CASS. COM., 3 février 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8802
CASS. COM., 3 février 2021 : pourvoi n° 19-13015 : arrêt n° 114
Publication : Legifrance
Extrait (motifs de l’arrêt attaqué) : « AUX MOTIFS QUE « Par ailleurs, les dispositions de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliquent que dans les rapports entre professionnels et non professionnels ou consommateurs. Or en l'espèce, le CHUSE, dont le caractère averti a été établi ci-dessus, ne peut pas être qualifié de non professionnel dès lors que les emprunts ont été contractés dans le cadre de son activité professionnelle pour la réalisation de ses investissements. En outre et compte tenu des compétences qu'il a acquises, de ses facultés d'analyse et d'expertise et de ses pouvoirs de négociations vis-à-vis de la banque Dexia, qui n'était pas son seul prêteur, il ne peut être considéré comme étant dans une situation d'infériorité à l'égard de cet organisme bancaire.
En application de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Ce texte ne peut conduire qu'à l'allocation de dommages et intérêts ne peut pas servir de fondement à l'action en nullité entreprise » (arrêt attaqué, p. 16 dernier § à p. 17 § 1). »
Extrait (3e moyen) : « 1°) ALORS QU'en déclarant irrecevable la demande du CHUSE tendant à l'annulation des clauses de remboursement anticipé des prêts litigieux après les avoir examinées au fond pour les juger infondées en ce qu'elles étaient fondées sur leur illicéité au regard de l'ancien article L. 442-6 I 2° du Code de commerce et de l'ancien article L. 132-1 du Code de consommation, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le partenaire commercial peut demander la nullité de la clause par laquelle un commerçant la soumet à un déséquilibre significatif entre leurs droits et obligations ; qu'en jugeant que la victime ne pouvait pas demander la nullité d'une telle clause, la Cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et l'article 6 du Code civil ».
Extrait (arrêt de cassation) : « Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés : 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE
ARRÊT DU 3 FÉVRIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : Q 19-13.015. Arrêt n° 114 F-D.
DEMANDEUR à la cassation : Centre hospitalier Universitaire de Saint-Étienne
DÉFENDEUR à la cassation : Société Dexia crédit local - Société Caisse française de financement local (Caffil)
Président : Mme Mouillard (président). Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge et Hazan.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Le centre hospitalier Universitaire de Saint-Étienne, dont le siège est [adresse], a formé le pourvoi n° Q 19-13.015 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Dexia crédit local, société anonyme, dont le siège est [adresse],
2°/ à la société Caisse française de financement local (Caffil), société anonyme à directoire, dont le siège est [adresse], anciennement dénommée Dexia Municipal Ageney,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Dexia crédit local, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Caisse française de financement local, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 novembre 2018), entre 2007 et 2011, le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne (le CHU) a souscrit sept emprunts auprès de la société Dexia crédit local (la société Dexia).
Se prévalant de l'omission de la mention du taux effectif global ou d'erreurs affectant la mention de ce taux dans les écrits constatant ces contrats de prêt, le CHU a assigné la société Dexia en annulation des stipulations d'intérêts de ces contrats.
La société Caisse française de financement local, filiale de la société Dexia, est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen
3. Le CHU fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à l'annulation des stipulations d'intérêts des contrats de prêt, alors :
« 1°/ qu'un établissement public de santé peut invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui le privent du droit d'accès au juge ou au recours par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 6 et 34 de la Convention ;
2°/ qu'un établissement public de santé peut invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention qui le privent du droit au paiement d'une somme qu'il aurait obtenue dans le cadre d'un contentieux par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention et l'article 34 de la Convention. »
Réponse de la Cour :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Recevabilité du moyen :
4. La société Dexia conteste la recevabilité du moyen, au motif que celui-ci serait inintelligible.
5. Cependant, en dépit de la maladresse de sa rédaction, ce moyen s'entend nécessairement comme soutenant qu'un établissement public de santé peut invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention européenne des droits de l'homme s'il se trouve privé, par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive, du droit d'accès au juge ou au recours, ou au paiement d'une somme qu'il aurait obtenue dans le cadre d'un contentieux, de sorte qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel aurait violé les articles 6 et 34 de la Convention et l'article 1er de son premier Protocole additionnel.
6. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Entrent dans la catégorie, au sens de ce texte, des organisations gouvernementales ne pouvant saisir la Cour européenne des droits de l'homme les personnes morales qui participent à l'exercice de la puissance publique ou qui gèrent un service public sous le strict contrôle des autorités. Pour déterminer si tel est le cas d'une personne morale donnée, autre qu'une collectivité territoriale, il y a lieu de prendre en considération son statut juridique et, le cas échéant, les prérogatives qu'il lui donne, la nature de l'activité qu'elle exerce et le contexte dans lequel s'inscrit celle-ci, et son degré d'indépendance par rapport aux autorités politiques (CEDH, décision du 23 sept. 2003, Radio France et autres c./ France, n° 53984/00 ; CEDH, décision du 13 mars 2008, Compagnie de navigation de la République islamique d'Iran c./ Turquie, n° 40998/98).
