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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 8 avril 2021

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 8 avril 2021
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 4
Demande : 18/05460
Décision : 2021/126
Date : 8/04/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/03/2018
Décision antérieure : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 28 octobre 2021
Numéro de la décision : 126
Référence bibliographique : 5705 (L. 212-1, imprescriptibilité), 5730 (appel, demande nouvelle), 6031 (indice, économie du contrat), 5740 (effet de l’élimination, retour au contrat initial)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8876

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 8 avril 2021 : RG n° 18/05460 ; arrêt n° 2021/126 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en n'avait pas eu précédemment connaissance. En matière de devoir d'information et de conseil, le délai de la prescription commence à courir à compter de la réalisation du dommage. »

2/ « D'après le dispositif de leurs ultimes écritures, Monsieur Y. et de Madame X. épouse Y. sollicitent : […] - La déclaration que la clause de conversion est abusive et non-écrite. La prescription n'est pas invoquée par la société Jyske Bank A/S pour cette demande. Au surplus, dans la mesure où cette demande ne s'analyse pas en une demande de nullité de l'acte, elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale et peut être invoquée en tout été de cause. »

3/ « L'article 11 du contrat de prêt qui est intitulé « Variation des taux de change » stipule : Pour le cas où, en fonction de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 5.500.000 couronnes danoises (ci-après « la Limite de facilité couronnes danoises »), la banque serait autorisée, à son entière discrétion, à prendre tout ou partie des mesures suivantes : 11.1 convertir l'endettement en cours en couronnes danoises, au taux de change de la banque en vigueur le jour de la conversion ; 11.2 réaliser ou appeler, immédiatement et comme bon semble à la banque, tout ou partie de la sûreté placée auprès de la banque, et utiliser les montants ainsi obtenus pour compenser en partie l'endettement en cours afin qu'il ne dépasse pas la Limite de la facilité couronnes danoises ; 11.3 demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement en cours d'un montant suffisant pour réduire cet endettement, après sa conversion en couronnes danoises au taux de change de la banque, à un moment qui ne soit pas supérieur à la Limite de la facilité couronnes danoises ; Les droits et pouvoirs mentionnés ci-dessus peuvent être exercés par la banque, sans notification préalable et sans que vous ayez à donner votre consentement, et sont exercés sans préjudice des autres droits de la banque mentionnés dans cette offre de prêt, des documents relatifs à la sûreté ou de la loi, y compris notamment le droit de demander, à tout moment, le remboursement immédiat et intégral de l'endettement en cours. Le taux de change applicable à toute transaction aux termes des présentes sera celui du fixing de la banque à la date de ladite transaction. »

Cet article 11 ne définit pas l'objet principal du contrat, et n'est relatif ni à l'adéquation du prix ou à la rémunération au bien vendu ou au service offert.

Contrairement à ce que soutient la société Jyske Bank A/S dans ses écritures, si les emprunteurs avaient la possibilité de solder le contrat de prêt par anticipation avec paiement d'une pénalité selon l'article 7 du contrat, cette convention ne leur accordait pas la possibilité de convertir eux-mêmes en cours d'exécution leur encours en CHF en une autre monnaie. Cette possibilité n'était pas non plus interdite, et les époux Y. n'ont jamais sollicité la conversion de leur endettement en couronnes danoises. Dès lors, le silence du contrat sur ce point ne permet pas de tirer un quelconque argument en faveur d'un déséquilibre de l'article 11 au bénéfice de la société Jyske Bank A/S.

Les époux Y. affirment que cette clause confère à la banque un avantage excessif par rapport aux emprunteurs dans la mesure où elle la libérerait de son devoir d'information. Mais les appelants n'explicitent pas pourquoi cet article 11 exonérerait la société Jyske Bank de son devoir d'information, qui est général, et qui n'est ni anéanti ni réduit par les termes de ladite clause. Ils expliquent aussi que le risque de change reposait exclusivement sur les emprunteurs, alors que la banque était garantie par l'hypothèque sur le bien immobilier, et qu'en cas de variation du taux de change, seuls les emprunteurs subissaient une augmentation du capital emprunté et des intérêts. Cependant, dans l'hypothèse où la variation du taux de change aurait été inverse, seuls les emprunteurs en bénéficiaient, les intérêts et le capital à rembourser devenant moindres.

Enfin, les époux Y. soutiennent que cette clause n'aurait pas été abusive si elle avait obligé la société Jyske Bank A/S à intervenir lorsque la Limite de facilité couronnes danoises avait été atteinte. Il est certain au regard de la chronologie des faits et du cours des taux de change que si la banque avait eu l'obligation d'intervenir lorsque la Limite de facilité couronnes danoises était atteinte, le risque d'endettement des époux Y. aurait été moindre. Cependant l'absence d'obligation d'intervention de la banque à ladite Limite de facilité couronnes danoises est insuffisante à elle seule à démontrer le caractère abusif dudit article 11.

