JUR. PROXIM. LEVALLOIS PERRET, 19 février 2009
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1376
JUR. PROXIM. LEVALLOIS PERRET, 19 février 2009 : RG n° 91-08-000120 ; jugement n° 26/09
Publication : Site CCAB
Extraits : 1/ « En permettant à tout moment, dans un contrat conclu entre un professionnel et un non professionnel, de modifier unilatéralement le programme qui fait l'objet du contrat ou une partie de ses conditions générales, la société défenderesse a manifestement enfreint les dispositions de l'article R. 132-2 du Code de la consommation qui répute non écrites les clauses abusives, c'est-à-dire celles qui ont pour objet ou effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Dès lors, la juridiction ne peut que souscrire à l'analyse que fait de cette clause le demandeur. »
2/ « Pour autant, il est toujours loisible à un professionnel de modifier les conditions d'application d'un programme ou même l'étendue de celui-ci, sauf à retenir qu'une telle modification, par définition unilatérale, ne saurait prendre effet au détriment du consommateur concerné en cours d'application du contrat. Lorsque, comme en l'espèce, la clause modificative doit être considérée comme abusive, le maintien du contrat initial ne peut néanmoins être revendiqué au-delà de son échéance par le cocontractant ; […] Toutefois, s'agissant du renouvellement d'un programme dont les avantages certains d'entre eux, avaient été modifiés, il appartenait à la société défenderesse d'en aviser spécialement son cocontractant, soit par information individuelle adressée avant là date de renouvellement, soit par mention sur le site en ligne apparente et devant faire l'objet d'un confirmation de lecture lors de ce renouvellement, information qu'elle ne justifie pas avoir mise en œuvre, pas plus d'ailleurs qu'elle n'établit, contrairement à la mention qui figure dans la clause litigieuse, avoir informé les adhérents du programme de la modification intervenue en octobre 2007 dans un délai raisonnable... Il sera donc fait droit au principe de la demande de M. X. »
3/ « En vertu de l'effet relatif des jugements et du principe selon lequel « nul ne plaide en France par procureur... », il n'y a pas lieu, ni d'ordonner la suppression de la clause litigieuse des conditions générales du programme, ni d'enjoindre à la société défenderesse d'envoyer une information sur la suppression de cette clause au profit du demandeur. »
4/ « Le seul préjudice subi par le demandeur du fait d'une modification inopposable du programme consiste à avoir du s'acquitter du versement d'une pénalité de 20 € lors du trajet Lyon-Paris ; il n'établit pas ni ne soutient en effet qu'après le versement de cette « amende » il ait définitivement été contraint de renoncer au bénéfice de la souplesse qui figurait dans le programme initial, où ait à nouveau été l'objet d'une régularisation. Par contre, on peut admettre que durant l'intervalle entre ce voyage du 31 août 2008 et le présent jugement le demandeur ait été confronté, s'il a continué à utiliser l'ancienne facilité lui permettant de changer de TGV, à une insécurité juridique préjudiciable, que la juridiction compensera par l'allocation de 150 € à titre de dommages-intérêts. Il est également équitable de compenser dans la présente procédure les frais exposés par lui et non compris dans les dépens par la somme de 150 €. »
JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE LEVALLOIS PERRET
JUGEMENT DU 19 FÉVRIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 91-08-000120. Jugement n° 26/09.
DEMANDEUR :
Monsieur X.
demeurant [adresse], comparant en personne
DÉFENDEUR :
Société CRMSERVICES
dont le siège est sis [adresse], non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : BOULET-GERCOURT Benoît
Greffier : CARBONEL Marion
DÉBATS : Audience publique du : 15 janvier 2009
DÉCISION : réputée contradictoire, en dernier ressort, rendue par mise à disposition au greffe le 19 Février 2009 par BOULET-GERCOURT Benoît, Président assisté de CARBONEL Marion, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par acte délivré le 17 octobre 2008, M. X. a fait assigner devant la juridiction de proximité de céans la société CRMServices, filiale de la SNCF, pour faire juger abusif l'article IX, alinéa 2 des conditions générales du programme dit « Grand Voyageur de la SNCF », ordonner le maintien des conditions générales applicables lors de son adhésion en 2005, enjoindre à la société de supprimer de ses conditions générales l'article litigieux ainsi qu'adresser aux consommateurs concernés un courrier les informant de la décision de justice réputant cet article non écrit, et la condamner à lui verser la somme de 350 € à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 400 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le dossier a fait l'objet d'une fixation à l'audience du 18 décembre 2008, date à laquelle, le représentant de la société défenderesse n'ayant pas de pouvoir, un renvoi a été ordonné à l'audience du mois suivant ;
A cette audience, la société CRMServices n'a pas comparu, ni personne pour elle.
La présente décision sera en conséquence réputée contradictoire.
Dans ses écritures comme à l'audience, le demandeur a exposé avoir adhéré dans le courant de l'année 2005 au programme « Grand Voyageur de la SNCF » dans le but principal de profiter d'un service intitulé « souplesse d'accès à bord » lui permettant gratuitement de prendre le TGV qui précédait ou suivait celui pour lequel il disposait d'un billet, lui offrant ainsi une flexibilité et donc un gain de temps appréciable ;
Cette adhésion étant valable pour trois ans, il l'avait reconduite en mars 2008.
En août 2008 il avait acheté un billet TGV Lyon-Paris pour la date du 31 août, départ à 18 h 30, et, étant arrivé en avance à la gare de Lyon Part-Dieu, il avait pris le TGV précédent qui partait à 18 heures.
