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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 5 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 5 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 20/00022
Date : 5/11/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/01/2020
Référence bibliographique : 6167 (L. 442-6 C. com., application dans le temps), 6151 (1171, application dans le temps), 6389 (opposabilité des CGV), 8396 (1171, réciprocité), 9759 (1171 C. civ., téléphonie), 9765 (1171 C. civ., durée du contrat)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9241

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 5 novembre 2021 : RG n° 20/00022

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La société ECD peut difficilement soutenir que les conditions litigieuses n'ont pas été portées à sa connaissance dans la mesure où elle a apposé sa signature et son tampon au-dessous de la mention, en caractères gras et apparents, suivante, du contrat de services « téléphonie mobile » :

« Le Client déclare avoir pris connaissance et accepter les Conditions Générales et Particulières relatives au service mobile figurant au verso du présent contrat et les tarifs applicables. Le Client reconnaît que les services apportés par le Fournisseur ont un rapport direct avec son activité professionnelle. Le Fournisseur commercialise ses Services sur les réseaux des opérateurs ORANGE et SFR. ».

Bien que la lecture desdites conditions nécessite une contorsion et une vue optimale compte-tenu de la petitesse des caractères, et que la présentation même du contrat nuise à sa lisibilité, la « tactique de tromperie délibérée » dont se prévaut la société ECD et qui l'aurait conduite à signer la convention n'est pas suffisamment caractérisée. »

2/ « Le contrat dont s'agit ayant été conclu le 9 janvier 2017, les versions des articles 1110 alinéa 2 (sur le contrat d'adhésion), 1171 du code civil et L. 442-6-I-2° du code de commerce applicables sont celles en vigueur à cette date. »

3/ « Contrairement aux premiers juges qui ont décidé qu'en vertu de l'adage « Le spécial déroge au général », l'article 1171 devait être exclu au profit de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, la cour estime que le texte issu du code civil est de portée générale et ne peut être écarté au profit du second.

En l'espèce, la seule clause en lice demeure l'article 15 « Durée et renouvellement » ainsi libellée :

« 15.1 Sauf offre commerciale particulière, le contrat de service mobile prend effet dès son acceptation et signature par les parties pour une période initiale de 63 mois par ligne, décomptée à partir de la mise en service de chaque ligne, telle que définie à l'article 9 des présentes conditions particulières. L'acceptation par le fournisseur peut être soumise au versement par le client d'une avance ou d'une garantie telles que prévues à l'article 5.9 des conditions générales des services. L'entrée en vigueur se traduit par l'attribution d'un nouveau numéro ou la portabilité d'un ancien numéro.

15.2 Quelque soit le service souscrit, à défaut de résiliation par une partie adressée à l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception 3 mois avant le terme de la période initiale, le contrat sera tacitement reconduit pour une période de 12 mois, et chacune des parties pourra alors le résilier par l'envoi à l'autre partie d'une lettre recommandée avec accusé de réception 3 mois avant le terme chaque période renouvelée successive. ».

La société ECD ne développe pas son argumentation selon laquelle un tel article créerait un déséquilibre significatif alors qu'elle le fait pour les autres articles étrangers au contrat souscrit.

Le contenu de cette clause ne crée pas, en prévoyant une possibilité de résiliation réciproque au-delà de la période initiale, de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/00022. N° Portalis 35L7-V-B7E-CBF3J. Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 novembre 2019 - Tribunal de Commerce de MEAUX – R.G. n° 2018002488.

 

APPELANTE :

SAS ENTREPRISE DE CONSTRUCTION DUART

prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Meaux sous le numéro XXX, assistée de Maître Gilbert S. de l'ASSOCIATION C. S. S., avocat au barreau de PARIS, toque : R089

 

INTIMÉE :

SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION ECOM

prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro YYY, représentée par Maître Cyril DE LA F., avocat au barreau de PARIS, toque : C2011

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 deptembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Société Commerciale de télécommunication (société SCT), exerçant pour la marque Cloud Eco, courtier en fourniture de services et de matériels téléphoniques, a conclu le 9 janvier 2017 avec la SAS Entreprise de Construction Duarte (société ECD), spécialisée dans le gros œuvre, un contrat ayant pour objet un service de téléphonie mobile.