Néanmoins, cette clause permet à la banque, dès lors que la Limite de facilité couronnes danoises est atteinte, d'opérer quand bon lui semble, par une décision unilatérale, une modification majeure de l'économie du contrat de prêt puisqu'elle a pu en exiger le remboursement anticipé en août 2011 et la conversion du reste de l'encourt en couronnes danoises en janvier 2015. Cette prérogative est un déséquilibre significatif entre les droits et prérogatives de la société Jyske Bank et des époux Y. Dès lors, cet article 11 est abusif et doit être réputé non écrit.

Nonobstant, l'anéantissement de cet article 11 n'empêche pas la poursuite de ce contrat de prêt qui après annulation des opérations du 9 août 2011 et 16 janvier 2015 peut se poursuivre en francs suisses. Le contrat n'est donc pas anéanti de ce chef. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-4

ARRÊT DU 8 AVRIL 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt n° 2021/126. R.G. n° 18/05460. N° Portalis DBVB-V-B7C-BCGAI. ARRÊT AVANT DIRE DROIT. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 14 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/09535.

 

APPELANTS :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par Me Jean-François J. de la SCP J. / W. ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Maître Nicolas B., avocat au barreau de NICE

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Me Jean-François J. de la SCP J. / W. ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Maître Nicolas B., avocat au barreau de NICE

 

INTIMÉE :

Société JYSKE BANK A/S

société de droit danois, prise en la personne de ses représentants légaux dont le siège social sis [...] prise en son établissement principal en France sis [...] représentée par Maître Isabelle F., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Maître Alice A., avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2021 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Président suppléant, et Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Françoise FILLIOUX, Président suppléant, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Laure BOURREL, Président, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 avril 2021.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 8 avril 2021. Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur Y. et son épouse Madame X., de nationalité danoise, sont propriétaires d'un bien immobilier situé à [adresse], d'une valeur estimée en janvier 2006 à 880.000 €.

En vue d'obtenir des liquidités notamment pour effectuer des travaux dans cette demeure, le 29 avril 2006, Monsieur Y. et Madame X. ont reçu une offre de prêt multi-devises datée du 25 avril 2006 de la société Jyske Bank A/S, société de droit danois, qu'ils ont accepté le 25 mai 2006.

L'article 2 stipule que le prêt est d'un montant de 671.500 € ou l'équivalent, à la date du tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais. Il a été tiré en francs suisses le 12 juin 2006, soit 1.040.000 CHF.

Ce prêt ordinaire a été consenti à taux variable égal à Libor + 0,9 points soit à la date de l'offre un taux de 3,5875 %, et un taux effectif global de 3,88 % l'an. Il est d'une durée de 30 ans, dont les 10 premières années en remboursement d'intérêts seulement, et est consenti moyennant une hypothèque de premier rang sur le bien immobilier de Fayence.

L'article 11 de ce contrat prévoit un mécanisme autorisant la banque en cas de variation des taux de change ayant pour effet de porter l'endettement en cours au-dessus du seuil de 5.500.000 couronnes danoises dite « Limite de facilité couronnes danoises », de prendre à son entière discrétion certaines mesures, notamment de convertir l'endettement en cours en couronnes danoises au taux de change de la banque en vigueur au jour de la conversion, de réaliser ou appeler toute ou partie de la sûreté garantissant le remboursement du prêt ou demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement en cours, le taux de change appliqué étant celui du 'fixing' de la banque à la date de la transaction.

L'acte authentique avec affectation hypothécaire a été signé chez le notaire le 10 avril 2007.

À compter de 2009, et surtout en 2011, le taux de change du franc suisse par rapport à la couronne danoise s'est notablement renforcé.

Le 9 août 2011, la société Jyske Bank A/S a demandé le remboursement partiel anticipé de l'emprunt à hauteur de 380.000 CHF, ce qui a été fait. Par le même courrier, confirmé par courrier du 22 septembre 2011, la banque a informé les époux Y. de ce qu'elle mettait en place sur le restant du prêt de 660.000 CHF un « stop-loss » au taux de change 825.

Par courrier du 22 septembre, la société Jyske Bank A/S a précisé que le contrat de prêt était toujours en cours, courrier que M. Y. a contresigné le 24 septembre 2011.

Le 22 janvier 2015, la société Jyske Bank A/S a informé Monsieur Y. qu'elle avait converti la totalité du prêt en couronnes danoises.

À la suite des variations des taux de change et des diverses opérations de vente effectuées par la société Jyske Bank A/S, d'après les appelants, le montant principal du prêt est passé de 671.500 € à 1.221.959 €, soit une augmentation de 82 %.

Par lettre recommandée avec AR de leur conseil du 13 octobre 2015, les époux Y. ont mis en demeure la société Jyske Bank A/S de leur payer la somme de 477.191 € au titre des intérêts et frais de ce prêt « toxique ».

Au motif que la banque a agi de manière fautive, par exploit du 10 décembre 2015, les époux Y. ont assigné la société Jyske Bank A/S en nullité de l'article 11, en résolution du contrat de prêt, et en indemnisation.

La société Jyske Bank A/S a conclu au débouté des demandeurs, et reconventionnellement, a sollicité la condamnation solidaire de Monsieur et Madame Y. en paiement de la somme de 227.557,36 couronnes danoises ou sa contre-valeur en euro au jour du jugement.

