CA PAU (2e ch. sect. 1), 11 mars 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8841
CA PAU (9e ch. 1re sect.), 31 mai 2021 : RG n° 18/00848 ; arrêt n° 21/1070
Publication : Jurica
Extrait : « Mais, il résulte des dispositions de l'article L. 121-22 du code de la consommation que ne sont pas soumises aux dispositions protectrices sur le démarchage à domicile les prestations qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
La notion de « contrat en rapport direct avec l'activité professionnelle », au sens de ce texte, ne doit pas être assimilée avec la notion de « contrat entrant dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité », issue de la loi Hamon du 17 mars 2014 qui a étendu aux professionnels, sous certaines conditions, les dispositions protectrices accordées aux consommateurs et non professionnels. Au sens de l'article L. 121-22 précité, le contrat souscrit pour les besoins de l'activité professionnelle est celui qui est en rapport direct avec l'activité de l'entreprise.
En l'espèce, aux termes du bon de commande, M. X., démarché sur son lieu de travail, a expressément déclaré qu'il souscrivait le bon de commande en qualité de professionnel, que la création du site avait un lien direct avec son activité professionnelle et qu'en conséquence, les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables au bon de commande, avant de revêtir celui-ci du cachet de son entreprise artisanale « Sud-Ouest carrelage ».
Au-delà de son caractère formel, s'agissant d'une déclaration pré-imprimée, cette déclaration est conforme à la réalité de la prestation objet du contrat précisément souscrit en vue d'assurer la communication commerciale de l'entreprise, sa promotion et son développement économique, mettre les clients en relation avec l'entreprise, l'ensemble des prestations numériques tendant exclusivement à satisfaire les besoins de l'activité professionnelle de M. X.
Par conséquent, l'appelante fait valoir à bon droit que M. X. ne pouvait pas exercer le droit de rétractation alors ouvert en matière de démarchage à domicile. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 11 MARS 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/00848. Arrêt n° 21/1070. N° Portalis DBVV-V-B7C-G3EO. Nature affaire : Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution.
ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 Mars 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 21 janvier 2021, devant : Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l'appel des causes,
Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Madame Valérie SALMERON, Président, Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller, Monsieur Marc MAGNON, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTES :
SELARL VINCENT M. es qualité de « Administrateur judiciaire » de la « YADACOM »
prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège [...], [...]
SARL YADACOM
prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège, [...], [...]
Représentées par Maître Christophe J.-L., avocat au barreau de TARBES, Assistées de Maître Aurélie V. L., avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur X. exerçant à titre individuel sous l'enseigne « SUD OUEST CARRELAGES »
de nationalité Française [...], [...], Représenté par Maître Fatima K., avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision en date du 24 MAI 2017 rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES :
Suivant bon de commande du 8 mars 2013, M. X., artisan carreleur, exerçant sous l'enseigne « Sud-Ouest Carrelage », a confié à la société Yadacom (Sarl), la création, ainsi que d'autres prestations annexes, d'un site internet pour son activité professionnelle en contrepartie d'un engagement de location d'une durée de 48 mois moyennant un loyer mensuel de 275,08 euros, outre les frais de création de 390 euros HT.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 mars 2013, M. X. a demandé l'annulation de sa « commande de location de site Web ».
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2013, le conseil de la société Yadacom a contesté cette annulation, et exigé la reprise du paiement des loyers.
Suivant exploit du 23 juillet 2015, la société Yadacom a fait assigner M. X. par devant le tribunal de grande instance de Dax en résiliation du contrat de location et paiement de l'indemnité de résiliation contractuelle.
Par jugement du 29 juin 2016, la société Yadacom a été placée en redressement judiciaire, la selarl Vincent M. étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire, lequel est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement contradictoire du 24 mai 2017, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal, après avoir relevé l'existence d'une location financière conclue avec la société Locam, a :
- constaté l'absence d'intérêt à agir de la société Yadacom
- débouté en conséquence la société Yadacom de ses demandes
- condamné la société Yadacom aux dépens, outre le paiement d'une indemnité de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 16 mars 2018, la société Yadacom, assistée par la Selarl Vincent M. en qualité d'administrateur judiciaire a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 décembre 2020.
