TI PUTEAUX, 6 mars 2001
CERCLAB - DOCUMENT N° 116
TI PUTEAUX, 6 mars 2001 : RG n° 11-00-002384
Extraits : 1/ « La clause figurant à l'article 6 des CGU est bien de cette nature puisque AOL ne garantissant pas l'accès et la permanence de la connexion à Internet, cette clause empêche le consommateur de poursuivre l'exécution de l'objet même du contrat, à savoir la connexion à tout instant et sans limite au réseau Internet. Certes, cette liste n'est qu'indicative et n'exclut pas de devoir apporter la preuve du caractère abusif de la clause alléguée comme, telle. Le fait, non contesté par M. X. que celui-ci ait pu se connecter souvent et utiliser longuement le réseau Internet est indifférent à l'appréciation du caractère abusif ou non de la clause, qui doit être déterminé non en fonction de la manière dont le contrat est effectivement exécuté mais au regard des droits et obligations de chacune des parties tels que prévus par le contrat. La société AOL ne saurait non plus se prévaloir de l'intérêt économique que présente toujours son forfait pour M. X., en dépit des problèmes techniques dont celui-ci se plaint. En effet, le résultat lors de l'exécution qui se traduirait notamment par un coût avantageux du service pour le consommateur est là encore inopérant, étant observé au surplus que M X. n'a fait que souscrire un contrat d'adhésion, sans avoir pu négocier le prix. En l'espèce, il convient de constater que la clause litigieuse dispense AOL de toute obligation de résultat quant à sa fourniture de service et l'exonère de toute responsabilité en cas d'inexécution alors que l'obligation de paiement qui pèse sur l'abonné est absolue et que lors de la conclusion du contrat, M. X. s'est engagé pour une période de 24 mois, sans avoir la possibilité de résilier son abonnement avant la fin de cette période. Une telle clause crée donc un déséquilibre significatif entre les parties, justifiant que celle clause soit réputée non écrite ».
2/ « La connexion à tout instant et sans limite au réseau Internet étant l'objet du contrat, il est clair que la mise en place de modulateurs de session, qui ont pour effet d'entraîner automatiquement l'arrêt de la connexion, constitue de la part du fournisseur une violation de ses obligations contractuelles. Certes l'article 2 des CGU autorise AOL à modifier son service et il est établi que s'agissant des modulateurs de session, la société AOL a pris le soin d'en prévenir préalablement ses abonnés conformément à l'article susvisé. Cependant, l'article R. 132-2 du code de la consommation dispose : […]. La clause prévue à l'article 2 des CGU est donc abusive, étant observé que la modification apportée par les modulateurs de session ne correspond pas à une évolution technique mais est la conséquence d'un retard technique en équipements pris par le fournisseur et a, en tout état de cause, altéré la qualité du service fourni en provoquant des déconnexions automatique ; Cette clause étant réputée non écrite, la société AOL ne peut valablement s'en prévaloir pour justifier la mise en place des modulateurs de session. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE PUTEAUX
JUGEMENT DU 6 MARS 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-00-002384.
A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 6 Mars 2001 ; Sous la Présidence de Marie-José BOU, Juge d'Instance, assistée de Alexandra LAUTIER, Faisant Fonction de Greffer ; Après débats à l'audience du 30 janvier 2001, le jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], comparant en personne
ET :
DÉFENDEUR(S) :
AOL Bertelsmann Online France SNC
[adresse], représenté(e) par Maître Marion BARBIER de BIRD et BIRD, avocat au barreau de PARIS
[minute page 1 ; N.B. première page de la minute originale non paginée]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 22 août 2000, le PDG d'AOL, société fournisseur d'accès à Internet, a proposé au public français une nouvelle formule d'abonnement qualifiée de révolutionnaire, le « tout compris illimité », comprenant « l'accès illimité 7 jours/7, 24 heures/24, à Internet, à tous les services d'AOL, - ainsi que les frais de communication téléphoniques de connexion » moyennant un prix de 199 Francs TTC par mois pour un contrat résiliable mensuellement et de 99 Francs TTC par mois pour un engagement de 24 mois avec prélèvement automatique.
Le 14 septembre 2000, M. X. a souscrit auprès d'AOL un forfait « tout compris illimité » à 99 Francs par mois.