Par jugement du 14 mars 2018, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

- déclaré irrecevables comme prescrites les actions en responsabilité et en résolution pour non-conformité de l'acte notarié et défaut de mise en garde,

- rejeté la demande en qualification de clause abusive de l'article 11 du contrat de prêt entre la Jyske Bank A/S et Monsieur Y. et Madame X. épouse Y.,

- déclaré irrecevable la demande en nullité de l'article 11 du prêt,

- rejeté la demande en résolution du contrat de prêt et en dommages et intérêts de Monsieur Y. et Madame X. épouse Y.,

- rejeté la demande en paiement de la Jyske Bank A/S,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Monsieur et Madame Y. ont relevé appel de cette décision par deux déclarations des 26 mars et 9 avril 2018, respectivement procédure n° RG 18/5460 et 18/6189. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du magistrat de la mise en état du 10 septembre 2018.

[*]

Par conclusions du 22 février 2021, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur Y. et Madame X. épouse Y. demandent à la Cour de :

« Vu les dernières conclusions de la banque, l'article 16 du CPC et l'accord des parties,

- Révoquer l'ordonnance de clôture.

Vu l'article 1134 ancien et suivants du Code civil,

Vu l'article 1147 ancien et suivants du Code civil,

Vu l'article 1174 ancien du Code civil,

Vu l'article 1184 ancien du Code civil,

Vu l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation,

Vu l'article L. 312-22 ancien du code de la consommation,

Vu la jurisprudence,

Vu les termes du contrat de prêt,

Vu les faits et les pièces,

Vu le jugement rendu le 14 mars 2018 par le tribunal de grande instance de Draguignan,

- Juger recevables et bien fondés les demandes, moyens, fins et arguments des époux Y.

- Juger que les époux Y. n'ont pas pu prendre connaissance du coût supplémentaire, et donc réel du prêt litigieux de 2006 avant le mois d'août 2011, que leur action judiciaire est donc bien recevable.

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 mars 2018 par le tribunal de grande instance de Draguignan (RG n° 15/09535).

À titre principal :

- Juger que l'utilisation d'une monnaie de paiement étrangère entraîne la nullité du contrat de prêt.

- Juger que la banque danoise Jyske Bank A/S a manqué à son devoir de mise en garde et à son obligation d'information précontractuelle.

- Juger que la banque danoise Jyske Bank A/S a exercé de manière abusive et illégale ses prérogatives contractuelles en demandant un remboursement partiel anticipé.

- Juger que la banque danoise Jyske Bank A/S s'est rendue coupable d'une utilisation abusive de sa prérogative de conversion de la monnaie de compte.

- Juger que la clause de conversion contenue dans la convention de prêt en date du 10 avril 2007 revêt un caractère abusif au regard de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation et qu'elle doit être réputée non écrite.

- Juger que les multiples fautes commises sont d'une gravité suffisante pour justifier la résolution judiciaire du contrat de prêt en date du 10 avril 2007 aux torts exclusifs de la banque danoise Jyske Bank A/S et ce en application de l'article 1184 du Code civil et des dispositions des articles L. 132-1 anciens du code de la consommation et L. 312-22 ancien du code de la consommation.

- Prononcer la résolution judiciaire du contrat de prêt pour faute commise par la banque Jyske Bank en application de l'article 1184 ancien du Code civil.

- Condamner Jyske Bank A/S au paiement à ses frais exclusifs de toutes les conséquences attachées au prononcé de la résolution judiciaire du contrat de prêt dont notamment les frais de publication liée à la radiation de l'hypothèque conventionnelle au Service de la publicité foncière.

À titre subsidiaire :

- Juger que la banque danoise Jyske Bank A/S a manqué à son devoir de mise en garde.

- Juger que le calcul du TEG et le tableau d'amortissement du prêt de la banque Jysque Bank A/S ne sont pas corrects et en violation du droit protecteur français de la consommation au crédit immobilier personnel, et ce par pure application des articles L. 313-1 du code de la consommation et article L. 132-1 ancien du code de la consommation et L. 312-22 ancien du code de la consommation.

- Condamner la banque Jyske Bank A/S au paiement de la somme de 436.913 € au titre de dommages-intérêts pour la perte d'une chance de souscrire à un prêt à de meilleures conditions.

- Juger que la banque danoise Jyske Bank A/S a fait un usage de mauvaise foi de la clause de conversion.

- Condamner la banque danoise Jyske Bank A/S au paiement de la somme de 485.459 € pour usage abusif de la clause de conversion.

- Juger que le calcul du TEG du prêt de la banque danoise A/S est totalement erroné compte tenu de la hausse considérable de l'endettement.

- Juger que le tableau d'amortissement du prêt de 2006 de la banque danoise Jyske Bank A/S est erroné.

- Prononcer la nullité de la clause de stipulation des intérêts et ordonner le remboursement de tous les intérêts, frais et accessoires du prêt de 2006 au profit des époux Y.

En tout état de cause :

- Condamner la banque danoise Jyske Bank A/S au paiement de la somme de 100.000 € au titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi.

J- uger que lesdites sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement (sic) à intervenir.

