TI ISSOUDUN (INDRE), 8 juin 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1368
TI ISSOUDUN (INDRE), 8 juin 2007 : RG n° 11-07-000003 ; jugement n° 2007/054
(sur appel CA Bourges (ch. civ.), 15 mai 2008 : RG n° 07/01355 ; arrêt n° 325)
Extraits : 1/ « De même, dans une hypothèse où le moyen tiré du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit à la consommation se voyait opposer le délai de forclusion prévu à l'article L. 311-33 du code de la consommation, la Cour de Justice des Communautés européennes a confirmé cette solution en jugeant que « la protection que la directive (sur les clauses abusives) assure aux consommateurs s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » (CJCE 21 novembre 2002, Fredout, n° 473/00). Cette solution doit être transposée à toutes les réglementations dérivées de directives relatives à la protection du consommateur, leur inspiration et leur finalité étant identiques. Au surplus, l'article 125 du nouveau Code de la consommation fait obligation au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours. »
2/ « En effet, la clause par laquelle le montant du crédit initial peut être augmentée à la discrétion du prêteur laisse penser que celui-ci ne devrait pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et constitue ainsi une clause abusive car créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur, en ce qu'elle le prive à cette occasion de la faculté de rétracter son obligation. Cette clause doit être réputée non-écrite ».
3/ « Il est par ailleurs précisé que le contrat conclu en 2001 stipule « le montant maximum de découvert autorisé par le Prêteur est de 140.000 Francs. Le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est fixée à 20.000 Francs. » Suit une case dans laquelle l'emprunteur choisit le montant qu'il souhaite recevoir dans la limite de sa réserve disponible. Il se déduit de cela que le montant maximal de crédit convenu entre les parties est la « fraction disponible » et non le montant maximum de découvert pouvant être autorisé. Tout dépassement de la fraction disponible constitue donc un nouveau crédit devant respecter pour son octroi les formalités édictées au Code de la Consommation, toute clause contraire étant réputée non-écrite pour les raisons énoncées supra. »
TRIBUNAL D’INSTANCE D’ISSOUDUN (INDRE)
JUGEMENT DU 8 JUIN 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-07-000003. Jugement n° 2007/054.
DEMANDEUR(S) :
Société MEDIATIS SA
[adresse], représenté(e) par SCP SIMONET-BOUGEROL-RAMPAL-CHAUMETTE, avocat au barreau de CHATEAUROUX
DÉFENDEUR(S) :
Monsieur X.,
Madame X. née Y.
[adresse], Non comparants
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Présidente : Laura TARDY, juge placé, en charge du service du Tribunal d'Instance d'ISSOUDUN par ordonnances de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de BOURGES en date des 1er septembre, 24 octobre et 13 décembre 2006, 23 février et 24 avril 2007.
Greffier : Geneviève BODENEZ, Greffier en Chef
DÉBATS : Audience publique du : 11 mai 2007
DÉCISION : Premier ressort, Réputée contradictoire, Prononcée publiquement le 8 juin 2007 par Madame Laura TARDY, Présidente. Signée par Madame Laura TARDY, Présidente et par Madame Geneviève BODENEZ, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 18 juin 2001, la société MEDIATIS a accordé à Monsieur X. et Madame X. son épouse une ouverture de crédit dénommé « Compte SOLUTIO » d'un montant maximum de 40.000 Francs, ouvrant droit pour le prêteur à la perception d'intérêts calculés sur les sommes utilisées.
Un avenant à ce contrat a été conclu entre les mêmes parties le 7 avril 2004, portant la fraction disponible du crédit utilisable à 10.000 Euros, au TEG de 16,51 %.
Plusieurs échéances étant restées impayées, l'établissement de crédit a provoqué la déchéance du terme le 23 septembre 2006 et a mis Monsieur et Madame X. en demeure de payer la somme de 17.348,25 Euros par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 27 septembre 2006.
Par actes d'huissier en date du 11 janvier 2007, délivrés à personne présente au domicile, la société MEDIATIS a assigné en paiement Monsieur et Madame X. devant le tribunal d'instance de ISSOUDUN.
Par jugement avant-dire droit du 9 mars 2007, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats, soulevé d'office la forclusion de l'action du prêteur et enjoint à la société MEDIATIS de verser aux débats de nouvelles offres préalables conformes aux dispositions du Code de la consommation par lesquelles les parties ont convenu d'une augmentation du capital utile au-delà de 40.000 Francs pour le prêt conclu en 2001 (offre devant survenir en décembre 2001) et d'une augmentation du capital utile au-delà de 10.000 Euros pour le prêt conclu le 7 avril 2004 (offre devant survenir en août 2002).
EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société MEDIATIS sollicite, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de Monsieur et Madame X. à lui verser les sommes de 17.148,25 Euros avec intérêts au taux contractuel de 16,72 % calculés sur la somme de 16.280,01 Euros et de 650 Euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Sur réouverture des débats, la société MEDIATIS ne verse à la procédure aucune nouvelle offre préalable.
Elle fait valoir que les moyens ne pouvaient être soulevés d'office par le juge.
Elle précise que le montant de découvert initial dans le contrat conclu en 2001 pouvait être porté à un montant maximal de 140.000 Francs après acceptation, montant qui n'a pas été atteint. Il en va de même dans le contrat conclu en 2004, dont le maximum autorisé est de 15.000 Euros. Au surplus, la déchéance du droit aux intérêts ne pourrait remonter au-delà du 9 mars 2005.
Régulièrement assignés à personne présente au domicile, Monsieur et Madame X. n'ont pas comparu, ni personne pour les représenter.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] MOTIFS DE LA DÉCISION :
SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR TIRÉE DE LA FORCLUSION :
a) Sur l'office du juge :
En application de l'article L. 311-37 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001, dite loi MURCEF, les actions engagées devant le tribunal d'instance doivent l'être dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.
Pour l'application des droits accordés par le consommateur en application de directives européennes, la Cour de justice européenne écarte tout délai de nature à restreindre la protection issue du droit communautaire. En effet, si « les droits conférés par le droit communautaire doivent être exercés devant les juridictions nationales selon les modalités déterminées par la règle nationale (..), ces modalités et délais ne doivent pas aboutir à rendre en pratique impossible l'exercice de droits que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder » (CJCE 16 décembre 1976, Rewe Zentralfinanz, n° 33/76, Rec. p. 1989). Du reste, c'est après avoir pris conscience de ce que le délai de forclusion empêchait en réalité le consommateur de faire valoir les droits que devait lui offrir la réglementation du crédit à la consommation que le législateur a réformé l'article L. 311-37 du code de la consommation pour en limiter les effets aux seules actions en paiement du préteur.
Dans une espèce relative à l'application de la directive 85/577 du 20 décembre 1985, relative au démarchage à domicile, où en l'absence d'information du consommateur de l'existence du délai de rétractation, l'exercice de ce droit était limité dans le temps à un an à compter de la conclusion du contrat, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que : « ... quant à l'argument selon lequel il est indispensable de limiter le délai d'exercice du droit de révocation pour des motifs de sécurité juridique, il convient d'observer que de tels motifs ne peuvent prévaloir dans la mesure où ils impliquent une limitation des droits expressément accordés par la directive [...] au consommateur pour le protéger contre les risques découlant du fait que les institutions de crédit ont choisi de conclure des contrats de crédit [...] en dehors de leurs établissements commerciaux. En effet, si ces institutions choisissent de telles méthodes pour commercialiser leurs services, elles peuvent sans difficulté sauvegarder tant les intérêts des consommateurs que leurs propres exigences de sécurité juridique en se conformant à leur obligation d'informer ceux-ci » (CJCE, 13 décembre 2001, Georg Heininger et Helga Heininger c/ Bayerische Hypo- und Vereinsbank AG, Les activités de la CJCE et du TPI des Communautés européennes, n° 33/01, p. 47).
De même, dans une hypothèse où le moyen tiré du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit à la consommation se voyait opposer le délai de forclusion prévu à l'article L. 311-33 du code de la consommation, la Cour de Justice des Communautés européennes a confirmé cette solution en jugeant que « la protection que la directive (sur les clauses abusives) assure aux consommateurs s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de [minute page 4] relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » (CJCE, 21 novembre 2002, Fredout, n° 473/00). Cette solution doit être transposée à toutes les réglementations dérivées de directives relatives à la protection du consommateur, leur inspiration et leur finalité étant identiques.
Au surplus, l'article 125 du nouveau Code de la consommation fait obligation au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.
b) Sur la forclusion :
Il est désormais acquis, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable assorti d'une obligation de remboursement à échéances convenues, que le dépassement non régularisé du maximum convenu constitue un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur et fixant le point de départ du délai biennal de forclusion.
En outre, la défaillance de l'emprunteur ne peut être utilement effacée par l'octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières au regard de la législation en la matière, c'est-à-dire sans que l'augmentation du crédit initialement accordé ait été conclue dans les termes d'une nouvelle offre comportant les mentions prescrites par l'article L. 311-10 du code de la consommation. En effet, la clause par laquelle le montant du crédit initial peut être augmentée à la discrétion du prêteur laisse penser que celui-ci ne devrait pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et constitue ainsi une clause abusive car créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur, en ce qu'elle le prive à cette occasion de la faculté de rétracter son obligation. Cette clause doit être réputée non-écrite.
En l'espèce, le dépassement du découvert initialement autorisé de 40.000 Francs est intervenu en décembre 2001 par le financement de 1.829,39 Euros (achat), portant le capital emprunté à 7.524,30 Euros.
Il importe peu que le montant du crédit initialement accordé ait été augmenté à la demande de Monsieur et Madame X., ni que les conditions générales du contrat aient prévu que toute utilisation entraînant un dépassement de découvert vaudrait demande d'augmentation de celui-ci et que l'attribution du découvert par la société MEDIATIS vaudrait approbation de la demande de l'emprunteur dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, le dépassement du montant du crédit initialement convenu ne peut être valablement régularisé que par l'octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans les conditions de forme prescrites par l'article L. 311-10 du Code de la consommation et constitue une clause abusive réputée non-écrite.
Il est par ailleurs précisé que le contrat conclu en 2001 stipule « le montant maximum de découvert autorisé par le Prêteur est de 140.000 Francs. Le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est fixée à 20.000 Francs. » Suit une case dans laquelle l'emprunteur choisit le montant qu'il souhaite recevoir dans la limite de sa réserve disponible.
[minute page 5] Il se déduit de cela que le montant maximal de crédit convenu entre les parties est la « fraction disponible » et non le montant maximum de découvert pouvant être autorisé. Tout dépassement de la fraction disponible constitue donc un nouveau crédit devant respecter pour son octroi les formalités édictées au Code de la Consommation, toute clause contraire étant réputée non-écrite pour les raisons énoncées supra.
Il en va de même pour le contrat conclu en 2004, qui distingue là encore montant maximum de découvert autorisé et fraction disponible, l'emprunteur pouvant choisir une somme dans cette deuxième limite.
En l'espèce, l'historique du contrat conclu en 2001 versé aux débats montre que le montant du crédit convenu a été dépassé régulièrement à compter du mois de décembre 2001 sans être régularisé par une offre satisfaisant aux prescriptions de l'article L. 311-10 du Code de la consommation.
En effet, l'avenant contractuel conclu le 7 avril 2004 ne saurait valoir régularisation dès lors qu'il est intervenu plus de deux ans après le dépassement du crédit autorisé valant défaillance de l'emprunteur, et ne peut donc couvrir la forclusion de l'action du prêteur. Il ne le peut d'autant moins qu'il stipule une nouvelle fraction disponible portée à 10.000 Euros, laquelle a, selon l'historique, a été dépassée régulièrement en août 2002, soit près de deux ans auparavant. En toute hypothèse, au titre de ce second contrat, l'action du prêteur serait donc également forclose.
Dès lors que l'assignation a été délivrée aux débiteurs le 11 janvier 2007, plus de deux ans après l'augmentation non régularisée du montant du crédit convenu, l'action en paiement de la société MEDIATIS doit être déclarée forclose, et partant irrecevable.
SUR LES FRAIS DE DÉFENSE :
L'article 700 du nouveau code de procédure civile permet au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
En l'espèce, il est équitable de rejeter les demandes en ce sens.
SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE :
L'exécution provisoire n'est pas nécessaire et ne sera donc pas ordonnée.
SUR LES DÉPENS :
Les dépens suivront le sort du principal.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,
DÉCLARE forclose, et, partant, irrecevable, la demande en paiement de la société MEDIATIS à l'encontre de Monsieur X. et Madame X. ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE la société MEDIATIS aux dépens.
LE GREFFIER LE JUGE
Geneviève BODENEZ Laura TARDY
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