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
7. Pour écarter le moyen tiré de l'inconventionnalité de la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014 au regard des stipulations de l'article 6 § 1 de la Convention et de l'article 1er de son premier Protocole additionnel et, en application des dispositions de cette loi, rejeter la demande d'annulation des stipulations d'intérêts litigieuses, l'arrêt retient qu'une personne de droit public participant au service public, telle qu'un établissement public de santé, ne pouvant être considérée comme une organisation non gouvernementale, au sens de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut saisir cette instance, ni invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention ou du premier Protocole additionnel et ce quelle que soit la nature du litige, cette dernière ne modifiant en rien cette qualité.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le CHU, qui participait au service public hospitalier, était placé sous le strict contrôle des autorités au regard de son statut juridique et des prérogatives que celui-ci lui donnait, de la nature de l'activité qu'il exerçait et du contexte dans lequel s'inscrivait celle-ci, et de son degré d'indépendance par rapport aux autorités politiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité des clauses d'intérêt des emprunts MIN253619EUR, n° [...], n° [...], n° [...] et n° [...], en ce qu'il déboute le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne de sa demande tendant à voir prononcer la nullité des clauses d'intérêt des contrats de prêt n° [...] et n° [...] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne les sociétés Dexia crédit local et Caisse française de financement local aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Dexia crédit local et Caisse française de financement local et les condamne à payer au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne la somme globale de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le CHUSE de ses demandes tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts des prêts n° 1 (MIN253619EUR), 2 ([...]), 3 ([...]), 4 ([...]), 5 ([...]), 6 ([...]) et 7 ([...]) ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Selon la loi du 29 juillet 2014, déclarée conforme à la constitution par la décision du Conseil constitutionnel 2014-695 DC du 24 juillet 2014, est valide la stipulation d'intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, en tant que la validité de cette stipulation serait contestée :
- par le moyen tiré du défaut de mention, prescrite en application de l'article L. 313-2 du code de la consommation, du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période, (article 1),
- par le moyen tiré de la mention d'un taux effectif global, d'un taux de période ou d'une durée de période qui ne sont pas déterminés conformément à l'article L. 313-1 du code de la consommation, (article 2),
Dès lors que cet écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant indique de façon conjointe :
1° le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ;
2° la périodicité de ces échéances ;
3° le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.
En l'espèce, les articles des contrats de prêt n° 1 (MIN253619EUR), 2 ([...]), 3 ([...]), 4 ([...]), 5 ([...]), 6 ([...]) et 7 ([...]) et les télécopies de confirmation du 15 juin 2011 et du 12 juillet 2010 ayant précédé ces contrats 5 et 7 indiquent leur montant, leur durée, la périodicité des échéances (trimestrielles ou annuelles), la part correspondant à l'amortissement du capital et au paiement des intérêts, la date des première et dernière échéances, le taux d'intérêt appliqué pendant les trois phases voire pour les contrats le taux effectif global indicatif et le taux de période.
Une personne de droit public participant au service public tel qu'un établissement public de santé ne pouvant être considérée comme une organisation non gouvernementale au sens de l'article 34 de la CEDH, qui dispose que la Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une de ses parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles, ne peut saisir cette instance, ni invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention ou du Protocole additionnel et ce quelle que soit la nature du litige, cette dernière ne modifiant en rien sa qualité.
Il s'ensuit que le moyen tiré de l'inconventionnalité avec les articles 6-1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention est écarté.
Dès lors, et en l'absence de décision de justice passée en force de chose jugée, la loi de validation du 29 juillet 2014 du fait de son intervention rétroactive est applicable aux sept contrats litigieux.
En application des articles 1 et 2 de cette loi, l'absence de mention du taux effectif global ou la mention d'un taux effectif global erroné, à supposer l'erreur établi, n'est pas une cause de nullité de la clause de stipulation d'intérêts figurant dans un contrat de prêt souscrit par un établissement public de santé.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts des contrats n° 1 (MIN253619EUR), 2 ([...]), 3 ([...]), 4 ([...]), 5 ([...]), 6 ([...]) et 7 ([...]) » (arrêt attaqué, p. 11 § 4 à 12 § 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l'article 34 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme dispose :
« La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout type de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'un des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles ».
Attendu qu'il a déjà été jugé :
« Une personne de droit public participant au service public, telle qu'un établissement public de santé, ne pouvant être considérée comme une organisation non gouvernementale, elle ne peut saisir la CEDH. Elle ne peut a fortiori se prévaloir des droits protégés par la Convention.
De surcroît, ne doit être écartée l'application d'une loi de validation que si elle porte une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable et à l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention.
Tel n'est pas le cas d'une loi votée pour un motif impérieux d'intérêt général et dont l'application ne rompt pas le juste équilibre entre les exigences d'intérêt général de la communauté et celles de la sauvegarde des droits fondamentaux d'un individu.
Attend qu'il a été jugé dans un cas transposable, au cas d'espèce : « une commune ne peut ni saisir la Cour Européenne des Droits de l'Homme, ni invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention ou du Protocole additionnel et ce, quelle que soit la nature du litige, cette dernière ne modifiant en rien sa qualité.
En conséquence, et du fait de son application rétroactive, il convient de faire application à l'espèce des dispositions de la loi n° 2014-844 en date du 29 juillet 2014 » ;
Attendu que l'article 1er de ladite loi dispose :
« Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validée la stipulation d'intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, en tant que la validité de cette stipulation serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention, prescrite en application de l'article L. 313-2 du code de la consommation, du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période, dès lors que cet écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant indique de façon conjointe :
1° Le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ;
2° La périodicité de ces échéances ;
3° Le nombre de ces échéances ou la durée du prêt ».
Attendu qu'il n'est pas contestable, qu'en application de l'article 1er de ladite loi, laquelle est applicable en l'absence de décision de justice passée en force de chose jugée, les erreurs telles qu'alléguées par le CHUSE dans les TEG des contrats de prêts référencés 022F, 025F, 026F, savoir 2,21 % au lieu des 2,25 % pour le contrat 022F et 2,04 % au lieu des 2,01 % pour les contrats 025F et 026F, ne sont pas une cause de nullité des clauses de stipulation d'intérêts figurant aux contrats de prêt souscrits ;
Qu'il en est de même pour l'absence de mention de TEG dans les fax de confirmation 024F et 031F, lesquels contiennent les mentions prescrites par ladite loi ;
En conséquence, le tribunal déboutera le CHUSE de ce chef de demande » (jugement, p. 13 § 4 à p. 14 § 3) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU'un établissement public de santé peut invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) qui le privent du droit d'accès au juge ou au recours par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 6 et 34 de la Convention ;
2°) ALORS QU'un établissement public de santé peut invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention qui le privent du droit au paiement d'une somme qu'il aurait obtenue dans le cadre d'un contentieux par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention et l'article 34 de la Convention ;
3°) ALORS QU'un établissement public de santé qui ne bénéficie pas du fonds de soutien des victimes d'emprunts toxiques mis en place par l'Etat peut invoquer la nullité d'une stipulation d'intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de validation n° 2014-844 du 29 juillet 2014 avec un établissement de crédit, en tant que la validité de cette stipulation est contestée par le moyen tiré du défaut de mention, prescrite en application de l'article L. 313-2 du code de la consommation, du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période, ou le caractère erroné de cette mention ; qu'en jugeant que le CHUSE ne pouvait se prévaloir de l'absence ou du caractère erroné des mentions concernant le taux effectif global dans les contrats constatant les prêts litigieux, la Cour d'appel a violé par fausse application les articles 1 et 2 du texte précité.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le CHUSE de ses demandes d'annulation de la stipulation d'intérêt des prêts n° 1 (MIN253619EUR), 2 ([...]), 3 ([...]), 4 ([...]), 5 ([...]), 6 ([...]) et 7 ([...]) ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Le caractère averti d'un établissement public de santé ne se présumant pas, il convient de procéder à une analyse in concreto au jour de la conclusion des contrats litigieux.
Personne morale de droit public, le CHUSE a la qualité d'établissement public de santé, soumis à des règles budgétaires et comptables de droit public particulièrement strictes. Il n'est pas contesté que le conseil d'administration puis le conseil de surveillance du CHUSE était présidé par M. O., maire de Saint-Etienne, puis par M. X., également maire de Saint-Étienne et Docteur ès qualités ès sciences économiques, M. J., directeur général du CHU de 1999 à 2007 était pour sa part titulaire d'une maîtrise d'économie générale et d'un DECS en comptabilité économique.