- Condamner la banque danoise Jysque Bank A/S à payer la somme de 7.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir, ainsi qu'aux entiers dépens sous la due affirmation de droit de Maître J., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, et ce sera justice rendue ! »

[*]

Par conclusions du 19 février 2021, qui sont tenues pour entièrement reprises, la société Jyske Bank A/S demande à la Cour de :

« Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil, L. 312-8 du code de la consommation,

Vu les termes du contrat de prêt en date du 25 mai 2006,

À titre liminaire :

- Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 26 janvier 2021.

Sur l'appel formé par Monsieur et Madame Y. :

- Déclarer mal fondés Monsieur et Madame Y. en leur appel.

En conséquence,

- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 14 mars 2018 en ce qu'il a déclaré toutes les demandes de Monsieur et Madame Y. irrecevables ou mal fondées.

- Condamner les époux Y. à payer à Jyske bank A/S la somme de 20'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. »

[*]

Par ordonnance du 23 février 2021, le magistrat de la mise en état a révoqué l'ordonnance de clôture du 26 janvier 2021, et a clôturé à nouveau l'instruction de l'affaire.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

Ayant été satisfait à la requête des parties de révocation de l'ordonnance de clôture avant l'ouverture des débats, leur demande est devenue sans objet.

 

Sur la prescription :

Par application des dispositions de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et de l'article L. 110-4 du code de commerce, le délai de prescription applicable à l'action de Monsieur et Madame Y. était de 10 ans jusqu'au 18 juin 2008, et à compter du 19 juin 2008 de cinq ans.

Il résulte de l'article 2224 issu de la loi du 17 juin 2008, que le point de départ de la prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Cette disposition ne fait que reprendre la jurisprudence antérieure quant au point de départ de la prescription.

La prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en n'avait pas eu précédemment connaissance. En matière de devoir d'information et de conseil, le délai de la prescription commence à courir à compter de la réalisation du dommage.

Dans la présente instance, le contrat de prêt a été accepté le 25 mai 2006 par les époux Y., le prêt a été libéré en francs suisses le 12 juin 2006, le premier remboursement anticipé à l'initiative de la société Jyske Bank A/S est en date du 9 août 2011, la seconde conversion par la banque en date du 16 janvier 2015, et l'acte introductif d'instance a été délivré le 10 décembre 2015.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la prescription des demandes abandonnées en appel par les époux Y., même si elles sont développées par la société Jyske bank A/S dans ses écritures.

D'après le dispositif de leurs ultimes écritures, Monsieur Y. et de Madame X. épouse Y. sollicitent :

- La nullité du prêt pour utilisation d'une monnaie étrangère.

Cette utilisation étant prévue dès la signature du contrat le 25 mai 2006 dans son article 2, et le prêt ayant été tiré le 12 juin 2006 en francs suisses, cette demande de nullité pour laquelle le délai de prescription a toujours été de 5 ans avant et après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, est prescrite le 12 juin 2011. Le fait que trimestriellement, les roll-overs donnaient aux époux Y. une information sur le déroulement de leur prêt dans une monnaie étrangère n'est pas interruptif de la prescription puisqu'ils ont eu connaissance dès juin 2006 qu'il était en francs suisses.

Il est vain d'invoquer pour contrer la prescription que cette demande serait recevable en appel en application des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile au motif qu'elle tendrait à la même demande d'anéantissement du contrat présentée en première instance dans la mesure où il s'agit d'une action en nullité et non d'une exception de nullité, et que la prescription acquise ne peut pas revivre, même lorsque la nullité du contrat est invoqué en défense, lorsque le contrat a reçu exécution.

- La résolution du contrat de prêt, et subsidiairement le paiement de dommages et intérêts, pour manquement au devoir de mise en garde et d'information de la banque, pour usage abusif de sa prérogative de conversion et de remboursement anticipé.

Le dommage, soit l'augmentation inconsidérée du capital à rembourser du fait de la variation désavantageuse des taux de change CHF/€ et CHF/DKK, est apparu aux époux Y. à l'occasion du remboursement partiel du 9 août 2011. Dès lors, ces demandes déjà présentées en première instance, ne sont pas prescrites.

- La déclaration que la clause de conversion est abusive et non-écrite.

La prescription n'est pas invoquée par la société Jyske Bank A/S pour cette demande. Au surplus, dans la mesure où cette demande ne s'analyse pas en une demande de nullité de l'acte, elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale et peut être invoquée en tout été de cause.

- La nullité de la clause de stipulation des intérêts au motif d'un TEG erroné.

La société Jyske Bank A/S n'invoque pas la prescription pour cette prétention.

En conséquence, est seule prescrite la demande des époux Y. de nullité du contrat de prêt pour utilisation d'une monnaie étrangère.

 

Sur l'irrecevabilité de certaines demandes comme nouvelles en appel :

L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile édicte que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La société Jyske Bank A/S n'a pas repris dans son dispositif les exceptions qu'elle a développées dans ses motifs, d'irrecevabilité de différentes demandes des époux Y. pour être nouvelles en appel. Il n'y a donc lieu de statuer sur ce point.