Exposant qu'un écran dit d'inaction ou un timer apparaissant toutes les demi-heures lui imposait de confirmer qu'il souhaitait rester connecté, sous peine de déconnexion, et que depuis le début du mois de novembre, une déconnexion systématique intervenait lorsqu'il se connectait à certaines heures de la journée, M. X. a adressé au Tribunal de céans une requête en injonction de faire, enregistrée au greffe le 26 décembre 2000, demandant au Tribunal d'enjoindre à la société AOL de respecter l'abonnement souscrit sans déconnexion ni écran de contrôle quelque soit son temps de connexion mensuel.
Par ordonnance du 27 décembre 2000, il a été enjoint à la société AOL de fournir à M. X. un forfait Internet illimité, communications incluses, sans déconnexion et ce, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance.
L'ordonnance a été régulièrement notifiée à chacune des parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, reçue par chacun des destinataires le 29 décembre 2000.
Conformément à l'ordonnance du 27 décembre 2000, l'affaire a été examinée à l'audience du 30 janvier 2001.
M. X. expose qu'il continue à subir des déconnexions automatiques et qu'un timer apparaît toujours, lui imposant de rester physiquement devant l'écran s'il veut éviter d'être déconnecté, y compris durant de longues procédures de téléchargement.
Outre « le respect de ses droits », c'est-à-dire la suppression des déconnexions automatiques et des timers, M. X. demande au Tribunal de condamner la société AOL à lui payer les sommes suivantes :
- [minute page 2] 396 Francs, représentant le remboursement de son abonnement depuis le mois d'octobre 2000 ;
- 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts ;
- 2.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société AOL relate que dès le lancement de l'offre du forfait illimité, elle a été confrontée à un succès commercial en termes d'inscriptions et de temps passé en ligne dépassant ses prévisions les plus optimistes, l'ayant obligée à prendre les mesures suivantes, communiquées à ses abonnés dans la page d'accueil de son service dès le 24 octobre 2000
- la réalisation d'un investissement de 600 millions de francs destiné à l'acquisition de 60.000 modems, l'élargissement de la bande passante ainsi que du réseau et le doublement des effectifs dédiés à la hot line ;
- la mise en place de modulateurs de session affectant les « gros consommateurs », soit 3% des abonnés, pour réguler le trafic aux fortes heures d'affluence et ainsi permettre au plus grand nombre d'internautes de se connecter
Elle prétend cependant que le plan de mise en place de 60.000 modems a été difficile en raison de la défection de Transpac, filiale de France Telecom, qui l'a obligée à rechercher sur l'ensemble du marché français ces éléments matériels.
La société AOL soutient que les timers ou écrans d'inaction ont été installés par elle depuis plusieurs années à l'échelle internationale pour toutes ses formules d'abonnement et ce, à la demande de ses abonnés qui ne souhaitaient pas laisser leur ligne occupée lorsqu'ils avaient oublié de se déconnecter.
Elle ajoute que ce procédé permet également d'éviter un encombrement inutile du réseau.
La société AOL indique qu'elle ne sait pas techniquement mettre en place l'envoi de ces écrans d'inaction à certains de ses abonnés en le supprimant pour d'autres qui ne souhaiteraient pas les recevoir.
En tout état de cause, la société AOL considère que ces timers ne sont pas constitutifs d'une modification substantielle du service, faisant valoir à cet effet qu'ils existaient bien avant l'abonnement souscrit par M. X. et qu'ils n'interdisent pas une utilisation normale du service.
Ainsi, la société AOL entend maintenir la présence d'écrans d'inaction.
S'agissant des modulateurs de session, la société AOL prétend qu'ils ne fonctionnent désormais que de 20 H à 23 H et qu'ils ne concernent que les abonnés [minute page 3] qui ont un temps de connexion de plus de 60 heures dans le mois. Elle indique qu'ils devraient être retirés dans les meilleurs délais.
La société AOL fait valoir tout d'abord que M. X. a eu connaissance de la faculté dont il dispose de demander, en dépit de l'engagement de 24 mois souscrit initialement par lui, de résilier son forfait illimité à 99 Francs par mois.
Or, la défenderesse note que M. X. n'a jamais formulé une telle demande. Procédant à une évaluation du coût de revient par minute des connexions de M. X. en fonction de sa durée de connexion mois après mois et faisant une comparaison avec les tarifs proposés par divers fournisseurs d'accès, la société AOL en déduit que M. X. n'a d'ailleurs aucun intérêt à résilier le forfait qu'il a souscrit auprès d'elle.