Ce contrat, souscrit par la société ECD pour les besoins de son activité professionnelle, prévoyait la reprise de 13 lignes mobiles et la création d'une nouvelle ligne mobile.

Par lettres recommandées avec accusés de réception des 21 et 23 février 2017, la société ECD a fait état de dysfonctionnements et a sollicité la résiliation immédiate du contrat.

La société SCT a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2017, adressé à la société ECD une facture de résiliation d'un montant de 47.668,80 euros TTC.

La société ECD n'a pas réglé ses factures de téléphonie mobile du 28 février 2017 et du 31 mars 2017 d'un montant total de 1.280,89 euros TTC.

Suivant exploit du 8 février 2018, la société SCT a fait assigner la société ECD devant le tribunal de commerce de Meaux afin de voir constater la résiliation totale du contrat de téléphonie mobile aux torts exclusifs de la défenderesse et condamner celle-ci au paiement des factures impayées et des frais de résiliation du contrat de téléphonie mobile.

Par jugement du 5 novembre 2019, le tribunal de commerce de Meaux a :

- déclaré que la résiliation totale du contrat de téléphonie mobile était aux torts exclusifs de la société ECD,

- débouté la société ECD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société ECD à payer à la société SCT les sommes de :

* 1.280,89 euros TTC en principal, au titre des factures impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 08/02/2018, date de délivrance de l'assignation,

* 38.665,20 euros TTC au titre des frais de résiliation du contrat de téléphonie mobile, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 08/02/2018, date de délivrance de l'assignation,

- condamné la société ECD à payer à la société SCT la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de !a présente décision, nonobstant appel et sans caution,

- condamné la société ECD aux dépens.

La société ECD a formé appel de ce jugement par déclaration en date du 13 décembre 2019 enregistrée le 2 janvier 2020.

[*]

Suivant ses dernières conclusions signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 24 février 2020, la société ECD demande à la cour, au visa des articles 1104, 1112-1, 1131, 1137 à 1139, 1171, 1217, 1224 et 1375 du code civil, 16 du code de procédure civile :

- de déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté,

- de dire et juger nul et de nul effet la convention signée entre les parties dès lors qu'elle a été volontairement rendue illisible et incompréhensible, le prestataire n'ayant pas agi de bonne foi et ayant procédé volontairement à des manœuvres sans lesquelles la convention n'aurait pas été ratifiée ;

A titre subsidiaire de dire et juger applicable en la cause tous les articles du code civil relatifs aux contrats d'adhésion et spécifiquement l'article 1171 du code précité ;

- En conséquence de dire et juger non écrites les clauses relatives à la résiliation, la clause pénale et les clauses de durée mentionnées notamment articles 9, 10, 11 et 15 de la convention en ce qu'elles n'ont pas été portées valablement à la connaissance de la société ECD ;

- de dire et juger non écrites ces mêmes clauses en ce qu'elles portent un déséquilibre significatif ;

A titre infiniment subsidiaire, de dire et juger que la convention a été résiliée aux torts exclusifs de la société SCT ;

En tout état de cause, de débouter la société SCT de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- de déclarer recevable et bien fondée la demande reconventionnelle présentée ;

En conséquence condamner la société SCT à réparer le préjudice subi par la société ECD ;

- de condamner sur ce fondement la société SCT au paiement d'une somme de 10.000 euros ;

- de condamner la société SCT au paiement d'une somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- de condamner la société SCT aux dépens.

[*]

Suivant ses dernières conclusions signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 26 mai 2020, la société SCT demande à la cour, au visa des articles 902, 909, et 114 du Code de procédure civile, et 1103, 1104 et 1171 du code civil :

In limine litis :

- de prononcer la nullité de la signification de la déclaration d'appel du 26 février 2020 ;

En conséquence, de prononcer la caducité de la déclaration du 13 décembre 2019 ;

A défaut, à titre principal et subsidiaire :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 5 novembre 2019 ;

- de débouter la société ECD de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

- de constater la résiliation des contrats de téléphonie mobile aux torts exclusifs de la société ECD

En conséquence,

- de condamner la société ECD au paiement à la société SCT de la somme de 1.280,89 euros TTC en principal au titre des factures impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;

- de condamner la société ECD au paiement à la société SCT de la somme de 38.665,20 euros TTC au titre des frais de résiliation du contrat de téléphonie mobile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;

- de condamner la société ECD au paiement de la somme de 3.000 euros, par application de l'article 700 Code de Procédure Civile ;

- de condamner la société ECD aux entiers dépens de la présente instance ainsi que ceux de la première instance, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

[*]

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 20 mai 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Sur la nullité de l'acte de signification de la déclaration d'appel :

La société SCT soulève in limine litis dans ses conclusions la caducité de l'appel qui résulterait de la nullité de l'acte de signification de la déclaration d'appel et ce sur le fondement des articles 902, 909 et 114 du code de procédure civile. Elle expose en effet que le rappel impératif du délai de l'article 909 du code de procédure civile a été omis de l'acte de signification.