* * *
Vu les dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2019 par les appelants qui ont demandé à la cour au visa des articles 1134 du code de procédure civile, de :
- réformer le jugement entrepris
- prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de M. X.
- débouter [M. X.] de ses demandes
- condamner M. X. à lui payer la somme de :
- 13.236,96 euros au titre de l'indemnité de résiliation anticipée
- 1.323,69 euros au titre de la clause pénale
- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
* * *
Vu les dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2018 par l'intimé qui a demandé à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, à titre subsidiaire de :
- dire qu'il a valablement exercé son droit de rétractation dans les délai et forme requis par la loi
- dire que les sommes réclamées ne sont pas exigibles fautes de signature du procès-verbal de conformité du site web tel que contractuellement convenu
- débouter la société Yadacom de ses demandes
- la condamner au paiement d'une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
A titre liminaire, la cour observe que les conclusions de l'intimé ont été prises au nom de la société à responsabilité limitée Sud-Ouest carrelage qui, à supposer qu'elle existe, n'est pas partie au litige ni même au contrat litigieux conclu avec M. X. qui exerce sous l'enseigne « Sud-Ouest carrelage ».
Cette désignation de l'intimé apparaît procéder d'une maladresse rédactionnelle confondant l'exploitant, personne physique, et l'enseigne commerciale.
1 - Sur la qualité à agir de la société Yadacom :
M. X., dont l'analyse a été suivie par le premier juge, fait valoir que le bon de commande du 8 mars 2013 a fait l'objet d'une location financière par laquelle la société Locam a financé la réalisation de la prestation fournie par la société Yadacom. Il en déduit que seule la société Locam, loueur, a qualité pour agir en résiliation du contrat de location.
Mais, il résulte du bon de commande et des actes d'exécution qui l'ont suivi que la société Locam n'a pas financé la prestation commandée par M. X.
En effet, la société Yadacom, professionnel de la communication d'entreprise, s'est engagée à créer un site internet, ainsi que d'autres prestations annexes, en contrepartie d'un engagement de location pendant 48 mois moyennant un loyer mensuel de 275,08 euros, outre les frais de création de 390 euros HT.
Conformément à l'article 16 des conditions générales qui offre au prestataire la faculté de céder le contrat de location à un organisme financier, la société Yadacom a recueilli l'accord de M. X. sur le principe d'une location financière auprès de la société Locam, selon des conditions financières identiques à celles du contrat de location. La cession était subordonnée à l'acceptation de l'opération par l'organisme financier. A défaut le contrat de location se poursuivait avec le prestataire selon les conditions contractuelles définies dans le bon de commande.
Or, la société Locam n'a pas accepté de financer l'opération.
En effet, si les parties ont signé le procès-verbal de conformité pré-imprimé au nom de la société Locam, celle-ci n'a pas accepté de financer l'opération, ce qui se serait traduit par un paiement entre les mains du prestataire et une notification de l'échéancier à M. X.
Au surplus, l'appelante produit un mail de la société Locam attestant qu'elle n'a donné aucune suite à la proposition de location financière transmise par la société Yadacom.
M. X., qui lui-même ne produit aucun élément contraire, n'a jamais, avant sa défense en justice, fait état d'une quelconque intervention de la société Locam, a réglé les frais de création du site à la société Yadacom et notifié à celle-ci sa décision de dénoncer la « commande de location de site web ».
Il s'ensuit [que] le contrat de location conclu avec M. X. n'ayant pas été cédé à la société Locam, la société Yadacom a seule qualité à agir sur le fondement dudit contrat.
Le jugement sera donc infirmé.
2 - Sur le droit de rétractation :
M. X. fait valoir qu'il a régulièrement exercé son droit de rétractation le 12 mars 2013, en application des articles L. 121-33 à L. 121-6 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable aux faits de la cause.