La société AOL soutient ensuite que, comme pour les timers, les modulateurs de session n'ont entraîné aucune modification substantielle du contrat.
Elle fait valoir à cet égard que connexion illimitée ne signifie pas permanente, arguant en cela d'un avis pris par l'Autorité de Régulation des Télécommunications.
Elle invoque également l'article 2 des Conditions Générales d'Utilisation (CGU) selon lequel. « AOL et ses FS ainsi que les tiers fournisseurs se réservent le droit de modifier ou interrompre à tout moment certains aspects du service AOL, y compris des contenus et services. Toutefois, AOL ne procédera à aucune modification substantielle du service AOL sans notification préalable à ses abonnés ».
Or, elle fait valoir que le modulateur de session n'est qu'une mesure provisoire, activée seulement en période de forte affluence, dont les abonnés ont, qui plus est, été informés le 24 octobre 2000 alors que la mise en place du modulateur n'est devenue effective que le 9 novembre 2000.
Elle estime que c'est dans le cadre de la marge de manœuvre prévue par l'article 2 susvisé que le modulateur de session a été instauré.
Elle argue également de l'absence de garantie stipulée par l'article 6 des CGU en cas d'interruption du service.
Enfin, la société AOL considère qu'il ne saurait lui être reproché une discrimination entre ses clients
[minute page 4] A supposer même que la mise en place d'un modulateur de session constitue l'application de conditions contractuelles différentes, elle fait valoir que cette différence est elle-même fondée sur des différences de profil de consommation, la mesure litigieuse concernant de la même manière tous les gros consommateurs, ceux-ci étant définis comme tels en fonction de leur durée de connexion.
La société AOL observe en conclusion d'une part que le respect de l'injonction de faire émanant du Tribunal de céans aurait un effet inique en rendant plus difficile la connexion de la majorité des abonnés tout en privilégiant les gros consommateurs connectés en permanence et, d'autre part, que M. X. ne peut justifier d'aucun préjudice, celui-ci ayant effectivement bénéficié d'un accès à Internet pendant plus de 891 heures.
Elle conclut par conséquent au rejet de toutes les demandes de M. X.
A l'issue des débats, le Tribunal a demandé à la société AOL de lui communiquer en cours de délibéré le texte de l'ART invoqué par elle dans sa plaidoirie.
Par courrier reçu au greffe le 14 février 2001, la société AOL a adressé au Tribunal un échange de courriers électroniques entre AOL et l'ART ainsi que divers autres documents.
Le Tribunal a reçu deux autres notes en délibéré, l'une de M. X. le 5 février 2001 et l'autre d'AOL le 28 février 2001.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les pièces communiquées au Tribunal en cours de délibéré :
Il résulte des articles 16 alinéa 2 et 445 du nouveau code de procédure civile que le juge ne peut fonder sa décision sur une note ou un document produit après la clôture des débats sauf dans les cas où la communication de la note ou du document a été demandée par le juge.
En l'espèce, le Tribunal a seulement demandé à la société AOL de lui faire parvenir le texte de l'ART que la défenderesse avait invoqué dans sa plaidoirie.
[minute page 5] L'échange de courriers électroniques entre AOL et un responsable de l'ART sera donc jugé recevable comme ayant trait à la position de l'ART sur le sens de l'expression connexion illimitée.
En revanche, les autres notes et documents communiqués en cours de délibéré, qui n'ont pas été autorisés par le Tribunal, seront déclarés irrecevables, y compris ceux adressés par M. X. dès lors qu'ils ne constituent pas une réponse ou des observations au document dont la production a été demandée par le Tribunal.
Sur la demande de suppression des timers et des modulateurs de session :
Sur la demande de suppression des timers :
La société AOL prétend en premier lieu que la mise en place de timers a été demandée par ses abonnés. Outre que cette allégation n'est étayée par aucune des pièces versées aux débats par la défenderesse, il convient de constater qu'elle est indifférente au présent litige. Il en est de même de l'argument d'AOL selon lequel cette mesure permet d'éviter l'encombrement du réseau, s'agissant d'un motif purement technique à caractère général étranger aux relations contractuelles d'AOL avec M. X.
