CA PARIS (5e ch. sect. B), 12 juin 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 876
CA PARIS (5e ch. sect. B), 12 juin 2003 : RG n° 2002/19722
Publication : Lamyline
Extrait : « Considérant que le contrat de location de matériel de surveillance consenti en l'espèce à la société X. ayant un rapport direct avec son activité professionnelle, l'appelante ne peut, toutefois, pour critiquer une telle clause, se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 (alinéa 1) du Code de la Consommation sur les clauses abusives ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 12 JUIN 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2002/19722.
APPELANT :
SARL SOCIETE X.
[adresse], représentée par la SCP LAGOURGUE, avoué, assistée de Maître CARPENTIER, avocat
INTIMÉE :
Société ADT TELESURVEILLANCE
[adresse], représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué, assistée de Maître GUILLOT, Avocat substituant Maître NIZOU LESAFFRE, avocat
COMPOSITION DE LA COUR : Monsieur MAIN : Président, Monsieur FAUCHER, Monsieur REMENIERAS : Conseillers.
ARRÊT CONTRADICTOIRE.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La cour statue sur l'appel interjeté par la société X. contre le jugement contradictoire rendu le 24 juin 2002 par le tribunal de commerce de PARIS qui :
- a constaté la résiliation du contrat conclu entre cette société et la société PREFI,
- l'a condamnée à payer à cette société, venant aux droits de la société COFILION, la somme de 7.246,64 euros avec intérêts à compter du 28 avril 1999,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis le 28 avril 1999,
- l'a condamnée à payer à la société PREFI la somme de 760 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et l'a, enfin, condamnée aux dépens.
La société PREFI a assigné la société X. afin de voir constater la résiliation du contrat de location qui les liait et afin d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 47.534,85 francs (7.246,64 euros) représentant le montant des loyers impayés ainsi qu'une indemnité représentant le montant de loyers à échoir.
X., qui exploite, à Paris, un Bar-Restaurant, a conclu le 7 avril 1998 avec la société COFILION, représentée par la société FIRENT, un « contrat de location en matériels de télésurveillance », afin d'assurer la protection des locaux où s'exerce son activité.
COFILION s'était, aux termes du contrat, engagée à acquérir le matériel choisi par son cocontractant et à le lui louer pour une durée irrévocable de 48 mois, d'avril 1998 à mars 2002, moyennant le paiement d'un loyer mensuel (HT) de 750 francs. Aux termes de l'article 13 de ce contrat, cet acte pouvait être résilié par le bailleur 8 jours après une mise en demeure restée sans effet, en cas de non paiement d'un loyer à son échéance, l'arrivée du terme constituant à elle seule la mise en demeure. Le locataire était alors tenu de verser au bailleur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation, majorée des indemnités et intérêts de retard ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine, majorée d'une clause pénale de 10 %.
X. n'ayant, après l'installation du matériel commandé, réglé que les loyers d'avril à juin 1998 et d'octobre à décembre 1998, a été mise en demeure par la société FIRENT, par lettre du 28 avril 1999, de régler les loyers impayés et, a été informée de ce qu'à défaut de paiement, la créance du bailleur, représentée par les loyers à échoir ainsi que la clause pénale, soit la somme de 41.787,90 francs, deviendrait alors immédiatement exigible.
Postérieurement à cette mise en demeure, infructueuse, la société COFILION a été absorbée par la société PREFI qui, à son tour, a été absorbée par la société ADT TELESURVEILLANCE.
Vu les dernières écritures, signifiées le 30 janvier 2003, aux termes desquelles la société X., appelante, prie la Cour :
- vu les articles 1116 et 1315 du Code civil, 6 et 9 du nouveau Code de procédure civile,
- de dire le jugement nul car rendu au profit d'une partie qui n'avait ni intérêt ni capacité à agir,
Sur le fond :
A titre principal :
- d'annuler le contrat du 7 avril 1998 pour dol à son préjudice et condamner la société ADT TELESURVEILLANCE à lui restituer toutes sommes perçues depuis le 7 avril 1998, avec intérêts au taux légal depuis cette date et capitalisation,
A titre subsidiaire :
- de constater que ni ADT TELESURVEILLANCE ni les sociétés aux droits desquelles elle se trouve n'ont rapporté la preuve de l'installation des matériels et de leur fonctionnement satisfaisant, et, dès lors, de la déclarer mal fondée en ses demandes de paiement,
- de réformer le jugement de ce chef, et condamner ADT TELESURVEILLANCE à lui restituer toutes sommes perçues depuis le 7 avril 1998, avec intérêts au taux légal depuis cette date et capitalisation.
A titre infiniment subsidiaire :
- dire que l'article 13 du contrat du 7 avril 1998 est en réalité :
* ou une clause abusive qui sera écartée par la Cour comme non opposable à la société X., dès lors que la prestation en cause n'a pas de rapport direct avec son activité principale,
* ou une clause pénale (les loyers postérieurs à la date d'effet de la résiliation sont en réalité des dommages et intérêts) nécessitant que ADT TELESURVEILLANCE justifie d'un principe et d'un montant de préjudice, ce qu'elle ne fait pas.
En conséquence, d'infirmer le jugement de ce chef, et dire n'y avoir lieu à paiement à quelque titre que ce soit postérieurement à la résiliation du contrat,
- de condamner ADT TELESURVEILLANCE à payer à X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.
