CA PARIS (8e ch. sect. D), 29 juin 2000
CERCLAB - DOCUMENT N° 923
CA PARIS (8e ch. sect. D), 29 juin 2000 : RG n° 1998/09533
Publication : Juris-Data n° 2000-141026
Extraits : 1/ « Considérant qu'en cas de régie directe, la collectivité territoriale gère elle-même le service avec son personnel et ses biens, le service n'ayant pas la personnalité morale ; que par contre, lorsque le procédé est employé en matière de service public industriel et commercial, le service peut avoir une certaine individualité comptable ; Considérant qu'il est constant que la gestion d'une piscine constitue un service public ; que si l'existence d'un service public est une condition nécessaire à la compétence de la juridiction administrative, il ne s'agit pas d'une condition suffisante ; qu'en fait, le seul critère acceptable en la matière est un critère comptable ; que la commune de Paris ne produit pas la moindre pièce comptable et ne démontre en aucune manière que la gestion de la piscine Arnaud Massard entre dans son budget ; que l'exception d'incompétence doit être rejetée et la décision attaquée confirmée sur la compétence du Tribunal d'Instance ».
2/ « Considérant, enfin, que la Ville de Paris demande l'application de l'article 27 de l'arrêté portant réglementation des piscines et ainsi libellé : « L'administration décline toute responsabilité en ce qui concerne les objets perdus, volés ou détériorés ... L'établissement n'est responsable des sommes d'argent et objets de valeur que s'ils sont déposés lors de l'entrée à la caisse de celui-ci contre reçu » ; que l'appelante prétend que se règlement est affiché visiblement à l'attention du public au dessus de la caisse, mais qu'elle n'en rapporte pas la preuve ; qu'une telle clause est donc abusive par application du point i du paragraphe premier de l'annexe de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; que, d'autre part, une telle clause ne serait applicable qu'en l'absence de faute de la part du personnel de la piscine, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu la responsabilité du dépositaire et que la décision entreprise doit être confirmée de ce chef ».
COUR D’APPEL DE PARIS
HUITIÈME CHAMBRE SECTION D
ARRÊT DU 29 JUIN 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/09533. Pas de jonction. Décision dont appel : Jugement rendu le 12 février 1998 par le TRIBUNAL D'INSTANCE de PARIS 15ème - RG n° : 1997/01150.
Date ordonnance de clôture : 29 mars 2000. Nature de la décision : CONTRADICTOIRE. Décision : CONFIRMATION.
APPELANT :
Monsieur LE MAIRE DE PARIS agissant au nom de la Ville de Paris,
ayant son siège [adresse], représenté par la SCP BOMMART-FORSTER, avoué, assisté de Maître ANTONINI, Toque E1279, Avocat au Barreau de PARIS.
INTIMÉ :
Monsieur X.
demeurant [adresse], représenté par la SCP VALDELIEVRE-GARNIER, avoué, assisté de Maître GERARD plaidant pour Maître OREFICE, Toque B413, Avocat au Barreau de PARIS.
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur GADEL, Conseiller : Madame BONNAN-GARÇON, Conseiller : Monsieur RENARD-PAYEN.
Greffier : Monsieur NGUYEN lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS : A l'audience publique du 18 mai 2000.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur GADEL, Président, lequel a signé la minute avec Monsieur NGUYEN, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 13 février 1997 vers 7 heures, Monsieur X. se rendait à la piscine municipale Arnaud Massard [adresse] à Paris (15ème). Avant de se baigner, il déposait ses effets personnels dans le casier du vestiaire n° 611 et le refermait à clé.
Vers 8 heures, il sortait de la piscine et retrouvait le casier vide, ses effets lui ayant été dérobés.
Sur citation délivrée à la requête de X., le Tribunal d'Instance de Paris 15ème arrondissement a :
- déclaré la demande de X. recevable,
- condamné la Ville de Paris [à payer] à X. la somme de 11.680 Francs avec les intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1997 et celle de 2.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Le 20 mars 1998, la Mairie de Paris a relevé appel de cette décision.
[minute page 3] Vu les conclusions déposées le 9 mars 1999 par le Maire de Paris agissant au nom de la Ville de Paris et tendant à l'infirmation du jugement entrepris en ce que le Tribunal s'est déclaré compétent, subsidiairement à son infirmation en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Ville de Paris, à titre infiniment subsidiaire au débouté de X. de sa demande en paiement de dommages-intérêts complémentaires et de celle fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et à la condamnation de X. à payer à la Ville de Paris la somme de 5.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 28 mai 1999 par Michel X. et tendant à la confirmation de la décision déférée, au débouté de la Ville de Paris de toutes ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 5.000 Francs à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation du préjudice consécutif au vol de ses effets personnels, celle de 5.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée et celle de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Considérant, sur les faits, qu'il n'est pas contesté que le 13 février 1997 en début de matinée, Monsieur X. s'est présenté dans l'enceinte de la piscine municipale Arnaud Massard [adresse] à Paris (15ème) pour se baigner et a déposé ses effets et objets personnels dans un casier qu'il a fermé à clé ; qu'à son retour de la piscine, il a constaté que ceux-ci lui avaient été dérobés et a porté plainte pour vol auprès du commissariat de police du 15ème arrondissement ; que le 18 février 1997, il a adressé une réclamation à la Ville de Paris ;
Considérant, sur l'exception d'incompétence au profit du Tribunal administratif de Paris soulevée par la Ville de Paris, qu'il est constant que X. est une personne physique n'ayant aucun lien avec une quelconque collectivité territoriale ; que, d'autre part, les juridictions de l'ordre judiciaire sont les gardiens de l'état des personnes, des libertés individuelles et de la propriété privée ; qu'en l'espèce, le vol dont a été victime X. caractérise une atteinte à la propriété de celui-ci ;
Considérant que pour faire échec à ce principe, la commune de Paris argue de ce que la piscine était gérée en régie directe ; que le premier juge a, de son côté, considéré que la gestion d'une piscine ouverte au public avec l'acquittement d'un prix d'entrée par le client ne ressortissait pas au fonctionnement d'un service public administratif, mais s'apparentait à celui d'un service public industriel et commercial ;
Considérant qu'en cas de régie directe, la collectivité territoriale gère elle-même le service avec son personnel et ses biens, le service n'ayant pas [minute page 4] la personnalité morale ; que par contre, lorsque le procédé est employé en matière de service public industriel et commercial, le service peut avoir une certaine individualité comptable ;
Considérant qu'il est constant que la gestion d'une piscine constitue un service public ; que si l'existence d'un service public est une condition nécessaire à la compétence de la juridiction administrative, il ne s'agit pas d'une condition suffisante ; qu'en fait, le seul critère acceptable en la matière est un critère comptable ; que la commune de Paris ne produit pas la moindre pièce comptable et ne démontre en aucune manière que la gestion de la piscine Arnaud Massard entre dans son budget ; que l'exception d'incompétence doit être rejetée et la décision attaquée confirmée sur la compétence du Tribunal d'Instance ;
Considérant, sur le fond, qu'en délaissant ses objets et effets personnels dans un casier du vestiaire de la piscine, X. a conclu avec la commune de Paris un contrat de dépôt ; que l'article 1932 du Code civil dispose que le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu'il a reçue ; qu'en vertu de ce texte de loi, le personnel de la piscine était tenu de restituer à X. ses objets et effets personnels intacts ; que l'article 1927 énonce que le dépositaire doit apporter dans la garde de la chose déposée les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent ; que par application de ce texte de loi, le personnel de la piscine avait l'obligation de surveiller les casiers où les clients avaient déposé leurs effets ; que lors du dépôt de sa plainte, X. a précisé qu'il n'avait constaté aucune trace d'effraction ; que le casier a donc été ouvert à l'aide du double de la clé déposé dans une armoire près de la caisse ; que la Ville de Paris ne démontre pas l'imprudence de X. en alléguant que sa clé a pu lui être dérobée dans son sac déposé au bord de la piscine dans la mesure où lors du dépôt de sa plainte, X. n'a pas dénoncé la disparition de sa clé ;
Considérant, enfin, que la Ville de Paris demande l'application de l'article 27 de l'arrêté portant réglementation des piscines et ainsi libellé : « L'administration décline toute responsabilité en ce qui concerne les objets perdus, volés ou détériorés ... L'établissement n'est responsable des sommes d'argent et objets de valeur que s'ils sont déposés lors de l'entrée à la caisse de celui-ci contre reçu » ; que l'appelante prétend que se règlement est affiché visiblement à l'attention du public au dessus de la caisse, mais qu'elle n'en rapporte pas la preuve ; qu'une telle clause est donc abusive par application du point i du paragraphe premier de l'annexe de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; que, d'autre part, une telle clause ne serait applicable qu'en l'absence de faute de la part du personnel de la piscine, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu la responsabilité du dépositaire et que la décision entreprise doit être confirmée de ce chef ;
[minute page 5] Considérant sur le préjudice, que l'article 1924 du Code civil énonce que lorsque le dépôt étant au dessus du chiffre prévu à l'article 1342 n'est point prouvé par écrit, celui qui est attaqué comme dépositaire en est cru sur sa déclaration, soit pour le fait même du dépôt, soit pour la chose qui en faisait l'objet, soit pour le fait de sa restitution ; qu'en l'absence de déclaration, il convient de retenir l'inventaire des objets et effets dérobés dénoncés par X. au commissariat de police du 15ème arrondissement et l'évaluation de ceux-ci faite par la victime dans le courrier adressé le 18 février 1997 au Maire de Paris ; que cette évaluation a été reprise par le premier juge et doit pareillement être confirmée ;
Considérant, sur la demande en paiement de la somme de 5.000 Francs en réparation d'un préjudice complémentaire formée par X. sur son appel incident, qu'une telle demande n'a pas été présentée en première instance ; qu'en outre, elle n'est pas fondée et doit être écartée ; que, d'autre part, l'appel du Maire de Paris qui repose essentiellement sur l'exception d'incompétence soulevée n'est pas abusif et que la demande en paiement de dommages-intérêts présentée par X. doit être rejetée ;
Considérant que la partie qui succombe doit les dépens ; qu'il ne serait pas équitable de laisser à l'intimé la charge des frais non compris dans les dépens et qu'il doit lui être alloué à ce titre la somme de 4.000 Francs ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
la Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel régulier en la forme ;
Confirme le jugement déféré, notamment en ce que le Tribunal d'Instance s'est déclaré compétent ;
Déboute Monsieur X. de ses demandes en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice complémentaire et pour appel abusif ;
Condamne la Ville de Paris aux dépens d'appel et à payer à X. la somme de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Autorise la SCP VALDELIEVRE GARNIER, avoués associés, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
- 5847 - Code de la consommation - Domaine d’application - Légalité des actes réglementaires - Compétence administrative
- 6090 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Absence de document signé par le consommateur (affichage ; tickets)
- 6438 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Sport - Club de sport et de remise en forme