La société AOL soutient en deuxième lieu que la présence d'écrans d'inaction ou de timers fait partie intégrante de son offre dès lors qu'ils existaient avant même son offre de forfait illimité, pour toutes ses formules d'abonnement, à l'échelle mondiale.
Là encore, cette affirmation d'AOL ne repose sur aucun élément de preuve. Quand bien même elle serait exacte, la défenderesse ne démontre pas que M. X. utilisait déjà les services d'AOL avant de souscrire un forfait illimité et connaissait ce faisant la pratique des timers.
En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l'article L. 111-1 du code de la consommation dispose que tout professionnel prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service.
En l'espèce, ni la lettre du PDG d'AOL du 22 août 2000 valant offre publicitaire, ni le texte descriptif de l'offre « AOL illimité tout compris 99 Francs » versé aux débats par la défenderesse ne mentionnent la présence d'écrans d'inaction alors qu'il s'agit pourtant d'une caractéristique essentielle du service.
[minute page 6] En effet, la société AOL ne peut ignorer que nombre d'abonnés utilisent Internet pour procéder à des opérations qui, telles celles de téléchargement, peuvent être relativement longues à effectuer mais qui, une fois enclenchées, ne nécessitent plus la présence physique de l'utilisateur auprès de son ordinateur Il est dès lors incontestable que le fait pour l'internaute de devoir, à intervalles réguliers, cliquer sur son ordinateur pour maintenir la connexion constitue une contrainte majeure, relevant des caractéristiques essentielles du contrat.
Bien au contraire, la lettre du PDG d'AOL insiste sur la simplification de l'utilisation d'Internet et vante « un confort d'utilisation inégalé ».
Ainsi, il y a lieu de constater qu'en violation des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation, la société AOL a omis de signaler dans son offre aux consommateurs que l'accès à Internet compris dans son forfait illimité incluait la présence de timers.
En outre, les conditions générales du contrat ou CGU n'en font pas non plus état.
La société AOL ne peut donc soutenir que la présence d'écrans d'inaction fait partie intégrante de son offre et du contrat qu'elle a soumis aux consommateurs.
La défenderesse fait valoir en troisième lieu que le terme illimité ne signifie pas que l'internaute peut rester de manière permanente connecté à Internet mais qu'il peut y accéder à tout instant.
Invoquant un avis de l'ART, elle a communiqué un échange de courriers électroniques entre ses services et ceux de l'ART dont il résulte qu'en réalité, le responsable de l'Unité d'Internet de l'ART a refusé de se prononcer sur l'éventuelle distinction entre « illimité » et « permanent ».
Quand bien même l'ART aurait rendu un avis conforme à la position de la société AOL, un tel avis ne saurait lier le Tribunal qui conserve son entier pouvoir d'appréciation pour déterminer, au vu des termes employés, l'objet du contrat.
Dans le langage courant, « illimité » signifie « sans limite» L'emploi de ce terme dans l'offre d'AOL, sans aucune restriction ni référence à d'éventuelles limitations de la durée de connexion directes ou indirectes imposées par le fournisseur d'accès, ajouté à des formules telles que « sans contrainte de temps ou de durée » ou « vous pouvez surfer autant que vous voulez, sans vous préoccuper du temps passé en ligne » pouvait logiquement et légitimement laisser croire aux consommateurs qu'ils étaient en mesure, grâce à ce forfait, de se connecter de manière indéfinie et sans aucune contrainte
[minute page 7] La connexion à tout instant et sans limite au réseau Internet constitue donc l'objet même du contrat conclu entre les parties
Or, la mise en place d'un timer est une restriction indirecte de la durée de la connexion puisque, sauf intervention de l'utilisateur, elle a pour effet d'arrêter la connexion à Internet
Dès lors, un tel procédé constitue de la part du fournisseur d'accès une violation de ses obligations contractuelles.
En quatrième lieu, la société AOL invoque la clause de l'article 2 des CGU suivant laquelle « AOL et ses FS ainsi que les tiers fournisseurs se réservent le droit de modifier ou interrompre à tout moment certains aspects du service AOL, y compris des contenus et services. Toutefois, AOL ne procédera à aucune modification substantielle du service AOL sans notification préalable à ses abonnés ».
Abstraction faite de la question de la validité d'une telle clause, il convient de constater que celle-ci porte sur d'éventuelles modifications des services fournis.
