CA PARIS (7e ch. sect. A), 29 avril 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 897
CA PARIS (7e ch. sect. A), 29 avril 2003 : RG n° 2001/17067
Publication : Juris-Data n° 217935 ; Contrats conc. Consom. 2003, n° 190, note Raymond
Extraits : 1/ « Considérant que les articles 4 et 5 de cette Convention opèrent une distinction selon que les parties ont fait choix ou non de la loi applicable, que si la loi applicable n'a pas été choisie par les parties (ce qui est le cas en l'espèce le contrat ne comportant aucune disposition à cet égard), l'article 4 dispose que « le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits », que ce principe comporte une exception visée à l'article 5-3 qui précise que « nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s'ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article », et notamment, selon ce paragraphe, « si la conclusion du contrat a été précédé ou suivi dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat », que ces dispositions sont donc applicables en l'espèce la location d'un véhicule automobile ayant pour objet la « fourniture d'objets mobiliers ou de service » au sens de l'article 5-1 de la Convention et l'ordre de réservation a été passé en France comme il l'a été précisé précédemment dans les conditions prévues à l'article 5-3 et 5-2 sus visé, que la loi française est donc applicable au présent litige ; […] ; Considérant que le litige étant soumis à la loi française, les dispositions du code de la consommation lui sont applicables ».
2/ « Considérant qu'en application de l'article L. 132-1 de ce code les clauses abusives sont réputées non écrites, que l'article 1er- i de la loi du 1er février 1995 dispose que sont réputées abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet « de constater de manière irréfragable l'adhésion du consommateur à des clauses dont il n'a pas eu effectivement l'occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat », que cette clause, aurait elle figurée au contrat ce qui n'était pas le cas, aurait donc été déclarée non écrite, qu'en conséquence aucune limitation de plafond de garantie ne leur étant opposable, les appelants sont fondés à réclamer la réparation de l'intégralité de leur préjudice ».
COUR D’APPEL DE PARIS
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 29 AVRIL 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/17067. Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 29 janvier 2001 par le Tribunal de grande instance de Paris.
Date ordonnance de clôture : 24 février 2003.
APPELANTS :
Mademoiselle C. X.
[adresse]
Monsieur D. X.
[adresse]
Monsieur Y.
[adresse]
Mademoiselle Z.
[adresse] [minute page 2]
Mademoiselle W.
[adresse]
Monsieur V.
[adresse]
Monsieur U.
[adresse]
Monsieur R. X.
[adresse]
Madame M. X. née T.
[adresse]
Mademoiselle I. X.
[adresse]
Représentés par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoué, Assistés de la SCP SOULIE COSTE FLORET, avocat
INTIMÉS DEFAILLANTS :
- Société HERTZ ALISA CAR RENTAL (PYTKIEWIECZ, avocat) Ltd HERTZ INTERNATIONAL FRANCHISEE
[adresse] SOUTH AFRICA
- Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Paris
[adresse]
- Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Yvelines
[adresse]
[minute page 3]
COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats : Monsieur Pierre RENARD-PAYEN, conseiller siégeant en application de l'article 786 du NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE à laquelle les avocats ne se sont pas opposés.
Lors du délibéré : PRÉSIDENT : Madame Claudie ALDIGE - CONSEILLERS : M. Pierre RENARD-PAYEN et Mme Marie-Bernadette LE GARS-STONE.
GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Dominique BONHOMME-AUCLERE
DÉBATS : A l'audience publique du 11 mars 2003.
ARRÊT : Réputé contradictoire, prononcé publiquement par Mme Claudie ALDIGE, président, qui a signé la minute avec D. BONHOMME-AUCLERE.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
A la suite d'un accident survenu le 1er novembre 1997 en NAMIBIE à bord d'un véhicule loué auprès de la société Hertz Alisa Car Rental Ltd Hertz International Franchisee ayant entraîné le décès de l'un des passagers, Eric X. et des blessures pour les autres, Y., Z., W., V., U. et les consorts X. ont assigné la société Hertz ACR (Alisa Car Rental) en présence des CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de Paris et des Yvelines aux fins d'expertises médicales et de versement d'indemnités provisionnelles pour les victimes, de versement de diverses sommes aux consorts X. en réparation de leur préjudice moral et de voir condamner la société Hertz ACR à garantir M. U. des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la Commission d'indemnisation des [minute page 4] victimes d'infractions (CIVI) qui a versé des prestations à une autre victime qui n'est pas dans la cause, Mademoiselle R. devenue tétraplégique à la suite de cet accident.
Par jugement du 29 janvier 2001 le tribunal de grande instance de Paris a, dans les motifs de sa décision, débouté les demandeurs de leurs demandes de provision, de garantie et de réparation de préjudice moral et, dans son dispositif, a ordonné des expertises médicales des victimes.
