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CA ROUEN (2e ch.), 20 février 2003

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (2e ch.), 20 février 2003
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), 2e ch.
Demande : 01/04092
Date : 20/02/2003
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : T. COM. ROUEN, 21 septembre 2001
Numéro de la décision : 97
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 977

CA ROUEN (2e ch.), 20 février 2003 : RG n° 01/04092 ; arrêt n° 97 (?)

Publication : Juris-Data n° 210070

 

Extraits : « Attendu que le lecteur de chèques installé était destiné à être utilisé dans le cadre de l'activité commerciale de Madame Y., sa location ayant été réalisée pour son commerce, comme en fait foi la mention, sur les contrats, de son enseigne commerciale et l'apposition de son cachet « [Z. Boutique] » sur lequel elle a signé ; Attendu que le lecteur de chèques installé a permis l'encaissement en toute sécurité, par Madame Y., des chèques qui lui ont été remis par sa clientèle, pendant les deux années et demi d'utilisation qui ont précédé l'introduction de son action judiciaire ; que ce matériel avait pour finalité de garantir ses bénéfices ; Que la souscription de ces contrats correspond aux besoins de son activité commerciale ; Que ces contrats ont donc un rapport direct avec l'activité exercée par Madame Y. dans le cadre de son exploitation commerciale ».

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 01/04092.

DÉCISION ATTAQUÉE : TRIBUNAL DE COMMERCE ROUEN du 21 septembre 2001.

 

APPELANTE :

Société ADT FRANCE anciennement dénommée ADT PROVIDER, venant aux droits de TELSIX [N.B. : TELESIX ?]

[adresse] représentée par Maître COUPPEY, avoué à la Cour

 

INTIMÉE :

Madame X. épouse Y.

[adresse] représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour, assistée de Maître MERIGOT, avocat au barreau de ROUEN

[minute originale non paginée, en fait page 2]

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 janvier 2003 sans opposition des avocats devant Monsieur PERIGNON, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame BRUMEAU, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BIGNON, Présidente ; Monsieur PERIGNON, Conseiller ; Madame BRUMEAU, Conseiller.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame LECUYER, Greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 15 janvier 2003, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 février 2003.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE.

Prononcé à l'audience publique du 20 février 2003 par Madame BIGNON, Présidente, qui a signé la minute avec Madame LECUYER, Greffier présent à cette audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute originale page 1, en fait page 3] Les faits et la procédure :

Madame Y. née X., exploitant une activité de vente d'affiches, reproductions et encadrements a été démarchée le 21 octobre 1996 dans son magasin par un délégué commercial de la société Telesix qui commercialise, installe et assure la maintenance de points phone, de lecteurs de chèques et de cartes bancaires, le matériel étant financé par un organisme dans le cadre d'un contrat de location.

Madame Y. a alors souscrit trois contrats, un contrat de services de monétique avec la société Telesix portant sur un lecteur de chèques, conclu pour une durée de 48 mois moyennant des mensualités de 434,16 francs TTC, un contrat de location, avec la société Cofigest, portant sur ce même matériel et pour la même durée, et un contrat de service avec la société Monemag, et l'adhésion à « chèques service privilège » pour la validation des chèques d'une durée de 12 mois renouvelable.

Le même jour, Madame Y. a signé une autorisation de prélèvement bancaire au profit de Cofilion et Monemag et émis un chèque de 723,60 francs en paiement de la première année de service Monemag.

Les bordereaux de livraison et de réception ont été signés par Madame Y. le 28 octobre 1996.

Estimant avoir été trompée, Madame Y. a résilié ces trois contrats le 13 mai 1999 et n'a plus réglé ses échéances.

Cette résiliation n'ayant pas été acceptée par la société Telesix, Madame Y. a fait assigner, le 12 juillet 1999, la société ADT Provider, venue aux droits de la société Telesix, la société Cofilion et la société Monemag devant le Tribunal de Commerce de Rouen, afin de voir prononcer la nullité des contrats souscrits et voir condamner les sociétés défenderesses à lui rembourser les loyers perçus et à lui verser des dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 21 septembre 2001, le Tribunal de Commerce de Rouen a :

- donné acte à Madame Y. de son désistement d'instance à l'égard de la société Cofilion,

- prononcé la disjonction de l'instance entre Madame Y. et la société Monemag,

- [minute originale page 2, en fait page 4] prononcé la nullité des contrats signés le 21 octobre 1996 entre la société Telesix et Madame Y.,

- condamné Madame Y. à restituer à la société Telesix l'appareil dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement,

- condamné la société Telesix à rembourser à Madame Y. les loyers réglés, soit la somme de 11.722,32 francs (1.787,06 euros),

- débouté Madame Y. de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné la société Telesix à payer à Madame Y. la somme de 2.500 francs, soit 381,12 €, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Pour statuer comme il l'a fait, le Tribunal a constaté qu'une transaction était en cours entre la société Monemag et Madame Y., et, que s'agissant du contrat conclu avec la société Telesix, Madame Y. ne disposait d'aucune compétence professionnelle pour apprécier les services que peut rendre un appareil monétique, qu'il n'y avait pas de rapport direct entre la location de ce matériel et son activité, et que le contrat était donc soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à 28 du Code de la Consommation qui n'ont pas été respectées, ce qui entraîne la nullité dudit contrat.

La société ADT Provider, venue aux droits de la société Telesix, a interjeté appel de cette décision.

 

Moyens et prétentions des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 7 octobre 2002, la société ADT France, anciennement dénommée ADT Provider, soutient que le dispositif protecteur du droit de la consommation ne peut bénéficier à Madame Y. qui, en tant que commerçante, a opté pour un lecteur de chèques qui a été placé dans ses locaux commerciaux dans le seul but d'assureur la sécurité des formules de chèques remis par sa clientèle, et ne peut donc arguer du caractère privé de cette acquisition.

Elle conteste les manœuvres dolosives invoquées à son encontre par Madame Y. et fait valoir que cette dernière se contente de procéder par voie d'affirmation, sans rapporter la preuve de la véracité de ses propos et que la preuve du dol éventuel ne peut s'induire de la seule lecture des contrats.

[minute originale page 3, en fait page 5] Elle fait valoir que Madame Y. fonde principalement son argumentation sur le fait que d'autres commerçants ont engagé des actions judiciaires contre la société Cofilion et la société ADT France pour une prestation similaire, alors qu'elle n'a, elle-même, aucun reproche précis à formuler.

Elle conclut donc à la réformation du jugement entrepris et au débouté de Madame Y., au motif que le droit de la consommation n'est pas applicable aux contrats en cause ; à titre subsidiaire, elle entend voir dire et juger que les contrats ont été conclus de manière régulière et qu'ils sont opposables à Madame Y.

Elle sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de Madame Y. à lui verser une somme de 2.000 Euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 8 octobre 2002, Madame Y. fait valoir que l'objet de son commerce est la vente d'affiches et d'encadrements, qu'elle n'avait aucune compétence professionnelle en matière de vente de systèmes monétiques apparus sur le marché en 1996, année de la signature des contrats en cause, et que le système monétique n'a aucun rapport direct avec son activité.

Elle soutient pouvoir bénéficier de la législation protectrice des intérêts de tout consommateur et que les contrats, qui ne prévoient pas la faculté de renonciation prévue par la loi, sont nuls.

Elle fait valoir que cette nullité est également encourue en raison des manœuvres dolosives dont s'est rendue coupable la société Telesix, les démarcheurs ayant notamment prétendu qu'il s'agissait d'une opération gratuite et entretenu une confusion entre les différents contrats ; elle fait état d'un argumentaire de vente établi par la société Telesix, dont elle verse une copie aux débats, et d'un jugement correctionnel rendu le 14 mars 2002 par le Tribunal de Grande Instance de Lyon qui a condamné les dirigeants des sociétés Which-Telesix au vu de cet argumentaire, qu'elle a remis à tous les commerciaux et qui comporte des indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les conditions de vente des prestations de terminaux de paiement, lecteurs de chèques ou de cartes bancaires.

[minute originale page 4, en fait page 6] Elle conclut donc à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de la société ADT France à lui verser une somme de 763 Euros à titre de dommages-intérêts et celle de 1.525 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, la Cour :

Sur l'application de l'article L 121-21 du Code de la Consommation :

Attendu que l'article L. 121-21 du Code de la Consommation dispose que « est soumis aux dispositions de la présente section, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services » ;

Que l'article L. 121-22 dudit Code écarte les dispositions relatives à la protection du consommateur démarché lorsque les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou toute autre profession ;

Attendu que Madame Y., qui exploite à un commerce de vente d'affiches et d'encadrements sous l'enseigne « [Z. Boutique] », a reçu le 21 octobre 1996, la visite d'un démarcheur qui lui a fait signer, le jour même, trois contrats, dont un contrat de location d'un lecteur de chèques, conclu avec la société Cofigest, un contrat de services de monétique, conclu avec la société Telesix, et un troisième, souscrit auprès de la société Monemag, qui a été exclu amiablement du présent litige ;

Que ce matériel a été livré et installé sur les lieux de son exploitation commerciale, le 28 octobre 1998, soit 7 jours plus tard ;

Attendu que le lecteur de chèques installé était destiné à être utilisé dans le cadre de l'activité commerciale de Madame Y., sa location ayant été réalisée pour son commerce, comme en fait foi la mention, sur les contrats, de son enseigne commerciale et l'apposition de son cachet « [Z. Boutique] » sur lequel elle a signé ;

[minute originale page 5, en fait page 7] Attendu que le lecteur de chèques installé a permis l'encaissement en toute sécurité, par Madame Y., des chèques qui lui ont été remis par sa clientèle, pendant les deux années et demi d'utilisation qui ont précédé l'introduction de son action judiciaire ; que ce matériel avait pour finalité de garantir ses bénéfices ;

Que la souscription de ces contrats correspond aux besoins de son activité commerciale ;

Que ces contrats ont donc un rapport direct avec l'activité exercée par Madame Y. dans le cadre de son exploitation commerciale ;

Que les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation lui sont, dès lors, inapplicables ;

Attendu que le jugement entrepris sera, en conséquence, infirmé en ce qu'il a déclaré nuls les contrats souscrits au motif qu'ils ne respectaient pas les dispositions légales ;

 

Sur les manœuvres dolosives invoquées :

Attendu que Madame Y. fait valoir qu'elle s'est vue proposer par le démarcheur de la société Telesix la mise à disposition gratuite du lecteur de chèque, que l'opération lui a été présentée comme un partenariat et que le démarchage, dont elle a été l'objet, a été savamment orchestré et s'inscrivait dans le cadre d'une procédure dictée par la société Telesix destinée à ses commerciaux selon « un argumentaire en clientèle départemental monétique » qu'elle verse aux débats ;

Attendu que Madame Y. démontre, par la production d'un jugement rendu le 14 mars 2002 par le Tribunal Correctionnel de Lyon, que le dirigeant de la société Telesix a été condamné pour avoir, entre 1996 et 1999, effectué une publicité comportant, sous forme d'un argumentaire de vente remis à tous ses commerciaux, valant preuve du message oral transmis aux commerçants démarchés, des allégations, des indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, sur le prix, la portée des engagements de l'annonceur, la nature et les conditions de vente des prestations rendues d'un bien ou d'un service, en l'espèce l'installation de terminaux de paiements, lecteurs de chèques ou de cartes bancaires, en présentant le client comme un partenaire bénéficiant de leurs produits et services sans investissement, sans obligation d'achat, afin de créer un tissu de référence, le service devant être vendu à d'autres, grâce à la publicité faite par le commerçant démarché ;

[minute originale page 6, en fait page 8] Que l'argumentation développée par Madame Y., portant sur les allégations, indications, présentations fausses ou de nature à induire en erreur, et les propos tenus par le démarcheur de la société Telesix, lors de la présentation du matériel monétique en cause, est donc corroborée par cette décision judiciaire qui a stigmatisé les agissements de la société Telesix ;

Que Madame Y. rapporte, en conséquence, la preuve des manœuvres dolosives dont s'est rendue coupable la société Telesix et qui ont précédé la signature des contrats ;

Qu'il y a donc lieu de prononcer la nullité des contrats conclus, le 21 octobre 1996, entre Madame Y. et la société Telesix ;

Attendu que Madame Y. ne justifie, ni en son principe, ni en son quantum, du préjudice financier et moral qu'elle invoque ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts formée à ce titre ;

Attendu que le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé, par substitution de motifs, en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge de Madame Y. les frais par elle exposés en marge des dépens d'appel ; que la société ADT France, venue aux droits de la société Telesix, sera condamnée à lui verser une somme de 800 Euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la société ADT France, venue aux droits de la société Telesix, à verser à Madame Y. la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la société ADT France aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit des Avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.