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CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 28 février 2003

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 28 février 2003
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. D
Demande : 01/03191
Date : 28/02/2003
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TI CERET, 30 mars 2001
Numéro de la décision : 936
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 910

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 28 février 2003 : RG n° 01/03191 ; arrêt n° 936

Publication : Juris-Data n° 220270

 

Extrait  : « Par arrêt du 21 novembre 2002, la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit que la Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 93, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national, à l'expiration d'un délai de forclusion, de relever d'office, ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat. Il s'ensuit que la Sté COFINOGA n'est pas fondée à prétendre que le tribunal a excédé ses pouvoirs en relevant d'office et nonobstant les dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation, le caractère abusif des dispositions des articles 8, 9 et 10 des conditions générales du contrat. »           

«  Les dispositions qui précèdent confèrent à la Sté COFINOGA la faculté de modifier unilatéralement et sans aucun motif les modalités du crédit qu'elle a consenti, ainsi que celle de mettre fin à la convention à tout moment pour un motif qui échappe à tout contrôle objectif et laissé à sa seule appréciation. De telles dispositions, qui ont pour effet, directement et indirectement, de permettre au prêteur de ne pas respecter ses engagements, ou de s'y soustraire pendant la durée déterminée à laquelle il s'était engagé, sont purement arbitraires ou ne reposent, au sens de la Directive susvisée, sur aucune raison valable. D'autre part, la « faculté » réservée à l'emprunteur de refuser toute modification n'est pas de nature à ôter aux dispositions précitées leur caractère abusif dès lors que son exercice n'a pas pour conséquence de rétablir le contrat dans les dispositions qui faisaient la loi des parties, mais d'entraîner la suppression immédiate du crédit ; qu'elle est, ainsi et en fait, imposée unilatéralement aux emprunteurs qui, s'opposant légitimement aux modifications injustifiées de leur contrat, se trouvent au surplus sanctionnés abusivement. Enfin, c'est à bon droit et par des motifs que la Cour adopte, que, après avoir retenu que les dispositions critiquées ajoutent illégalement au modèle type n° 4 fixé par le comité de réglementation bancaire après consultation du Conseil National des Consommateurs, et que, compte tenu du pouvoir de modification unilatérale que se réserve la Sté COFINOGA, elles ne satisfaisaient pas aux conditions fixées par l'article L. 312-10 du Code de la Consommation, le tribunal a fait application de l'article L. 311-33 dudit Code et déchu le prêteur du droit aux intérêts. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R. G : 01/03191. Arrêt n° 936.

APPELANTE :

SA COFINOGA

prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour, assistée de Maître, Fabienne CASTANY, avocat substituant Me Maurice HALIMI, avocat au barreau de PERPIGNAN

 

INTIMÉS :

- Monsieur X.

[adresse], assigné à personne le 2 octobre 2001

- Madame X.

[adresse], assigné à la personne de son mari le 2 octobre 2001, réassignée à domicile à la personne de sa fille le 7 janvier 2002

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 18 novembre 2002.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Robert PARIS, Président, M. Jean-Marc ARMINGAUD, Conseiller, M. Georges TORREGROSA, Conseiller,

GREFFIER : Mme Marie-Claude MENEU, Adjoint administratif principal assermenté faisant fonction lors des débats et Mme Marie-Claude MENEU, Adjoint  administratif principal assermenté faisant fonction lors du prononcé.

[minute page 2] DÉBATS : en audience publique le SEIZE DÉCEMBRE DEUX MILLE DEUX devant M. Robert PARIS, Président, qui, avec l'accord des conseils des parties, a entendu les plaidoiries et en a rendu compte à la cour composée comme indiqué dans son délibéré.

L'affaire a été mise en délibéré au 28 février 2003.

ARRÊT : réputé contradictoire, prononcé en audience publique le VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE TROIS par M. ARMINGAUD Jean Marc, conseiller qui a participé au délibéré, le tout conformément à l'article 452 du NCPC.

Le présent arrêt a été signé par M. ARMINGAUD Jean Marc, Conseiller qui a participé au délibéré, le président étant légitimement empêché, le tout conformément à l'article 456 du NCPC, et par le greffier présent à l'audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] La SA COFINOGA a régulièrement relevé appel d'un jugement réputé contradictoire prononcé le 30 mars 2001 par le Tribunal d'Instance de CERET qui a :

- condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la Sté COFINOGA la somme de 19.160 Francs outre intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2000, en remboursement du crédit permanent souscrit le 14 octobre 1996, renouvelé annuellement, dénommé « COMPTE CONFIANCE » ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la Sté COFINOGA la somme de 3.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- condamné solidairement les défendeurs aux dépens.

La société COFINOGA soutient que c'est à tort que le tribunal a soulevé d'office et l'a invitée à conclure sur de prétendues irrégularités formelles du contrat d'ouverture de crédit par découvert en compte auxquelles les époux X., l'épouse née Y., ont adhéré le 14 octobre 1996, alors en outre que le délai de forclusion biennale qui avait couru à compter de la formation du contrat pour former cette contestation était expiré.

Subsidiairement, elle prétend que son contrat ne contient aucune clause purement potestative qui lui réserverait la faculté de revenir unilatéralement sur les éléments principaux de la convention et qu'en tout état de cause, le moyen allégué n'est pas au nombre des hypothèses visées à l'article L. 311-33 du Code de la Consommation susceptible d'entraîner la déchéance du droit aux intérêts.

