CA CAEN (2e ch. civ. com.), 31 mars 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9497
CA CAEN (2e ch. civ. com.), 31 mars 2022 : RG n° 20/01120
Publication : Jurica
Extrait : « Les conditions spéciales du contrat de sous-traitance [prévoyaient] un délai d'exécution des travaux du 3 mars 2017 au 31 mai 2017. Selon l'article 4.15 des conditions spéciales, la signature de celles-ci emportait ordre de commencer les travaux et la société MIROITERIE D'ARMOR ne peut donc soutenir qu'elle n'a pas reçu notification d'ordre de service. L'article 7.2 des conditions particulières du contrat relatif aux délais d'exécution prévoit que les travaux doivent être exécutés dans le délai mentionné aux conditions spéciales à compter de l'ordre de service de commencer les travaux donnés par l'E.P. sauf indication contraire des conditions spéciales. Il est précisé que le S.T. ne pourra pas s'opposer à une modification des plannings partiels ou globaux qui serait justifiée par des retards à rattraper ou des avances à réduire, des exigences du maître de l'ouvrage ou du maître d’œuvre ou de toute autre cause.
Par courrier électronique du 12 avril 2017, la société EIFFAGE a notifié à la société MIROITERIE D'ARMOR un planning mis à jour au 12 avril 2017 reportant au 27 septembre 2017 la date d'achèvement des travaux.
La société MIROITERIE d'ARMOR considère que l'article 7.2 des conditions particulières est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties dans la mesure où la société EIFFAGE a ainsi le pouvoir de modifier unilatéralement les délais d'exécution des travaux, de telle sorte que ces stipulations doivent être réputées non écrites en application de l'article 1171 du code civile et qu'aucune pénalité ne peut être appliquée en cas de non-respect d'une nouvelle planification des travaux.
La société EIFFAGE conteste tout déséquilibre entre les parties, expliquant que cette clause permet d'adapter la planification des travaux en fonction de l'évolution des conditions de réalisation des travaux et des aléas justifiant un recalage des interventions. Elle fait valoir que la société MIROITERIE avait accepté cette modification et n'avait fait aucune réclamation comme le contrat lui en donnait la possibilité.
Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
La société MIROITERIE D'ARMOR indique que le contrat est un contrat d'adhésion puisque c'est la société EIFFAGE seule qui l'a rédigé. La société EIFFAGE ne remet pas en cause cette analyse.
L'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties. Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie du contrat et in concreto.
Il peut être nécessaire dans le cadre de contrats portant sur la construction d'ouvrage de prévoir une possibilité de modification des plannings en cas d'imprévus dans les conditions d'évolution des conditions de réalisation du chantier.
Il est mentionné dans le compte-rendu de réunion du 2 mai 2017 que le planning a été transmis le 12 avril 2017 et qu'il a été rendu exécutoire en date du 18 avril 2017.Ce document prévoit que sauf contestations formulées par écrit dans les huit jours, les indications portées dans le compte-rendu seront contractuelles. Il est noté que l'organisation et la planification, qui découlent dudit compte-rendu, sont exécutoires sauf si celles-ci avaient une incidence et pouvaient entraîner une mise en danger ; dans ce cas l'entreprise doit en justifier et avertir le maître d'œuvre.
Par ailleurs, l'article 4-315 des conditions générales prévoit que le sous-traitant peut, à peine de forclusion, signaler par écrit à l'entrepreneur principal dans un délai maximal de 10 jours à compter de leur constatation par le sous-traitant tous les faits qui peuvent justifier une demande ou une réclamation.
Il apparaît que la société MIROITERIE D'ARMOR pouvait contester le nouveau planning, ce qu'elle n'a pas fait lui donnant dès lors une valeur contractuelle.
Au vu de ces éléments, l'article 7.2 des conditions particulières du contrat ne peut être considéré comme étant de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties. Il n'y a donc pas lieu de dire que cette clause est réputée non écrite. »
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 31 MARS 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AFFAIRE : R.G. n° 20/01120. N° Portalis DBVC-V-B7E-GRME. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Commerce de Caen en date du 3 juin 2020 : R.G. n° 2018/00901.
