CA PARIS (25e ch. sect. A), 30 novembre 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1181
CA PARIS (25e ch. sect. A), 30 novembre 2007 : RG n° 05/21166
Publication : Juris-Data n° 363221
Extrait : « Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, Melle X. soutient que sont abusives les clauses qui ne prévoient pas de réciprocité de droits entre les parties ou qui stipulent au profit du professionnel une indemnité hors de proportion avec l'économie du contrat et fait valoir qu'en l'espèce non seulement aucune indemnité réciproque n'était prévue à son profit mais que de surcroît, le contrat stipulait au profit du prestataire, une indemnité de 70 % du montant du prix en l'absence de toute prestation fournie ; qu'elle demande donc que la clause litigieuse soit déclarée abusive et privée de tout effet ; Considérant que l'article L. 132-1 du code de la consommation énonce, […] ; que cette annexe mentionne notamment, les clauses ayant pour objet ou pour effet « de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui renonce » ou « d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé » ;
Considérant qu'en l'espèce la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties d'une part parce que des dispositions similaires ne sont pas prévues lorsque c'est le professionnel qui renonce à l'exécution du contrat, d'autre part en raison du montant de l'indemnité ; Considérant que cette clause sera en conséquence réputée non écrite car abusive, le fait que Melle X., dûment informée, n'ait pas souscrit d'assurance annulation étant sans incidence à cet égard ;
Considérant pour autant que Melle X. n'est pas fondée à réclamer le remboursement de la totalité des sommes versées en sus de celle de 3.150 euros, réglée à titre d'arrhes selon ce qu'indique le contrat ; Considérant en effet que Melle X. a versé deux acomptes aux dates contractuellement fixées, confirmant ainsi la commande passée le 10 décembre 2002 qu'en rompant unilatéralement le contrat définitivement formé entre les parties, Melle X. a engagé sa responsabilité à l'égard de son cocontractant, sans qu'elle puisse lui opposer le fait qu'elle a été contrainte d'annuler son mariage et par conséquent la réception prévue en raison de l'infidélité de son fiancé, ces circonstances n'étant pas constitutives d'un cas fortuit au sens de l'article 1148 du code civil ; Considérant que la société Le Relais du Bois de Boulogne avait déjà commencé à organiser la réception prévue le 31 août 2003 quand elle a été avisée, le 8 août précédent, que celle-ci était annulée ; qu'elle n'a pu relouer la salle qui avait été réservée ; qu'elle avait pris des dispositions pour trouver notamment du personnel travaillant le dimanche et a été contrainte de le dédommager ; Considérant que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la Cour estime que son préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 8.000 euros ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
VINGT CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05/21166. Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 avril 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/00359.
APPELANTE :
Mademoiselle X.
représentée par Maître Chantal BODIN-CASALIS, avoué à la Cour, assistée de Maître BENCHETRIT avocat, toque D814, avocat plaidant Maître CHARLERY Eric, toque G 745
INTIMÉE :
Société LE RELAIS DU BOIS DE BOULOGNE
prise en la personne de ses représentants légaux [adresse], représentée par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour, assistée de Maître ROQUEBRUNE Laétitia, avocat plaidant Cabinet SEGUIN Cédric, toque D 2149
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 octobre 2007, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Pascale GIROUD, président, Madame Odile BLUM, conseillère, Madame Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, conseillère.
Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE
[minute page 2] ARRÊT : - contradictoire - rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Mme Marie Pascale GIROUD, président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu le 14 avril 2005 par le tribunal de grande Instance de Paris qui a débouté Melle X. de l'ensemble de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamné Melle X. aux dépens ;
Vu l'appel relevé par Melle X. et ses dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2007 par lesquelles elle demande à la Cour de réformer le jugement et statuant à nouveau de :
- dire manifestement disproportionnée l'indemnité mise à sa charge par la société Le Relais du Bois de Boulogne et déclarer en conséquence abusive et privée de tout effet la clause d'indemnité prévue au contrat de prestations de service conclu entre les parties,
- dire à tout le moins que l'abandon par elle au profit du professionnel de la somme de 3.150 euros au titre des arrhes versées a eu pour effet d'anéantir le contrat litigieux et partant, de le priver de tout effet,
-constater que la société Le Relais du Bois de Boulogne ne justifie d'aucun préjudice pouvant justifier la conservation d'une somme de 12.550 euros représentant 77 % du prix du contrat alors qu'aucune prestation n'a eu lieu par suite d'un événement fortuit, indépendant de sa volonté,
En conséquence,
- ordonner la restitution par la société Le Relais du Bois de Boulogne de la somme de 9.400 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,
- la condamner à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
Subsidiairement,
- limiter à 1.500 euros l'indemnité complémentaire pouvant être conservée le cas échéant par la société Le Relais du Bois de Boulogne en sus des arrhes de 3.150 euros déjà versées,
- ordonner la restitution du surplus.
