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CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 21 août 2002

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 21 août 2002
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. D
Demande : 01/00497
Date : 21/08/2002
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TI MONTPELLIER, 13 novembre 2000
Numéro de la décision : 3137
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 934

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 21 août 2002 : RG n° 01/00497 ; arrêt n° 3137

Publication : Juris-Data n° 201092

 

Extraits : 1/ « Les dispositions précitées instaurent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et de son annexe, dès lors qu'elles mettent à la charge du souscripteur le coût de l'intégralité des frais de scolarité en cas de départ anticipé de l'élève après son inscription, même si ce départ est lié à un motif légitime de mobilité géographique, alors que, quelle que soit la légitimité du motif pour lequel l'établissement ne serait plus en mesure de fournir sa prestation en cours d'année scolaire, aucune indemnité financière équivalente n'est prévue en faveur du souscripteur, la disposition par laquelle l'établissement s'engage seulement à restituer les sommes correspondantes aux prestations non servies n'étant pas assimilable à une clause pénale, nonobstant la référence abusive du contrat sur ce point aux dispositions de l'article 1152 du code civil ». 

2/ « C'est à bon droit que le premier juge a estimé que M. X., de nationalité sud-africaine et de langue anglaise, ne saurait utilement invoquer pour échapper à ses obligations, le bénéfice des textes légaux imposant l'usage obligatoire de la langue française sans préciser le grief que lui cause la rédaction du contrat d'inscription en langue anglaise et que sa qualité d'anglophone, le disposant à comprendre le sens et la portée des stipulations contractuelles rédigées dans sa langue maternelle, de façon plus intelligible que dans la version française, il n'est pas fondé à se prévaloir d'un dispositif législatif dont le but est de permettre au consommateur d'avoir une parfaite connaissance de la nature, de l'utilisation, des conditions de garantie des biens et des services qui lui sont proposés ».

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION D

ARRÊT DU 21 AOÛT 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 01/00497. Arrêt n° 3137.

APPELANT :

Monsieur X.

né le […] à AFRIQUE DU SUD de nationalité Sud-africaine, représenté par la SCP SALVIGNOL GUILHEM DELSOL, avoués à la Cour assisté de Maître Jean-Louis RIGAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉE :

SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE « LE CHATEAU »

prise en la personne de son représentant légal eu exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP ARGELLIES TRAMER WATREMET, avoués à la Cour, assistée de la SCP LAFONT-GUIZARD-CARILLO-LAFONT-GUIZARD, avocats au barreau de MONTPELLIER

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 14 novembre 2001.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Robert PARIS, Président, M. Jean-Marc ARMINGAUD, Conseiller, M. Georges TORREGROSA, Conseiller.

GREFFIER : Mme Marie-Claude MENEU, Adjoint administratif principal assermenté faisant fonction lors des débats et Madame PONTRAMON, Greffier lors du prononcé.

[minute page 2] DÉBATS : en audience publique le DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE UN devant M. Robert PARIS, Président, qui, avec l'accord des conseils des parties, a entendu les plaidoiries et en a rendu compte à la cour composée comme indiqué dans son délibéré.

L'affaire a été mise en délibéré au 23 janvier 2002, délibéré prorogé au 21 août 2002.

ARRÊT contradictoire, prononcé en audience publique le VINGT ET UN AOÛT DEUX MILLE DEUX par M. Robert PARIS, Président.

Le présent arrêt a été signé par M. Robert PARIS, Président, et par le greffier présent à l'audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] M. X. a inscrit ses trois enfants à la SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE « LE CHATEAU » (ci-après l'ÉCOLE) pour l'année scolaire 1999/2000.

Ayant fait l'objet d'une mutation professionnelle aux ÉTATS-UNIS à compter du 10 février 2000, il a informé cet établissement qu'ils retiraient ses enfants à compter du 31 janvier 2000.

Suite à la requête de la SARL, le tribunal d'instance de MONTPELLIER, a, par ordonnance du 5 janvier 2000, fait injonction à M. X. de payer la somme principale de 37.335 Francs au titre des frais de scolarité restant dus pour l'année scolaire entière.

Cette décision a été frappée d'opposition le 5 janvier 2000.

* * *

M. X. exposait qu'au début de l'année scolaire, sachant qu'un changement professionnel interviendrait, il a supprimé de l'exemplaire de son contrat les clauses imposant le paiement des frais de scolarité pour l'année entière même en cas de départ des enfants, en sorte que la SARL ne pouvait fonder son action sur des dispositions non acceptées ; il invoquait l'inopposabilité du contrat rédigé en langue anglaise, au regard des dispositions de l'article 2 de la loi du 4 août 1994 ; il considérait que la clause qui lui était opposée était abusive, qu'elle s’analysait en une clause pénale soumise au pouvoir du juge ; formulant une demande reconventionnelle, il sollicitait la condamnation de la SARL à des dommages et intérêts.

La SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE- INTERNATIONALE « LE CHATEAU » répliquait en faisant valoir que M. X. n'ignorait pas qu'en cas de départ en cours d'année l'intégralité des frais de scolarité était due pour des motifs tenant à la qualité de l'enseignement ; elle [minute page 4] produisait un exemplaire du contrat signé par les parties, qui ne révélait aucune modification des clauses contractuelles ; elle s'élevait contre l'argument tiré de la rédaction du contrat en langue anglaise qui est la langue du défendeur qu'il maîtrise donc parfaitement ; elle considérait que la clause de paiement intégral des frais de scolarité n'était pas abusive, qu'elle n'avait pas pour effet d'empêcher la résiliation du contrat, qu'elle était la contrepartie d'une prestation de service et non la sanction d'un manquement à une obligation contractuelle ; dénonçant la mauvaise foi de M. X. qui n'avait pas hésité à dénigrer l'établissement, elle sollicitait des dommages et intérêts.

* * *

Par jugement du 13 novembre 2000, le tribunal d'instance de MONTPELLIER a :

- dit que par application de l'article 1420 du nouveau code de procédure civile, le présent jugement se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer en date du 5 janvier 2000,

- condamné M. X. à payer à la SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE « LE CHATEAU » les sommes de :

- 37.335 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 1999,

- 2.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- rejeté toute demande contraire ou plus ample des parties,

- laissé à M. X. la charge des dépens.

* * *

M. X. a régulièrement relevé appel de cette décision.

* * *

Par conclusions notifiées le 1er mars 2001 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. X. reprend en [minute page 5] substance ses arguments tel que résumé au jugement entrepris, en soulignant notamment que les contrats produits par l'ÉCOLE ont fait l'objet d'un montage.

Il demande à la Cour, au principal :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de MONTPELLIER le 13 novembre 2000,

Vu l'absence de parafe,

Vu la loi n° 94-665 du 4 août 1994 et la circulaire d'application du 19 mars 1996,

- dire et juger que les contrats du 16 septembre 1999 produits par L'ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE sur lesquels s'est fondé le tribunal pour entrer en voie de condamnation ont fait l'objet d'un montage,

- déclarer abusive la clause incluse dans ces contrats prévoyant que les frais de scolarité restent dus pour l'intégralité de l'année en cas de désistement du disposant financier,

Subsidiairement,

Vu l'article 1152, alinéa 2 du code civil et l'arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 1995 plus avant cité,

- dire et juger que la clause litigieuse constitue une clause pénale manifestement excessive,

- réduire en conséquence le montant de la peine à de plus justes proportions,

En tout état de cause,

Vu la mauvaise foi manifeste de L'ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

- condamner L'ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE au paiement de la somme de 5.000 Francs à titre de dommages et intérêts,

- condamner la même au paiement de la somme de 7.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les entiers dépens.

* * *

[minute page 6] Par conclusions notifiées le 3 mai 2001 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, l'ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE conteste les allégations de M. X. selon lesquelles les contrats produits devant le tribunal seraient le résultat d'un « montage » et précise que l'original des contrats mentionnés est versé aux débats.

Reprenant ses moyens de première instance elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. X. à lui payer une somme de 10.000 Francs au titre de dommages et intérêts, outre 5.000 Francs pour frais imposés.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

1 - Sur la force probante des contrats :

L'ÉCOLE verse aux débats les trois contrats originaux incriminés établis le 16 septembre 1999 en deux exemplaires comportant différentes mentions manuscrites, parafes et signature de M. X.

Les époux X. prétendent que sachant que, M. X. devait être affecté sur un site [nom de l’entreprise] à SAN FRANCISCO, a été biffée la clause suivante figurant en page 3 des contrats :

« à compter du 8ème jour de la signature du présent contrat et après la date de la rentrée scolaire, tout désistement entraîne le paiement immédiat des sommes dues, soit le solde de la scolarité annuelle intégrale, options annuelles incluses.

En cas de départ prévu en cours d'année pour raisons professionnelles (mobilité géographique), le répondant financier devra en préciser la date avant l'inscription à l'école qui établira alors un avenant accompagné de modalités tarifaires spécifiques ».

Force est toutefois de relever que cette clause n'est rayée sur aucun des contrats produits en originaux dont l'examen ne révèle aucun montage apparent.

[minute page 7] Les époux X. ne produisent au surplus aucun exemplaire des contrats modifiés dans le sens qu'ils allèguent ni aucun élément de nature à démontrer que M. X. était informé le 16 septembre 1999 qu'il serait muté à SAN FRANCISCO à partir du mois de février 2000.

