (TI)
Demande : 11-00-000485
Date : 13/11/2000
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 5/01/2000
Décision antérieure : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 21 août 2002
Numéro de la décision : 2471
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 874

TI MONTPELLIER, 13 novembre 2000 : RG n° 11-00-000485 ; jugement n° 2471

(sur appel CA Montpellier, (1re ch. sect. D), 21 août 2002 : RG n° 01/00497 ; arrêt n° 3137)

 

Extrait : « Monsieur X. ne saurait invoquer, pour échapper à ses obligations, le bénéfice des textes légaux imposant l'usage obligatoire de la langue française, sans préciser le grief que lui cause la rédaction du contrat d'inscription en langue anglaise. Sa qualité d'anglophone, le disposant à comprendre le sens et la portée des stipulations contractuelles rédigées dans sa langue maternelle, de façon plus intelligible que dans la version française, il n'est pas fondé à se prévaloir d'un dispositif législatif dont le but est de permettre au consommateur d'avoir une parfaite connaissance de la nature, de l'utilisation, des conditions de garantie des biens et des services qui lui sont proposés.

La clause qui lui est opposée prévoyant que le droit d'inscription reste intégralement dû, en cas de désistement à compter du huitième jour de la signature et après la date de la rentrée scolaire, s'analyse à la fois comme un moyen de pression dans le but de contraindre le cocontractant à s'exécuter, et comme une évaluation conventionnelle anticipée du préjudice futur causé à l'établissement par le désistement de l'élève en cours d'année. S'appliquant dans le cas de départs volontaires, étrangers à toute notion de force majeure, elle ne saurait s'analyser en une clause abusive. L'exigence de qualité de l'enseignement dispensé qui nécessite le recrutement d'enseignants de bon niveau, l'achat d'outils pédagogiques coûteux, mais aussi un nombre réduit d'élèves, a conduit à la définition d'un budget de fonctionnement dans lequel les frais de scolarité à la charge des parents, entrent pour une part prépondérante ; le désistement d'élèves inscrits est constitutif d'une perte financière qui ne peut être compensée par aucune autre source de revenus. En conséquence, la demande de paiement de l'intégralité des frais de scolarité constitue la juste contrepartie du préjudice résultant du départ prématuré des enfants de Monsieur X. ; il convient d'y faire droit à hauteur de la somme de 37.335 Francs ».

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE MONTPELLIER

JUGEMENT DU 13 NOVEMBRE 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-00-000485. Jugement n° 2471.

 

DEMANDEUR À L'INJONCTION DE PAYER :

DÉFENDEUR À L'OPPOSITION :

SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE « LE CHÂTEAU »

[adresse], représenté(e) par SCP LAFONT GUIZARD CARILLO LAFONT, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

DÉFENDEUR À L'INJONCTION DE PAYER :

DEMANDEUR À L'OPPOSITION :

Monsieur X.

[adresse] ÉTATS UNIS, représenté(e) par SCP DELMAS RIGAUD LEVY JONQUET, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : AVON Marcel

Greffier : LAVERY Jean Pierre

DÉBATS : Audience publique du : 9 octobre 2000

JUGEMENT : Prononcé publiquement le 13 novembre 2000 par AVON Marcel, président assisté de LAVERY Jean Pierre, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur X. a inscrit ses trois enfants à la SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE « LE CHÂTEAU» pour l'année scolaire 1999/2000.

Ayant fait l'objet d'une mutation professionnelle aux États-Unis à compter du 10 février 2000, il a informé cet établissement qu'ils retiraient ses enfants à compter du 31 janvier 2000. Suite à la requête de la SARL, le Tribunal d'Instance de Montpellier a, par ordonnance du 5 janvier 2000, fait injonction à Monsieur X. de payer la somme principale de 37.335 Francs au titre de frais de scolarité.

Cette décision a été frappée d'opposition par un courrier de Monsieur X. reçu le 5 janvier 2000 au greffe de ce Tribunal.

Par décision en date du 11 avril 2000, Madame A. a été désignée en qualité de consultante ; elle conclut en ce sens : aucune conciliation n'est possible.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur X. expose qu'au début de l'année scolaire, sachant qu'un changement professionnel interviendrait, il a supprimé sur l'exemplaire de son contrat les clauses imposant le paiement des frais de scolarité pour l'année entière même en cas de départ des enfants, en sorte que la SARL ne peut fonder son action sur des dispositions non acceptées ; il invoque l'inopposabilité du contrat rédigé en langue anglaise, au regard des dispositions de l'article 2 de la loi du 4 août 1994 ; il considère que la clause qui lui est opposée est abusive, qu'elle s'analyse en une clause pénale soumise au pouvoir du juge ; formulant une demande reconventionnelle, il sollicite la condamnation de la SARL à des dommages et intérêts.

La SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE « LE CHÂTEAU » réplique en faisant valoir que Monsieur X. n'ignorait pas qu'en cas de départ en cours d'année, l'intégralité des frais de scolarité était due pour des motifs tenant à la qualité de l'enseignement ; elle produit l'exemplaire du contrat signé par les parties, qui ne révèle aucune modification des clauses contractuelles qui ont donc été toutes approuvées ; elle s'élève contre l'argument tiré de la rédaction du contrat en langue anglaise qui est la langue du défendeur qu'il maîtrise donc parfaitement ; elle considère que la clause de paiement intégral des frais de scolarité n'est pas abusive, qu'elle n'a pas pour effet d'empêcher la résiliation du contrat, qu'elle est la contrepartie d'une prestation de service et non la sanction d'un manquement à une obligation contractuelle ; dénonçant la mauvaise foi de Monsieur X. qui n'a pas hésité à dénigrer l'établissement, elle sollicite des dommages et intérêts.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

L'analyse des exemplaires des trois contrats datés du 16 septembre 1999, ayant pour objet l'inscription des trois enfants de Monsieur X. dans l'établissement de la SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE « LE CHÂTEAU », pour l'année scolaire 1999/2000, portent la signature de Monsieur X. : les mentions manuscrites qu'il a inscrites de son propre chef sur l'exemplaire laissé en sa possession n'ont pas valeur contractuelle et ne sauraient valoir renoncement de la SARL aux droits que lui confère le contrat.

Monsieur X. ne saurait invoquer, pour échapper à ses obligations, le bénéfice des textes légaux imposant l'usage obligatoire de la langue française, sans préciser le grief que lui cause la rédaction du contrat d'inscription en langue anglaise.

[minute page 3] Sa qualité d'anglophone, le disposant à comprendre le sens et la portée des stipulations contractuelles rédigées dans sa langue maternelle, de façon plus intelligible que dans la version française, il n'est pas fondé à se prévaloir d'un dispositif législatif dont le but est de permettre au consommateur d'avoir une parfaite connaissance de la nature, de l'utilisation, des conditions de garantie des biens et des services qui lui sont proposés.

La clause qui lui est opposée prévoyant que le droit d'inscription reste intégralement dû, en cas de désistement à compter du huitième jour de la signature et après la date de la rentrée scolaire, s'analyse à la fois comme un moyen de pression dans le but de contraindre le cocontractant à s'exécuter, et comme une évaluation conventionnelle anticipée du préjudice futur causé à l'établissement par le désistement de l'élève en cours d'année.

S'appliquant dans le cas de départs volontaires, étrangers à toute notion de force majeure, elle ne saurait s'analyser en une clause abusive.

L'article 1152 du Code civil ne permet au juge que de modérer l'indemnité résultant de l'application de cette clause, sans pouvoir allouer une somme inférieure au montant du dommage subi par le créancier.

L'exigence de qualité de l'enseignement dispensé qui nécessite le recrutement d'enseignants de bon niveau, l'achat d'outils pédagogiques coûteux, mais aussi un nombre réduit d'élèves, a conduit à la définition d'un budget de fonctionnement dans lequel les frais de scolarité à la charge des parents, entrent pour une part prépondérante ; le désistement d'élèves inscrits est constitutif d'une perte financière qui ne peut être compensée par aucune autre source de revenus.

En conséquence, la demande de paiement de l'intégralité des frais de scolarité constitue la juste contrepartie du préjudice résultant du départ prématuré des enfants de Monsieur X. ; il convient d'y faire droit à hauteur de la somme de 37.335 Francs.

Faute d'apporter la preuve d'un préjudice spécial et indépendant de la demande principale que lui aurait occasionné l'attitude du défendeur, la demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Il parait équitable de laisser à la charge de Monsieur X. les frais irrépétibles et non compris dans les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

DIT que par application de l'article 1420 du Nouveau Code de Procédure Civile, le présent jugement se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer en date du 5 janvier 2000 ;

CONDAMNE Monsieur X. à payer à la SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE « LE CHÂTEAU » les sommes de :

- 37.335 Francs, avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 1999 ;

- 2.000 Francs, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

REJETTE toute demande contraire ou plus ample des parties ;

LAISSE à Monsieur X. la charge des dépens.

LE GREFFIER                                   LE PRÉSIDENT