APPELANTE :
SAS EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE NORMANDIE
N° SIRET : XXX [...], [...], prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Alain O., avocat au barreau de CAEN, assistée de Maître Cyril D., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SAS MIROITERIE D'ARMOR
N° SIRET : YYY [...], [...], prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Gaël B., substitué par Maître Louise B., avocats au barreau de CAEN, assistée de Maître Anne-Charlotte M., avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
DÉBATS : A l'audience publique du 3 février 2022, sans opposition du ou des avocats, M. GOUARIN, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme EMILY, Président de Chambre, Mme COURTADE, Conseillère, M. GOUARIN, Conseiller.
ARRÊT prononcé publiquement le 31 mars 2022 à 14 h. 00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par contrat de sous-traitance en date du 21 décembre 2016, la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE-NORMANDIE a confié à la SAS MIROITERIE D'ARMOR, la fourniture et pose de menuiseries extérieures aluminium dans le cadre du marché portant sur la conception et la réalisation du projet Bâtiment CNLESG de la DCNS à [ville C.].
Le montant du marché de sous-traitance s'élevait à la somme de 594.500 euros HT, porté à 619.170 euros HT par avenant n° 1 d'un montant de 24.670 euros HT daté du 18 avril 2017 et signé des deux parties.
La SAS MIROITERIE D'ARMOR a achevé ses prestations et adressé son décompte général définitif le 27 avril 2018, reçu le 30 avril 2018, celui-ci reprenant le montant du contrat de sous-traitance de 594.500 euros HT, le montant de l'avenant n° 1 soit 24.670 euros HT plus la somme de 1.875 € HT pour travaux supplémentaires, soit un DGD de 621.045 euros HT, la somme lui restant due s'élevant à 55.191,75 euros HT.
Par courrier du 18 mai 2018, reçu le 22 mai 2018, la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION a informé la SAS MIROITERIE D'ARMOR qu'elle refusait son projet de décompte général définitif (DGD)aux motifs de retenues pour pénalités de retard s'élevant à la somme de 78.761 euros HT, ramenée à 5 % du marché conformément aux conditions particulières article 7.3.2 du contrat de sous-traitance soit 30.958,50 euros HT. Elle entendait également faire supporter à la SAS MIROITERIE D'ARMOR le montant de la reprise de remplacement de faux plafonds pour 6.024 euros HT, et la somme de 3.000 euros HT de pénalités pour non-respect des règles de sécurité ainsi que la somme de 2.850 euros HT pour remplacement d'une armoire électrique détruite. Ces différentes retenues s'élevaient à la somme de 11.874 euros HT, soit un total de pénalités et retenues pour reprise de travaux s'élevant à la somme de 42.832,50 euros HT.
La SAS EIFFAGE CONSTRUCTION a donc demandé à la SAS MIROITERIE D'ARMOR de rectifier son DGD en conséquence.
Par courrier en date du 01 juin 2018, le conseil de la SAS MIROITERIE D'ARMOR a contesté les retenues appliquées et a mis en demeure la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION d'avoir à payer le solde du marché, soit la somme de 55.191,75 euros HT.
Par courrier en date du 2 juillet 2018, la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION a confirmé maintenir l'ensemble des retenues opérées.
Suivant actes en date des 29 octobre 2018 et 31 octobre 2018, la SAS MIROITERIE D'ARMOR a assigné la société EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE NORMANDIE en paiement devant le tribunal de commerce de Caen.
En cours d'instance, la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION a réglé la somme de 10.484,25 euros HT, ramenant la demande en principal de la SAS MIROITERIE D'ARMOR à la somme de 44.707,50 euros HT.
