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TI NANTES, 10 juillet 2001

Nature : Décision
Titre : TI NANTES, 10 juillet 2001
Pays : France
Juridiction : Nantes (TI)
Demande : 00/000509
Date : 10/07/2001
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 15/02/2001
Décision antérieure : CA RENNES (1re ch. B), 27 juin 2002
Numéro de la décision : 258
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 95

TI NANTES, 10 juillet 2001 : RG n° 00/000509 ; jugement n° 258

(sur appel CA Rennes (1re ch. B), 27 juin 2002 : RG n° 01/05431 ; arrêt n° 526)

 

Extraits : 1/ « L’article L. 132-1 du Code de la Consommation selon lequel sont réputées non écrites, parce qu'abusives, les clauses des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, est applicable en l'espèce dans la mesure où l'implantation d'un système de télésurveillance est sans lien direct avec l'activité médicale professionnelle et vise à satisfaire un besoin de sécurité assez semblable à celui d'un particulier ; Les chirurgiens dentistes, par l'intermédiaire de leur gérant, Mr Y. en signant les contrats litigieux, se trouvaient manifestement dans le même état d'ignorance sur la télésurveillance, que n'importe quel consommateur. Les contrats signés n'ont aucun lien avec les activités d'exploitation d'un Cabinet dentaire ».

2/ « Les articles 11 et 13 du contrat d'abonnement de télésurveillance du 23 octobre 1998 et les articles 5 et 13 du contrat de location du 23 octobre 1998 qui prévoient une durée de 48 mois sans résiliation possible par le co-contractant avec, en cas de rupture anticipée, une indemnité égale au solde de la période contractuelle en cours, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, de telle sorte qu'elles doivent être considérées comme abusives et doivent être déclarées non écrites ».

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE NANTES

PALAIS DE JUSTICE

JUGEMENT DU 10 JUILLET 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11 00-000509. Jugement n° 258.

 

DEMANDEUR :

Société Civile de Moyens X., prise en la personne de son Liquidateur Amiable, M. Y.

[adresse], représentée par Maître GODARD Jean-Jacques, avocat au barreau de NANTES, D'une part,

 

DÉFENDEUR :

- Société CIPE FRANCE

[adresse], représentée par Maître LE THUAUT, avocat au barreau de NANTES

- SA PREFI

siège social [adresse], établissement secondaire : [adresse], représentée par Maître BOUCHET Hubert, avocat au barreau de NANTES, D'autre part,

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : M-F LEBON-BLANCHARD

GREFFIER : Sylvie COLAS

PROCÉDURE : date de la première évocation : 03 mars 2000 - date des débats : 5 juin 2001

délibéré au 10 juillet 2001.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Le Docteur Y. et le Docteur Z. exerçaient leur activité professionnelle de chirurgiens-dentistes sous la forme d'une Société Civile de Moyens dénommée « Sté X. » ;

Dans le courant de l'année 1998, ils ont été démarchés par Mme A. de la Société CIPE FRANCE qui leur a proposé du matériel et des prestations de télésurveillance ;

Les docteurs Z. et Y. ont décidé d'équiper leur Cabinet Médical de ce système et, par contrat d'abonnement en date du 23 octobre 1998, la Société CIPE FRANCE et Mr Y., gérant de la Société Civile de Moyens, vont s'engager réciproquement ;

En réalité deux contrats ont été signés :

- l'un dit d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire avec la Société CIPE FRANCE ;

- l'autre dit de location de matériel de télésurveillance avec un co-contractant non déterminé par écrit, représenté par une Société FIRENT, non identifiée, représentée par la Société CIPE FRANCE ;

Ces deux contrats prévoyaient une durée fixe de 48 mois irrévocable et indivisible aux articles 13 et 5 des contrats respectifs ;

Il n'y avait aucune possibilité de résiliation pour les médecins et une clause pénale égale au montant des loyers en cours était prévue ;

Les docteurs Y. et Z. ont été contraints de se séparer et la Société Civile de Moyens X. a été dissoute suivant Assemblée Générale Extraordinaire du 15 janvier 1999 ;

La libération des locaux a été fixée au 31 octobre 1999 ;

Ainsi, le docteur Y., es-qualité de liquidateur amiable de la Société Civile de Moyens X., a, par lettre du 16 février 1999, informé la Société CIPE FRANCE de cette dissolution et de la résiliation des contrats d'abonnement de télésurveillance et de location ;

La Société CIPE FRANCE refusait de considérer cette résiliation du contrat aux motifs que la durée contractuelle était fixée et déterminée à 48 mois ;

Différents courriers étaient échangés, confirmant les positions opposées des contractants. La Société FIRENT, elle, envoyait plusieurs lettres de relance pour solliciter le règlement des loyers et redevances mensuelles ;

[minute page 3] Par assignation en date du 15 février 2001, la Société Civile de Moyens X., prise en la personne de Mr Y. demande au Tribunal d'Instance de NANTES, en application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation de dire et juger que les articles 11 et 13 du contrat d'abonnement et de surveillance sont des clauses abusives et réputées non écrites ;

Il demande, au nom de la SCM X., que le Tribunal dise qu'il n'est dû aucune redevance du fait de la résiliation en date du 30 septembre 1999 ;

Subsidiairement, la partie demanderesse sollicite le prononcé de la nullité des contrats pour défaut de cause, en application de l'article 1131 du Code Civil ;

Très subsidiairement, elle demande au Tribunal de dire que la Société CIPE FRANCE a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi les contrats du 23 octobre 1998. En conséquence, il n'est dû aucun loyer ou aucune redevance depuis le 30 octobre 1999 ;

Mr Y., es-qualité, demande au Tribunal de condamner la Société CIPE FRANCE à lui verser 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts, compte tenu de son attitude déloyale outre 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

A l'appui de sa demande Mr Y., es-qualité, expose que l'examen du contrat permet de constater qu'il existe un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

Les contrats d'abonnement de télésurveillance et de location de matériel ont été conclus à l'occasion de l'activité professionnelle mais sont extérieures à cette activité et n'ont aucun lien avec la pratique médicale et l'objet du contrat. La SCM X. doit être considérée comme un simple consommateur non professionnel conformément à la Directive Européenne du 5 avril 1993, transposée par la loi du 1er février 1995 ;

Les deux contrats présentent des clauses abusives en ce sens qu'ils sont irrévocables pendant une durée de trois ou quatre ans ;

Les clauses ainsi visées doivent être considérées comme abusives et doivent être déclarées comme non écrites ;

A titre subsidiaire, Mr Y. fait valoir que la SCM X. a été dissoute et n'exerce plus depuis le 5 juillet 1999. Les locaux ont été libérés depuis le 31 octobre 1999 ;

Ainsi le matériel de télésurveillance n'est plus en fonctionnement et sa location ne se justifie plus depuis cette date ;

Enfin, et de façon très subsidiaire, Mr Y. explique que la Société CIPE FRANCE qui ne fournit plus de prestation de service depuis le 31 octobre 1999, n'hésite pas à réclamer le paiement des loyers postérieurement à cette date, ce qui constitue une exécution de mauvaise foi de la convention d'abonnement et de location ;

[minute page 4] En défense, la Société CIPE FRANCE soutient que l'allégation fondée sur l'existence de clauses abusives est injustifiée ;

En effet, tant la Cour de Cassation que la Commission des clauses abusives, ont interprété l'article L. 132-1 du Code de la Consommation comme excluant de son champ d'application tous les contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le co-contractant ;

Or, en l'espèce la Société SCM X. a contracté en qualité de professionnel, elle a agi dans le cadre de son activité professionnelle et dans le but d'assurer la protection de ses locaux ;

La Société X. ne peut donc se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;

La Société CIPE FRANCE fait valoir, pour répondre à la demande subsidiaire, que la validité de la cause du contrat doit s'apprécier au moment de sa formation. La dissolution de ladite Société n'affecte en rien la validité du contrat, causé au moment de sa signature ;

La Société CIPE FRANCE estime en outre qu'elle a exécuté de bonne foi les prescriptions conventionnelles puisqu'en vertu de l'article 1134 du Code Civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ;

La durée déterminée, irrévocable et ferme de 48 mois était prévue au contrat, cette durée permet l'amortissement des matériels installés et la rémunération du coût de main-d'œuvre pour l'installation ;

La Société X. se doit donc d'exécuter le contrat dans les termes qu'elle a acceptés ;

Enfin, la demande en dommages-intérêts doit être rejetée dans la mesure où la SCM X. ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice ;

Reconventionnellement, la Société CIPE FRANCE demande au Tribunal de prononcer la résolution judiciaire du contrat de télésurveillance en date du 23 octobre 1998, aux torts de la Société X. à compter du mois d'octobre 1999, date de l'arrêt du paiement des loyers ;

Elle réclame également 8.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La Société SCM « X. » a appelé à la cause la Société PREFI par exploit du 7 novembre 2000, assignation rédigée dans les mêmes termes que celle délivrée à l'encontre de la Société CIPE FRANCE ;

La Société PREFI reprend la même argumentation que la Société CIPE FRANCE pour conclure au rejet de l'ensemble des conclusions de la SCM X. et pour solliciter la prononciation judiciaire du contrat de location de matériel en date du 24 octobre 1998 aux torts exclusifs de la SCM X. à compter du mois d'octobre 1999 ;

[minute page 5] Elle réclame 8.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La Société SCM X., en réponse à l'argumentation des Sociétés défenderesses, estime que leur analyse est erronée, il n'y a aucun rapport direct entre le contrat souscrit (télésurveillance) et activité professionnelle (Cabinet médical). Aussi, la Société SCM X. soutient que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation et la recommandation n° 97-1 émise par la Commission des clauses abusives apparaissent tout à fait applicables au cas d'espèces. Elle maintient ses demandes subsidiaires et soutient que le Tribunal ne pourra pas prononcer la résolution du contrat à ses torts dans la mesure où elle n'a pas commis de faute contractuelle ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

L’article L. 132-1 du Code de la Consommation selon lequel sont réputées non écrites, parce qu'abusives, les clauses des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, est applicable en l'espèce dans la mesure où l'implantation d'un système de télésurveillance est sans lien direct avec l'activité médicale professionnelle et vise à satisfaire un besoin de sécurité assez semblable à celui d'un particulier ;

Les chirurgiens dentistes, par l'intermédiaire de leur gérant, Mr Y. en signant les contrats litigieux, se trouvaient manifestement dans le même état d'ignorance sur la télésurveillance, que n'importe quel consommateur. Les contrats signés n'ont aucun lien avec les activités d'exploitation d'un Cabinet dentaire ;

Les articles 11 et 13 du contrat d'abonnement de télésurveillance du 23 octobre 1998 et les articles 5 et 13 du contrat de location du 23 octobre 1998 qui prévoient une durée de 48 mois sans résiliation possible par le co-contractant avec, en cas de rupture anticipée, une indemnité égale au solde de la période contractuelle en cours, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, de telle sorte qu'elles doivent être considérées comme abusives et doivent être déclarées non écrites ;

Ainsi, la Société CIPE FRANCE et la Société PREFI ne peuvent réclamer aucune redevance ni aucun loyer postérieurement au 30 septembre 1999, date de la résiliation des contrats ;

La résistance abusive des défendeurs justifie l'allocation d'une somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts ;

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la partie demanderesse les frais irrépétibles engagés dans le cadre de la présente instance ;

Il convient de lui allouer de ce chef la somme de 5.000 Francs ;

Il convient de rejeter toutes les demandes reconventionnelles des Sociétés défenderesses ;

[minute page 6] Il convient, par application de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, de condamner les parties défenderesses aux dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

VU l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;

DÉCLARE abusives et donc non écrites les clauses prévues aux articles 11 et 13 du contrat d'abonnement de télésurveillance souscrit le 23 octobre 1998, et aux articles 5 et 13 du contrat de location souscrit le 23 octobre 1998 ;

DIT que tant la Société CIPE FRANCE que la Société PREFI ne pourront réclamer aucune redevance ni aucun loyer postérieurement au 30 septembre 1999, date de la résiliation ;

CONDAMNE solidairement la Société CIPE FRANCE et la Société PREFI à payer à la Société SCM X. :

- la somme de DIX MILLE FRANCS (10.000 Francs) à titre de dommages-intérêts ;

DÉBOUTE les Sociétés défenderesses de leurs demandes reconventionnelles ;

CONDAMNE solidairement la Société CIPE FRANCE et la Société PREFI à payer à la Société SCM X. :

- la somme de CINQ MILLE FRANCS (5.000 Francs) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la Société CIPE FRANCE et la Société PREFI aux dépens ;

LE GREFFIER                        LE PRÉSIDENT

S. COLAS                              M.F LEBON-BLANCHARD

 

 

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