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TI ROCHECHOUART, 13 décembre 2002

Nature : Décision
Titre : TI ROCHECHOUART, 13 décembre 2002
Pays : France
Juridiction : Rochechouart (TI)
Demande : 02/000055
Décision : 140/02
Date : 13/12/2002
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 19/04/2002
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 23 novembre 2004
Numéro de la décision : 140
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 122

TI ROCHECHOUART, 13 décembre 2002: RG n° 02/000055 ; jugement n° 140/02

Publication : Site CCAB

 

Extraits : 1/ « Attendu que par arrêt du 21 novembre 2002 la CJCE (SA O.O/ F.) a dit que la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat ; Que, dès lors, il convient, d'une part, de dire que le juge a le pouvoir de relever d'office l'existence d'une clause abusive et, d'autre part, d'écarter le délai de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la Consommation ».

2/ « Attendu qu'en l'espèce chaque contrat prévoit la faculté pour le prêteur de suspendre le droit à découvert en cas de survenance d'un événement pouvant faire douter de la solvabilité de l'emprunteur et la faculté pour le prêteur de résilier le contrat en cas de renseignements confidentiels inexacts ; Attendu par ailleurs que par son extrême généralité la clause qui permet au prêteur de résilier le contrat pour tout événement faisant douter de la solvabilité de l'emprunteur met totalement l'emprunteur à la discrétion du prêteur ; qu'en effet, une telle clause permettrait à celui-ci de se prévaloir de tout événement professionnel (chômage, changement d'emploi, mutation, etc.) ou familial (divorce, changement de régime matrimonial, etc.) ; Que pourtant, aux termes du modèle-type, seule la défaillance de l'emprunteur est susceptible d'entraîner la résiliation du contrat et ta mise à la charge de l'emprunteur des sommes prévues par les articles D. 311-11 et suivants du code de la consommation ; Attendu, en outre, qu'il est difficile de discerner en quoi une simple erreur relative à la situation familiale, professionnelle ou patrimoniale du débiteur constitue une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat ;

Que ces deux clauses qui révèlent l'abus de puissance économique, sont des clauses abusives qui aggravent très durement la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type ; Que dès lors la déchéance du droit aux intérêts est encourue de ce chef ».

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE ROCHECHOUART

JUGEMENT DU 13 DÉCEMBRE 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-02-000055. Jugement n° 140/02. L'AN DEUX MILLE DEUX ET LE TREIZE DÉCEMBRE, A l'audience civile tenue publiquement au prétoire du TRIBUNAL D'INSTANCE DE ROCHECHOUART ; Sous la Présidence de M. F. NEBOUT, Juge d'Instance, assistée de Annie LONGELIN, Greffier, LA DÉCISION SUIVANTE A ETE RENDUE,

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

SA C. (COFIDIS ?)

SA au capital de 40.000.000 Euros, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de ROUBAIX TOURCOING sous le numéro XX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [adresse], représenté(e) par Maître BOUCHERLE Laurent, avocat du barreau de LIMOGES, substitué par Maître GUILLOT, d'une part

 

ET :

DÉFENDEUR(S) :

- Monsieur X.

né le [date], de nationalité française, demeurant [adresse], non comparant, ni représenté,

- Madame Y. épouse X.

née le [date], de nationalité française, demeurant [adresse], non comparante, ni représentée,

d'autre part

 

A l'appel de la cause à l'audience du 11 octobre 2002, les parties entendues et les débats étant clos ; l'affaire a été mise en délibéré à l'audience du 13 décembre 2002. Advenue ce jour, la décision suivante a été rendue :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Selon offre préalable acceptée le 19 octobre 1998, la SA C. a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit d'un montant en capital de 609,80 Euros ouvrant droit pour la société de crédit à la perception d'intérêts au taux effectif global de 17,88 % calculés sur les sommes réellement empruntées.

Selon nouvelle offre préalable acceptée le 10 novembre 1998, la SA C. a consenti à Monsieur X. et à son épouse Madame Y. une ouverture de crédit d'un montant en capital de 3.048,98 Euros ouvrant droit pour la société de crédit à la perception d'intérêts au taux effectif global de 15,48 % calculés sur les sommes réellement empruntées.

Selon offre préalable acceptée le 5 mars 1999, la SA C. a consenti aux époux X. une ouverture de crédit d'un montant en capital de 762,25 Euros ouvrant droit pour le prêteur à la perception d'intérêts au taux effectif global de 15,48 % l'an calculés sur les sommes réellement empruntées.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société de crédit a provoqué la déchéance du terme.

Par acte du 19 avril 2002, la SA C.a fait assigner les époux X. afin d'obtenir avec exécution provisoire, condamnation au paiement des sommes suivantes :

* 1.485,96 Euros pour solde du contrat Carte

* 1.448,72 Euros pour solde du contrat Formule [Libravou]

* 2.265,45 Euros pour solde du contrat Carte [Aurore]

* les intérêts conventionnels sur les sommes de 1.393,87 Euros, 1.368,51 Euros et 2.137,87 Euros,

* 305 Euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 5 juillet 2002 le tribunal a débouté la SA C. sa demande dirigée à l'encontre de Madame Y. épouse X. relative au contrat Carte […] et, sur les autres demandes, a ordonné la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent sur le moyen soulevé d'office tiré du défaut de preuve de la régularité des contrats de crédit et sur les conséquences qui peuvent en découler (articles 1315 du Code Civil, L. 311-8 à L. 311-13, R. 311-6 et R. 311-7 et L. 311-33 du Code de la Consommation).