Mais, il résulte des dispositions de l'article L. 121-22 du code de la consommation que ne sont pas soumises aux dispositions protectrices sur le démarchage à domicile les prestations qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
La notion de « contrat en rapport direct avec l'activité professionnelle », au sens de ce texte, ne doit pas être assimilée avec la notion de « contrat entrant dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité », issue de la loi Hamon du 17 mars 2014 qui a étendu aux professionnels, sous certaines conditions, les dispositions protectrices accordées aux consommateurs et non professionnels. Au sens de l'article L. 121-22 précité, le contrat souscrit pour les besoins de l'activité professionnelle est celui qui est en rapport direct avec l'activité de l'entreprise.
En l'espèce, aux termes du bon de commande, M. X., démarché sur son lieu de travail, a expressément déclaré qu'il souscrivait le bon de commande en qualité de professionnel, que la création du site avait un lien direct avec son activité professionnelle et qu'en conséquence, les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables au bon de commande, avant de revêtir celui-ci du cachet de son entreprise artisanale « Sud-Ouest carrelage ».
Au-delà de son caractère formel, s'agissant d'une déclaration pré-imprimée, cette déclaration est conforme à la réalité de la prestation objet du contrat précisément souscrit en vue d'assurer la communication commerciale de l'entreprise, sa promotion et son développement économique, mettre les clients en relation avec l'entreprise, l'ensemble des prestations numériques tendant exclusivement à satisfaire les besoins de l'activité professionnelle de M. X.
Par conséquent, l'appelante fait valoir à bon droit que M. X. ne pouvait pas exercer le droit de rétractation alors ouvert en matière de démarchage à domicile.
3 - Sur l'indemnité de résiliation anticipée :
Il ressort des productions que, postérieurement à la lettre de rétractation, les parties ont poursuivi leurs relations, échangeant des mails le 5 mai 2013 notamment sur la validation de la maquette (pièce 8 appelante).
L'appelante produit également le procès-verbal de livraison et de conformité de la prestation signé le 6 mai 2013 par M. X., sans réserve.
Sont également produits la page d'accueil du site et le rapport de référencement prévu dans la prestation.
M. X. ne dénie pas sa signature apposée sur le procès-verbal de livraison, signature dont l'examen ne permet pas de suspecter l'authenticité en la comparant avec la signature de M. X. figurant sur le bon de commande et la lettre de rétractation.
S'il on peut s'interroger sur une éventuelle signature anticipée du procès-verbal, il reste que la société Yadacom rapporte la preuve qu'elle a fourni la prestation convenue et que M. X. n'allègue, ni a fortiori, ne démontre que la prestation était défectueuse.
Par conséquent, l'appelante est fondée à demander la résiliation du contrat de location, M. X. n'ayant réglé aucun loyer.
Il résulte de l'article 17 des conditions générales que, en cas de résiliation du fait du locataire, celui-ci devra une indemnité de résiliation égale au total des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat tel que prévu à l'origine, majorée d'une clause pénale de 10 %.
L'indemnité de résiliation est donc égale à 48 x 275,08 euros = 13.203,84 euros.
Cependant, s'agissant d'une indemnité en cas de résiliation anticipée dont le montant est équivalent au prix dû en cas d'exécution du contrat jusqu'à son terme, cette clause présente un caractère comminatoire ayant pour objet de contraindre le locataire d'exécuter le contrat jusqu'à cette date, de sorte qu'elle constitue une clause pénale susceptible de faire l'objet d'une modération, même d'office, par le juge, en application de l'article 1152 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Le montant de cette sanction forfaitaire apparaît manifestement excessif alors qu'il tient compte de prestations, notamment de maintenance, que la société Yadacom n'a pas eu à réaliser.
Il convient de réduire son montant à la somme de 5.000 euros, excluant également la majoration de 10 % à titre de clause pénale supplémentaire.
M. X. sera condamné à payer cette somme ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, outre le paiement d'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Yadacom,
PRONONCE la résiliation du contrat de location aux torts de M. X.,
CONDAMNE M. X. à payer à la société Yadacom la somme de 5.000 euros au titre de l'indemnité de résiliation anticipée,
DEBOUTE la société Yadacom du surplus de ses demandes principales,
CONDAMNE M. X. aux dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE M. X. à payer à la société Yadacom une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Valérie SALMERON, Président, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5899 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Développement de l’activité
- 5901 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Promotion de l’activité
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet