CA LYON (1re ch. civ. A), 28 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8748
CA LYON (1re ch. civ. A), 28 janvier 2021 : RG n° 18/06059
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Si dans le corps de leurs écritures, M. et Mme X. soutiennent que la clause relative au taux de change est abusive, aucune prétention à ce titre ne figure dans le dispositif, qui seul saisit la cour. Cependant, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08).
La banque soutient que la prétention de M. et Mme X. se heurte à la prescription quinquennale dès lors que son point de départ se situe à la date de la conclusion du prêt. Toutefois, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que « la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » (CJCE, arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis SA, C-473/00).
Par ailleurs, la demande tendant à ce que soient réputées non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale. Seule cette solution est de nature à assurer une protection effective du consommateur ou du non-professionnel contre l'insertion de clauses abusives dans les contrats qui lui sont proposés.
Il convient en conséquence d'examiner le caractère abusif ou non de la clause litigieuse, étant observé que les parties se sont expliquées sur ce point dans leurs écritures. »
2/ « Cette clause est rédigée comme suit : […] Il ressort de cette stipulation que M. et Mme X., de nationalité suisse, ont souscrit un prêt en francs suisses, remboursable dans cette monnaie.
Le contrat prévoit uniquement une faculté pour les emprunteurs de rembourser en euros au moment du prélèvement et ne permet à la banque d'imposer le paiement en euros que si le compte en devises ne présente pas de provision suffisante pour régler l'échéance.
Ainsi, cette clause, qui définit l'objet principal du contrat, est claire et compréhensible, de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée d'abusive.
En tout état de cause, elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment de M. et Mme X., compte tenu de la monnaie d'emprunt et de remboursement stipulée. Il n'y a donc pas lieu de dire que cette clause est réputée non écrite. »
3/ « Il est constant que la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ne peut pas être prononcée pour sanctionner le formalisme de l'offre de prêt exigé à l'article L. 312-8 du code de la consommation. Par ailleurs, pour que soit prononcée la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, l'emprunteur doit établir que les erreurs qu'il allègue ont entraîné une inexactitude affectant le TEG figurant au contrat d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 28 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/06059. N° Portalis DBVX-V-B7C-L4O4. Décision du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, Au fond du 28 juin 2018, chambre civile, RG n° 17/00071.
APPELANTS :
M. X.
né le [date] à [ville], [adresse], [...]
Mme Y. épouse X.
née le [date] à [ville], [adresse], [...]
représentés par la SELARL P&S AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 176 et pour avocat plaidant Maître Julien M., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE SAINT GENIS/FERNEY
[...], [...], représentée par la SELARL LEGI 01, avocat au barreau de l'AIN
Date de clôture de l'instruction : 25 juin 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 9 décembre 2020
Date de mise à disposition : 28 janvier 2021
Audience présidée par Annick ISOLA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne WYON, président - Françoise CLEMENT, conseiller - Annick ISOLA, conseiller
Arrêt : contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant offre préalable émise le 13 octobre 2010 et acceptée le 26 octobre 2010, M. X. et Mme Y., épouse X., ont souscrit auprès de la société Caisse de Crédit mutuel de Saint-Genis / Ferney (la banque) un prêt immobilier relais n° 206XX501 d'un montant de 105.000 francs suisses (CHF), payable le 5 septembre 2011, au taux nominal de 0,870 % et au taux effectif global (TEG) stipulé de 1,782 % l'an, ainsi qu'un prêt Modulimmo n° 206YY502 d'un montant de 853.000 CHF, remboursable en 300 échéances mensuelles d'un montant de 3.670,80 CHF, au taux variable de 1,55 % et au TEG stipulé de 1,973 % l'an.
Par avenant au prêt Modulimmo du 7 mai 2015, les parties sont convenues de réduire le taux nominal à 1,50 %, le TEG étant annoncé à 1,96 %.
Le 21 décembre 2016, invoquant des erreurs affectant le TEG porté dans l'offre de prêt et celui stipulé dans l'avenant, M. et Mme X. ont assigné la banque devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en annulation de la stipulation des intérêts conventionnels et, à titre subsidiaire, en déchéance du droit aux intérêts.
Par jugement du 28 juin 2018, le tribunal a :
- déclaré prescrites et irrecevables les demandes relatives au prêt immobilier du 26 octobre 2010,
- débouté M. et Mme X. de toutes leurs autres demandes,
- condamné M. et Mme X. à payer à la banque la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
M. et Mme X. ont relevé appel de cette décision le 22 août 2018.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 8 avril 2019, ils demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions ;
En conséquence :
A titre principal,
- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt ;
A titre subsidiaire,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en application de l'article L. 312-33 dernier alinéa (ancien) du code de la consommation ;
En tout état de cause :
- condamner la banque au remboursement de l'excédent d'intérêts indus, à savoir la somme de 234.000 euros (213.000 euros pour le prêt et 3.000 euros pour l'avenant), à parfaire au jour de la décision à intervenir et, il devra être fait application du taux légal à compter du 20 septembre 2016, date de la mise en demeure ;
- fixer le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir ;
- condamner la banque à produire un nouvel échéancier pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- condamner la banque à leur payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté ;
- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la banque à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance, et de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel ;
- condamner la banque aux entiers dépens de l'instance.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 février 2019, la banque demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
« Et statuant à nouveau, »
- dire et juger irrecevable la demande nouvelle formée devant la cour d'appel concernant la nullité de la clause de francs suisses,
- condamner M. et Mme X. à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. et Mme X. aux entiers dépens d'appel.