[minute page 3] A l'audience de réouverture la SA C., par la voix de son conseil Maître GUILLOT, a maintenu l'intégralité de ses demandes au motif que le juge ne pouvait relever d'office un moyen tiré de la prétendue irrégularité du contrat et ce, d'autant plus qu'une telle recherche se heurte à l'accomplissement du délai de forclusion de l'article L 311-37 du Code de la Consommation.

Cités l'un à personne, l'autre à domicile, les époux X. n'ont pas comparu.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la demande principale :

A) Sur l'office du juge et sur la forclusion :

Attendu que par arrêt du 21 novembre 2002 la CJCE (SA O.O/ F.) a dit que la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat ;

Que, dès lors, il convient, d'une part, de dire que le juge a le pouvoir de relever d'office l'existence d'une clause abusive et, d'autre part, d'écarter le délai de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la Consommation ;

Que, par ailleurs, en droit interne le moyen tiré de la déchéance du droit au intérêts n'a d'autre objet que de contester le montant de la créance alléguée par le prêteur ; que cette contestation, fût-elle fondée sur l'irrégularité de l'offre de crédit, ne constitue pas une exception mais un simple moyen de défense puisque, conformément aux articles 64 et 71 du Nouveau Code de Procédure Civile, elle ne tend pas à obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention du requérant (Cass. Com., 26 oct. 1999 : JCP E 2000, II, 10262, obs. D. Legeais ; Cass. 1re civ., 4 oct. 2000, jurispr., p.401), c'est-à-dire la possibilité pour le prêteur d'obtenir le paiement des intérêts (Cour d'Appel Bordeaux, 21 oct. 1997 : Contrats conc. consom. 1998, comm. 52, obs. G. Raymond) ; que le simple moyen de défense qui, conformément à l'article 72 du Nouveau Code de Procédure Civile, peut être opposé en tout [minute page 4] état de cause, n'est pas soumis au délai de forclusion (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997 : Gaz. Pal 1997, 1, pan., p. 54) ; que la défense au fond qui n'est qu'une catégorie de moyen par opposition aux demandes, exception de procédure ou fins de non-recevoir, peut être soulevée d'office par le juge lorsqu'il s'agit de moyen de droit (I. Pétel-Teyssié, Répertoire Dalloz civil, Défenses, exceptions, fins de non recevoir, n° 76) ;

 

B) Sur les irrégularités de l'offre :

Attendu que toute clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type applicable, constitue une irrégularité entraînant la déchéance du droit aux intérêts du prêteur (Civ. 1ère, 1er décembre 1993, Bull. I, n° 354) ;

Attendu qu'en l'espèce chaque contrat prévoit la faculté pour le prêteur de suspendre le droit à découvert en cas de survenance d'un événement pouvant faire douter de la solvabilité de l'emprunteur et la faculté pour le prêteur de résilier le contrat en cas de renseignements confidentiels inexacts ;

Attendu par ailleurs que par son extrême généralité la clause qui permet au prêteur de résilier le contrat pour tout événement faisant douter de la solvabilité de l'emprunteur met totalement l'emprunteur à la discrétion du prêteur ; qu'en effet, une telle clause permettrait à celui-ci de se prévaloir de tout événement professionnel (chômage, changement d'emploi, mutation, etc.) ou familial (divorce, changement de régime matrimonial, etc.) ;

Que pourtant, aux termes du modèle-type, seule la défaillance de l'emprunteur est susceptible d'entraîner la résiliation du contrat et ta mise à la charge de l'emprunteur des sommes prévues par les articles D. 311-11 et suivants du code de la consommation ;

Attendu, en outre, qu'il est difficile de discerner en quoi une simple erreur relative à la situation familiale, professionnelle ou patrimoniale du débiteur constitue une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat ;

Que ces deux clauses qui révèlent l'abus de puissance économique, sont des clauses abusives qui aggravent très durement la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type ;

Que dès lors la déchéance du droit aux intérêts est encourue de ce chef ;

[minute page 5]

[minute page 6]

- assurance :                                                               278,22 €

2.989,93 €

sous déduction des versements :                                  1.638,51 €

reste dû                                   1.351,42 €

Qu'il est ainsi établi que Monsieur X. est redevable de la somme totale de 2.695,21 Euros et Madame X. de la somme de 2.104,43 Euros ;

 

III - Sur l'exécution provisoire :

Attendu qu'aucune circonstance particulière ne vient justifier l'exécution provisoire ;

 

IV - Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'aucune considération tirée de l'équité ou, de la situation économique des parties ne permet de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

 

V - Sur les dépens :

Attendu que la SA C., ayant largement succombé, sera condamnée aux dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL STATUANT PUBLIQUEMENT, PAR JUGEMENT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE ET EN PREMIER RESSORT,

Vu les articles L. 311-8 à L. 311-13, R. 311-6 et R. 311-7 et L. 311-33 du Code de la Consommation,

DÉCLARE la SA C. intégralement déchue du droit aux intérêts.

[minute page 7] CONDAMNE Monsieur X. à payer à !a SA C. la somme de CINQ CENT QUATRE VINGT DIX EUROS SOIXANTE DIX HUIT CENTIMES (590,78 Euros) pour solde du crédit n° YY, le tout sans intérêts.

CONDAMNE solidairement Monsieur X. et Madame Y. épouse X. à payer à la SA C. la somme de DEUX MILLE CENT QUATRE EUROS QUARANTE TROIS CENTIMES (2.104,43 Euros) pour solde des prêts Formule LIBRAVOU et Carte AURORE, le tout sans intérêts.

DÉBOUTE la SA C. du surplus de ses prétentions.

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

CONDAMNE la SA C. aux dépens.

AINSI JUGÉ ET PUBLIQUEMENT PRONONCÉ LES JOURS, MOIS, AN ET LIEU SUSDITS.

LE GREFFIER                        LE JUGE

A. LONGELIN                       M.F. NEBOUT