Enfin, il est sans emport que chaque page du contrat n'ait pas été parafée dès lors qu'aucune dispositions légales ne subordonnent la validité des actes incriminés à la formalité du parafe et que l'acte sous seing privé est parfait dès lors qu'il comporte la signature de ceux qui s'obligent.

 

II - Sur le moyen tiré de l'inopposabilité des contrats rédigés en langue anglaise :

C'est à bon droit que le premier juge a estimé que M. X., de nationalité sud-africaine et de langue anglaise, ne saurait utilement invoquer pour échapper à ses obligations, le bénéfice des textes légaux imposant l'usage obligatoire de la langue française sans préciser le grief que lui cause la rédaction du contrat d'inscription en langue anglaise et que sa qualité d'anglophone, le disposant à comprendre le sens et la portée des stipulations contractuelles rédigées dans sa langue maternelle, de façon plus intelligible que dans la version française, il n'est pas fondé à se prévaloir d'un dispositif législatif dont le but est de permettre au consommateur d'avoir une parfaite connaissance de la nature, de l'utilisation, des conditions de garantie des biens et des services qui lui sont proposés.

 

III - Sur le moyen tiré du caractère prétendument abusif de la clause litigieuse :

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat

Aux termes du paragraphe d) de l'annexe visé au 3ème alinéa de l'article précité, peuvent être regardées comme abusives, si elles créent un déséquilibre significatif, les clauses qui ont pour objet ou pour effet :

[minute page 8] « de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui renonce ».

En l'espèce, le contrat de scolarité signé par les parties comporte les dispositions suivantes à la charge du souscripteur (« le répondant financier »).

« Le présent contrat se réfère à l'année 1999/2000 dans son intégralité, en conséquence, en cas de désistement ou cessation de scolarité, qu'elle qu'en soit la cause, les dispositions suivantes sont appliquées : ...............................................................

En cas de départ prévu en cours d'année pour raison professionnelle (mobilité géographique) le répondant financier devra en préciser la date exacte avant l'inscription à l'école qui établira un avenant accompagné de modalités tarifaires spécifiques.

............................................................................................................. ».

En revanche, s'agissant de l'annulation par l'établissement, le contrat précise :

« Conformément aux articles 1152 et 1231 du code civil, si l'établissement n'est plus en mesure de fournir sa prestation en cours d'année scolaire, la résiliation de l'inscription est prononcée et les sommes versées correspondant aux prestations non servies sont remboursées ».

Les dispositions précitées instaurent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et de son annexe, dès lors qu'elles mettent à la charge du souscripteur le coût de l'intégralité des frais de scolarité en cas de départ anticipé de l'élève après son inscription, même si ce départ est lié à un motif légitime de mobilité géographique, alors que, qu'elle que soit la légitimité du motif pour lequel l'établissement ne serait plus en mesure de fournir sa prestation en cours d'année scolaire, aucune indemnité financière équivalente n'est prévue en faveur du souscripteur, [minute page 9] la disposition par laquelle l'établissement s'engage seulement à restituer les sommes correspondantes aux prestations non servies n'étant pas assimilable à une clause pénale, nonobstant la référence abusive du contrat sur ce point aux dispositions de l'article 1152 du code civil.

Il y a lieu en conséquence de réputée non écrite, comme abusive, la clause opposée à M. X. prévoyant que le droit d'inscription reste complètement dû en cas de cessation de scolarité en cours d'année lorsque la date de départ n'a pas été précisée avant l'inscription à l'école.

La scolarité des trois enfants X. s'étant achevée le 30 janvier 2000 et ces derniers s'étant acquittés des frais de scolarité de septembre à décembre, l'école est seulement fondée à leur réclamer le coût de la scolarité du mois de janvier s'élevant, selon les pièces produites à une somme totale de 7.467 Francs soit 1.138,34 €.

Et attendu que les parties ne justifient pas d'un préjudice suffisant caractérisé pour ouvrir droit à dommages et intérêts ; que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

En la forme,

REÇOIT l'appel de M. X.

LE DÉCLARE bien fondé

En conséquence,

REFORME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

[minute page 10] CONDAMNE M. X. à payer en deniers ou quittances à la SARL ÉCOLE PRIVÉE BILINGUE INTERNATIONALE la somme de 7.467 Francs soit 1.138,34 € correspondant aux frais de scolarité du mois de janvier 2000,

REJETTE les demandes en paiement de dommages et intérêts présentées par les parties,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

DIT que les dépens seront supportés par moitié entre les parties qui seront recouvrés par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM et la SCP ARGELLIES TRAVIER WATREMET conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

 

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