Par jugement en date du 3 juin 2020, le tribunal de commerce a :
- pris acte du paiement en cours de cette instance de la somme de 10.484,25 euros par la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE-NORMANDIE au profit de la SAS MIROITERIE D'ARMOR ;
- fixé à la somme de 6.191,70 euros le montant des retenues à appliquer sur le décompte général définitif de la SAS MIROITERIE D'ARMOR ;
- condamné la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE-NORMANDIE à payer à la SAS MIROITERIE D'ARMOR la somme de 36.640,80 euros majorée des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 1er juin 2018 ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions ;
- condamné la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE-NORMANDIE à payer à la SAS MIROITERIE D'ARMOR la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SAS EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE-NORMANDIE aux entiers dépens, y compris les frais de greffe ;
Par déclaration en date du 30 juin 2020, la SAS EIFFAGE a fait appel du jugement.
[*]
Dans ses dernières conclusions en date du 6 janvier 2022, la société EIFFAGE demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu le 3 juin 2020 par le tribunal de commerce de Caen,
- débouter la société MIROITERIE D'ARMOR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société MIROITERIE D'ARMOR en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Alain O., avocat postulant, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure Civile,
- condamner la société MIROITERIE D'ARMOR à verser à la société EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE-NORMANDIE une somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure Civile.
[*]
Dans ses dernières conclusions en date du 18 janvier 2022, la société MIROITERIE D'ARMOR demande à la cour de :
- rejeter l'appel de la société EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE-NORMANDIE ainsi que toutes ses demandes, fins ou conclusions,
- réformer la décision entreprise ;
Statuant à nouveau,
- condamner la société EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE-NORMANDIE à payer à la société MIROITERIE D'ARMOR la somme de 44.707,50 euros HT, assortie des intérêts
de droit à compter de la mise en demeure du 1er juin 2018,
A titre subsidiaire :
- confirmer le jugement du 3 juin 2020 et y ajoutant condamner la société EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE-NORMANDIE à payer à la société MIROITERIE D'ARMOR une somme complémentaire de 6.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance devant la cour.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
- Concernant la TVA :
Le tribunal de commerce a rejeté la demande de la SAS MIROITERIE D'ARMOR portant sur l'application de la TVA sur la somme due au principal.
La société EIFFAGE demande la confirmation du jugement sur ce point.
Il ressort des conclusions de la SAS MIROITERIE D'ARMOR que celle-ci ne conteste pas le jugement sur ce point.
Dès lors, il y a lieu de constater que le jugement n'est pas critiqué sur ce point et il convient donc de la confirmer de ce chef.
- Sur la fourniture d'une garantie de paiement :
Selon l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
La société MIROITERIE D'ARMOR soutient qu'elle n'a pas été rendue destinataire d'une garantie de paiement s'agissant des travaux supplémentaires facturés pour un montant de 26 554 euros.
Dans les motifs de ses conclusions, elle demande la condamnation de la société EIFFAGE à fournir cette garantie sous astreinte.
Or, aucune demande à ce titre n'est reprise dans le dispositif des conclusions.
La cour n'est donc pas saisie de cette demande.
- Sur les travaux supplémentaires d'un montant de 1.875 euros :
Le tribunal de commerce a jugé que cette somme de 1.875 euros ne devait pas être prise en compte car elle n'était pas justifiée par un devis accepté, un avenant ou un accord de la société EIFFAGE CONSTRUCTION.
La société EIFFAGE demande la confirmation du jugement sur ce point.
Dans ses dernières conclusions, la société MIROITERIE D'ARMOR ne répond pas sur ce point.
Elle ne verse aux débats aucune pièce justificative relative à l'acceptation de ces travaux supplémentaires par la société EIFFAGE.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déduit cette somme du décompte présenté par la société MIROITERIE D'ARMOR et par conséquent en ce qu'il a fixé à 42 832,50 euros, la somme due à la société MIROITERIE D'AMOR au titre du marché de sous-traitance, avant toutes retenues éventuelles.
- Sur le caractère définitif du décompte de la société MIROITERIE D'ARMOR :
La société MIROITERIE D'ARMOR soutient que la société EIFFAGE disposait d'un délai de 15 jours pour notifier le décompte définitif consécutivement à la réception du projet de décompte final, que la société MIROITERIE D'ARMOR a adressé son projet de décompte final le 27 avril 2018 mais que la société EIFFAGE n'a pas notifié en retour le décompte général et qu'en application de l'article 6.4 des conditions particulières du marché, le décompte de la société MIROITERIE D'ARMOR est devenu définitif.
La société EIFFAGE conteste l'analyse des termes du contrat faite par la société MIROITERIE D'ARMOR et fait valoir qu'aucune stipulation du contrat de sous-traitance ne sanctionne le non-respect par la société EIFFAGE du délai de 15 jours dont elle disposait pour vérifier le projet de décompte final de son sous-traitant et établir le décompte définitif des travaux réalisés par celui-ci.
L'article 6.4 des conditions particulières du contrat de sous-traitance prévoit que dans un délai de 30 jours à compter de la demande de l'E.P (entrepreneur principal) ou à défaut dans les 30 jours suivant la réception de l'opération, le S.T. (sous-traitant) transmet à l'E.P. un projet de décompte final constituant sa proposition pour solde de tous comptes.
Dans les 15 jours, qui suivent la réception du projet de décompte final du S.T., l'E.P. procède à sa vérification en y imputant, s'il y a lieu, les déductions opérées conformément au contrat.
L'E.P. établit un décompte définitif.
Le décompte définitif est envoyé au S.T. en deux exemplaires. Un exemplaire doit être retourné signé par le S.T. dans un délai de 15 jours. A défaut, et en l'absence dans ce délai de contestation motivée, formulée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le décompte définitif est réputé accepté sans réserve pour solde de tous comptes.
Si dans un délai de 30 jours à compter de la demande de l'E.P., ou, à défaut de demande dans les 30 jours suivant la réception, le S.T. n'a pas adressé à l'E.P son projet de décompte final, l'E.P établit lui-même un décompte définitif. Ce décompte est envoyé au S.T.
Ce décompte est réputé accepté à défaut de réserves formulées par le S.T. dans un délai de 15 jours à compter de la réception de celui-ci. Il devient alors décompte définitif pour soldes de tous comptes.
Il résulte de cet article que le délai de 15 jours dont dispose l'E.P. pour vérifier le projet de décompte final du S.T et établir un décompte définitif n'est pas prescrit à peine de sanction.
Il sera relevé comme l'a souligné le tribunal de commerce que le contrat de sous-traitance précise l'ordre de préséance des pièces contractuelles en cas de contradiction entre les documents selon l'ordre décroissant suivant : conditions spéciales, conditions particulières, conditions générales.
Il est en outre prévu que les documents du marché rendus contractuels priment entre eux selon les règles définies par le marché principal.
La société MIROITERIE D'ARMOR ne peut donc invoquer une norme NFP 03-001 dont il est précisé expressément à l'article 1.2.2 des conditions particulières du contrat de sous-traitance qu'elle est exclue des pièces contractuelles liant les parties.
Au vu de ces éléments, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que la société MIROITERIE D'ARMOR ne pouvait soutenir que son projet de décompte final devait s'imposer aux parties.
- Sur les pénalités de retard relatives au délai d'exécution des travaux :
Les conditions spéciales du contrat de sous-traitance [prévoyaient] un délai d'exécution des travaux du 3 mars 2017 au 31 mai 2017.
Selon l'article 4.15 des conditions spéciales, la signature de celles-ci emportait ordre de commencer les travaux et la société MIROITERIE D'ARMOR ne peut donc soutenir qu'elle n'a pas reçu notification d'ordre de service.
L'article 7.2 des conditions particulières du contrat relatif aux délais d'exécution prévoit que les travaux doivent être exécutés dans le délai mentionné aux conditions spéciales à compter de l'ordre de service de commencer les travaux donnés par l'E.P. sauf indication contraire des conditions spéciales.
Il est précisé que le S.T. ne pourra pas s'opposer à une modification des plannings partiels ou globaux qui serait justifiée par des retards à rattraper ou des avances à réduire, des exigences du maître de l'ouvrage ou du maître d’œuvre ou de toute autre cause.
Par courrier électronique du 12 avril 2017, la société EIFFAGE a notifié à la société MIROITERIE D'ARMOR un planning mis à jour au 12 avril 2017 reportant au 27 septembre 2017 la date d'achèvement des travaux.
La société MIROITERIE d'ARMOR considère que l'article 7.2 des conditions particulières est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties dans la mesure où la société EIFFAGE a ainsi le pouvoir de modifier unilatéralement les délais d'exécution des travaux, de telle sorte que ces stipulations doivent être réputées non écrites en application de l'article 1171 du code civile et qu'aucune pénalité ne peut être appliquée en cas de non-respect d'une nouvelle planification des travaux.
La société EIFFAGE conteste tout déséquilibre entre les parties, expliquant que cette clause permet d'adapter la planification des travaux en fonction de l'évolution des conditions de réalisation des travaux et des aléas justifiant un recalage des interventions.
Elle fait valoir que la société MIROITERIE avait accepté cette modification et n'avait fait aucune réclamation comme le contrat lui en donnait la possibilité.
Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
La société MIROITERIE D'ARMOR indique que le contrat est un contrat d'adhésion puisque c'est la société EIFFAGE seule qui l'a rédigé.
La société EIFFAGE ne remet pas en cause cette analyse.
L'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties.
Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie du contrat et in concreto.
Il peut être nécessaire dans le cadre de contrats portant sur la construction d'ouvrage de prévoir une possibilité de modification des plannings en cas d'imprévus dans les conditions d'évolution des conditions de réalisation du chantier.
Il est mentionné dans le compte-rendu de réunion du 2 mai 2017 que le planning a été transmis le 12 avril 2017 et qu'il a été rendu exécutoire en date du 18 avril 2017.Ce document prévoit que sauf contestations formulées par écrit dans les huit jours, les indications portées dans le compte-rendu seront contractuelles. Il est noté que l'organisation et la planification, qui découlent dudit compte-rendu, sont exécutoires sauf si celles-ci avaient une incidence et pouvaient entraîner une mise en danger ; dans ce cas l'entreprise doit en justifier et avertir le maître d'œuvre.
Par ailleurs, l'article 4-315 des conditions générales prévoit que le sous-traitant peut, à peine de forclusion, signaler par écrit à l'entrepreneur principal dans un délai maximal de 10 jours à compter de leur constatation par le sous-traitant tous les faits qui peuvent justifier une demande ou une réclamation.
Il apparaît que la société MIROITERIE D'ARMOR pouvait contester le nouveau planning, ce qu'elle n'a pas fait lui donnant dès lors une valeur contractuelle.
Au vu de ces éléments, l'article 7.2 des conditions particulières du contrat ne peut être considéré comme étant de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties.
Il n'y a donc pas lieu de dire que cette clause est réputée non écrite.
La société MIROITERIE D'ARMOR indique qu'aucun retard d'exécution ne lui est imputable et qu'elle a subi un retard global qui a affecté le chantier et qui l'a empêchée d'avancer ses ouvrages. Elle précise que la société EIFFAGE ne justifie pas des travaux qui n'auraient pas été achevés.
La société EIFFAGE soutient que les travaux n'ont été terminés que le 15 novembre 2017 et que la société MIROITERIE D'ARMOR ne justifie aucunement avoir été empêchée dans l'avancement de ses travaux.
Il résulte du dernier compte-rendu de réunion produit daté du 17 octobre 2017 qui reprend les différentes remarques adressées à chaque entreprise depuis le début des travaux que la société MIROITERIE D'ARMOR a été en retard dans l'exécution de ses travaux. Ce retard était signalé dès le 24 avril 2017.
Le 2 mai 2017 il était noté 10 jours de retard et le pilote OPC déplorait des effectifs trop peu importants.
Le 29 août 2017, il était noté l'attente d'un nouveau planning de la part de la société MIROITERIE D'ARMOR pour la fin de ses ouvrages.
