CA PARIS (25e ch. sect. B), 28 juin 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1278
CA PARIS (25e ch. sect. B), 28 juin 1996 : RG n° 001736/95
Publication : RJDA 11/96, n° 1407 ; BRDA 1996, n° 17, p. 11
Extrait : « Considérant, sur le caractère abusif des conditions générales de vente, que la clause aux termes de laquelle aucun retour de marchandises afin d'examen ne pourra être effectué sans avoir été autorisé par le vendeur, ne prive pas l'acheteur de son droit de contester la conformité de la marchandise en cas de défectuosités avérées, ou d'exercer toute autre action qui pourrait naître de l'inexécution partielle ou totale par le cocontractant de ses obligations ; que cette clause a pour but de prévenir les retours qui pourraient être effectués sans motif valable et de manière massive par les destinataires de ces marchandises ; qu'elle ne confère donc pas au vendeur un avantage excessif ; qu'en tout état de cause, la société LARRY ne s'en prévaut pas pour opposer à la société GLOBE l'irrecevabilité de sa contestation ;
que, de même la clause prévoyant que le vendeur disposera d'un délai supplémentaire de quinze jours à compter de la mise en demeure de livrer qui lui aura été faite par son acheteur, n'apparaît pas caractéristique d'un abus de position dominante ; que, contrairement à ce qu'allègue la société GLOBE, cette clause n'aboutit pas à permettre de livrer « bien au-delà du terme », le délai ainsi accordé étant relativement bref et son point de départ étant lui-même fonction des propres diligences de l'acheteur ».
COUR D’APPEL DE PARIS
VINGT CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 28 JUIN 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 001736/95. Sur appel d’un jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 6 septembre 1994 - 17ème chambre - RG n° 92/91833. Pdt. M. Duperche. Date de l’ordonnance de clôture : 30 mai 1996.
PARTIES EN CAUSE :
1°) La Société GLOBE (Société en Nom collectif)
ayant son siège [adresse], APPELANTE, représentée par la SCP FANET, AVOUÉ, assistée de Maître PERNET, AVOCAT du barreau de BESANCON,
2°) La Société LARRY « UN APRÈS MIDI DE CHIEN » SARL
ayant son siège : [adresse], INTIMÉE, représentée par la SCP BOMMART FORSTER, AVOUÉ,
COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Madame PINOT, Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur WEILL, Conseiller, Madame CANIVET, Conseiller,
Lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt : GREFFIER : Madame FALIGAND,
[minute page 2] DÉBATS : à l'audience publique du 31 mai 1996.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par Madame le Conseiller PINOT, faisant fonction de Président, lequel a signé la minute avec Madame FALIGAND, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Cour statue sur l'appel, relevé par la société GLOBE, du jugement rendu le 06 septembre 1994 par le tribunal de commerce de PARIS qui :
- l'a condamnée à verser à la société LARRY « Un après-midi de chien », ci-après LARRY, la somme de 31.712,91 francs avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1992, à charge par celle-ci de tenir à disposition en ses locaux la marchandise objet de la seconde facture qui pourra être enlevée pendant un mois à compter de la signification du jugement, et la somme de 8.000 francs au titre de l'article 700 du NCPC ;
- a ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie ;
- a rejeté le surplus des demandes ;
et l'a condamnée aux dépens.
La société GLOBE, qui exploite des magasins de vêtements, a commandé à la société LARRY le 2 octobre 1991, 439 pièces à livrer en janvier-février et au plus tard en mars 1992 ;
Estimant que la société LARRY n'avait pas satisfait à ses obligations contractuelles, qu'elle avait livré tardivement ces marchandises, dont certaines étaient de surcroît défectueuses, la société GLOBE a refusé d'en acquitter une partie du prix ;
C'est dans ces conditions qu'est né le litige et que le tribunal a rendu le jugement déféré.