 

Sur la résolution du contrat :

Sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, les époux Y. demandent la résolution du contrat en invoquant le manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde, la classification de l'article 11 du contrat en clause abusive et donc non écrite, et la gravité des fautes commises par la société Jyske Bank dans l'exécution du contrat.

Par application des dispositions de l'article 1147 du code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, les manquements de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde, à les supposer établis, ne peuvent conduire qu'à l'octroi de dommages et intérêts. Il n'y a donc lieu d'examiner ces griefs à l'appui de la demande de résolution du contrat, lesquels seront apprécier ci-dessous.

 

1. La clause abusive

L'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en 2006 énonce :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

....

En cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve du caractère abusif de cette clause.

....

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »

L'article 11 du contrat de prêt qui est intitulé « Variation des taux de change » stipule :

Pour le cas où, en fonction de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 5.500.000 couronnes danoises (ci-après « la Limite de facilité couronnes danoises »), la banque serait autorisée, à son entière discrétion, à prendre tout ou partie des mesures suivantes :

11.1 convertir l'endettement en cours en couronnes danoises, au taux de change de la banque en vigueur le jour de la conversion ;

11.2 réaliser ou appeler, immédiatement et comme bon semble à la banque, tout ou partie de la sûreté placée auprès de la banque, et utiliser les montants ainsi obtenus pour compenser en partie l'endettement en cours afin qu'il ne dépasse pas la Limite de la facilité couronnes danoises ;

11.3 demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement en cours d'un montant suffisant pour réduire cet endettement, après sa conversion en couronnes danoises au taux de change de la banque, à un moment qui ne soit pas supérieur à la Limite de la facilité couronnes danoises ;

Les droits et pouvoirs mentionnés ci-dessus peuvent être exercés par la banque, sans notification préalable et sans que vous ayez à donner votre consentement, et sont exercés sans préjudice des autres droits de la banque mentionnés dans cette offre de prêt, des documents relatifs à la sûreté ou de la loi, y compris notamment le droit de demander, à tout moment, le remboursement immédiat et intégral de l'endettement en cours.

Le taux de change applicable à toute transaction aux termes des présentes sera celui du fixing de la banque à la date de ladite transaction.

Cet article 11 ne définit pas l'objet principal du contrat, et n'est relatif ni à l'adéquation du prix ou à la rémunération au bien vendu ou au service offert.

Contrairement à ce que soutient la société Jyske Bank A/S dans ses écritures, si les emprunteurs avaient la possibilité de solder le contrat de prêt par anticipation avec paiement d'une pénalité selon l'article 7 du contrat, cette convention ne leur accordait pas la possibilité de convertir eux-mêmes en cours d'exécution leur encours en CHF en une autre monnaie. Cette possibilité n'était pas non plus interdite, et les époux Y. n'ont jamais sollicité la conversion de leur endettement en couronnes danoises.

Dès lors, le silence du contrat sur ce point ne permet pas de tirer un quelconque argument en faveur d'un déséquilibre de l'article 11 au bénéfice de la société Jyske Bank A/S.

Les époux Y. affirment que cette clause confère à la banque un avantage excessif par rapport aux emprunteurs dans la mesure où elle la libérerait de son devoir d'information. Mais les appelants n'explicitent pas pourquoi cet article 11 exonérerait la société Jyske Bank de son devoir d'information, qui est général, et qui n'est ni anéanti ni réduit par les termes de ladite clause.

Ils expliquent aussi que le risque de change reposait exclusivement sur les emprunteurs, alors que la banque était garantie par l'hypothèque sur le bien immobilier, et qu'en cas de variation du taux de change, seuls les emprunteurs subissaient une augmentation du capital emprunté et des intérêts.

Cependant, dans l'hypothèse où la variation du taux de change aurait été inverse, seuls les emprunteurs en bénéficiaient, les intérêts et le capital à rembourser devenant moindres.

Enfin, les époux Y. soutiennent que cette clause n'aurait pas été abusive si elle avait obligé la société Jyske Bank A/S à intervenir lorsque la Limite de facilité couronnes danoises avait été atteinte.

Il est certain au regard de la chronologie des faits et du cours des taux de change que si la banque avait eu l'obligation d'intervenir lorsque la Limite de facilité couronnes danoises était atteinte, le risque d'endettement des époux Y. aurait été moindre. Cependant l'absence d'obligation d'intervention de la banque à ladite Limite de facilité couronnes danoises est insuffisante à elle seule à démontrer le caractère abusif dudit article 11.

Néanmoins, cette clause permet à la banque, dès lors que la Limite de facilité couronnes danoises est atteinte, d'opérer quand bon lui semble, par une décision unilatérale, une modification majeure de l'économie du contrat de prêt puisqu'elle a pu en exiger le remboursement anticipé en août 2011 et la conversion du reste de l'encourt en couronnes danoises en janvier 2015. Cette prérogative est un déséquilibre significatif entre les droits et prérogatives de la société Jyske Bank et des époux Y.

Dès lors, cet article 11 est abusif et doit être réputé non écrit.

Nonobstant, l'anéantissement de cet article 11 n'empêche pas la poursuite de ce contrat de prêt qui après annulation des opérations du 9 août 2011 et 16 janvier 2015 peut se poursuivre en francs suisses.