Le 3 octobre 2017, le pilote OPC notait que la société MIROITERIE D'ARMOR n'avait respecté aucun de ses engagements en matière de délais et de fins de travaux.
Le 10 octobre 2017, les ouvrages n'étaient pas finalisés.
Le 17 octobre 2017, la société était questionnée sur une finalisation des travaux pour la fin de la semaine.
Aucune remarque ne porte sur l'impossibilité pour la société MIROITERIE D'ARMOR d'avancer ses ouvrages du fait des retards pris par d'autres corps de métiers et celle-ci ne justifie aucunement avoir fait des observations sur ce point à la société EIFFAGE.
Le compte-rendu du 17 octobre 2017, qui n'a pas fait l'objet de contestations écrites de la part de la société MIROITERIE D'ARMOR dans le délai de 8 jours prévu, permet de retenir la réalité de retard dans l'exécution des travaux qui auraient dû être terminés le 27 septembre 2017.
La société EIFFAGE ne justifie pas de la date d'achèvement des travaux, son courrier du 2 juillet 2018 ne constituant pas une telle preuve.
La société EIFFAGE ne peut se prévaloir de la facture du 19 octobre 2017, qui concerne 95% du coût des travaux, comme une reconnaissance du retard dans la mesure où la société MIROITERIE D'ARMOR explique qu'elle a fait application de la retenue de garantie prévue contractuellement, cette dernière contestant en outre dans son courrier d'accompagnement de la facture le bien fondé des pénalités de retard.
Il sera au vu de ces éléments retenu un retard dans l'exécution des travaux jusqu'au 17 octobre 2017 à défaut d'autre élément de preuve sur la date effective de la fin des travaux, soit 20 jours de retard.
La pénalité pour retard de chantier doit donc être arrêtée à la somme de 12 383,40 euros.
Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
- Sur les pénalités de retard des travaux de levée de réserves :
La société EIFFAGE fait état de 42 jours de retard des travaux de levée des réserves et demande l'application des pénalités prévues au contrat.
La société MIROITERIE D'ARMOR soutient avoir levé les réserves les 12 et 13 janvier 2018 et en avoir informé la société EIFFAGE sans aucune critique ni mise en demeure de cette dernière qui ne s'est manifestée qu'un mois et demi plus tard. Elle précise qu'elle n'est pas réintervenue sur le chantier depuis le mois de janvier 2018.
La réception des travaux a eu lieu le 19 décembre 2017 avec des réserves.
Par courrier du 22 décembre 2017, la société EIFFAGE a demandé à la société MIROITERIE D'ARMOR de lever les réserves pour le 12 janvier 2018.
Dans un mail du 18 janvier 2018 adressé à la société EIFFAGE, la société MIROITERIE D'ARMOR indique que les réserves ont été levées. Elle précise que deux vitrages présentent un défaut et qu'une commande a été faite pour leur remplacement.
Par courrier du 23 février 2019, la société EIFFAGE fait état d'une non levée des réserves.
Dans un courrier du 28 février 2018, la société MIROITERIE D'ARMOR rappelle à la société EIFFAGE que celle-ci était présente lors de la levée des réserves les 15 et 16 janvier 2018.
La société EIFFAGE n'a pas contesté ce point. Elle ne justifie d'aucune autre date de levée des réserves.
La date du 23 février 2018 retenue par la société EIFFAGE pour calculer la pénalité de retard correspond à celle de son courrier et il n'est justifié par la société EIFFAGE d'aucune intervention de la société MIROITERIE D'ARMOR postérieurement au mois de janvier 2018 sur le chantier ni d'aucune autre date de levée des réserves que celle de janvier 2018 dont la société EIFFAGE n'a pas contesté qu'elle avait été faite en présence de son représentant.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société EIFFAGE de sa demande à ce titre.
- Sur la reprise des faux-plafonds :
La société EIFFAGE soutient que l'intervention de la société MIROITERIE D'ARMOR pour vérifier le fonctionnement des contacteurs a dégradé les faux-plafonds et qu'elle en a informé celle-ci par courrier électronique du 14 novembre 2017.