[*]
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, relatif aux clauses abusives et résultant de la transposition en droit français de la directive 93/13 du Conseil du 5 avril 1993 prévoit, notamment, que :
« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Les clauses abusives sont réputées non écrites. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »
Si dans le corps de leurs écritures, M. et Mme X. soutiennent que la clause relative au taux de change est abusive, aucune prétention à ce titre ne figure dans le dispositif, qui seul saisit la cour.
Cependant, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08).
La banque soutient que la prétention de M. et Mme X. se heurte à la prescription quinquennale dès lors que son point de départ se situe à la date de la conclusion du prêt.
Toutefois, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que « la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » (CJCE, arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis SA, C-473/00).
Par ailleurs, la demande tendant à ce que soient réputées non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
Seule cette solution est de nature à assurer une protection effective du consommateur ou du non-professionnel contre l'insertion de clauses abusives dans les contrats qui lui sont proposés.
Il convient en conséquence d'examiner le caractère abusif ou non de la clause litigieuse, étant observé que les parties se sont expliquées sur ce point dans leurs écritures.
Cette clause est rédigée comme suit : […]
Il ressort de cette stipulation que M. et Mme X., de nationalité suisse, ont souscrit un prêt en francs suisses, remboursable dans cette monnaie.
Le contrat prévoit uniquement une faculté pour les emprunteurs de rembourser en euros au moment du prélèvement et ne permet à la banque d'imposer le paiement en euros que si le compte en devises ne présente pas de provision suffisante pour régler l'échéance.
Ainsi, cette clause, qui définit l'objet principal du contrat, est claire et compréhensible, de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée d'abusive.
En tout état de cause, elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment de M. et Mme X., compte tenu de la monnaie d'emprunt et de remboursement stipulée.
Il n'y a donc pas lieu de dire que cette clause est réputée non écrite.
La banque sollicite la confirmation du jugement qui a déclaré irrecevables les demandes présentées au titre du prêt du 26 octobre 2010.
Le contrat stipule : « taux effectif global (article L. 313-1 et L. 313-2) par an : 1,973 % soit un TEG par mois de 0,164 % ».
Ainsi, le taux de période est bien indiqué dans l'offre de prêt.
Si M. et Mme X. citent abondamment des décisions de justice, ils n'explicitent guère les erreurs qu'ils allèguent.
A supposer qu'ils critiquent le fait que 0,164 x 12 = 1,968 et non 1,973 (étant observé que 1,973/12 = 0,1644166), comme l'a relevé le tribunal, une telle « erreur » était aisément décelable à la lecture de l'acte, ne requérant qu'une opération mathématique de base.
Par ailleurs, s'ils prétendent que le TEG du contrat de prêt était de 1,974 % et non de 1,973 %, ils n'explicitent pas leur calcul et l'erreur ou l'omission qui aurait été commise par la banque.
Toutefois, la banque, qui invoque la prescription, n'établit pas que l'erreur ainsi allégée était décelable à la seule lecture de l'acte, de sorte que les demandes de M. et Mme X. seront déclarées recevables en ce qu'elles concernent le TEG qualifié d'erroné.
La recevabilité des demandes au titre de l'avenant n'est pas contestée.
Il est constant que la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels ne peut pas être prononcée pour sanctionner le formalisme de l'offre de prêt exigé à l'article L. 312-8 du code de la consommation.
Par ailleurs, pour que soit prononcée la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, l'emprunteur doit établir que les erreurs qu'il allègue ont entraîné une inexactitude affectant le TEG figurant au contrat d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce.
En cause d'appel, M. et Mme X. soutiennent que :
- le TEG de l'offre de prêt s'établit à 1,974 % et non à 1,973 %
- le TEG de l'avenant s'établit à 1,92 % et non à 1,96 %.
Ainsi, à les supposer avérées, l'erreur alléguée au titre de l'avenant ne vient pas au détriment des emprunteurs, comme l'a relevé le tribunal, et celle dénoncée au titre du contrat de prêt est inférieure à la décimale.
Il convient en conséquence de rejeter les demandes de M. et Mme X. en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
En l'absence d'erreur affectant le TEG, il convient de dire que la banque n'a manqué à aucune de ses obligations et de débouter M. et Mme X. de leur demande en paiement de dommages-intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrites et irrecevables les demandes relatives au prêt immobilier du 26 octobre 2010 ;
Statuant sur le chef infirmé et y ajoutant,
Dit que l'article 7 du contrat de prêt ne constitue pas une clause abusive ;
Déclare recevables les demandes de M. et Mme X. au titre du contrat de prêt du 26 octobre 2010 mais les rejette ;
Condamne M. et Mme X. aux dépens ;
Rejette la demande de M. et Mme X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamne à payer à ce titre à la société Caisse de Crédit mutuel de Saint-Genis / Ferney la somme globale de 2.500 euros.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5721 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Loi du 17 mars 2014
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 5733 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Effectivité
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
- 6638 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Présentation générale
- 9742 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Monnaie étrangère