Or de l'aveu même d'AOL, la présence de timers a toujours eu lieu et a donc été concomitante, pour le forfait illimité, au lancement de ce forfait. Il ne s'agit donc pas d'une modification du service. Par ailleurs, la société AOL n'a pas notifié à ses abonnés la mise en place de ces timers.
La société AOL ne peut par conséquent se prévaloir de cette clause en ce qui concerne les timers.
En cinquième lieu, la société AOL invoque également l'article 6 des CGU selon lequel : « Vous reconnaissez également qu'ils (logiciel AOL, Internet) vous sont fournis en l'état et tels que disponibles sans aucune garantie quelqu'elle soit, expresse ou implicite, notamment quant à l'absence d'interruption ou d'erreur du service AOL ou aux performances et aux résultats découlant de l'utilisation de celui-ci. En particulier, AOL n'offre aucune garantie ou engagement que vous pourrez vous connecter à AOL où et quand vous l'aurez choisi »
Interrogée à l'audience sur le caractère abusif d'une telle clause, la société AOL a répondu que tel n'était pas le cas dès lors que M. X., avait pu continuer à se connecter très fréquemment, sur des durées très longues
L'article L. 132-1 du code la consommation dispose que « Dans les contrats conclu entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les [minute page 8] clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat »
L'annexe au code la consommation prévue par l'article L. 132-1 alinéa 3 mentionne que peuvent être regardées comme abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet « d'exclure ou de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel ou d'une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque des obligations contractuelles ».
La clause figurant à l'article 6 des CGU est bien de cette nature puisque AOL ne garantissant pas l'accès et la permanence de la connexion à Internet, cette clause empêche le consommateur de poursuivre l'exécution de l'objet même du contrat, à savoir la connexion à tout instant et sans limite au réseau Internet.
Certes, cette liste n'est qu'indicative et n'exclut pas de devoir apporter la preuve du caractère abusif de la clause alléguée comme, telle.
Le fait, non contesté par M. X. que celui-ci ait pu se connecter souvent et utiliser longuement le réseau Internet est indifférent à l'appréciation du caractère abusif ou non de la clause, qui doit être déterminé non en fonction de la manière dont le contrat est effectivement exécuté mais au regard des droits et obligations de chacune des parties tels que prévus par le contrat.
La société AOL ne saurait non plus se prévaloir de l'intérêt économique que présente toujours son forfait pour M. X., en dépit des problèmes techniques dont celui-ci se plaint. En effet, le résultat lors de l'exécution qui se traduirait notamment par un coût avantageux du service pour le consommateur est là encore inopérant, étant observé au surplus que M X. n'a fait que souscrire un contrat d'adhésion, sans avoir pu négocier le prix.
En l'espèce, il convient de constater que la clause litigieuse dispense AOL de toute obligation de résultat quant à sa fourniture de service et l'exonère de toute responsabilité en cas d'inexécution alors que l'obligation de paiement qui pèse sur l'abonné est absolue et que lors de la conclusion du contrat, M. X. s'est engagé pour une période de 24 mois, sans avoir la possibilité de résilier son abonnement avant la fin de cette période.
Une telle clause crée donc un déséquilibre significatif entre les parties, justifiant que celle clause soit réputée non écrite
[minute page 9] Même si la société AOL a donné à M. X. en cours de contrat, la possibilité de résilier son abonnement sans avoir à payer la somme de 99 Francs par mois jusqu'à l'issue des 24 mois, M. X. conserve le droit, en vertu de l'article 1134 du code civil, de poursuivre la bonne exécution du contrat.
Il sera donc ordonné à la société AOL de supprimer les timers dans son service destiné à M. X. et ce, dans le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision,
Il apparaît en outre nécessaire d'ordonner d'office, conformément à l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991, une astreinte afin d'assurer l'exécution de cette décision.
Sur la demande de suppression des modulateurs de session :
La société AOL a évoqué sur ce point la difficulté qu'elle éprouvait à se fournir en modems, l'accroissement de son parc de modems étant destiné à éviter la saturation du réseau.
Une fois de plus, cette allégation d'AOL n'est étayée par aucune pièce, étant au surplus relevé que la défenderesse n'a pas expressément invoqué ce manque de fournisseurs de modems comme ayant les caractères de la force majeure.
D'ailleurs, il résulte des propres explications de la défenderesse qu'en réalité, les problèmes liés à la saturation du réseau qui sont apparus sont la conséquence de l'imprévoyance d'AOL qui n'a pas mis en place, avant le lancement de son forfait illimité dont elle ne pouvait ignorer le caractère particulièrement attractif pour les consommateurs, tous les moyens techniques permettant d'assurer le bon fonctionnement de son service y compris en cas de forte affluence.
La connexion à tout instant et sans limite au réseau Internet étant l'objet du contrat, il est clair que la mise en place de modulateurs de session, qui ont pour effet d'entraîner automatiquement l'arrêt de la connexion, constitue de la part du fournisseur une violation de ses obligations contractuelles.
Certes l'article 2 des CGU autorise AOL à modifier son service et il est établi que s'agissant des modulateurs de session, la société AOL a pris le soin d'en prévenir préalablement ses abonnés conformément à l'article susvisé.
Cependant, l'article R. 132-2 du code de la consommation dispose : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, est interdite la clause ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit [minute page 10] de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre ».
Toutefois, il peut être stipulé que le professionnel peut apporter des modifications liées à l'évolution technique, à condition qu'il n'en résulte ni augmentation des prix ni altération de qualité et que la clause réserve au non-professionnel ou consommateur la possibilité de mentionner les caractéristiques auxquelles il subordonne son engagement ».
La clause prévue à l'article 2 des CGU est donc abusive, étant observé que la modification apportée par les modulateurs de session ne correspond pas à une évolution technique mais est la conséquence d'un retard technique en équipements pris par le fournisseur et a, en tout état de cause, altéré la qualité du service fourni en provoquant des déconnexions automatique ;
Cette clause étant réputée non écrite, la société AOL ne peut valablement s'en prévaloir pour justifier la mise en place des modulateurs de session.
La clause de l'article 6 des CGU ayant également été jugée abusive, il sera ordonné, sous astreinte, à la société AOL de supprimer les modulateurs de session dans son service destiné à M. X.
Sur la demande en remboursement de l'abonnement acquitté par M. X. :
M. X. reconnaît qu'en dépit des timers et des modulateurs de session mis en place, il a pu, grâce au forfait illimité qu'il a souscrit, être connecté à Internet durant de très nombreuses heures chaque mois.
Il ne s'agit pas d'une inexécution totale de ses obligations contractuelles par AOL mais seulement d'une non-exécution partielle qui, au regard du service dont a pu effectivement bénéficier M. X., ne justifie pas une exonération du coût des forfaits
M. X. sera par conséquent débouté de cette demande.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Il est cependant établi que la présence des timers a causé une gêne dans l'utilisation faite par M. X. d'Internet et que les modulateurs de session ont eu pour effet d'empêcher le demandeur de se servir d'Internet à certains moments.
[minute page 11] Il en est incontestablement résulté pour M. X. un préjudice, notamment une perte de temps, qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 2.500 Francs à titre de dommages et intérêts.
Sur l'exécution provisoire :
Compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire apparaît nécessaire afin de faire cesser au plus vite les pratiques illicites d'AOL. Elle sera donc ordonnée d'office.
Sur la demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X. les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés à l'occasion de lai présente instance. Une somme de 1.500 Francs lui sera allouée de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal,
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort.
Déclare irrecevables les notes et documents communiqués en cours de délibéré à l'exception de l'échange de courriers électroniques entre AOL et un responsable de l'ART ;
Ordonne à la société AOL de supprimer les timers et les modulateurs de session dans son service destiné à M. X. dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 100 F pour toute infraction constatée ;
Condamne la société AOL à payer à M. X. une somme de 2.500 Francs à titre de dommages et intérêts ;
Ordonne l'exécution provisoire ;
Condamne la société AOL à payer à M. X. la somme de 1.500 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Déboute M. X. du surplus de ses demandes ;
[minute page 12] Condamne la société AOL aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
- 6010 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation à la date de conclusion
- 6019 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Adéquation au prix
- 6036 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Esprit du contrat - Service public
- 6038 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clientèle du professionnel
- 6109 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 - Caractéristiques du bien ou du service - Exceptions
- 6269 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Internet - Fourniture d’accès (2) - Modification du contrat
- 6272 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Internet - Fourniture d’accès (5) - Obligations du fournisseur