Le 26 juillet 2001, les victimes et les consorts X. ont relevé appel de ce jugement.
Vu les conclusions des appelants du 23 novembre 2001 tendant à :
- vu le contrat de location, la Convention de Rome du 19 juin 1980, les articles 1134 et 1156 du code civil, L. 132-1 et L. 135-1 du code de la consommation, le certificat de coutume de droit sud-africain, les 4 rapports d'expertise déposés les 18 avril, 31 mai et 18 juin 2001 et l'assignation délivrée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à l'encontre de M. U.,
- dire et juger que ni le contrat d'assurance souscrit par la société HERTZ ACR auprès de la société EAGLE, ni les prétendues conditions générales HERTZ, ni le plafond de garantie et les restrictions de la garantie PAI non prévues au contrat de location ne leur sont opposables,
- dire et juger la société HERTZ ACR garant de l'entier préjudice qu'ils ont subi,
- condamner la société HERTZ ACR à verser à M. et Mme X. la somme de 200.000 Francs (30.489,80 euros) à chacun, à C., I. et D. X. la somme de 150.000 Francs (2.286,74 euros) à chacun en réparation de leur préjudice moral,
- condamner la société HERTZ ACR à verser, à titre provisionnel à valoir sur leur préjudice corporel les sommes suivantes :
- à Z., 40.000 Francs (6.097,96 euros),
- à W., 15.000 Francs (2.286,74 euros),
- à Y., 100.000 Francs (15.244,90 euros),
- à V., 30.000 Francs (4.573,47 euros) ;
- condamner la société HERTZ ACR à garantir U. et à le relever de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la CIVI,
- condamner la société HERTZ ACR à verser à chacun des appelants la somme de 10.000 Francs (1.524,49 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
[minute page 5] La société HERTZ ACR régulièrement assignée à son siège à Cape Town (Afrique de Sud) n'a pas constitué avoué de même que les CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de Paris et des Yvelines ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant, sur la compétence des juridictions françaises, que préalablement à leur voyage en Afrique australe, M. Y. agissant au nom de tous les participants a pris téléphoniquement l'attache de la centrale de réservation de la société HERTZ à Trappes en vue de la réservation d'un minibus mis à leur disposition à l'aéroport de Johannesburg (Afrique du Sud) pour la période du 25 octobre au 14 novembre 1997, que le véhicule et les documents formalisant ce contrat lui ont été remis à l'aéroport par un représentant de la société HERTZ ACR, que les tribunaux français sont donc compétents en application de l'article 14 du code civil s'agissant de l'exécution d'une obligation contractée en France, le tribunal de grande instance de Paris étant le domicile des demandeurs en première instance à l'exception des parents d'Eric X. ;
Considérant, sur la recevabilité de l'appel, que dans les motifs de la décision il était dit que « les demandeurs seront déboutés tant de leur demande de provision que de leur demande d'indemnisation de leur préjudice moral en ce qui concerne les ayants-droit d'Eric X. et de la demande de garantie pour ce qui concerne M. U. », mais qu'il convenait « d'accueillir favorablement les demandes d'expertise pour permettre aux victimes de préserver leurs droits en tant que de besoin », que le dispositif du jugement, qui se borne à ordonner une expertise des victimes en omettant de reprendre le premier terme de la décision relatif au débouté des demandes principales, est donc entaché d'une erreur matérielle que la Cour, se saisissant d'office en application de l'article 462 du nouveau Code de procédure civile, rectifiera, que l'appel est donc recevable ;
Considérant, sur la loi applicable, que le contrat de location ne comporte aucune disposition à cet égara, que la détermination de la loi applicable sera donc régie par les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 en raison de son caractère universel édicté en son article 2 qui dispose que « la loi désignée par la présente Convention s'applique même si cette loi est celle d'un Etat non contractant » ;
[minute page 6] Considérant que les articles 4 et 5 de cette Convention opèrent une distinction selon que les parties ont fait choix ou non de la loi applicable, que si la loi applicable n'a pas été choisie par les parties (ce qui est le cas en l'espèce le contrat ne comportant aucune disposition à cet égard), l'article 4 dispose que « le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits », que ce principe comporte une exception visée à l'article 5-3 qui précise que « nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s'ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article », et notamment, selon ce paragraphe, « si la conclusion du contrat a été précédé ou suivi dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat », que ces dispositions sont donc applicables en l'espèce la location d'un véhicule automobile ayant pour objet la « fourniture d'objets mobiliers ou de service » au sens de l'article 5-1 de la Convention et l'ordre de réservation a été passé en France comme il l'a été précisé précédemment dans les conditions prévues à l'article 5-3 et 5-2 sus visé, que la loi française est donc applicable au présent litige ;