La société MIROITERIE D'ARMOR indique qu'aucun constat n'a été réalisé permettant de déterminer la réalité des dégradations, leur ampleur et leur imputabilité.
Il sera constaté qu'aucun élément du dossier ne permet d'imputer à la société MIROITERIE D'ARMOR la dégradation des faux-plafonds invoquée par la société EIFFAGE.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société EIFFAGE de sa demande d'indemnisation.
- Sur le non-respect des règles de sécurité :
La société EIFFAGE indique que deux non-respects des règles de sécurité par des salariés de la société MIROITERIE D'ARMOR lui ont été signalés par le maître de l'ouvrage qui lui a appliqué deux amendes de 1.500 euros chacune.
Elle soutient qu'elle est fondée contractuellement à déduire du solde du prix du marché cette pénalité globale de 3.000 euros.
La société MIROITERIE D'ARMOR conteste le bien-fondé de la pénalité et soutient qu'aucun article du contrat ne prévoyait ce type de pénalité.
La société EIFFAGE ne justifie pas du paiement de cette somme de 3.000 euros.
Par ailleurs, le contrat ne prévoit pas de pénalité en cas de violation d'une règle de sécurité.
L'article 2.3.1 des conditions particulières visées par la société EIFFAGE vise la responsabilité du sous-traitant en cas d'accident ou de dommages résultant de l'exécution des ses travaux ou de ses agents et ouvriers envers l'entrepreneur principal ou envers les tiers, ce qui n'est pas le cas d'espèce.
Dès lors la demande d'indemnisation n'est pas fondée contractuellement.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société EIFFAGE de sa demande.
- Sur les frais de remplacement de l'armoire électrique :
La société EIFFAGE demande que soit déduit du solde du prix du marché, le coût de remplacement d'une armoire électrique dégradée accidentellement par la société MIROITERIE D'ARMOR lors du déchargement d'un camion.
La société MIROITERIE D'ARMOR indique qu'aucun élément ne permet de déterminer la réalité des dégradations, leur ampleur et leur imputabilité. Elle précise que le chiffrage des reprises est prohibitif et injustifié.
La société EIFFAGE ne fournit aucun élément de preuve sur la réalité des dégradations ni sur la responsabilité de la société MIROITERIE D'ARMOR.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société EIFFAGE de sa demande à ce titre.
A vu de l'ensemble de ces éléments, le solde du prix du marché dû s'élève à la somme de 30.449,10 euros.
Le jugement sera donc partiellement infirmé et la société EIFFAGE sera condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2018, date de la mise en demeure.
Il n'apparaît pas inéquitable que la société EIFFAGE qui est condamnée à paiement, supporte ses frais irrépétibles.
Elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait au contraire inéquitable que la société MIROITERIE D'ARMOR supporte ses frais irrépétibles.
Le jugement sera confirmé sur la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société EIFFAGE sera en outre condamnée à payer à la société MIROITERIE D'ARMOR la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 en cause d'appel.
La société EIFFAGE sera condamnée aux dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
INFIRME partiellement le jugement déféré sur le montant des pénalités de retard relatives au délai d'exécution des travaux ;
Statuant à nouveau dans les limites des chefs du jugement infirmés ;
CONDAMNE la société EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE NORMANDIE à payer à la société MIROITERIE D'ARMOR la somme de 30.449,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2018 au titre du solde du prix du marché de sous-traitance signé entre les parties le 21 décembre 2016 ;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE NORMANDIE à payer à la société MIROITERIE D'ARMOR la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE la société EIFFAGE CONSTRUCTION BASSE NORMANDIE aux dépens d'appel ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY
- 8261 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 -Loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Domaine d'application
- 8396 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Notion de clause abusive – Absence de réciprocité
- 8602 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. – Notion de clause abusive – Contraintes d’exécution
- 9648 - Code civil - Art. 1171 C. civ. –Notion de clause abusive – Indices du déséquilibre significatif – Appréciation globale et économie du contrat
- 9751 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Construction
- 9762 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par clause – Modification du contrat