Il résulte des délibérations du conseil d'administration du CHUSE en date du 21 juin 2002, 24 janvier 2003, 24 septembre 2004 et 5 avril 2005 que :
- « La politique menée par l'établissement en matière d'emprunts depuis 1999 va dans le sens d'une optimisation de la dette afin de contenir les charges financières »,
- « la forte volatilité des marchés financiers conduit à des variations importantes des taux à court terme et à long terme »
- « les principes appliqués pour la gestion de la dette sont les suivants : recours à des produits à taux variable et à des produits à taux fixe bonifié conciliant au mieux les impératifs de sécurité et la recherche d'économie sur les frais financiers, recherche de produits financiers souples permettant des arbitrages en termes de remboursement partiels ou totaux, recours à des produits de couverture des risques de taux, de revolving, de renégociation d'emprunts en fonction des opportunités du marché, mise en concurrence des prêteurs » ;
- « l'encours de la dette au 31/12/2002 s'établit à 81 230 389,96 € dont 20,786 M € d'emprunts à taux variable »,
- « les contrats de couverture [du risque de taux] porteront sur les index de référence communément usités sur les marchés financiers (EONIA, EURIBOR, LIBOR, TAM, TAG, T4M, TME, CMS). Ils seront de type SWAP, CAP, FLOOR, TUNNEL et instruments de marché dérivés des SWAPS et Option de taux »,
- l'encours de la dette au 31 décembre 2004 était de 126.405.522,55 € dont 19,12% (24.162.460 €) à taux variable,
- la réalisation du schéma directeur a conduit le CHU à emprunter entre 2005 et 2007 environ 150 M € pour le financement de son programme d'investissement,
- le conseil d'administration du CHUSE a autorisé son directeur général, par plusieurs fois, à renégocier la dette, à appliquer cette politique de gestion de la dette et à recourir à ces instruments de marché, résilier ou modifier avec ou sans indemnité et couverture de risque de taux.
Il est également justifié et non contesté que le CHUSE a eu recours à de nombreux emprunts depuis près de vingt ans et qu'au 31 décembre 2010, l'état de sa dette était de 297.663.257,02 € répartie entre plusieurs établissements bancaires dont les banques Dexia, Société générale, Crédit foncier de France et Caisse d'Epargne, certains prêts ayant pour objet de re-financer des prêts antérieurs.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le CHUSE, qui développait une politique active de gestion de sa dette y compris en souscrivant des prêts à taux variable et ne pouvait donc pas ignorer l'existence d'un risque, était un emprunteur averti, étant observé de surcroît qu'à compter de 2009 et 2010 il a eu recours aux services du cabinet Riskedge pour le conseiller dans la souscription des emprunts.
Si les contrats de prêts litigieux comportent un aléa à savoir l'application pour la deuxième phase de remboursement d'un taux variable calculé en fonction du taux de variation de change Dollar-Yen japonais (contrats n°1 ou MIN253619EUR, n° 2 ou [...] et n°3 ou [...]), ils ne constituent pas pour autant un contrat spéculatif, ni un produit d'investissement. En effet, par la souscription de ces contrats, le CHUSE n'a pas cherché à s'enrichir mais seulement à financer des investissements réalisés pour partie dans l'intérêt général à des conditions de taux les plus avantageuses possibles. Le caractère spéculatif d'une opération ne peut résulter de la seule exposition du CHUSE à des risques illimités.
Par ailleurs, les mêmes contrats ne constituent pas davantage des contrats d'option dans la mesure où les conditions dans lesquelles sont engagées les parties sont définitivement fixées lors de la conclusion des contrats et ne requièrent aucune manifestation de volonté de la part des parties. Ainsi, si le taux d'intérêt de la deuxième phase de remboursement n'est pas fixé au moment de la signature du contrat, le mode de calcul de ce taux variable est très précisément défini et ne comporte aucune option possible.
Aux termes de l'ancien article 1109, devenu 1130, du code civil, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été surpris par dol.
Le dol est, selon l'ancien article 1116, devenu 1137, du code civil, une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par une partie sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, doit être prouvé et exige, en outre, la preuve de l'intention de nuire.
A cet égard, il sera relevé que la banque Dexia, engagée depuis de nombreuses années auprès du CHUSE n'avait aucun intérêt à provoquer volontairement la « faillite » de ce dernier pour obtenir « des marges considérables », notamment parce qu'il n'aurait plus eu alors la capacité de la rembourser, étant rappelé que la dette du CHUSE à son égard était de 211.559.751,38 € au 31 décembre 2010.
Contrairement à ce qui est allégué par le CHUSE, la substitution de certains contrats à d'autres ne s'analyse pas en du démarchage, tel que défini par l'article L. 341-1 du code monétaire et financier, dans la mesure où il ressort des procès-verbaux susvisés ainsi que des mails et courriers produits que les prises de contacts ou demandes étaient sollicités par celui-ci.