[minute page 3] Appelante, la société GLOBE demande à la Cour de réformer ce jugement, de constater que la société LARRY n'a pas rempli ses obligations contractuelles, qu'elle-même était en conséquence fondée à refuser le paiement de deux commandes ayant fait l'objet des factures n° 3141 du 13 mars 1992, et n° 3196 du 31 mars 1992 ; de constater que la société LARRY lui est redevable d'un avoir de 3.593,58 Francs correspondant au retour de marchandises ayant fait l'objet d'une précédente facture, de dire que la facture n° 3196 n'est pas due, de constater qu'elle a subi un préjudice commercial du fait des agissements de la société LARRY, de lui accorder de ce chef la somme de 15.000 Francs à titre de dommages-intérêts, de dire que les sommes dont elle reste débitrice au titre de la facture n° 3141 se compenseront avec ces dommages-intérêts, de dire que les intérêts au taux légal sur les sommes dues ne courront qu'à compter du présent arrêt, de condamner la société LARRY à lui rembourser la totalité des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire ordonnée, soit 47.776,96 Francs., et de la condamner à lui verser la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.
* * *
Intimée, la société LARRY répond que les arguments développés par la société GLOBE sont fallacieux ;
que la première livraison de la commande du 2 octobre est intervenue le 4 février 1992 (118 pièces), la deuxième le 14 février (71 pièces), et la troisième le 26 février (49 pièces) ; qu'à cette date 60,6 % de la commande avait donc été livrée ; que quatre autres livraisons ont été effectuées en mars 1992 ; qu'à la mi-mars, 87,4 % de la commande avait été livré ; que la livraison du 31 mars représentait 46 pièces sur les 129 résiduelles ;
que les conditions générales de vente prévoient d'ailleurs qu'en cas de retard dans la livraison, le fabricant disposera d'un délai supplémentaire de 15 jours après mise en demeure d'avoir à livrer ;
que les marchandises livrées étaient conformes ; que sur les 356 pièces livrées, seulement 12 sont contestées par la société GLOBE, laquelle ne rapporte d'ailleurs aucune preuve de ce qu'elles auraient été mal coupées ;
que les trois robes, prétendument trop [minute page 4] petites, quoiqu'en tissu lycra extensible, retournées par la société GLOBE, lui ont été échangées le 12 mars 1992 ;
que les 9 pantalons présumés défectueux faisaient partie d'un lot de 42 pièces identiques ; qu'aucune contestation n'a été élevée sur les 33 autres pièces ; que les longueurs de pantalons féminins d'été sont fonction des modes et du style de vêtements, et peuvent varier de 60 à 80 cm ; qu'en l'occurrence, il s'agissait de pantalons de style « corsaire » longueur cheville, donc plus courts que des pantalons ordinaires ; que toutes les pièces étaient de la même longueur, avec une tolérance de 1 à 2 cms ; que le refus de la société GLOBE apparaît en réalité lié à un problème de coloris ou d'imprimé du tissu, et à des convenances personnelles ;
qu'en conséquence ces 9 pièces ont été retournées le 30 mars 1992 à la société GLOBE, mais n'ont jamais été retirées par celle-ci ;
que la lettre, non recommandée, que la société GLOBE déclare lui avoir adressée le 28 mars 1992 pour lui faire part de doléances de clientes quant à la qualité des marchandises (problèmes de fils de couture), ne lui est jamais parvenue ; qu'elle ne saurait donc être tenue pour preuve de ses allégations, qui ne sont étayées par aucun autre document ;
que la facture impayée n° 3141 ne concernait aucun des articles pour lesquels un avoir était demandé ;
Elle prie la Cour de confirmer le jugement, et de porter la condamnation au titre de l'article 700 du N.C.P.C. à la somme de 15.000 Francs ;
Par conclusions en réplique, la société GLOBE soutient que les conditions générales de vente invoquées par sa cocontractante, qui n'ont pas été discutées entre elles, et figurent en très petits caractères au dos des bons de commande, relèvent de l'abus de position dominante, puisqu'elles stipulent qu'un délai supplémentaire de 15 jours serait automatiquement accordé au vendeur en cas de mise en demeure de livrer et qu'elles subordonnent tout retour de la marchandise à l'agrément de celui-ci ;