L'appelant ne répond pas sur ces points.

Cependant, aux termes de l'article 74 du code de procédure civile : « Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

La demande de communication de pièces ne constitue pas une cause d'irrecevabilité des exceptions.

Les dispositions de l'alinéa premier ne font pas non plus obstacle à l'application des articles 103, 111, 112 et 118. ».

En outre, en vertu de l'article 914 du code de procédure civile : « Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

- prononcer la caducité de l'appel ;

- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;

- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;

- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.

Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.

Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal. ».

Il résulte ainsi des articles 74 et 914 du code de procédure civile que les exceptions de nullité d'actes de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond, dans des conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état, seul compétent pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel.

La société SCT a soulevé la nullité de l'acte de signification de la déclaration d'appel et, partant, la caducité de l'appel, pour la première fois dans ses conclusions au fond en date du 26 mai 2020 adressées à la cour, et non dans des conclusions destinées au magistrat de la mise en état.

La société SCT est irrecevable à soulever la nullité de l'acte de signification de la déclaration d'appel et la caducité de l'appel par conclusions au fond devant la cour.

 

Sur la demande de nullité du contrat du 9 janvier 2017 :

La société Entreprise de construction Duarte soulève la nullité du contrat signé le 9 janvier 2017 avec la société SCT en ce qu'il serait illisible et incompréhensible et que le prestataire aurait agi de mauvaise foi et usé de manœuvres sans lesquelles la convention n'aurait pas été ratifiée.

Aux termes de l'article 1137 du code civil : « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. ».

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

Sur la lisibilité du contrat, la société ECD verse aux débats un exemplaire original en sa possession, de couleur jaune. Ce document comporte plusieurs parties dont certaines étrangères au contrat réellement souscrit (contrat de prestations « Installation / Accès Web », contrat de services « téléphonie fixe », annexe mandat portabilité, contrat de location) et pourtant signées par les parties à l'exception du feuillet relatif au « contrat de location ».

La société SCT produit une copie couleur de l'exemplaire en sa possession, de couleur blanche.

Le triptyque produit par l'appelante laisse deviner l'existence antérieure (par la présence du talon) d'un feuillet rose et d'un feuillet vert.

Sous la signature et le cachet du fournisseur figure d'ailleurs la mention : « Feuillet blanc : exemplaire Fournisseur - Feuillet rose : exemplaire Client - Feuillet vert : exemplaire retourné validé par Cloud Eco au client ‘Feuillet jaune : exemplaire prestataire location. ».

Il y a manifestement eu une confusion dans l'envoi puisque le client se retrouve en possession du feuillet jaune et non du feuillet vert.

Les conditions particulières de ces différents contrats sont au verso de ceux-ci et se suivent. Les feuillets ne sont pas détachables et ne peuvent donc être lus qu'en tournant une feuille sur deux à l'envers. Les conditions générales précèdent les conditions particulières, et se situent donc au verso du premier contrat intitulé « contrat de prestations - Installation / Accès Web » qui est étranger à l'offre souscrite par la société ECD. Les conditions particulières de téléphonie mobile sont développées en trois parties.

La société ECD peut difficilement soutenir que les conditions litigieuses n'ont pas été portées à sa connaissance dans la mesure où elle a apposé sa signature et son tampon au-dessous de la mention, en caractères gras et apparents, suivante, du contrat de services « téléphonie mobile » :

« Le Client déclare avoir pris connaissance et accepter les Conditions Générales et Particulières relatives au service mobile figurant au verso du présent contrat et les tarifs applicables. Le Client reconnaît que les services apportés par le Fournisseur ont un rapport direct avec son activité professionnelle. Le Fournisseur commercialise ses Services sur les réseaux des opérateurs ORANGE et SFR. ».

Bien que la lecture desdites conditions nécessite une contorsion et une vue optimale compte-tenu de la petitesse des caractères, et que la présentation même du contrat nuise à sa lisibilité, la « tactique de tromperie délibérée » dont se prévaut la société ECD et qui l'aurait conduite à signer la convention n'est pas suffisamment caractérisée.

En outre, le moyen tiré de l'absence de rencontre des volontés motif pris que le contrat aurait été validé par la société SCT postérieurement à la résiliation ne résiste pas à l'examen des pièces produites : les exemplaires fournis, datés par le client, sont signés des deux parties. Si le feuillet jaune a été adressé tardivement au client (comme en témoigne le cachet figurant sur l'enveloppe reçue par la société ECD - pli envoyé le 28 février 2017), rien n'indique que le feuillet rose - non versé aux débats - ne lui aurait pas été remis lors de la conclusion du contrat, la société ECD, professionnelle, ne pouvant raisonnablement repartir sans un exemplaire en sa possession.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la société ECD de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la convention du 9 janvier 2017.

 

Sur la demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses issues des articles 9, 10, 11 et 15 du contrat :

La société ECD demande à la cour de dire et juger non écrites les clauses relatives à la résiliation, la clause pénale et les clauses de durée mentionnées aux articles 9, 10, 11 et 15 de la convention litigieuse.

Elle soutient d'une part qu'elles n'ont pas été portées valablement à sa connaissance et d'autre part qu'elles portent un déséquilibre significatif au sens de l'article 1171 du code civil relatif au contrat d'adhésion. A cet égard, elle critique le jugement du tribunal de commerce de Meaux qui a écarté l'application dudit article au motif que « le spécial déroge au général » et retenu l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce pour en déduire que ses conditions d'application n'étaient pas réunies.

La société ECD n'a pas reproduit l'intégralité des clauses qu'elle souhaite voir non écrites. Les extraits qu'elle propose démontrent qu'elle a opéré une confusion dans les clauses applicables au contrat souscrit. En effet, les articles 9, 10 et 11 qu'elle évoque figurent aux « conditions particulières de solutions informatiques » et non aux « conditions particulières de téléphonie mobile ».

Seul l'article 15 critiqué figure bien dans les conditions particulières du contrat réellement souscrit. Aucune clause des conditions générales n'est remise en cause formellement par l'appelant. La licéité des articles 9, 10 et 11 ne sera donc pas examinée.

Le contrat dont s'agit ayant été conclu le 9 janvier 2017, les versions des articles 1110 alinéa 2 (sur le contrat d'adhésion), 1171 du code civil et L. 442-6-I-2° du code de commerce applicables sont celles en vigueur à cette date.

Aux termes de l'article 1171 du code civil : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. ».

L'article L. 442-6, I, 2° prévoit :

« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; »

Ce dernier article, qui ne concerne que les commerçants, traite de la responsabilité et se résout en dommages-intérêts.

Contrairement aux premiers juges qui ont décidé qu'en vertu de l'adage « Le spécial déroge au général », l'article 1171 devait être exclu au profit de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, la cour estime que le texte issu du code civil est de portée générale et ne peut être écarté au profit du second.

En l'espèce, la seule clause en lice demeure l'article 15 « Durée et renouvellement » ainsi libellée :

« 15.1 Sauf offre commerciale particulière, le contrat de service mobile prend effet dès son acceptation et signature par les parties pour une période initiale de 63 mois par ligne, décomptée à partir de la mise en service de chaque ligne, telle que définie à l'article 9 des présentes conditions particulières. L'acceptation par le fournisseur peut être soumise au versement par le client d'une avance ou d'une garantie telles que prévues à l'article 5.9 des conditions générales des services. L'entrée en vigueur se traduit par l'attribution d'un nouveau numéro ou la portabilité d'un ancien numéro.

15.2 Quelque soit le service souscrit, à défaut de résiliation par une partie adressée à l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception 3 mois avant le terme de la période initiale, le contrat sera tacitement reconduit pour une période de 12 mois, et chacune des parties pourra alors le résilier par l'envoi à l'autre partie d'une lettre recommandée avec accusé de réception 3 mois avant le terme chaque période renouvelée successive. ».

La société ECD ne développe pas son argumentation selon laquelle un tel article créerait un déséquilibre significatif alors qu'elle le fait pour les autres articles étrangers au contrat souscrit.

Le contenu de cette clause ne crée pas, en prévoyant une possibilité de résiliation réciproque au-delà de la période initiale, de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société ECD de sa demande à cette fin.

 

Sur la demande de résiliation du contrat de téléphonie mobile :

Aux termes de l'article 1103 du code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. ».

En vertu de l'article 1104 du même code : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public. ».

La société SCT réclame la somme de 1.280,89 euros TTC au titre des factures impayées, ainsi que celle de 38.665,20 euros TTC au titre des frais de résiliation du contrat de téléphonie mobile, outre les intérêts.

La société ECD oppose les fautes commises par le fournisseur justifiant la résiliation du contrat à son initiative.

Il n'est pas contesté que la date d'activation des lignes est le 17 février 2017, sachant que le contrat a été conclu le 9 janvier 2017.

Dès le 15 février 2017, la société ECD a écrit à la société SCT signalant un souci sur le changement non prévu d'une ligne vers un nouvel opérateur et sollicitant un règlement urgent du problème. Le 16 février 2017, après avoir reçu les cartes SIM, ECD a signalé :

- qu'elle était dépourvue des codes PUK et PIN indispensables à leur fonctionnement et devait faire déposer toutes les SIM sur les différents chantiers,

- qu'elle avait 2 SIM avec le même numéro,

- qu'elle n'avait pas reçu les 4 téléphones prévus dans le contrat, précisant avoir besoin en urgence de 2 d'entre eux dans un premier temps.

Le 17 février 2017, ECD a écrit par courriel à SCT : « Je suis vraiment désolée mais ce n'est pas possible de travailler de cette manière. Les portables de nos collaborateurs sont inactifs et comme je te disais hier par mail nous n'avons pas les codes PIN et PUK et nous ne pouvons rien faire sans ces 2 informations. Merci d'y remédier au plus vite s'il-te-plaît. »

Le 20 février 2017, ECD a signalé par courriel des inversions de puces téléphoniques entre ses salariés et précisé « nous n'arrivons à joindre aucun des gars de chez nous ». Par un second courriel du même jour et après entretien téléphonique avec SCT, la société ECD a transmis à son interlocuteur la liste détaillée des numéros et noms des lignes litigieuses. Ce dernier courriel s'achevait ainsi : « Nous vous laissons faire vos tests sur chaque ligne et revenir vers nous très rapidement car cette situation est handicapante pour nos équipes sur chantiers. ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 février 2017, la société ECD, après avoir constaté la réception de huit nouvelles puces qu'elle a décidé de retourner, en précisant « maintenant que 80 % du problème est réglé », a manifesté sa volonté de « rompre à l'amiable le contrat », qualifiée de « résiliation immédiate » dans un courrier du lendemain, en sollicitant la communication de l'ensemble des RIO affectés aux lignes téléphoniques de ECD.

Malgré la résolution d'un certain nombre de difficultés ayant trait à la permutation puce/numéro, elle a fait état de problèmes persistants et notamment l'absence de portabilité d'une ligne, la gestion de 12 lignes seulement au lieu de 14 prévues au contrat initial, et l'absence de remise des 4 téléphones qui l'a conduite à en acquérir pour utilisation par ses collaborateurs, tout en fustigeant les échanges téléphoniques coûteux avec la hotline pendant au moins 2 heures.

Par lettre du 27 février 2017, la société SCT a pris acte de la demande de résiliation de son cocontractant et l'a averti des frais inhérents à celle-ci, détaillés dans une lettre du 28 février 2017.

Il ressort des différents échanges intervenus que la mise en service des lignes a été émaillée de difficultés récurrentes dès les premiers jours, situation qui a grandement handicapé la société ECD dans son activité, intervenant sur de multiples chantiers en région parisienne. Elle indique d'ailleurs dans sa lettre de résiliation du 23 février 2017 « pendant 6 jours nos équipes n'ont pas pu utiliser leur téléphone ce qui est inacceptable eu égard à notre travail. ».

L'absence de livraison des téléphones prévus a été reconnue par la société SCT dans sa lettre du 27 février 2017 en ces termes « les téléphones ne vous ont pas été envoyés puisque le stock était insuffisant. ». L'intimée admet également dans ce courrier que « A la suite de divers tests, l'incident relevait des cartes SIM ».

La lettre recommandée du 24 février 2017 est éloquente sur le fonctionnement défectueux du service souscrit « à ce jour nous n'avons aucune ligne active : premières puces désactivées et les secondes vous ont été retournées » et « depuis le 17/02 nos collaborateurs n'ont eu qu'une journée de téléphone le 23/02 et le 23/02 à 16h leurs lignes ont été coupées. ».

Bien que la société SCT explique cet état de fait par l'envoi de nouvelles cartes SIM qui a eu pour conséquence la désactivation des précédentes, son affirmation selon laquelle elle aurait mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour résoudre les incidents rencontrés ne résiste pas à l'examen de la chronologie des réclamations émises par la société ECD.

Confrontée peu de temps après la conclusion du contrat aux manquements de la société SCT et notamment à son manque de réactivité face à l'urgence de la situation, la société ECD a pris la décision de résilier le contrat de services « téléphonie mobile » et de se tourner vers un autre prestataire afin de bénéficier d'un suivi efficient.

Il résulte de l'article 1217 du code civil que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut, notamment, provoquer la résolution du contrat.

Il ressort des éléments qui précèdent que la société ECD, dont les services de téléphonie mobile ont rencontré après leur activation des défaillances importantes et n'ont pas été activés pour deux lignes, et qui, par ailleurs, n'a pas reçu les téléphones attendus sous le prétexte d'un « stock insuffisant », a pu valablement rompre les relations contractuelles par lettre recommandée du 23 février 2017 aux torts de la société commerciale de télécommunication.

Il convient d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en ce qu'il a déclaré la résiliation du contrat de téléphonie mobile aux torts exclusifs de la société ECD.

La société SCT réclame le paiement d'une indemnité de résiliation d'un montant de 38.665,20 euros TTC, en application des articles 17.1 et 17.2 des conditions particulières du contrat de services « téléphonie mobile », la résiliation étant à ses torts, la société SCT est mal fondée à demander le paiement d'une indemnité pour une résiliation dont la responsabilité lui incombe.

Concernant les factures impayées à hauteur de 1.280,89 euros TTC, il est manifeste que la société ECD a appliqué le principe de l'exception d'inexécution issu des articles 1219 et 1220 du code civil qui permettent à une partie de refuser ou de suspendre l'exécution de son obligation si l'inexécution adverse est suffisamment grave.

Compte-tenu des manquements de la société SCT qui n'ont pas permis à la société ECD de bénéficier en temps utile d'un service de téléphonie mobile performant, elle sera déboutée de sa demande au titre des factures impayées et le jugement sera infirmé sur ce point.

 

Sur la demande de dommages-intérêts de la société ECD :

La société ECD estime avoir subi un préjudice d'un montant de 10.000 euros en raison des défaillances du système de téléphonie mobile. Si les manquements contractuels de la société SCT ont justifié la résiliation du contrat, la preuve d'un préjudice doit être rapportée par le cocontractant. La société ECD ne verse aux débats aucun élément tangible permettant d'asseoir l'existence d'une perte financière, se contentant d'évoquer une désorganisation et une perte de temps.

Elle sera déboutée de sa demande à cette fin et le jugement confirmé sur point.

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La société SCT succombant principalement à l'action, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société ECD aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société SCT sera donc condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à la société ECD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARE la Société commerciale de télécommunication irrecevable à soulever la nullité de l'acte de signification de la déclaration d'appel et la caducité de l'appel par conclusions au fond devant la cour ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société Entreprise de Construction Duarte de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la convention du 9 janvier 2017,

- débouté la société Entreprise de Construction Duarte de sa demande relative aux clauses issues des articles 9, 10, 11,

- débouté la société Entreprise de Construction Duarte de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;

L'INFIRME en toutes ses autres dispositions,

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DÉBOUTE la société Entreprise de Construction Duarte de sa demande tendant à voir réputer non écrite la clause 15 de la convention,

CONSTATE la résiliation du contrat de téléphonie mobile aux torts de la Société commerciale de télécommunication ;

DÉBOUTE en conséquence la Société commerciale de télécommunication de toutes ses demandes ;

CONDAMNE la Société commerciale de télécommunication aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la Société commerciale de télécommunication à payer à la société Entreprise de Construction Duarte la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE                                         LE PRÉSIDENT