Il n'est pas contestable à la lecture des clauses des contrats des prêts souscrits et des documents remis à l'emprunteur notamment en 2006 puis en 2008, 2009 et 2011, dont les tableaux d'évolution des index (STIRBOR, LIBOR USD, CMS), des cours de change EUR/CHF et USD/JPY, des simulations, courbes de taux, tests de sensibilité en fonction du cours et change EUR/CHF et USD/YEN ou encore CMS ou en fonction du LIBOR USD et des différentes propositions indicatives de refinancement, que les caractéristiques des prêts, le caractère variable et non fixe du taux quelle que soit la dénomination desdits contrats, les modes de calcul du taux d'intérêt variable comme des indemnités de remboursement anticipé n'ont pas été cachés à l'emprunteur. Au demeurant et compte tenu des taux variables retenus, le CHUSE ne peut sérieusement prétendre avoir cru à la fixité des taux plus qu'à une totale sécurité.
En outre, il sera souligné que les différents moyens développés par le CHUSE pour tenter de démontrer les manœuvres ou réticences dolosives concernent pour l'essentiel le contrat n°7 ou [...], alors que pour la souscription de celui-ci il était conseillé par le cabinet Riskedge et ne pouvait donc pas être trompé notamment sur la notion de taux de change instantané ou à terme et le caractère indicatif du taux effectif global.
Enfin la banque n'a pas l'obligation de faire connaître à l'emprunteur le montant de la marge réalisée.
Le moyen tiré de l'existence d'un dol sera donc écarté.
Selon l'ancien article 1110 du code civil, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
L'erreur sur la substance s'entend des qualités essentielles ou circonstances considérées comme essentielles.
Contrairement à ce qu'il soutient, le CHUSE, emprunteur averti et assisté à compter de 2009, à qui toutes les caractéristiques financières des sept prêts, relatives tant aux formules de taux d'intérêt variable qu'aux modalités d'amortissement ou de remboursement anticipé ont été présentées et expliquées, ne peut pas soutenir avoir été trompé sur la portée des engagements et les risques encourus.
Or celui qui a accepté un aléa en connaissance de cause ne peut invoquer ensuite son erreur dont l'existence est exclue par l'aléa » (arrêt attaqué, p. 13 § 4 à p. 15 § 9) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « pour apprécier la demande en nullité fondée sur le vice du consentement pour erreur et pour dol, il importe d'examiner au préalable la nature des contrats souscrits ainsi que le caractère averti ou profane du CHUSE ;
Attendu qu'il a été jugé récemment pour un contrat de prêt structuré indexé sur le cours Euro/France suisse, que « si le contrat de prêt litigieux comporte un aléa, à savoir l'application pour la deuxième et la troisième phase de remboursement, d'un taux variable calculé en fonction du taux de variation de change de l'Euro et du Franc suisse, il ne constitue pas pour autant un contrat spéculatif, ni un produit d'investissement. En effet, par la souscription de ce contrat, la commune n'a pas cherché à s'enrichir mais seulement à s'enrichir mais seulement à re-financer des investissements réalisés dans l'intérêt général à des conditions de taux les plus avantageuses possibles Par ailleurs, les mêmes contrats ne constituent pas davantage des contrats d'option dans la mesure où les conditions dans lesquelles sont engagées les parties sont définitivement fixées lors de la conclusion des contrats et ne requièrent aucune manifestation de volonté de la part des parties. Ainsi, si le taux d'intérêt de la deuxième phase de remboursement n'est pas fixé au moment de la signature du contrat, le mode de calcul de ce taux variable est très précisément défini et ne comporte aucune option possible. » ;
Qu'une décision concomitante de même portée a été rendue pour un prêt structuré indexé sur la différence entre CMS ;
Attendu que s'agissant du caractère averti du CHUSE, il convient de rappeler que doit être considérée comme avertie une personne physique ou morale qui présente les qualités ou les compétences lui permettant d'appréhender la portée exacte des engagements qu'elle souscrit ; que la preuve du caractère averti peut être apportée par tout moyen s'agissant d'un fait juridique, y compris par présomption ;
Que la considération générale des défenderesses selon laquelle le caractère averti du CHUSE résulterait de sa qualité d'établissement public de santé soumis à des règles budgétaires et comptables de droit public particulièrement strictes, n'est pas suffisant pour présumer son caractère averti qui s'apprécie in concreto ;
Qu'il apparaît des éléments du dossier, que le conseil d'administration du CHUSE du 21 juin 2001 a autorisé le Directeur Général à appliquer la politique de gestion de la dette et le recours sur instruments de marché notamment en faisant appel à « des produits à taux variables conciliant sécurité et recherche d'économies sur les frais financiers, d'autant plus que le marché monétaire est fortement volatile » et à « des emprunts dits multi-index, permettant de choisir à chaque échéance, le taux à court terme le plus avantageux » ; il était alors indiqué :
« La réalisation du schéma directeur va conduire le CHU à emprunter sur les cinq prochaines années jusqu'à 900MF pour le financement de son programme d'investissement.
« La forte volatilité des marchés financiers conduit à des variations importantes des taux à court terme et à long terme.
Mais de telles incidences pourraient être limitées si l'établissement avait la possibilité d'intervenir constamment sur le marché financier : en effet, il faut être en mesure de saisir les opportunités qui peuvent se présenter à tout moment sur ce marché.
Il est proposé de recourir aux instruments financiers suivants :
- Les contrats de couverture du risque de taux.
- Les opérations de renégociation des emprunts non couverts ou à taux fixe. » ;
Que le conseil d'administration du CHUSE du 24 septembre 2004 a autorisé le Directeur Général à appliquer la politique de gestion de la dette et de recours sur instruments de marché notamment en faisant appel à
- des produits à taux variable et à des produits à taux bonifié conciliant sécurité et recherche d'économies sur les frais financiers
- des produits de couverture de risques de taux, de revolving, de renégociation d'emprunts, en fonction des opportunités du marché »
A cette occasion, il était rappelé que la dette au 31 décembre 2003 s'était établie à 92.978.677 € dont « 14 % à taux fixe fort, 62 % à taux fixe faible et 24 % à taux variable fort » ;
Qu'il n'est pas rapporté au tribunal qu'au cours de la période entourant la conclusion des contrats de prêts litigieux, le conseil d'administration du CHUSE ou plus récemment son conseil de surveillance, ait ré orienté sa politique de gestion de la dette et de recours aux instruments financiers ;
Qu'il ressort de ces décisions que le CHUSE avait décidé de mettre en place une gestion active de la dette ; que la dette du CHUSE a constamment augmenté au cours des années 2000 pour atteindre 292 millions d'euros en 2012 résultant d'une part d'emprunts affectés au financement de ses investissements et contractés après appels d'offre et d'autre part de nombreux réaménagements d'un certain nombre d'emprunts souscrits, et ce, sur proposition de DEXIA négociée avec la Direction des Affaires Financières du CHUSE nécessairement compétent, à ce niveau important d'engagements financiers, pour comprendre le sens des présentations faites par DEXIA et en apprécier les risques aux fins de satisfaire aux objectifs fixés par les instances dirigeantes du CHUSE ; que ces opérations ont abouti à la conclusion de contrats de prêt structurés dont sept contractés avec DEXIA sont à ce jour en litige, étant toutefois observé que quatre d'entre eux n'ont pas donné lieu à l'activation de la clause d'indexation une fois la phase à taux fixe échue, un a vu son taux se dégrader légèrement et un autre son taux s'améliorer légèrement ; qu'en revanche, le contrat de prêt n° 031F conçu pour réaménager le contrat de prêt n° [...] indexé sur le cours de change Euro/Franc suisse et conclu en 2006 dont le taux d'intérêt présentait déjà une forte dégradation en 2010, a vu son taux d'intérêt se dégrader très fortement avec un pic sur la période connue de 18,95 % à l'échéance du 30 juin 2015 et un retour à 14,88% à l'échéance du 30 juin 2016 ; mais que les pièces versées aux débats font ressortir que le CHUSE, conseillé par le cabinet Riskedge, cabinet de conseil en matière de gestion de risques financiers, a pris une part active dans l'opération de réaménagement dudit prêt 031F en ne choisissant aucune des propositions faites par DEXIA consistant à geler les coupons jusqu'à 4 échéances annuelles, avec la précision que l'indemnité indicative en cas de remboursement du prêt était de 19.100.000 € au 15 avril et de 24.320.000 € au 20 mai 2010 en cas de sortie définitive, mais en cherchant à obtenir du banquier prêteur un réaménagement aux meilleures conditions en matière de barrière et de levier ;
Attendu qu'il s'évince de ces éléments qu'en l'état de son expérience, des informations dont il disposait, des conseils dont il était en mesure d'être entouré, le CHUSE peut être considéré comme averti au moment de la conclusion des contrats litigieux ;
i. sur l'erreur sur la nature des emprunts souscrits
Attendu que l'article 1110 [ancien], 1er alinéa du Code civil dispose :
« L'erreur n'est cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet » ;
Attendu que pour fonder sa demande en nullité des contrats de prêt 022F, 025F, 026F et 031F au motif que le consentement a été vicié pour cause d'erreur, le CHUSE soutient que lesdits contrats doivent revêtir la qualification de produit financier spéculatif et visant plus particulièrement le contrat 031F tout en étendant son affirmation aux autres contrats en litige, qu'il est bien la combinaison d'un emprunt classique et d'une série d'option d'achat sur le franc suisse, vendues à découvert par le CHUSE ; qu'ainsi, le CHUSE n'ayant été animé de la moindre intention spéculative, il en conclut que lesdits emprunts ont été souscrits par erreur ;
Mais attendu que par application de la récente jurisprudence telle que rappelée ci-dessus directement transposable aux contrats en litige, le tribunal dira que lesdits contrats ne constituent ni un produit spéculatif ni un produit d'investissement ;
Qu'il s'ensuit que l'existence d'une erreur ayant vicié le consentement du CHUSE n'est pas établi ;
ii. Sur les manœuvres dolosives
Attendu que l'article 1116 [ancien] du Code civil dispose : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé ».