que la marchandise expédiée le 31 mars 1992 par la société LARRY ne lui a été présentée que le 7 avril suivant, que cette livraison tardive a motivé son refus d'accepter cette marchandise, et de régler en conséquence la facture correspondante n° 3196 d'un montant de 15.648,68 Francs. ;
que les défauts de certaines marchandises justifiaient que lui soit consenti un avoir de 3.593,58 Francs [minute page 5] sur la facturation n°3141 d'un montant de 16.064,23 Francs.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'ainsi que le fait observer la société GLOBE, les conclusions de la société LARRY répondant à ses propres conclusions du 24 mars 1995, n'ont été signifiées que le 2 mai 1996 « avant audience » ;
Mais considérant qu'à la demande des parties, la clôture, qui devait intervenir à cette date, a été reportée au 23 mai 1996, puis à nouveau au 30 mai 1996 ;
que dans ce délai, la société GLOBE a pu répliquer complètement aux conclusions de l'intimée ;
que sa demande tendant à faire juger les conclusions du 2 mai 1996 irrecevables, qui n'a d'ailleurs pas été reprise à l'audience de plaidoiries, sera donc rejetée ;
Considérant, sur le caractère abusif des conditions générales de vente, que la clause aux termes de laquelle aucun retour de marchandises afin d'examen ne pourra être effectué sans avoir été autorisé par le vendeur, ne prive pas l'acheteur de son droit de contester la conformité de la marchandise en cas de défectuosités avérées, ou d'exercer toute autre action qui pourrait naître de l'inexécution partielle ou totale par le cocontractant de ses obligations ; que cette clause a pour but de prévenir les retours qui pourraient être effectués sans motif valable et de manière massive par les destinataires de ces marchandises ; qu'elle ne confère donc pas au vendeur un avantage excessif ; qu'en tout état de cause, la société LARRY ne s'en prévaut pas pour opposer à la société GLOBE l'irrecevabilité de sa contestation ;
que, de même la clause prévoyant que le vendeur disposera d'un délai supplémentaire de quinze jours à compter de la mise en demeure de livrer qui lui aura été faite par son acheteur, n'apparaît pas caractéristique d'un abus de position dominante ; que, contrairement à ce qu'allègue la société GLOBE, cette clause n'aboutit pas à permettre de livrer « bien au-delà du terme », le délai ainsi accordé étant relativement bref et son point de départ étant lui-même fonction des propres diligences de l'acheteur ;
[minute page 6] Considérant, sur les prétendus retards de livraison, que selon le bon de commande du 2 octobre 1991, il était prévu que ces livraisons devaient s'échelonner de février à mars 1992 ; que la société LARRY s'engageait même dans sa confirmation de commande à livrer de janvier à fin mars 1992 ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la majorité des articles commandés ont été livrés à compter du mois de février 1992 et au cours du mois de mars 1992 ;
que la contestation de la société GLOBE de ce chef ne porte que sur la livraison des marchandises expédiées le 31 mars 1992 par la société LARRY (46 sur les 129 résiduelles) dont elle refuse d'acquitter le paiement au motif d'une livraison au-delà du terme contractuel ;
Considérant que, contrairement à ce qu'elle soutient, il ressort des mentions du bon de transport des Ets DUCROS, chargés le Mardi 31 mars 1992 de livrer « en express » et pour Mercredi matin impérativement », que le colis litigieux, lui a été présenté une première fois le 1er avril 1992 ; que cette date est portée dans le cadre réservé au destinataire à côté de la mention préimprimée « reçu en bon état le... », sous laquelle sont inscrites, d'une part la mention « refusé », qui paraît se rapporter à la date susvisée, d'autre part la mention « refusé le 17 avril 1992 », date de la seconde présentation, non contestée, de ce colis ; que, même si une légère surcharge apparaît sur le « 1 » du 1er avril, l'exactitude de cette date est corroborée par une autre annotation « 01 04 92 », figurant au dessus de la mention « valeur déclarée » ;
que la société GLOBE ne fournit en tout état de cause aucun élément permettant d'établir que, comme elle le soutient, la livraison litigieuse n'aurait été effectuée que le 7 (ou le 9) avril 1992 ;
Considérant d'autre part qu'elle n'établit pas que ce retard minime dans la livraison dont s'agit, soit un jour au-delà du terme convenu, aurait eu des conséquences néfastes sur son activité économique, et l'aurait mise notamment dans l'impossibilité de vendre les marchandises concernées, destinées à la collection printemps-été 1992 ;
Considérant, qu'étant observé de surcroît que le terme du délai de livraison n'était pas fixé de manière impérative, et qu'une certaine tolérance pouvait être admise, dès lors que la livraison devait s'effectuer sur trois mois, et que la plupart des pièces commandées [minute page 7] avaient été livrées dans les délais convenus, la société GLOBE sera déclarée mal fondée en son refus de payer la facture n° 3196 du 31 mars 1992, établie pour un montant de 15.648,68 Francs. ;
Considérant que la société GLOBE ne conteste pas devoir le montant de la facture du 13 mars 1992 d'un montant de 16.064,23 Francs, sous réserve de l'imputation d'un avoir de 3.593,58 Francs correspondant à la valeur d'articles défectueux antérieurement livrés ;
Considérant, sur les défectuosités de ces marchandises, qu'il n'est pas contesté que trois robes « Marylin » en lycra et 9 pantalons « TANGO » ont été retournées par la société GLOBE à son fournisseur le 13 mars 1992 ;
que selon la société GLOBE, les robes présentaient un défaut de conception, étant fabriquées en tissu extensible alors que la doublure en est rigide, et donc impossibles à porter ;
que les pantalons, de modèle corsaire, étaient trop courts (60 cm de longueur de jambe au lieu de 75 cm), et que les tissus et les fils de couture n'étaient pas assez résistants et craquaient à l'entrejambe ;
Considérant que la société LARRY ne fait pas la preuve de l'échange des robes qu'elle aurait effectué le 12 mars 1992 ; qu'aux termes d'un courrier recommandé du 27 mai 1992, la société GLOBE indique au contraire que les robes lui ont été retournées « telles quelles » ;
Considérant qu'à l'appui de sa contestation, la société GLOBE verse aux débats des attestations, notamment celle d'une cliente de son magasin qui confirme que ces robes ne pouvaient être portées, que le pantalon « corsaire » lui arrivait au genou, et qu'elle avait eu à se plaindre de la mauvaise qualité des tissus de la société LARRY ;
Considérant qu'au regard de ces éléments de preuve, il convient, la Cour ne disposant pas des éléments suffisants pour lui permettre d'apprécier le bien-fondé des critiques de l'appelante, d'ordonner, à ses frais avancés, et avant dire droit sur ses demandes, une mesure d'instruction aux fins qui seront ci-après précisées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 8] PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société GLOBE au paiement des deux factures litigieuses avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1992,
Avant-dire-droit sur les demandes de la société GLOBE et sur toutes autres demandes des parties,
Ordonne une mesure d'instruction,
Commet Monsieur X., demeurant [adresse] en qualité d'expert aux fins :
- d'entendre les parties en leurs explications,
- se faire remettre toutes pièces et documents utiles à l'accomplissement de sa mission,
- fournir à la Cour tous éléments lui permettant d'apprécier si les robes « Marylin » et pantalons « TANGO » ont été confectionnés conformément aux règles de l'art et à la commande passée, ou si au contraire ils présentent des défauts empêchant leur utilisation normale ;
Fixe à la somme de 5.000 francs le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert qui devra être versée au Greffe de la Cour par la société GLOBE dans le mois suivant le présent arrêt, faute de quoi l'affaire sera rappelée à une prochaine audience pour être jugée en l'état sur le fond,
Dit que l'expert devra déposer son rapport dans les trois mois de sa saisine,
Renvoie l'affaire à l'audience de la mise en état du Vendredi 6 décembre 1996 ;
Réserve les dépens.
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5930 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Matériels et matériaux
- 6038 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clientèle du professionnel
- 6051 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Imprudences
- 6475 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (7) - Obligations du vendeur - Obligation de délivrance : délai de livraison
- 6477 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (9) - Obligations du vendeur - Clauses exonératoire et limitatives de responsabilité