Le contrat n'est donc pas anéanti de ce chef.

 

2. Absence de loyauté

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. L'alinéa 3 de cet article ajoute qu'elles doivent être exécutées de bonne foi.

Monsieur et Madame Y. invoquent toujours dans les motifs de leurs conclusions les irrégularités contenues dans l'acte de prêt authentique du 10 avril 2007. Mais cette demande a été déclarée prescrite par le premier juge, et n'est pas reprise dans le dispositif des parties. Il est donc vain dans discuter à nouveau.

Monsieur et Madame Y. soutiennent que la société Jyske Bank aurait abusé de ses prérogatives découlant de l'article 11 du contrat de prêt pour en solliciter la résolution. Nonobstant que cette clause soit déclarée abusive et donc non écrite, la loyauté de la banque dans l'exécution du prêt peut être appréciée au regard de l'usage qu'elle a faite de cette prérogative exorbitante.

Il suit de l'article 11 du contrat de prêt qui a été repris in extenso ci-dessus qu'en imposant le 9 août 2011 le remboursement partiel du capital, et le 22 janvier 2015, la conversion du prêt en couronnes danoises, la société Jyske Bank n'a fait qu'utiliser les prérogatives que les époux Y. lui ont consenties contractuellement.

Les appelants invoquent toutefois que la société Jyske Bank A/S a alourdi leur endettement en ne respectant pas la Limite de facilité couronnes danoises, c'est à dire qu'elle n'aurait pas exécuté le contrat de bonne foi.

Ils expliquent qu'eu égard au taux de change DDK/€ en avril 2006, eu égard à la Limite de facilité couronne danoises, ils pouvaient prévoir un endettement supplémentaire de 65.500 €.

En avril 2006, le taux de change DKK/Euro était de 0,13403. La Limite de facilité couronne danoise de 5.500.000 DKK était donc de 737 169 €. Le capital emprunté étant de 671 500 €, la différence était à la hausse de 65 665 €.

Cependant, cette Limite était celle à laquelle la banque pouvait intervenir en toute discrétion. La somme de 65.665 € n'était donc pas l'endettement maximum à laquelle les époux Y. pouvaient s'attendre comme ils l'affirment de façon erronée.

Certes la banque n'avait pas d'obligation d'intervenir lorsque cet endettement était atteint. Néanmoins, cette disposition était prévue de façon à ce que la banque puisse minimiser les risques d'endettement de l'emprunteur.

Le 9 août 2011, lors du rachat partiel de 380.000 CHF, l'endettement restant était de 660.000 CHF.

Les époux Y. précisent qu'avant cette opération de rachat, leur endettement était alors de 7.061.080 DKK, soit 987.480 €, ce que ne conteste pas la société Jyske A/S.

La banque a donc attendu que l'endettement soit supérieur de 1.561.000 DKK, ou de 28,38 %, par rapport à la Limite de facilité couronnes danoises avant d'intervenir, ce qui a augmenté significativement l'endettement des époux Y.

En ce qui concerne le remboursement anticipé du solde de 660.000 CHF en janvier 2015, eu égard aux accords des parties résultant des courriers des 9 août, 11 août et 22 septembre 2011, le top loss était au taux de change de 825, en plus ou en moins, et maintien de la Limite de facilité couronnes danoises à 5.500.000 DKK.

Le 16 janvier 2015, la société Jyske Bank A/S a effectué la conversion du prêt en couronnes danoises alors que le taux de change était à 825,50, et les 660.000 CHF ont permis d'acheter 5.450.742 DKK.

La banque n'a pas exécuté de mauvaise foi et abusivement le contrat de prêt à l'occasion de cette opération de rachat puisqu'elle a mis en œuvre cette clause conformément à l'accord contractuel des parties.

Ne peut donc être retenu contre la société Jyske Bank A/S d'avoir tardé et ainsi d'avoir fait prendre un risque excessif d'endettement aux époux Y. à l'occasion de l'opération du 9 août 2011. Dans la mesure où les époux Y. n'ont pas été prévenus de l'augmentation excessive de leur endettement au regard de l'évolution du taux de change depuis 2009, et plus particulièrement depuis début 2011, on peut retenir que la banque n'a pas exécuté le contrat de bonne foi.

Cependant, dès lors que M. Y. et Mme Y. n'ont pas contesté cette opération du 11 août 2011, et que M. Y. a accepté par l'apposition de son paraphe le 12 août et le 15 août sur le courrier du 11 août 2011, et le 24 septembre 2011 sur le courrier du 22 septembre 20011, ledit rachat, les propositions de la société Jyske Bank A/S de la mise en place d'un top-loss au taux de 825 et la continuation du contrat pour 660.000 CHF, l'attitude de la banque n'est pas d'une gravité telle qu'elle justifierait la résolution du contrat de prêt.

M et Mme Y. sont déboutés de leur demande de résolution du contrat pour absence de loyauté.

Le préjudice subi par les époux Y. ensuite de cette absence de loyauté dans l'exécution du contrat est la perte de chance de subir une augmentation moins importante de leur endettement à l'occasion de l'opération de remboursement anticipé du 9 août 2011.