Attendu que le vice de consentement pour manœuvres dolosives invoqué par le CHUSE doit s'apprécier au regard du caractère averti de ce dernier ;
Attendu que visant le dernier alinéa dudit article, le CHUSE entend « démontrer que la dissimulation du risque spéculatif des emprunts toxiques qui ne fait aucun doute, a été commise sciemment par DEXIA » ;
Mais attendu que le tribunal, faisant application de la récente jurisprudence concernant la nature de contrats de prêts directement transposable aux contrats de prêt en litige telle que rappelée ci-dessus, dira que les moyens exposés par le CHUSE aux fins de démonter l'existence de manœuvres dolosives sont inopérants ;
*Attendu que surabondamment, il sera observé que les moyens exposés par le CHUSE pour démontrer les manœuvres dolosives de DEXIA portent principalement sur le contrat 031F :
- Qu'un premier moyen élargi à certains autres contrats, porte sur l'argument contesté de DEXIA selon lequel les produits « Tofix Dual » seraient sans risque de change ; mais que le CHUSE ne démontre pas en quoi un prêt exprimé en euros et remboursable en euros serait exposé au risque de change sur le capital ; que par ailleurs, il ne peut être valablement soutenu que le CHUSE, emprunteur averti, aurait été trompé en prenant cette absence de risque de change pour une absence de risque lié à l'évolution du taux de change Euro/ Franc suisse et à ses conséquences éventuelles sur la formule d'indexation ;
- Qu'un deuxième moyen non applicable au prêt 031F mais applicable aux prêts 022F et sans doute aux prêts 019F et 027F qui présent le mot « FIX » dans leur intitulé consiste à dénoncer le caractère trompeur de la dénomination « Tofix » pour un emprunt qui n'est pas à taux fixe ; mais qu'il n'est pas contestable qu'à la lecture des documents remis et des clauses des contrats souscrits, le caractère variable du taux et notamment pendant la deuxième phase du prêt, n'a pas été caché aux représentants du CHUSE, emprunteur averti ;
- Qu'un troisième moyen applicable au prêt 031F précisément visé, consiste à alléguer qu'en omettant de prendre en considération, dans le calcul du TEG, la valeur du taux de change à terme du Franc suisse, DEXIA a considérablement minoré la valeur du TEG et masqué le risque réel de cet emprunt ; mais qu'il n'est pas contestable, au vu des pièces versées aux débats, que le CHUSE conseillé par le cabinet Riskedge, a pris une part active dans la mise au point du contrat de prêt 031F, lequel stipule en son article 12 « Taux effectif global » : « A titre d'information, les parties déclarent que le taux effectif global, calculé conformément à la loi susvisée [l'article L. 311-1 du Code de la consommation] et sur la base des derniers index et cours de change publiés à la date d'émission du contrat, est à ce jour de 3,87 % l'an ». » ;
- Qu'un quatrième moyen applicable au prêt 031F consiste à dénoncer le fait que DEXIA utilise le taux de change à terme et non au comptant pour procéder au calcul de l'indemnité de remboursement anticipé ; mais que le CHUSE verse aux débats un rapport du cabinet Riskedge établi en novembre 2012, lequel précise avoir recalculé l'indemnité compensatrice aux conditions du marché du 15 févier 2012 et trouvé une valorisation de 73.818.428 € présentant une différence insignifiante avec celle de 73.855.000 € évaluée par DEXIA ;
- Qu'un cinquième moyen consiste à dénoncer « les marges cachées » prélevées par DEXIA ; mais que pour autant, le CHUSE ne rapporte pas la preuve valable de ses allégations ; que de plus, la banque n'a pas l'obligation de faire connaître à l'emprunteur le montant de la marge réalisée par la société prêteuse ainsi que les éventuelles commissions perçues ;
- Qu'enfin, un sixième moyen consiste à alléguer que DEXIA s'est couvert systématiquement auprès de banques d'investissement européennes et américaines, anticipant une appréciation du Franc suisse par rapport à l'euro, ce qu'elle aurait caché à DEXIA (lire le CHUSE) ; mais qu'au-delà du fait qu'une telle allégation n'est pas prouvée, il ne peut être reproché à DEXIA de ne pas avoir anticipé dès 2006 la crise financière majeure qui a conduit en 2010 à un taux de change Euro/Franc suisse significativement dégradé, mettant en jeu la clause d'indexation et le choix du CHUSE conseillé par le cabinet Riskedge de conclure le contrat 031F réaménageant le contrat MPH256403EUR001 indexé sur le taux de change Euro/Franc suisse déjà dégradé ;
Attendu que les contrats en litige n'étant pas spéculatifs comme exposé ci-dessus et, à titre surabondant, les moyens développés par le CHUSE étant inopérants, il s'ensuit que l'existence de manœuvres dolosives ayant vicié le consentement du CHUSE n'est pas établie ;
En conséquence, l'existence d'une erreur ou de manœuvres dolosives ayant vicié le consentement du CHUSE n'étant pas établie, le tribunal déboutera ce dernier de sa demande de nullité des contrats d'emprunt MIN253619EUR-268060-628061 (022F), [...]/277190 (025F) et [...]/277455 (026F), [...]/290283 (031F) et [...]/0294477 (024F » (jugement, p. 16 § 10 à p. 20 § 3) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE commet un dol le banquier dispensateur de crédit qui n'avise pas l'emprunteur de l'ampleur du risque d'évolution des taux de change dont dépend le taux variable du prêt ; qu'en rejetant la demande de nullité pour dol de la stipulation d'intérêt, après avoir pourtant constaté que l'emprunteur était en réalité exposé à des risques illimités, sans rechercher si la banque avait avisé l'emprunteur de l'ampleur des évolutions possibles des taux de change dont dépendaient les taux variables des prêts litigieux ainsi que du caractère illimité du risque et quand l'emprunteur faisait valoir que les prêts lui avaient été présentés comme sans risque, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°) ALORS QU'en rejetant la demande de nullité pour erreur des stipulations d'intérêt des prêts litigieux, après avoir constaté qu'ils exposaient l'emprunteur à un risque illimité, sans rechercher si ce dernier ne s'était pas mépris sur l'ampleur du risque d'évolution des taux de change dont dépendait le taux variable des prêts, la Cour d'appel a violé les articles 1109 et 1110 du Code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
3°) ALORS QUE l'erreur est une cause de nullité de la convention quand bien même elle ne résulterait pas d'une tromperie de l'autre partie ou d'un tiers ; qu'en rejetant la demande de nullité pour erreur des stipulations d'intérêt des prêts litigieux au motif inopérant que l'emprunteur ne pouvait avoir été trompé sur la portée de ses engagements et les risques encourus, la Cour d'appel a violé les anciens articles 1109 et 1110 du Code civil ;
4°) ALORS QUE le juge, pour motiver sa décision, doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par référence à des causes déjà jugées ; que pour rejeter les demandes de nullité pour dol des stipulations d'intérêt des prêts litigieux, la Cour d'appel a, par motifs adoptés, estimé qu'il fallait faire application de deux jugements récents relatifs à des contrats de prêt structuré, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande du CHUSE tendant à l'annulation des clauses de remboursement anticipé des prêts n° 1 (MIN253619EUR), 2 ([...]), 3 ([...]), 4 ([...]), 5 ([...]), 6 ([...]) et 7 ([...]) ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « Par ailleurs, les dispositions de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliquent que dans les rapports entre professionnels et non professionnels ou consommateurs. Or en l'espèce, le CHUSE, dont le caractère averti a été établi ci-dessus, ne peut pas être qualifié de non professionnel dès lors que les emprunts ont été contractés dans le cadre de son activité professionnelle pour la réalisation de ses investissements. En outre et compte tenu des compétences qu'il a acquises, de ses facultés d'analyse et d'expertise et de ses pouvoirs de négociations vis-à-vis de la banque Dexia, qui n'était pas son seul prêteur, il ne peut être considéré comme étant dans une situation d'infériorité à l'égard de cet organisme bancaire.
En application de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Ce texte ne peut conduire qu'à l'allocation de dommages et intérêts ne peut pas servir de fondement à l'action en nullité entreprise » (arrêt attaqué, p. 16 dernier § à p. 17 § 1) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU'en déclarant irrecevable la demande du CHUSE tendant à l'annulation des clauses de remboursement anticipé des prêts litigieux après les avoir examinées au fond pour les juger infondées en ce qu'elles étaient fondées sur leur illicéité au regard de l'ancien article L. 442-6-I-2° du Code de commerce et de l'ancien article L. 132-1 du Code de consommation, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le partenaire commercial peut demander la nullité de la clause par laquelle un commerçant la soumet à un déséquilibre significatif entre leurs droits et obligations ; qu'en jugeant que la victime ne pouvait pas demander la nullité d'une telle clause, la Cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et l'article 6 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en ne répondant pas au moyen de l'emprunteur selon lequel l'indemnité conventionnelle de remboursement anticipé était nulle car son montant n'était ni déterminé ni déterminable, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
- 5880 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : compétence
- 5886 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence juridique
- 5937 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Prêts
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)