TI BORDEAUX, 14 février 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1005
TI BORDEAUX, 14 février 2003 : RG n° 02/001382
(sur appel : CA BORDEAUX (5e ch.), 23 septembre 2004 : RG n° 03/02361)
Extrait : « En revanche, il résulte de l'article 10-1 des conditions générales que la MACIF garantit l'assuré contre le vol du véhicule, mais qu'en cas de découverte de celui-ci, pour que la garantie vol soit acquise, une expertise doit révéler des traces d'effraction de nature à permettre la mise en route et la circulation du véhicule, telles que forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tous systèmes anti-vol en phase de fonctionnement. En l'absence d'effraction, la garantie vol n'est pas acquise et si l'indemnité a déjà été versée, l'assuré est tenu de la rembourser à la MACIF, qui met alors le véhicule à sa disposition.
La rédaction de cette clause est contraire à la recommandation de la Commission des Clauses Abusives du 19 mai 1989, laquelle recommande notamment l'élimination des contrats d'assurance des véhicules automobiles de tourisme des clauses ayant pour objet ou pour effet de subordonner, en cas de vol, l'indemnisation de l'assuré à la preuve par ce dernier, d'une effraction, aux motifs que l'assuré se trouve fréquemment, en cas de sinistre, aux prises avec des difficultés de preuve dont il n'avait pas, à la souscription, mesuré l'importance et qui réduisent gravement la portée de la garantie souscrite.
Or, il apparaît, en l'espèce, qu'aucun délai n'est stipulé, au-delà duquel la garantie vol demeure acquise, de sorte qu'en cas de découverte du véhicule, de nombreuses années après le vol, les résultats de l'expertise ne sont pas nécessairement significatifs et révélateurs du procédé utilisé par les voleurs. De plus, cette absence de stipulation d'un délai a pour effet de prolonger de façon indéfinie l'incertitude dans laquelle se trouve l'assuré, puisqu'elle a pour effet de différer le point de départ de la prescription, dont l'objet est, précisément pour des raisons d'ordre public, d'éviter la remise en cause trop tardive, notamment du versement d'une indemnité.
Il est en outre certain qu'au moment de la souscription du contrat, l'assuré n'est pas en mesure de percevoir de façon détaillée la portée d'une telle clause.
La clause litigieuse doit en conséquence être déclarée abusive, comme procurant un avantage excessif à la MACIF et doit être réputée non écrite.
Il apparaît d'ailleurs que cette clause serait également contraire aux dispositions de l'article L. 113-1 du Code des assurances, comme prévoyant une exclusion de garantie non limitée dans le temps. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE BORDEAUX
JUGEMENT DU 14 FÉVRIER 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 02-001382.
COMPOSITION DU TRIBUNAL : JUGE : Catherine DUPOUY
GREFFIER : Béatrice CREYMEY faisant fonction de Greffier.
DEMANDEUR :
MACIF Sud-Ouest Pyrénées
dont le siège social est à [adresse], Représentée par la SCP DEFFIEUX, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDEUR :
Monsieur X.
demeurant [adresse], Représenté par Maître GAUTHIER-DELMAS Thierry, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉBATS : Audience publique en date du 13 décembre 2002 SALLE 1
DEMANDE : Assignation en date du 19 mars 2002, délivrée par la SCP A., B., C., D., huissiers de justice à BORDEAUX.
QUALIFICATION DU JUGEMENT : Le montant de la demande est supérieur à 3.800,00 Euros ; la décision rendue sera en premier ressort.
Les parties ayant comparu, la décision sera contradictoire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LES ÉLÉMENTS DU LITIGE :
Le 1er septembre 1998, Monsieur X. a déclaré à la MACIF le vol de son véhicule automobile, survenu le même jour, entre douze et treize heures, sur le parking d'un supermarché. Il a également déposé plainte auprès des services de police. Pour financer le véhicule, Monsieur X. avait souscrit un crédit et, le 18 septembre 1998, le Groupe CREDIPAR a formé opposition entre les mains de la MACIF, qui déclare avoir indemnisé le créancier, à hauteur de 7.866,37 €.
A la suite de la découverte du véhicule, le 17 novembre 2000, la MACIF a décidé de se prévaloir des dispositions de l'article 10-1 des conditions générales du contrat et de l'absence de preuve d'une effraction, pour dénier sa garantie et solliciter, auprès de Monsieur X., le remboursement de l'indemnité versée sous déduction éventuelle du prix de vente du véhicule, dans le cas où Monsieur X. ne souhaiterait pas le reprendre.
Par courrier du 12 avril 2001, celui-ci a donné son consentement pour la vente du véhicule, se réservant de préciser dans un autre courrier les modalités de remboursement du solde.
N'ayant pas obtenu spontanément ce remboursement, la MACIF a tenté de faire assigner Monsieur X., mais, le 19 mars 2002, un procès-verbal de recherches a été dressé avec communication de la nouvelle adresse de Monsieur X.
L'assignation n'a en réalité pas été délivrée à celui-ci, qui a néanmoins conclu de sorte qu'il sera donné acte aux parties de leur comparution volontaire devant le tribunal.
Dans ses dernières conclusions, la MACIF sollicite le rejet de l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur X. au profit du tribunal de grande instance de BORDEAUX, en raison du montant de la demande, ainsi que de tous les autres moyens soulevés par le défendeur, maintenant ses demandes initiales en remboursement de la somme de 5.122,29 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre le paiement d'une somme de 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Enfin, elle demande au tribunal d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.
Monsieur X., quant à lui, demande à titre principal au tribunal de se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de BORDEAUX, dans la mesure où l'indemnisation totale versée en application du contrat d'assurance s'élève à 7.906,77 €.
Subsidiairement, il soutient que l'action est prescrite, par expiration du délai biennal prévu à l'article L. 114-1 du Code des assurances.
[minute page 3] Il fait valoir, en outre, que l'article 10-1 des conditions générales ne doit pas s'appliquer, comme ne faisant pas partie des clauses par lui contractées.
Il ajoute, qu'en toute hypothèse, l'article 10-1 des conditions générales est nul en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, comme constituant une clause abusive, outre qu'il serait nul par application de l'article L. 113-1 du Code des assurances, comme contenant une clause d'exclusion de garantie, qui ne serait pas suffisamment formelle et limitée.
Enfin, Monsieur X. fait valoir que l'effraction est constituée.
Il considère en conséquence que la MACIF doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes et condamnée à lui verser la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Dans la mesure où, après établissement d'un procès-verbal de recherches, le 19 mars 2002, ayant permis la découverte de la nouvelle adresse de Monsieur X., celui-ci n'a pas été assigné, il convient de constater que le tribunal est saisi par la comparution volontaire des parties.
L'objet de la demande est expressément défini comme portant sur le remboursement d'une somme de 5.122,29 €, outre les intérêts au taux légal et ce montant est incontestablement inférieur à la somme de 7.600,00 € au-delà de laquelle le tribunal d'instance n'est plus compétent. Le prix de la vente du véhicule, intervenue par ailleurs, n'a aucune incidence à cet égard et l'exception d'incompétence doit être rejetée.
En vertu de l'article L. 114-1 du Code des assurances, les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
[minute page 4] En principe, la prescription commence à courir à compter du jour du paiement pour l'action de l'assureur en répétition de l'indu, sauf dans le cas où celui-ci se trouvait dans l'impossibilité de savoir que le paiement n'était pas dû. Tel est le cas en l'espèce, puisque jusqu'à la découverte du véhicule, son état, en ce qui concerne les traces d'effraction, ne pouvait être connu, de sorte que le délai de deux ans n'a commencé à courir qu'à compter de la découverte du véhicule en cause. Celle-ci est intervenue le 17 novembre 2000, de sorte qu'à la date de la comparution des parties à la première audience d'appel de l'affaire, le 9 avril 2002, le délai de deux ans n'était pas expiré.
Les conditions particulières du contrat d'assurance, en cours à la date du sinistre, stipulent expressément qu'elles complètent et personnalisent les conditions générales remises à l'assuré et il n'en résulte aucune exclusion de l'application des dispositions de l'article 10-1, définissant la garantie vol du véhicule. Il en est de même de l'exemplaire des conditions particulières dont Monsieur X. se prévaut, daté du 15 juin 1996, selon lequel les limites de garantie sont précisées aux conditions générales. Le fait qu'il soit en outre précisé que le bénéfice de la garantie vol est subordonné au tatouage des vitres et à l'installation par le constructeur d'un système de protection anti-vol, ne remet pas en cause le caractère contractuel des conditions générales auxquelles il est expressément renvoyé.
En revanche, il résulte de l'article 10-1 des conditions générales que la MACIF garantit l'assuré contre le vol du véhicule, mais qu'en cas de découverte de celui-ci, pour que la garantie vol soit acquise, une expertise doit révéler des traces d'effraction de nature à permettre la mise en route et la circulation du véhicule, telles que forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tous systèmes anti-vol en phase de fonctionnement. En l'absence d'effraction, la garantie vol n'est pas acquise et si l'indemnité a déjà été versée, l'assuré est tenu de la rembourser à la MACIF, qui met alors le véhicule à sa disposition.
La rédaction de cette clause est contraire à la recommandation de la Commission des Clauses Abusives du 19 mai 1989, laquelle recommande notamment l'élimination des contrats d'assurance des véhicules automobiles de tourisme des clauses ayant pour objet ou pour effet de subordonner, en cas de vol, l'indemnisation de l'assuré à la preuve par ce dernier, d'une effraction, aux motifs que l'assuré se trouve fréquemment, en cas de sinistre, aux prises avec des difficultés de preuve dont il n'avait pas, à la souscription, mesuré l'importance et qui réduisent gravement la portée de la garantie souscrite.
Or, il apparaît, en l'espèce, qu'aucun délai n'est stipulé, au-delà duquel la garantie vol demeure acquise, de sorte qu'en cas de découverte du véhicule, de nombreuses années après le vol, les résultats de l'expertise ne sont pas nécessairement significatifs et révélateurs du procédé utilisé par les voleurs. De plus, cette absence de stipulation d'un délai a pour effet de prolonger de façon indéfinie l'incertitude dans laquelle se trouve l'assuré, puisqu'elle a pour effet de différer le point de départ de la prescription, dont l'objet est, précisément pour des raisons d'ordre public, d'éviter la remise en cause trop tardive, notamment du versement d'une indemnité.
[minute page 5] Il est en outre certain qu'au moment de la souscription du contrat, l'assuré n'est pas en mesure de percevoir de façon détaillée la portée d'une telle clause.
La clause litigieuse doit en conséquence être déclarée abusive, comme procurant un avantage excessif à la MACIF et doit être réputée non écrite.
Il apparaît d'ailleurs que cette clause serait également contraire aux dispositions de l'article L. 113-1 du Code des assurances, comme prévoyant une exclusion de garantie non limitée dans le temps.
Dans la mesure où le fait même du vol n'est pas contesté et, qu'en toute hypothèse, la preuve en est rapportée par l'assuré au moyen des présomptions précises et concordantes résultant non seulement de la déclaration de vol et de la plainte mais, aussi des constatations du procès-verbal dressé par huissier le 12 janvier 2001, auquel l'expertise se réfère expressément, la garantie vol est acquise et la MACIF sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.
En outre, il apparaît équitable de la condamner à verser à Monsieur X. la somme de 760,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant, publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort ;
- DONNE ACTE aux parties de leur comparution volontaire devant le tribunal,
- REJETTE l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur X.,
- DIT que l'action de la MACIF du Sud-Ouest n'est pas prescrite,
- DIT que l'article 10-1 des conditions générales fait partie des clauses contractuelles,
- DIT en revanche que cet article contient une clause abusive, en ce qui concerne les conséquences de la découverte du véhicule et que celle-ci doit être réputée non écrite,
- DÉBOUTE en conséquence la MACIF de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Monsieur X.,
- [minute page 6] CONDAMNE la MACIF à verser à Monsieur X. la somme de SEPT CENT SOIXANTE EUROS (760,00 €) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
- CONDAMNE la MACIF aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé, les jour, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE JUGE
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