Vu les dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2007 par la société Le Relais du Bois de Boulogne qui, faisant valoir que la clause litigieuse du contrat liant les parties n'est nullement abusive et que même si cette clause était considérée comme non écrite, le préjudice qu'elle subit justifie l'attribution de dommages-intérêts à hauteur des sommes qui lui ont été versées, demande à la Cour de confirmer le jugement et de condamner Melle X. au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Sur ce, la Cour :
Considérant que par « contrat de prestations » du 10 décembre 2002, Melle X. à confié à la société Le Relais du Bois de Boulogne l'organisation d'une réception de mariage prévue pour 160 convives le 31 août 2003 pour le prix global de 16.682,12 euros ; que le contrat comportait, à la rubrique « assurance annulation » les mentions suivantes « nous attirons votre attention sur le fait qu'une assurance annulation vous est proposée pour garantir nos conditions de vente et qu'en cas d'annulation celles-ci s'appliqueront sans réserve et sans négociation » ; que Melle X. n'a pas contracté d'assurance annulation ;
Considérant que le contrat précisait que toute réservation était définitivement confirmée au versement des arrhes, soit 3.150 euros, qu'un complément de 4.700 euros serait versé avant le 1er juillet 2003 puis avant le 1er août 2003, le solde devant être payé comptant le jour de la réception;
Considérant qu'a la rubrique « annulation », le contrat mentionnait : « en cas d'annulation de l'ensemble de la prestation prévue et confirmée par écrit, un débit sera facturé comme suit :
* plus de 90 jours avant la date, les arrhes de 30 du montant total du devis ne sont pas récupérables,
* 90 jours avant la date, 50 % du montant total du devis,
* 30 jours avant la date, 70 % du montant du devis,
* 15 jours avant la date, 100 % du montant du devis ; »
Considérant que Melle X. a versé la somme de 3.150 euros à la signature du contrat puis a ultérieurement effectué deux versements de 4.700 euros ; que par lettre recommandée du 6 août 2003, reçue par la société Le Relais du Bois de Boulogne le 8 août 2003, Melle X. a annulé la réception ; que la société Le Relais du Bois de Boulogne a accepté de lui rembourser la somme de 790 euros ; que Melle X. a refusé ce versement ;
Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, Melle X. soutient que sont abusives les clauses qui ne prévoient pas de réciprocité de droits entre les parties ou qui stipulent au profit du professionnel une indemnité hors de proportion avec l'économie du contrat et fait valoir qu'en l'espèce non seulement aucune indemnité réciproque n'était prévue à son profit mais que de surcroît, le contrat stipulait au profit du prestataire, une indemnité de 70 % du montant du prix en l'absence de toute prestation fournie ; qu'elle demande donc que la clause litigieuse soit déclarée abusive et privée de tout effet ;
Considérant que l'article L. 132-1 du code de la consommation énonce, en son premier alinéa, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que l'article L. 132-1 précise qu'une annexe au code de la consommation comprend une liste indicative et non exhaustive de clauses qui [minute page 4] peuvent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa ; que cette annexe mentionne notamment, les clauses ayant pour objet ou pour effet « de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui renonce » ou « d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant disproportionnellement élevé » ;
Considérant qu'en l'espèce la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties d'une part parce que des dispositions similaires ne sont pas prévues lorsque c'est le professionnel qui renonce à l'exécution du contrat, d'autre part en raison du montant de l'indemnité ;
Considérant que cette clause sera en conséquence réputée non écrite car abusive, le fait que Melle X., dûment informée, n'ait pas souscrit d'assurance annulation étant sans incidence à cet égard ;
Considérant pour autant que Melle X. n'est pas fondée à réclamer le remboursement de la totalité des sommes versées en sus de celle de 3.150 euros, réglée à titre d'arrhes selon ce qu'indique le contrat ;
Considérant en effet que Melle X. a versé deux acomptes aux dates contractuellement fixées, confirmant ainsi la commande passée le 10 décembre 2002 qu'en rompant unilatéralement le contrat définitivement formé entre les parties, Melle X. a engagé sa responsabilité à l'égard de son cocontractant, sans qu'elle puisse lui opposer le fait qu'elle a été contrainte d'annuler son mariage et par conséquent la réception prévue en raison de l'infidélité de son fiancé, ces circonstances n'étant pas constitutives d'un cas fortuit au sens de l'article 1148 du code civil ;
Considérant que la société Le Relais du Bois de Boulogne avait déjà commencé à organiser la réception prévue le 31 août 2003 quand elle a été avisée, le 8 août précédent, que celle-ci était annulée ; qu'elle n'a pu relouer la salle qui avait été réservée ; qu'elle avait pris des dispositions pour trouver notamment du personnel travaillant le dimanche et a été contrainte de le dédommager ;
Considérant que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la Cour estime que son préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 8.000 euros ;
Considérant que Melle X. ayant versé la somme globale de 12.550 euros, la société Le Relais du Bois de Boulogne sera condamnée à lui restituer la somme de 12.550 - 8.000 = 4.550 euros qui portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Considérant, chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, que Melle X. d'une part, la société Le Relais du Bois de Boulogne d'autre part garderont à leur charge leurs dépens de première instance et d'appel et qu'il n’a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'une ou l'autre d'entre elles en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Dit que la clause figurant au contrat passé entre les parties à la rubrique « annulation » est abusive,
Dit que cette clause est réputée non écrite,
Condamne la société Le Relais du Bois de Boulogne à rembourser à Melle X. la somme de 4.550 euros,
Rejette toutes autres demandes,
Dit que chaque partie gardera à sa charge ses dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,
- 5747 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Clause affectant l’existence du contrat
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6030 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Acceptation des clauses - Clauses offrant une option
- 6082 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Clause de dédit ou d’annulation
- 6453 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Traiteur