Mais dans la mesure où la décision de déclarer non écrit l'article 11 en vertu duquel cette opération a été effectuée, est de nature à entraîner la remise en état des parties, et la poursuite du contrat en francs suisses, le préjudice financier n'est pas celui explicité par les appelants.

Les parties n'ayant pas conclu sur les conséquences de l'anéantissement de l'article 11 du contrat, de la poursuite du contrat en franc suisses, et de leurs différents préjudices financiers subséquents, dans le respect du principe de la contradiction, les débats seront rouverts afin qu'elles s'expliquent sur ces points.

Afin de pouvoir apprécier le préjudice des époux Y., il sera notamment demandé à la société Jyske Bank A/S de recalculer le déroulement du prêt après l'anéantissement de l'opération de rachat du 9 juin 20011 et de l'opération de conversion du 16 janvier 2015.

 

Sur l'obligation d'information et de mise en garde de la banque :

1. Le banquier a une obligation d'information à l'égard de l'emprunteur, c'est-à-dire l'obligation de lui donner tous les éléments lui permettant de s'engager en toute connaissance de cause, qu'il soit averti ou non averti.

Le prêt dont il s'agit est risqué puisqu'il comporte deux aléas importants, un taux de change variable égal à Libor + 0,9 points, et le taux de change par définition variable entre le franc suisse et la couronne danoise. Cette variable du taux de change a pour effet non seulement d'augmenter les intérêts mais surtout d'augmenter le capital emprunté.

Dans la présente instance, la société Jyske Bank A/S sur laquelle repose la charge de démontrer qu'elle a satisfait à cette obligation, ne produit aucun document d'information appelant particulièrement l'attention des emprunteurs sur le danger que représente ce prêt, ou à tout le moins expliquant le fonctionnement de ce prêt.

Il n'est produit que le contrat de prêt par les appelants.

Dans l'offre de prêt du 26 avril 2006, l'article 11 intitulé « Variation des taux de change » déjà énoncé ci-dessus, stipule : Pour le cas où, en fonction de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 5.500.000 couronnes danoises, la banque serait autorisée à son entière discrétion apprendre tout ou partie des mesures suivantes :

Cet intitulé et cette phrase ne permettent pas d'attirer l'attention des souscripteurs sur la particularité et le danger de ce prêt.

La société Jyske Bank A/S échoue ainsi à démontrer qu'elle a satisfait à son obligation d'information.

Par contre, le banquier n'étant pas assureur, il ne peut être retenu aucun grief à l'encontre de la société Jyske Bank A/S pour ne pas avoir proposé une assurance à M. et Mme Y.

2. Il repose aussi sur le banquier une obligation de mise en garde lorsque l'emprunteur est une personne non avertie et lorsque l'octroi du prêt lui fait courir un risque d'endettement excessif. C'est au banquier de démontrer que l'emprunteur est averti et/ou qu'il n'y a pas de risque d'endettement excessif.

La société Jyske Bank A/S soutient qu'elle n'avait pas à satisfaire à cette obligation dans la mesure où Monsieur Y. et Madame X.-P. étaient des emprunteurs avertis.

Elle explique que Monsieur Y. était directeur de plusieurs sociétés danoises dans le domaine des biotechnologies et qu'il était donc un homme d'affaires averti. À l'appui de ses allégations, la banque produit une note interne à ses services qui de façon surprenante est datée du 11 mai 2016. Outre que son déchiffrage est difficile compte tenu des codes de travail utilisés, elle n'est pas validée par Monsieur Y. Elle est ainsi dénuée de toute force probante.

Pour sa part Monsieur Y. qui se présente comme ayant été chimiste bio organique, reconnaît avoir dirigé 'accessoirement' sa société, mais conteste avoir été le dirigeant de plusieurs sociétés.

Ces seuls éléments ne permettent pas de retenir que Monsieur Y. avait des compétences particulières en matière de commerce international, et encore moins qu'il avait des compétences suffisantes en matière financière pour appréhender le mécanisme complexe de ce prêt.

Madame X.-Y. était dentiste, sans autre précision sur ses activités, ou sur les compétences qu'elle a pu acquérir au cours de sa vie professionnelle.

Monsieur et Madame Y. doivent en conséquence être considérés comme des emprunteurs non avertis.

En ce qui concerne l'absence de risque d'endettement excessif, la société Jyske Bank ne produit que la note interne de ses services déjà évoquée. Il n'est donc fourni aucun élément sur les revenus, le patrimoine, et les charges des époux Y. Ceux-ci ne produisent aucun élément d'ordre patrimonial.

Néanmoins, à la date d'acceptation de l'offre de prêt, Monsieur Y. était âgé de 64 ans comme né le 2 mai 1942, et Madame X.-Y. de presque 65 ans comme née le 26 juin 1941. Or ce prêt est conclu pour 30 ans, ce qui démontre qu'il n'était pas adapté à la situation des époux Y. au regard de l'espérance de vie de l'homme et de la femme.

De plus, le bien immeuble sur lequel a été prise une hypothèque de 1er rang, est estimé en 2006 à 880.000 €, alors que le prêt stipule à l'article 4 qu'à la date de l'offre, le coût total du prêt est de 1.182.231 €.

En cas d'impossibilité d'assurer le paiement des trimestrialités, l'endettement pouvait ainsi conduire à la perte de la résidence des époux Y., ce qui est équipollent à un endettement excessif.

La société Jyske Bank A/S avait une obligation de mise en garde à l'égard de Monsieur et Madame Y. Or la banque ne démontre pas avoir satisfait à cette obligation.

3.Comme il a déjà été indiqué, par application des dispositions de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce, le non-respect de ses obligations d'information et de mise en garde par la banque se résout par l'octroi de dommages-intérêts.

Le préjudice subi est la perte de chances de ne pas contracter ce prêt.

Le niveau d'instruction respectifs de Monsieur et Madame Y. leur permettait d'appréhender l'incongruité de ce prêt souscrit pour 30 ans alors qu'ils étaient respectivement âgés de 64 et 65 ans. Eu égard aux éléments précédemment examinés, et notamment l'accord de M. Y. aux conditions dictées par la banque après le 9 août 2001, le taux de perte de chance de ne pas contracter est fixé à 10 % de l'augmentation du capital.

Celui-ci devant être recalculé ensuite de la décision ayant déclaré abusif et donc non écrit l'article 11 du contrat, l'évaluation de ce préjudice est réservé.

 

Sur la nullité de la clause de stipulation des intérêts :

Les époux Y. sollicitent dans le dispositif de leurs écritures la nullité de la clause de stipulation des intérêts au motif que le calcul du TEG serait erroné compte tenu de la hausse considérable de l'endettement et en conséquence que le tableau d'amortissement serait aussi erroné.

Cependant, d'une part, l'erreur du TEG s'apprécie au moment de la conclusion du prêt, et non au regard de l'exécution de celui-ci.

D'autre part, par application des dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, l'erreur du TEG doit être supérieure à une décimale.

M. et Mme Y. n'ont effectué aucune démonstration mathématique pour attester d'une erreur du TEG supérieure à la décimale.

Enfin, au regard des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 312-33 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce, la sanction de l'erreur du TEG est la possibilité de la déchéance du prêteur du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Les époux Y. ne peuvent donc prétendre à la nullité de la clause de stipulation des intérêts.

 

Sur le préjudice moral :

M. et Mme Y. sollicitent la somme de 100.000 € au titre de leur préjudice moral, expliquant qu'ils vivent une situation personnelle très difficile à vivre du fait de la charge de ce prêt.

Le défaut de loyauté de la banque à leur égard sera indemnisé par ailleurs. Néanmoins, les époux Y. subissent un préjudice moral du fait de ce contrat et de cette procédure qui dépasse les affres habituelles d'un litige avec son banquier. Ce préjudice est indemnisé par l'allocation de la somme de 10.000 €.

 

Sur les autres demandes :

Compte tenu de la réouverture des débats, les demandes d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens sont réservés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

Déclare prescrite l'action de M. Y. et de Mme X. épouse Y. en nullité du contrat pour utilisation d'une monnaie étrangère dans un contrat de prêt,

Déboute la société Jyske Bank A/S de ses autres exceptions pour prescription,

Dit que la société Jyske Bank A/S a failli à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de prêt à l'occasion de l'opération de rachat du 9 août 2011,

Dit que l'article 11 du contrat de prêt est une clause abusive et qu'elle est déclarée non écrite,

Déboute M. Y. et Mme X. épouse Y. de leur demande de résolution du contrat de prêt,

Dit que la société Jyske Bank A/S à manquer à son obligation d'information et de mise en garde,

Dit que la perte de chance de ne pas contracter ensuite du manquement par la société Jyske Bank A/S à ses obligations d'information et de mise en garde est évaluée à 10 %,

Déboute M. Y. et Mme X. épouse Y. de leur demande d'annulation de la clause de stipulation des intérêts,

Condamne la société Jyske Bank A/S à payer à M. Y. et de Mme X. épouse Y. la somme de 10.000 € au titre de leur préjudice moral,

Avant dire droit,

Ordonne la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture du 23 février 2021,

Ordonne à la société Jyske Bank A/S de recalculer le prêt qui se poursuit en francs suisses après l'annulation de l'opération de rachat du 9 août 2011 et de la conversion du solde en couronnes danoises le 16 janvier 2015,

Enjoint aux parties de conclure :

- sur les conséquences de la poursuite du contrat ensuite de la déclaration d'abusif et non écrit de l'article 11 du prêt,

- sur la perte de chance d'éviter un endettement excessif ensuite de l'exécution déloyale du contrat par la société Jyske Bank A/S à l'occasion du remboursement anticipé de l'encourt le 9 août 2011,

- sur le préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter ensuite du manquement par la société Jyske Bank A/S à ses obligations d'information et de mise en garde,

Dit que les parties devront satisfaire à ces injonctions dans le délai de 2 mois du présent arrêt,

Dit que l'affaire est renvoyée à l'audience du 14 septembre 2021 à 9h00 Palais Monclar Salle 7,

Précise que l'instruction sera close à nouveau le 31 août 2021,

Réserve les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les demandes.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT