CA PARIS (pôle 6 ch. 10), 10 février 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8794
CA PARIS (pôle 6 ch. 10), 10 février 2021 : RG n° 18/11116
Publication : Jurica
Extrait : « Le contrat de travail à durée déterminée du 15 mai 2012 stipulait, dans un paragraphe intitulé « autres dispositions », page 1 : « Conformément aux dispositions de l'article 2254 alinéa 1er du Code civil et sous réserve des dispositions légales ou conventionnelles contraires, en ayant parfaitement conscience de la portée de cet engagement, les parties conviennent de réduire à un an le délai de prescription de toutes les actions de l'initiative de l'une ou l'autre des parties pouvant naître de la conclusion, de l'exécution et de la rupture du présent contrat de travail et de ses avenants futurs ». L'avenant signé par les parties le 1er juillet 2012 prévoyait que l'ensemble des clauses figurant dans le contrat à durée déterminée demeuraient applicables.
Aux termes de l'article 2254 du Code civil, la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix ans. Les parties peuvent également, d'un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de la prescription prévues par la loi.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts. La cour observe, en premier lieu, que l'action en paiement d'une indemnité pour rupture abusive n'est pas une action en paiement de salaire, et que, en conséquence, les parties pouvaient convenir d'une prescription abrégée.
La cour constate, en outre, que Madame X. a signé la page du contrat de travail sur laquelle figurait cette clause, de sorte qu'elle ne peut utilement contester l'avoir acceptée.
La cour relève également que les dispositions des articles 1110 et 1171 du Code civil citées par la salariée, entrées en vigueur le 1er octobre 2016, ne sont pas applicables en l'espèce, et qu'en tout état de cause, le contrat de travail, dont les clauses sont négociables entre les parties, n'est pas un contrat d'adhésion. La cour ajoute, en tant que de besoin, que la clause litigieuse s'applique aux deux parties et il n'est pas démontré qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de la société GSF ARIES et de Madame X. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 6 CHAMBRE 10
ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/11116. N° Portalis 35L7-V-B7C-B6PYD. Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 septembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU – R.G. n° 17/00208.
APPELANTE :
Madame X.
[...], [...], Représentée par Maître Mounir B., avocat au barreau de PARIS, toque : R214
INTIMÉE :
SAS GSF ARIES
[...], [...], Représentée par Maître François M. du PARTNERSHIPS OGLETREE DEAKINS INTERNATIONAL LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : A0788
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence OLLIVIER, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre, Madame Véronique BOST, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 31 août 2020, Madame Florence OLLIVIER, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 27 août 2020.
Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY
ARRÊT : - Contradictoire - mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame X. a été embauchée par la société GSF ARIES suivant un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, à compter du 15 mai 2012, en qualité d'agent de service.
La relation de travail s'est poursuivie à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2012.
Elle a été victime d'un accident du travail le 9 avril 2014, alors qu'elle était au service d'un autre employeur, et, par un avis du médecin du travail du 27 novembre 2015, elle a été déclarée inapte à son poste.
Par lettre du 18 janvier 2016, la société GSF ARIES lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et sollicitant le paiement de diverses indemnités, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau, qui, par jugement prononcé le 5 septembre 2018, a débouté les parties de leurs demandes et mis les dépens à la charge de la salariée.
Madame X. a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 4 octobre 2018.
[*]
Dans ses dernières conclusions, déposées et notifiées par voie électronique, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
* 1.716,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 171,61 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,
* 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens,
- enjoindre à la société de lui remettre les bulletins de paie et les documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
[*]
Dans ses dernières conclusions, déposées et notifiées par voie électronique, la société GSF ARIES demande à la cour de :
- débouter Madame X. de ses demandes,
- la condamner à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Madame X. fait valoir que :
- la clause relative à la prescription figurant dans le contrat de travail est abusive, elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, la salariée ne l'a pas acceptée et le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a jugé que son action était prescrite,
- l'employeur a manqué à son obligation de reclassement.
La société GSF ARIES fait valoir que :
- les demandes indemnitaires de Madame X. sont prescrites,
- elle a respecté son obligation de reclassement.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 octobre 2020 et l'audience de plaidoirie s'est tenue le 10 décembre 2020.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la prescription :
Le contrat de travail à durée déterminée du 15 mai 2012 stipulait, dans un paragraphe intitulé « autres dispositions », page 1 : « Conformément aux dispositions de l'article 2254 alinéa 1er du Code civil et sous réserve des dispositions légales ou conventionnelles contraires, en ayant parfaitement conscience de la portée de cet engagement, les parties conviennent de réduire à un an le délai de prescription de toutes les actions de l'initiative de l'une ou l'autre des parties pouvant naître de la conclusion, de l'exécution et de la rupture du présent contrat de travail et de ses avenants futurs ».
L'avenant signé par les parties le 1er juillet 2012 prévoyait que l'ensemble des clauses figurant dans le contrat à durée déterminée demeuraient applicables.
Aux termes de l'article 2254 du Code civil, la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix ans.
Les parties peuvent également, d'un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de la prescription prévues par la loi.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts.
La cour observe, en premier lieu, que l'action en paiement d'une indemnité pour rupture abusive n'est pas une action en paiement de salaire, et que, en conséquence, les parties pouvaient convenir d'une prescription abrégée.
La cour constate, en outre, que Madame X. a signé la page du contrat de travail sur laquelle figurait cette clause, de sorte qu'elle ne peut utilement contester l'avoir acceptée.
La cour relève également que les dispositions des articles 1110 et 1171 du Code civil citées par la salariée, entrées en vigueur le 1er octobre 2016, ne sont pas applicables en l'espèce, et qu'en tout état de cause, le contrat de travail, dont les clauses sont négociables entre les parties, n'est pas un contrat d'adhésion. La cour ajoute, en tant que de besoin, que la clause litigieuse s'applique aux deux parties et il n'est pas démontré qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de la société GSF ARIES et de Madame X.
La cour retient, en conséquence, que cette clause est valable, et l'action en paiement d'une indemnité pour rupture abusive, entamée le 30 mars 2017 alors que le contrat a été rompu le 18 janvier 2016, est irrecevable.
Le jugement déféré ayant débouté Madame X. de cette demande sera infirmé et l'action sera déclarée irrecevable.
En revanche, l'indemnité de préavis a un caractère de salaire, et les parties ne pouvaient pas déroger aux dispositions de l'article L. 3245-1 du Code du travail prévoyant un délai de prescription de trois ans.
Dès lors, l'action en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis est recevable.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
Lorsque le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse, l'employeur ayant failli à son obligation de reclassement, l'indemnité compensatrice de préavis est due.
En l'espèce, l'avis d'inaptitude du 27 novembre 2015 est rédigé dans les termes suivants : « inapte définitivement au poste de travail actuel en une seule visite pour danger immédiat (article R. 4624-31 du Code du travail). Étude poste faite. »
La société a pris attache avec le médecin du travail à la suite de cet avis, par une lettre datée du 1er décembre 2015, pour solliciter des précisions sur les aptitudes résiduelles de Madame X. et les mesures de reclassement, mutation, transformation de poste ou aménagement du temps de travail.
Le médecin du travail a retourné une fiche mentionnant notamment que Madame X. était apte à occuper un poste impliquant de vider les corbeilles à papiers et les poubelles, avec des charges inférieures à 2kilos, de dépoussiérer les meubles, d'essuyer les bureaux, et retenait que les autres travaux d'un agent de propreté étaient incompatibles avec l'état de santé de Madame X., avec toutefois la possibilité de déplacements à pied fréquents, de montées ou descentes d'escaliers, de porter des charges inférieures à deux kilos, de station debout ou assise prolongée et de déplacements sur plusieurs chantiers dans la journée.
Le médecin du travail a retenu que les autres types d'emploi au niveau du groupe étaient incompatibles avec l'état de santé de Madame X., à l'exception du tri du courrier avec des charges inférieures à deux kilogrammes, du poste de chef d'établissement ou d'un poste fonctionnel de support à la production, sous réserve des compétences de la salariée et sans port de charges supérieures à deux kilos.
Par lettre datée du 1er décembre 2015, la société a demandé à la salariée de lui retourner un questionnaire de reclassement renseigné ; Madame X. a retourné ce questionnaire avec les informations suivantes :
- reclassement dans un périmètre de 10 kms autour de la commune des Ulis,
- refus d'un reclassement en dehors de l'Essonne ou à l'étranger,
- refus d'un changement de mensualisation à la hausse ou à la baisse,
- refus d'un changement de créneau horaire,
- reclassement accepté sur un poste impliquant la conduite de machines nettoyantes auto-portées ou sur un autre poste que celui d'agent de spécialisé de propreté,
- Madame X. n'a pas les compétences nécessaires pour tenir un poste d'assistant administratif d'établissement.
La société GSF ARIES justifie également avoir sollicité un poste de reclassement auprès des sociétés du groupe, en précisant dans sa demande l'avis du médecin du travail, les caractéristiques de l'emploi occupé par Madame X. et ses compétences, étant précisé que la salariée ne justifiait ni de l'obtention d'un diplôme ni du suivi d'une formation qualifiante.
Il ressort ainsi de l'ensemble de ces éléments que la société GSF ARIES établit qu'elle ne disposait pas, en son sein, d'un emploi disponible compatible avec les préconisations de la médecine du travail et les compétences et qualifications de la salariée, et qu'elle a procédé à une recherche personnalisée d'un poste de reclassement au sein des sociétés du groupe.
Il s'en déduit que la société GSF ARIES démontre avoir procédé à une recherche loyale et sérieuse d'un poste de reclassement, que le reclassement de Madame X. était impossible et c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la remise de documents sociaux :
Eu égard aux précédents développements, la demande relative à la remise sous astreinte des bulletins de paie et des documents de fin de contrat est sans objet et le jugement déféré ayant rejeté cette demande sera confirmé.
Sur les frais de procédure :
Madame X., succombant à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame X. de sa demande d'indemnité pour rupture abusive,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande d'indemnité pour rupture abusive comme prescrite,
Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Madame X. aux entiers dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 6063 - Protection contre les clauses abusives en droit du travail - Argument évoqué par la juridiction
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps
- 6390 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs - Obligation essentielle
- 8261 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 -Loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Domaine d'application
- 8396 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Notion de clause abusive – Absence de réciprocité
- 8795 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par clause – Prescription
- 9748 - Protection contre les clauses abusives en droit du travail – Droit commun de l’art. 1171 C. civ.