Considérant que le contrat de location remis aux passagers le 25 octobre 1997 à leur arrivée à l'aéroport de Johannesburg comportait en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice corporel la seule mention suivante « PAI ( Personal Accident Insurance) 6.00 PER DAY » sans indication d'un plafond de garantie, que les clauses relatives aux garanties figurant au verso ne concernent que le dommage matériel, que par fax en date du 26 novembre 1997 la société HERTZ ACR avisait l'un des participants M. V. que l'assurance individuelle accident (Personal Accident Insurance) couvrait le preneur de la location ainsi que les passagers à hauteur de 30.000 rands par sinistre en cas de décès ou d'invalidité permanente, que l'existence de ce plafond de garantie était confirmée par un second fax du 30 août 1999 auquel était joint une copie de la police d'assurance souscrite par la société HERTZ ACR auprès de la Compagnie EAGLE, que les passagers victimes recevaient chacun par courrier du 2 août 1999 un chèque de 5.054 Francs (769,16 euros), qu'il s'en suit que les appelants n'ont eu connaissance de ce plafond de garantie qu'après le sinistre par la communication tardive de cette police d'assurance ;
Considérant que le litige étant soumis à la loi française, les dispositions du code de la consommation lui sont applicables ;
Considérant qu'en application de l'article L. 132-1 de ce code les clauses abusives sont réputées non écrites, que l'article 1er- i de la loi du 1er février 1995 dispose que sont réputées abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet « de constater de manière irréfragable l'adhésion du consommateur à des [minute page 7] clauses dont il n'a pas eu effectivement l'occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat », que cette clause, aurait elle figurée au contrat ce qui n'était pas le cas, aurait donc été déclarée non écrite, qu'en conséquence aucune limitation de plafond de garantie ne leur étant opposable, les appelants sont fondés à réclamer la réparation de l'intégralité de leur préjudice ;
Considérant que M. U. conducteur du véhicule a été assigné par la CIVI aux fins d'être condamné solidairement avec les sociétés HERTZ ACR, Louis VOLKS, KATZ BRESKAL INSURANCE BROKERS et SOUTH AFRICAN EAGLE au paiement de la somme de 643.644,26 euros représentant le montant des indemnités que la CIVI a versées à Mlle R., qu'il y a lieu de faire droit à sa demande tendant à être garanti par la société HERTZ ACR des condamnations éventuellement prononcées contre lui ;
Considérant qu'en réparation du préjudice moral des parents d'Eric X. et de ses frère et sœurs D., C. et I., il sera alloué à chacun de ses parents la somme de 15.000 euros et à chacun de ses frère et sœur la somme de 10.000 euros ;
Considérant que les rapports d'expertise médical des autres victimes ont été déposés, qu'elles ne demandent pas la liquidation de leur préjudice mais une provision à valoir sur la réparation de leur préjudice corporel, qu'il n'y a pas lieu de leur accorder une provision les victimes ayant déjà perçu des fonds de la société HERTZ et qu'il convient de les renvoyer devant le tribunal pour qu'il soit statué sur la réparation de l'intégralité de leur préjudice
Considérant qu'en équité il sera alloué à chacun des appelants la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire ;
Reçoit les consorts X., Z., W., Y., V. et U. en leur appel ;
Se saisissant d'office, rectifie l'erreur matérielle commise par le premier juge et dit que le dispositif du jugement sera ainsi complété : « déboute les demandeurs tant de leur demande de provision que de leur demande d'indemnisation de leur préjudice moral en ce qui concerne les ayants-droit d'Eric X. et de la demande de garantie en ce qui concerne M. U. »;
[minute page 8] Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une expertise médicale de Y., Z., W. et V.;
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau
Dit que la société HERTZ ACR est tenue de les garantir de l'intégralité de leur préjudice ;
Condamne la société HERTZ ACR à garantir M. U. de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit du Fonds de garantie de la CIVI ou de tout autre organisme ;
Condamne la société HERTZ ACR à verser, à M. et Mme X. la somme de 15.000 euros à chacun, à C., I., D. X. la somme de 10.000 euros à chacun en réparation de leur préjudice moral ;
Renvoie les autres appelants devant le tribunal de grande instance de Paris pour qu'il soit statuer sur l'intégralité de leur préjudice ;
Condamne la société HERTZ ACR aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise et à payer à chacun des appelants la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Admet Maître BOLLING au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
- 5810 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans l’espace - Conflits de lois
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
- 6086 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Clauses inconnues du consommateur
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6286 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location de meuble (bail mobilier) - Location de voiture (4) - Obligations et responsabilité du professionnel (bailleur)