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CA PARIS (5e ch. sect. B), 21 novembre 1996

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (5e ch. sect. B), 21 novembre 1996
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 5e ch. sect. B
Demande : 94/26592
Date : 21/11/1996
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : T. COM. PARIS (4e ch.), 6 octobre 1994
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N°

CA PARIS (5e ch. sect. B), 21 novembre 1996 : RG n° 94/26592

Publication : Juris-Data n° 024494 ; Lamyline ; Dalloz Affaires 1997. p. 147 ; RJDA 1997/3, n° 432

 

Extrait : « Que l'appelant ne saurait être qualifié de professionnel de l'organisation de voyages ; qu'il n'agit en effet qu'en tant que mandataire des bénéficiaires du voyage, clients de l'agence contactée ; que son intervention ne dépasse pas le choix des prestations parmi celles que l'agence propose, et la négociation du prix ;

Qu'il est cependant inexact de prétendre à un déséquilibre contractuel aux dépens du client ; qu'en effet la clause litigieuse ne met pas à la charge du CECEHN une obligation sans contrepartie de la société VOICE ; que cette dernière doit entamer des les réservations les premières démarches d'organisation des voyages prendre, elle-même des engagements et exposer des frais ; Que par ailleurs la société VOICE accepte de prendre à sa propre charge un certain nombre d'obligations financières vis-à-vis de son client qui concernent l'annulation du voyage, dans les chapitres « Modifications avant le départ » et « Modifications pendant le voyage » ; que les contrats de réservations signés par le CECEHN respectent en conséquence l'équilibre des relations contractuelles que préconise la Commission des Clauses Abusives dans ses recommandations numéros 81-01 et 91-02 »

 

COUR D’APPEL DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 1996

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94-26592. Date de l’ordonnance de clôture : 24 décembre 1996. Sur appel d’un jugement du Tribunal de Commerce de Paris de la 4e chambre du 6 octobre 1994 : R.G. n° 93-45151.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°) Le COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA CAISSE D'ÉPARGNE DE HAUTE NORMANDIE

dont le siège est [adresse], Appelant, Représenté par la SCP PARMENTIER HARDOUIN LE BOUSSE, avoué, Assistée de Maître CHAPOUTOT, avocat au barreau du HAVRE,

2°) La société VOICE

dont le siège est [adresse], Intimée, Représentée par la SCP D'AURIAC GUIZARD, avoué, Assistée de Maître HELAL, avocat remplacé à l'audience par Maître GENSCHMER, avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors du délibéré : Président : Monsieur LECLERCQ (loi du 7.1.1988), Conseillers : Monsieur BOUCHE et Madame CABAT

GREFFIER : Madame LAISSAC

DÉBATS : à l'audience publique du 24 OCTOBRE 1996 Monsieur BOUCHE, magistrat chargé du rapport a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

[minute page 2] ARRÊT : contradictoire ‑ prononcé publiquement par Monsieur LECLERCQ, président, lequel a signé la minute avec Madame LAISSAC, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 12 novembre 1992 le Comité d'Entreprise de la Caisse D'Épargne de Haute-Normandie ci-après dénommé CECEHN ou Comité d'Entreprise a conclu avec la société VOICE - Agence de voyage le 19 novembre 1992 deux contrats en vue de séjours en Egypte l'un du 8 au 16 mai 1993 pour 32 participants au prix de 231.790 francs, l'autre du 15 au 23 mai 1993 pour 34 participants au prix de 254.720 francs. Les réservations comprenaient le transport en avion, l'hôtel en pension complète et un déplacement en bateaux. Entre le 6 novembre 1992 et le 5 janvier 1993 trois acomptes d'un montant total de 160.000 francs ont été payés.

A la suite de la défection de plusieurs voyageurs, le Comité d'Entreprise a informé la société VOICE le 27 janvier 1993 de son intention d'annuler les deux voyages. L'agence a refusé de restituer les acomptes.