Elle demande, en conséquence, de réformer le jugement entrepris et de dire n'y avoir lieu à aucune déchéance du droit aux intérêts et de condamner solidairement les époux X. à payer à la Sté COFINOGA la somme de 48.800,23 Francs augmentée des intérêts au taux contractuel (15,36 % l'an) sur la somme de 45.298,76 Francs, et ce du 13 février 2000 jusqu'au jour du règlement à intervenir, outre le paiement d'une somme de 6.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

Monsieur Auguste X., assigné à personne le 2 octobre 2001 et Mme X., assignée à domicile le 2 octobre 2001 puis réassignée à nouveau à domicile le 7 janvier 2002, n'ont pas comparu.

[minute page 4] En application de l'article 474 du Nouveau Code de Procédure Civile, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

I. - Sur le moyen soulevé par COFINOGA tiré d'un moyen soulevé d'office par le juge et après expiration du délai de forclusion :

Par arrêt du 21 novembre 2002, la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit que la Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 93, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national, à l'expiration d'un délai de forclusion, de relever d'office, ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.

Il s'ensuit que la Sté COFINOGA n'est pas fondée à prétendre que le tribunal a excédé ses pouvoirs en relevant d'office et nonobstant les dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation, le caractère abusif des dispositions des articles 8, 9 et 10 des conditions générales du contrat.

 

II. - Sur le caractère abusif des articles précités et la déchéance du droit aux intérêts :

L'annexe visée à l'article 3 de la Directive CEE 93/13, applicable à tous les contrats conclus depuis le 31 décembre 1994 et reprise par l'Annexe à l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, dispose, à titre indicatif et non exhaustif, que peuvent être déclarées abusives les clauses qui ont, notamment, pour objet ou pour effet :

§ j) « d'autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat » ;

§k) «  d'autoriser les professionnels à modifier unilatéralement sans raison valable les caractéristiques du produit à livrer ou du service à fournir ».

En l'espèce, l'article 8 du contrat énonce que :

«  ……. les mensualités, les tranches d'encours correspondantes et le TEG sont révisables par COFINOGA. Les clauses de la présente offre ne seront pas modifiées sans l'accord de l'emprunteur. COFINOGA informera [minute page 5] l'emprunteur avec un préavis d'un mois, de toutes modifications desdites clauses, par l'intermédiaire du relevé mensuel sus-évoqué. L'emprunteur aura la faculté de refuser ladite modification par LR avec AR... Le refus est irrévocable et entraîne la clôture immédiate de l'ouverture de crédit. ……. ».

L'article 9 (in fine) que :

« …… COFINOGA se réserve le droit de supprimer à tout moment l'utilisation de la présente ouverture de crédit si elle estime que la situation de l'emprunteur l'exige pour sa propre protection. COFINOGA vous informera, le cas échéant, de cette décision par LR ».

Et l'article 10, que :

« ……. Pour utiliser son découvert autorisé, le titulaire du compte peut utiliser sa carte bancaire .... ou .... en indiquant le montant du financement désiré qui ne pourra être inférieur à 2.000 Francs (montant en vigueur à la date de l'impression du contrat, révisable par COFINOGA) ………. ».

Les dispositions qui précèdent confèrent à la Sté COFINOGA la faculté de modifier unilatéralement et sans aucun motif les modalités du crédit qu'elle a consenti, ainsi que celle de mettre fin à la convention à tout moment pour un motif qui échappe à tout contrôle objectif et laissé à sa seule appréciation.

De telles dispositions, qui ont pour effet, directement et indirectement, de permettre au prêteur de ne pas respecter ses engagements, ou de s'y soustraire pendant la durée déterminée à laquelle il s'était engagé, sont purement arbitraires ou ne reposent, au sens de la Directive susvisée, sur aucune raison valable.

D'autre part, la « faculté » réservée à l'emprunteur de refuser toute modification n'est pas de nature à ôter aux dispositions précitées leur caractère abusif dès lors que son exercice n'a pas pour conséquence de rétablir le contrat dans les dispositions qui faisaient la loi des parties, mais d'entraîner la suppression immédiate du crédit ; qu'elle est, ainsi et en fait, imposée unilatéralement aux emprunteurs qui, s'opposant légitimement aux modifications injustifiées de leur contrat, se trouvent au surplus sanctionnés abusivement.

[minute page 6] Enfin, c'est à bon droit et par des motifs que la Cour adopte, que, après avoir retenu que les dispositions critiquées ajoutent illégalement au modèle type n° 4 fixé par le comité de réglementation bancaire après consultation du Conseil National des Consommateurs, et que, compte tenu du pouvoir de modification unilatérale que se réserve la Sté COFINOGA, elles ne satisfaisaient pas aux conditions fixées par l'article L. 312-10 du Code de la Consommation, le tribunal a fait application de l'article L. 311-33 dudit Code et déchu le prêteur du droit aux intérêts.

Le jugement entrepris sera donc confirmé.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort,

En la forme,

Reçoit l'appel de la SA COFINOGA ;

Le déclare mal fondé ;

En conséquence,

Confirme le jugement entrepris, sauf à convertir en Euros le montant des condamnations prononcées en Francs ;

Dit que la SA COFINOGA supportera ses dépens d'appel.