Vu les uniques écritures, signifiées le 25 février 2003, aux termes desquelles la société ADT TELESURVEILLANCE, intimée, demande à la Cour :
- de débouter la société X. miniature de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions ;
- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
- Condamner la société X. à lui payer la somme de 2.000 euros (DEUX MILLE EUROS) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de la condamner aux dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur l'annulation du jugement :
Considérant que la société PREFI, qui avait initialement fait délivrer l'assignation introductive d'instance, a été absorbée par la société ADT Télésurveillance puis a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 19 février 2002 ; que le conseil de cette société a, dans une note du 12 juin 2002 informé le président du tribunal de commerce de cette situation en lui indiquant, par ailleurs, que la société ADT TELESURVEILLANCE venait aux droits de la société PREFI et reprenait à son compte « l'intégralité des demandes formées dans le cadre de la présente instance par cette dernière » ; que le jugement déféré n'ayant, toutefois, pas pris acte de cette régularisation, la société X. qui a, de son côté, interjeté appel de cette décision « à l'encontre de la société ADT TELESURVEILLANCE ayant absorbé la société PREFI » est ainsi fondée à en demander l'annulation ;
Que dès lors, la Cour annulera le jugement entrepris et statuera sur l'entier litige, conformément à l'article 562 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur la demande principale d'ADT TELESURVEILLANCE :
1°) En ce qui concerne la validité du contrat :
Considérant que pour prétendre que le « contrat est nul pour dol », l'appelante se borne à indiquer que, préalablement à sa conclusion, ses représentants avaient reçu la visite d'un délégué commercial de FIRENT qui avait proposé un « partenariat » consistant à mettre à la disposition de leur établissement, à titre gracieux, un matériel de secours et de le tester avant d'arrêter une décision ;
Considérant, toutefois, qu'X. a accepté de régler le prix de six mois de loyers sans émettre la moindre réserve concernant les conditions dans lesquelles elle avait contracté, et que, de surcroît, elle ne verse aux débats aucun élément de nature à établir un quelconque vice du consentement, tardivement allégué ; qu'il s'ensuit qu'un tel moyen ne peut qu'être rejeté ;
2°) En ce qui concerne l'exécution du contrat :
Considérant qu'en raison de la signature sans réserves le 17 avril 1998 d'un procès verbal de réception du matériel par la gérante d'X., et en raison de l'absence d'expression d'un quelconque grief à ce sujet, la société appelante oppose vainement, désormais, qu'ADT TELESURVEILLANCE n'a jamais communiqué la preuve de l'installation des matériels ni de leur fonctionnement satisfaisant ; qu'un tel moyen, particulièrement inopérant, ne peut qu'être rejeté ;
3°) En ce qui concerne l'application de la clause pénale :
Considérant que l'article 13 (B - Conséquences de la résiliation 2°) du contrat comporte une clause ainsi libellée : « Outre la restitution du matériel, le locataire devra verser au bailleur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée des indemnités et intérêts de retard définis à l'article 15 du présent contrat, ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 % (sans préjudice de tous dommages et intérêts qu'il pourrait devoir). Il devra également rembourser au bailleur les frais éventuellement engagés par lui à l'occasion de la résiliation et de la reprise du matériel. »
Considérant que le contrat de location de matériel de surveillance consenti en l'espèce à la société X. ayant un rapport direct avec son activité professionnelle, l'appelante ne peut, toutefois, pour critiquer une telle clause, se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 (alinéa 1) du Code de la Consommation sur les clauses abusives ; qu'en revanche, cette clause, librement acceptée, mérite, en effet, en ce qu'elle institue une sanction contractuelle de caractère forfaitaire en cas de manquement du locataire à certaines de ses obligations, la qualification de clause pénale au sens de l'article 1152 du Code civil ; qu'à ce titre, et contrairement à ce que soutient X., elle a vocation à s'appliquer sans que le bailleur soit tenu de justifier l'existence d'un quelconque préjudice ;
Et considérant qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de modérer la peine convenue, qui n'est pas manifestement excessive ;
Considérant que la demande en paiement de la somme de 7.246,64 euros initialement présentée par la société PREFI, aux droits de laquelle vient désormais la société ADT TELESURVEILLANCE, étant ainsi fondée, X. sera condamné à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 1999, date de réception de la mise en demeure, et capitalisation de ceux-ci, les conditions fixées par l'article 1154 étant remplies en l'espèce ;
Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande d'allouer à l'intimée une indemnité de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, l'appelante, qui succombe, ne pouvant de son côté qu'être déboutée de sa demande à ce titre ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Annule le jugement entrepris,
Statuant sur le litige en application de l'article 562 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société X. à payer à la société ADT TELESURVEILLANCE, venant aux droits de la société PREFI, la somme de 7.246,64 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 1999 et capitalisation de ceux-ci, dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil, année par année ;
Condamne la société X. à payer à la société ADT TELESURVEILLANCE la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Déboute la société X. de toutes ses demandes,
Condamne la société X. aux dépens de première instance et d'appel et admet la SCP BERNABE CHARDIN CHEVILLER, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5881 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : identité de spécialité
- 5886 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence juridique
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel