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T. COM. ROUEN, 21 septembre 2001

Nature : Décision
Titre : T. COM. ROUEN, 21 septembre 2001
Pays : France
Demande : 99/007416
Date : 21/09/2001
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 12/07/1999
Décision antérieure : CA ROUEN (2e ch.), 20 février 2003
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 970

T. COM. ROUEN, 21 septembre 2001 : RG n° 99/007416

(sur appel CA Rouen (2e ch.), 20 févr. 2003 : RG n° 01/04092)

 

Extrait : « Attendu que Mme Y. qui exerce une activité de vente d'affiches et d'encadrement ne dispose d'aucune compétence professionnelle pour apprécier les services que peut rendre un appareil monétique, ni la qualité et la performance du système proposé ; Attendu qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas de rapport direct entre la location de l'appareil de monétique et les activités exercées dans le cadre de l'exploitation commerciale de Mme Y. ; qu'elle doit bénéficier ainsi de la législation protectrice des intérêts de tout consommateur ; que les contrats sont soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à 28 du Code de la Consommation en ce qu'il réglemente le démarchage à domicile ».

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN

JUGEMENT DU 21 SEPTEMBRE 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R. G. n° 99/007416.

DEMANDEUR :

MME X. EPOUSE Y.

EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE [enseigne], [adresse], représenté par Maître DUMONTIER, avocat à Rouen

 

DÉFENDEURS :

- ADT PROVIDER SA VENANT AUX DROITS DE LA SA TELESIX

[adresse], comparant par la SCP PLOUTON et plaidant par Maître HAVELETTE

- SA COFILION

[adresse], comparant par AJC CONSEILS, avocat à Rouen

- SA MONEMAG

[adresse], représenté par Maître HERVE PORCHY, avocat à Rouen

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur GOBBÉ - Juges : Monsieur LECOMTE Monsieur RIO

Greffier : Monsieur CLERC

Débats : à l'audience publique du 13 juillet 2001 Jugement : en premier ressort, contradictoire

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE :

Mme Y. a assigné :

- La société ADT PROVIDER venant aux droits de la SA TELESIX par acte de la SCP A. B. C. huissiers de justice en la résidence de [ville M.] en date du 12 juillet 1999,

- La société COFILION par acte de la SCP D. E. F. huissiers de justice en la résidence de [ville N.] en date du 13 juillet 1999,

- La société MONEMAG par acte de la SCP G. H. I. huissiers de justice en la résidence de [ville O.] en date du 12 juillet 1999,

devant le Tribunal de Commerce afin de s'entendre demander : [minute page 2]

1. Prononcer la nullité :

- du contrat de services de monétique conclu entre la SA TELESIX et Mme Y.,

- du contrat de location signé entre la SA COFILION et Mme Y.,

En conséquence, condamner in solidum la SA TELESIX et la SA COFILION à rembourser à Mme Y. la somme de 11.722,32 Francs.

2. Prononcer la nullité du contrat de service conclu entre la SA MONEMAG et Mme Y.,

En conséquence condamner la SA MONEMAG à rembourser à Mme Y. la somme de 723,60 Francs indûment réglée.

3. Condamner in solidum la SA TELESIX, la SA COFILION et la SA MONEMAG à payer à Mme Y. la somme de 5.000 Francs à titre de dommages et intérêts.

4. Condamner in solidum la SA TELESIX, la SA COFILION et la SA MONEMAG à payer à Mme Y. la somme de 3.000 Francs au titre des frais irrépétibles.

5. Condamner in solidum la SA TELESIX, la SA COFILION et la SA MONEMAG aux entiers dépens.

 

Par voie de conclusions du 11 avril 2000 la société ADT PROVIDER venant aux droits de la SA TELESIX demande :

A titre principal :

- Dire et juger que Mme Y. a souscrit un contrat avec la société TELESIX pour les besoins de son activité commerciale, dès lors qu'il s'agit d'un appareil lecteur de chèques.

- Dire et juger que Mme Y. ne peut valablement invoquer les dispositions du droit de la consommation.

En conséquence,

- Dire et juger que les contrats en cause ont été conclus de manière parfaitement régulière et sont donc opposables à Mme Y.

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que Mme Y. ne rapporte absolument pas la preuve qu'une quelconque manœuvre dolosive ait été le fait de la société TELESIX au moment de la souscription du contrat.

- Dire et juger en particulier que Mme Y. ne saurait valablement alléguer d'autres procédures en cours entre des commerçants de la ville de Rouen, et la société concluante, comme étant constitutif de preuve à cet égard.

En conséquence et sur ce second moyen :

- Dire et juger que les contrats en cause ont été conclus de manière parfaitement régulière et sont donc opposables à Mme Y.

- Rejeter en outre la demande de dommages et intérêts formulée par Mme Y. à l'encontre de la société TELESIX.

A titre reconventionnel :

- Condamner Mme Y. au paiement de :

* la somme de 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* la somme de 6.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.

- [minute page 3] Condamner la même aux entiers dépens de l'instance.

 

Par voie de conclusions en date du 28 novembre 2000, la SA MONEMAG demande :

- Dire et juger que le Tribunal de Commerce de Rouen est incompétent pour connaître du litige en application de la clause attributive de juridiction figurant dans le contrat.

- Dire et juger que l'examen de ce litige doit être renvoyé à l'appréciation du Tribunal de Commerce de Nanterre compétent.

- Subsidiairement, constater que Mme Y. ne fait la preuve d'aucune manœuvre dolosive ou vice de consentement imputable à la société MONEMAG et concomitant à la signature du contrat.

- Constater par ailleurs que la demanderesse n'allègue ni ne fait la preuve d'aucune faute imputable à la société MONEMAG.

- En conséquence la débouter purement et simplement de ses demandes, fins et conclusions.

- Si par impossible le contrat souscrit par Mme Y. était annulé, dire et juger qu'en l'absence de faute de la société MONEMAG, seule une résiliation incidente, et sans remise en l'état initial, peut intervenir.

- Déclarer Mme Y. irrecevable et mal fondée sur la base des dispositions du Droit de la Consommation.

- La condamner au paiement d'une somme de 1.000 Francs pour procédure abusive,

- Condamner la demanderesse à payer à la société MONEMAG la somme de 1.000 Francs HT en application de l'article 700 du NCPC.

- La condamner aux entiers dépens.

 

Par voie de conclusions en réponse Mme Y. demande :

- Lui adjuger le bénéfice de l'intégralité de ses précédentes écritures

- Débouter la société MONEMAG de l'intégralité de ses précédentes écritures.

 

Par voie de conclusions récapitulatives et responsives du 09 juillet 2001, Mme Y. demande :

1. Prononcer la nullité

* du contrat de services de monétique conclu entre la SA TELESIX et Mme Y.

* du contrat de location signé entre la SA TELESIX et Mme Y.

En conséquence, condamner la SA TELESIX à rembourser à Mme Y. la somme de 11.722,32 Francs.

2. Prononcer la nullité du contrat de service conclu entre la SA MONEMAG et Mme Y.

En conséquence condamner la SA MONEMAG à rembourser à Mme Y. la somme de 723,60 Francs indûment réglée.

3. Condamner in solidum la SA TELESIX et la SA MONEMAG à payer à Mme Y. la somme de 5.000 Francs à titre de dommages et intérêts. [minute page 4]

4. Condamner in solidum la SA TELESIX et la SA MONEMAG à payer à Mme Y. la somme de 3.000 Francs au titre des frais irrépétibles.

5. Condamner in solidum la SA TELESIX et la SA MONEMAG aux entiers dépens. A l'audience Mme Y. confirme son désistement d'instance à l'encontre de la SA COFILION.

A l'audience Mme Y. et la SA MONEMAG demandent une disjonction de l'instance les concernant, une transaction étant en cours.

 

LES FAITS :

Mme Y. exerce une activité de vente d'affiches et reproductions et d'encadrement à l'enseigne [enseigne] depuis le 01 octobre 1996.

La SA TELESIX est un prestataire de services qui a notamment pour activité la commercialisation, l'installation et la maintenance, de points phone, de lecteurs de chèques et de cartes bancaires. Le matériel est financé par un organisme financier dans le cadre d'un contrat de location.

Le 21 octobre 1996, Mme Y. est démarchée dans son magasin par un délégué commercial de la SA TELESIX. Elle souscrit trois contrats :

- Avec la SA TELESIX un contrat de services de monétique pour un lecteur de chèques Edichec Ingenico d'une durée de 48 mois et une mensualité de 434,16 Francs TTC.

- Avec COFIGEST un contrat de location, pour la même durée, pour le même matériel.

- Avec MONEMAG un contrat de service et l'adhésion à « chèques service privilège », pour la validation des chèques d'une durée de 12 mois renouvelable.

Elle signe le même jour une autorisation de prélèvement bancaire pour COFILION et MONEMAG et émet un chèque de 723.60 Francs en paiement de la première année du service de MONEMAG.

Les bordereaux de livraison et de réception sont signés par Mme Y. le 28 octobre 1996.

Le 13 mai 1999, Mme Y., estimant avoir été trompée, résilie ses trois contrats, et ne règle plus ses échéances. Cette résiliation n'est pas acceptée par TELESIX qui lui demande de respecter son contrat.

Le 12 juillet 1999, Mme Y. assigne devant le tribunal, d'où la présente procédure.

 

MOYEN DES PARTIES :

Mme Y. expose que :

- les contrats ont été souscrits lors d'une action de démarchage à son magasin. Elle n'a pas de compétence quant au système anti-fraude proposé dans la mesure où elle exerce une activité de vente d'affiches et d'encadrement. Les dispositions des articles L. 121-21 et L. 123-23 et suivants du Code de la Consommation s'appliquent. Les contrats ne sont pas conformes aux exigences légales et sont donc nuls.

- pour obtenir la conclusion des contrats, le démarcheur de TELESIX a usé de manœuvres dolosives. Il a prétendu qu'il s'agissait d'une opération gratuite avec seulement un contrat [minute page 5] d'entretien, qu'une signature « n'engageait à rien », qu'elle pourrait dénoncer le contrat lorsqu'elle le souhaiterait.

- le démarcheur a entretenu une confusion entre les différents contrats en superposant les rectos et en faisant signer chacun des versos. Elle pensait signer un contrat, en réalité elle en a souscrit deux.

Ces manœuvres dolosives ont été utilisées sur une grande échelle et de nombreuses décisions de justice ont annulé ces contrats vis à vis de petits commerçants ou artisans non avertis.

La société TELESIX soutient que :

- le régime protecteur de la loi du 22 décembre 1972 ne s'applique pas. Ses dispositions ne s'appliquent qu'envers le seul consommateur agissant à des fins strictement privées. Il n'a jamais été indiqué ni dans le code, ni dans les travaux législatifs préparatoires, qu'une extension pouvait avoir lieu pour le professionnel dans certaines circonstances. Pendant un temps la jurisprudence, en particulier un certain nombre d'arrêts de la Chambre Civile de la Cour de Cassation, a considéré que la non applicabilité du droit de la consommation ne concernait que le domaine d'activité du professionnel. Mais cette analyse n'a pas été suivie par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation ni par nombre d'arrêts récents de la Cour d'Appel de Lyon.

- il appartient à celui qui se prévaut d'une manœuvre de dol d'en apporter la preuve. Mme Y. ne procède que par voie d'affirmation et n'apporte aucun élément précis et objectif sur la technique commerciale et l'argumentaire développés par le représentant de TELESIX, ni aucun témoignage de témoins. L'examen des différents documents contractuels démontre que la situation est claire et que tous ont été valablement signés.

- la référence à d'autres commerçants ayant engagé des actions judiciaires similaires ne saurait être une preuve d'un dol.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Attendu que Mme Y. demande le désistement de son instance envers COFILION, le tribunal lui en donnera acte.

Attendu qu'un accord amiable a été trouvé entre la SA MONEMAG et un certain nombre de demandeurs et qu'une transaction est en cours avec Mme Y. ; que les parties sont d'accord pour demander la disjonction de l'instance, le tribunal prononcera la disjonction de l'instance les concernant ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que les contrats ont été conclus lors d'une visite d'un préposé de TELESIX dans le commerce de Mme Y., vingt jours après son ouverture, que cette visite constitue un acte de démarchage à domicile ;

Attendu que l'article L. 121-22 du Code de la Consommation stipule : « Les ventes, locations ou locations-ventes de ces biens ou les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à 28 dit même code qui réglemente le démarchage à domicile ».

Attendu que Mme Y. qui exerce une activité de vente d'affiches et d'encadrement ne dispose d'aucune compétence professionnelle pour apprécier les services que peut rendre un appareil monétique, ni la qualité et la performance du système proposé ;

[minute page 6] Attendu qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas de rapport direct entre la location de l'appareil de monétique et les activités exercées dans le cadre de l'exploitation commerciale de Mme Y. ; qu'elle doit bénéficier ainsi de la législation protectrice des intérêts de tout consommateur ; que les contrats sont soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à 28 du Code de la Consommation en ce qu'il réglemente le démarchage à domicile ;

Attendu que les contrats ne présentent pas de formulaire de rétractation satisfaisant aux obligations de la Loi ;

En conséquence le Tribunal dira que les contrats dans leur forme et leur mise en œuvre, sont non conformes aux dispositions des articles L. 121-23 à 28, et qu'ils sont nuls et sans effet. Attendu que la nullité de ce contrat est prononcée ; que celle-ci ne peut produire d'effets qu'après ce jugement ;

En conséquence, les parties sont tenues d'obligations réciproques de restitution ; Mme Y. devra restituer à TELESIX l'appareil dans le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement, TELESIX devra rembourser à Mme Y. les loyers réglés, soit la somme de 11.722,32 Francs.

 

Sur les autres demandes :

Attendu que Mme Y. ne justifie d'aucun préjudice, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Attendu qu'il serait inéquitable, de laisser à Mme Y. la totalité des frais irrépétibles qu'elle a dû supporter pour assurer la défense de ses intérêts, il y aura lieu de condamner la société TELESIX à lui payer la somme de 2.500 Francs au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Attendu que la société TELESIX succombe elle sera condamnée aux entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, avant dire droit en ce qui concerne la société MONEMAG, en premier ressort et par jugement contradictoire en ce qui concerne les autres sociétés,

Reçoit Mme Y. en ses demandes fins et conclusions, les dit partiellement fondées,

Donne acte à Mme Y. de son désistement d'instance à l'égard de la SA COFILION,

Prononce la disjonction de l'instance entre Mme Y. et la SA MONEMAG, laquelle sera renvoyée à la conférence du 11 décembre 2001 à 9 h 30,

Prononce la nullité des contrats signés le 21 octobre 1996 entre la SA TELESIX et Mme Y.,

Condamne Mme Y. à restituer à la SA TELESIX l'appareil dans le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement ;

Condamne la SA TELESIX à rembourser à Mme Y. les loyers réglés, soit la somme de 11.722,32 Francs,

Déboute Mme Y. de sa demande de dommages et intérêts,

[minute page 7] Condamne la SA TELESIX à payer à Mme Y. la somme de 2.500 Francs au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens liquidés à la somme de 704,61 Francs,

Signé par Monsieur GOBBÉ, Président de Chambre, et Monsieur CLERC, greffier.