Saisi par assignation du 8 juin 1993 d'une demande de remboursement d'une somme limitée à 142.000 francs, le Tribunal de commerce de PARIS, par jugement du 6 octobre 1994, a débouté le Comité d'entreprise en se fondant sur la clause contractuelle d'annulation et l'a condamné à payer à la société VOICE une somme de 2.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* * *

Le Comité d'Entreprise de la Caisse d'Épargne a interjeté appel de ce jugement.

Il rappelle les Conditions Générales de vente de la société VOICE et soutient que la clause d'annulation qui y figure, a le caractère d'une clause pénale dont l'excès et la contradiction manifeste avec le texte des brochures publicitaires devraient permettre à la Cour de l'écarter ou de la réduire dans d'importantes proportions.

Dans ses écritures du 3 octobre 1996 l'appelant conclut même à la nullité de la clause sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et d'une absence d'acceptation.

Le Comité d'Entreprise abandonne une somme forfaitaire de 18.000 francs et demande la condamnation de la société [minute page 3] VOICE à lui rembourser la somme de 142.000 francs augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 1992 (il faut lire bien évidemment 1993), et à lui payer en outre 10 000 francs de dommages-intérêts et 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société VOICE conteste que la clause critiquée puisse être qualifiée de clause pénale et prétend qu'il s'agit d'un dédit qui n'est pas susceptible de réduction et qui est intégralement acquis à l'agence quand le client annule le contrat dans sa totalité. Elle observe qu'il appartient au surplus au CECEHN de prouver le caractère excessif de la clause et soutient qu'elle n'est pas tenue de démontrer son préjudice.

L'intimée conteste que le CECEHN qui traite habituellement des opérations commerciales similaires puisse se prévaloir d'un texte de protection des consommateurs, dément tout abus d'un déséquilibre économique et met au contraire l'accent sur la concurrence qui existe entre agences de voyages et qui permet à chaque client de négocier. Elle conteste qu'un contrat d'adhésion soit nécessairement un contrat léonin.

La société VOICE demande en conséquence la confirmation du jugement déféré et la condamnation du Comité d'Entreprise à lui payer 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA COUR :

Considérant que le CECEHN a attendu le 6 octobre 1996 pour prétendre qu'il n'avait jamais eu connaissance des conditions générales de vente dont se prévaut la société VOICE pour retenir les acomptes qu'elle a perçus ; qu'une telle affirmation contredit les premières conclusions d'appel du Comité d'Entreprise qui reproduisaient les conditions générales litigieuses, se bornaient à contester l'application qu'en fait l'agence, et faisaient ainsi de ces conditions générales la loi régissant les rapports des parties ; que ces conclusions doivent être interprétées comme l'aveu par le Comité d'Entreprise de ce qu'il connaissait et avait accepté les conditions générales de vente de la société VOICE ; qu'il serait peu vraisemblable de surcroît qu'un comité d'entreprise dont l'organisation [minute page 4] [de] loisirs des salariés est l'une des fonctions, verse des acomptes substantiels dans l'ignorance des conséquences habituelles d'une résiliation ;

Que le Tribunal avait pu relever en outre à juste titre que le Comité d'entreprise qui ne prétendait pas alors ignorer les conditions générales, avait eu tout loisir de mettre en concurrence plusieurs agences ;

Que de même l'appelant ne peut valablement comparer pour s'en prévaloir un document publicitaire de la société VOICE daté de 1995 qui n'a aucune valeur contractuelle, avec les Conditions Générales de vente en vigueur en 1992 à l'époque ou les contrats litigieux ont été signés ;

Considérant que la clause d'annulation litigieuse distingue en cas de simple réduction du nombre des participants d'un voyage de groupe, diverses hypothèses selon qu'il s'agit de vols réguliers ou d'affrètements d'aéronefs et d'annulations intervenant plus ou moins de 45 jours avant le départ ; qu'in fine, la clause stipule sans distinction: « Dans tous les cas, si le contrat venait à être annulé par le client dans sa totalité, l'acompte versé serait retenu par VOICE » ;

Que le CECEHN a résilié intégralement ses réservations ; que l'agence a procédé à une juste application d'une clause dénuée de toute ambiguïté en conservant les acomptes perçus ;

Considérant que le CECEHN est recevable à se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation qui sanctionne de nullité toute clause qualifiée d'abusive, qui a « pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties » ;

Que l'appelant ne saurait être qualifié de professionnel de l'organisation de voyages ; qu'il n'agit en effet qu'en tant que mandataire des bénéficiaires du voyage, clients de l'agence contactée ; que son intervention ne dépasse pas le choix des prestations parmi celles que l'agence propose, et la négociation du prix ;

Qu'il est cependant inexact de prétendre à un déséquilibre contractuel aux dépens du client ; qu'en effet la clause litigieuse ne met pas à la charge du CECEHN une obligation sans contrepartie de la société VOICE ; que cette dernière doit entamer des les réservations les premières démarches [minute page 5] d'organisation des voyages prendre, elle-même des engagements et exposer des frais ;

Que par ailleurs la société VOICE accepte de prendre à sa propre charge un certain nombre d'obligations financières vis-à-vis de son client qui concernent l'annulation du voyage, dans les chapitres « Modifications avant le départ » et « Modifications pendant le voyage » ; que les contrats de réservations signés par le CECEHN respectent en conséquence l'équilibre des relations contractuelles que préconise la Commission des Clauses Abusives dans ses recommandations numéros 81-01 et 91-02 ;

Considérant que le Comité d'Entreprise soutient encore que la clause d'annulation est une clause pénale réductible même d'office par application de l'article 1152 du Code Civil ; que la société VOICE soutient qu'un dédit ne peut être réduit et qu'une clause pénale a une fonction de contrainte à l'égard du débiteur tenté de renoncer à ses engagements ; qu'elle ajoute que c'est au débiteur de prouver en quoi son montant serait excessif, et non au créancier de justifier l'étendue du préjudice qui résulte du désistement de son cocontractant en cours d'exécution ;

Considérant que la somme de 160.000 francs versée par le Comité d'Entreprise correspond à environ 30 % du prix des voyages ; que la dénonciation des réservations s'est faite plus de trois mois avant mai 1993 autrement dit longtemps avant les départs ; que la société VOICE, aurait certes contractuellement le droit de recevoir une indemnisation de ses débours déjà engagés et d'un manque à gagner ; que la société VOICE a trop insisté sur la concurrence existant entre agences de voyage pour pouvoir prétendre qu'en l'absence de la moindre preuve de débours et de précisions concernant le bénéfice que l'agence pouvait espérer, la Cour ne peut que conclure que la clause permettant à l'intimée de conserver les 160.000 francs reçus dépasse de très loin la simple réparation du préjudice ; que l'excédant coercitif est lui même manifestement excessif ;

Que la Cour trouve dans les circonstances de la cause les éléments suffisants pour réduire la somme que la société VOICE est fondée à conserver à 50.000 francs pour chacun des voyages annulés ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable que l'intimée, qui voit réduire ses prétentions, conserve partiellement la charge de ses frais irrépétibles exposés en appel ; qu'elle recevra à ce titre une somme globale de 5.000 francs pour les deux instances ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Réformant le jugement du 6 octobre 1994,

Fait partiellement droit à l'appel du Comité d'Entreprise de la Caisse d'Epargne de Haute Normandie ;

Condamne la société VOICE à lui restituer la somme de soixante mille francs (60.000 francs) augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 8 juin 1993 ;

Condamne le Comité d'Entreprise de la Caisse d'Epargne de Haute Normandie à payer à la société VOICE 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les mets à la charge de la société VOICE pour un tiers et du Comité d'Entreprise de la Caisse d'Epargne de Haute Normandie pour deux tiers,

Admet les sociétés civiles professionnelles d'AURIAC GUIZARD et PARMENTIER HARDOUIN LE GOUSSE, avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.