Or il s'était vu infliger par un contrôleur une amende de 20 € au motif que le programme ne permettait plus l'utilisation du service « souplesse d'accès à bord » en raison d'une modification des conditions générales du programme qui désormais subordonnaient cette souplesse à l'utilisation d'un billet au tarif « Pro », la nouvelle grille tarifaire ayant été mise en place le 7 octobre 2007.
M. X. estime que l'article IX, alinéa 2, des conditions générales du programme constitue une clause abusive et doit donc être réputée non écrite ;
Cette clause est la suivante :
« CRMServices se réserve le droit de modifier à tout moment le programme Grand Voyageur ainsi que les présentes conditions générales. Elle en informera alors les adhérents dans un délai raisonnable. Les modifications du programme grand voyageur et/ou des conditions générales seront considérées comme acceptées si l'adhérent utilise sa carte, s'il commande ou utilise de quelque manière que ce soit une prime ou un avantage offert dans le cadre du programme grand voyageur ou si aucune contestation écrite n'est enregistrée dans les 30 jours suivant la notification de la modification. Si l'adhérent n'accepte pas les modifications, il pourra résilier son adhésion conformément aux dispositions de l’article VIII-2 ».
[minute page 3] S'agissant selon lui d'une clause qui permettrait au professionnel de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre, au détriment du consommateur, introduisant ainsi dans le contrat un déséquilibre significatif, une telle clause doit être considérée comme abusive, et de ce fait non écrite, le contrat restant pour le surplus applicable dans ses autres dispositions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En permettant à tout moment, dans un contrat conclu entre un professionnel et un non professionnel, de modifier unilatéralement le programme qui fait l'objet du contrat ou une partie de ses conditions générales, la société défenderesse a manifestement enfreint les dispositions de l'article R. 132-2 du Code de la consommation qui répute non écrites les clauses abusives, c'est-à-dire celles qui ont pour objet ou effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Dès lors, la juridiction ne peut que souscrire à l'analyse que fait de cette clause le demandeur.
Pour autant, il est toujours loisible à un professionnel de modifier les conditions d'application d'un programme ou même l'étendue de celui-ci, sauf à retenir qu'une telle modification, par définition unilatérale, ne saurait prendre effet au détriment du consommateur concerné en cours d'application du contrat.
Lorsque, comme en l'espèce, la clause modificative doit être considérée comme abusive, le maintien du contrat initial ne peut néanmoins être revendiqué au-delà de son échéance par le cocontractant ; en effet, nonobstant la nature contestable de l'article IX, alinéa 2 des conditions générales, il ne fait aucun doute que pour toutes les souscriptions au programme postérieures au 1er octobre 2007, l'avantage lié à la souplesse d'utilisation des TGV ne figurait plus, et les nouveaux adhérents n'ont pu de ce fait prétendre au bénéfice d'une facilité qui avait disparu du programme et qui ne leur avait jamais été consentie.
Il en est de même en ce qui concerne les renouvellements d'adhésion, la société CRMServices ne pouvant pas plus être tenue de conserver sans limitation de temps tous les avantages d'un programme qu'elle ne peut en modifier unilatéralement une clause au détriment du non professionnel en cours de contrat.
A ce titre, M. X. ne peut se plaindre de ce que, lors du renouvellement de son adhésion en mars 2008, l'avantage pour lui déterminant de la souplesse d'utilisation des TGV ait disparu du programme « Grand Voyageur », puisqu'il était libre d'apprécier l'opportunité de souscrire ou non à un renouvellement.
Toutefois, s'agissant du renouvellement d'un programme dont les avantages certains d'entre eux, avaient été modifiés, il appartenait à la société défenderesse d'en aviser spécialement son cocontractant, soit par information individuelle adressée avant là date de renouvellement, soit par mention sur le site en ligne apparente et devant faire l'objet d'un confirmation de lecture lors de ce renouvellement, information qu'elle ne justifie pas avoir mise en œuvre, pas plus d'ailleurs qu'elle n'établit, contrairement à la mention qui figure dans [minute page 4] la clause litigieuse, avoir informé les adhérents du programme de la modification intervenue en octobre 2007 dans un délai raisonnable...
Il sera donc fait droit au principe de la demande de M. X.
En vertu de l'effet relatif des jugements et du principe selon lequel « nul ne plaide en France par procureur... », il n'y a pas lieu, ni d'ordonner la suppression de la clause litigieuse des conditions générales du programme, ni d'enjoindre à la société défenderesse d'envoyer une information sur la suppression de cette clause au profit du demandeur.
Le seul préjudice subi par le demandeur du fait d'une modification inopposable du programme consiste à avoir du s'acquitter du versement d'une pénalité de 20 € lors du trajet Lyon-Paris ; il n'établit pas ni ne soutient en effet qu'après le versement de cette « amende » il ait définitivement été contraint de renoncer au bénéfice de la souplesse qui figurait dans le programme initial, où ait à nouveau été l'objet d'une régularisation.
Par contre, on peut admettre que durant l'intervalle entre ce voyage du 31 août 2008 et le présent jugement le demandeur ait été confronté, s'il a continué à utiliser l'ancienne facilité lui permettant de changer de TGV, à une insécurité juridique préjudiciable, que la juridiction compensera par l'allocation de 150 € à titre de dommages-intérêts.
Il est également équitable de compenser dans la présente procédure les frais exposés par lui et non compris dans les dépens par la somme de 150 €.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La juridiction de proximité,
Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en dernier ressort,
Dit et juge que l'article IX, alinéa 2, des conditions générales du programme dit « Grand Voyageur » de la SNCF constitue une clause abusive et est à ce titre réputée non écrite ;
Déclare en conséquence ladite clause inopposable au contrat souscrit par M. X., et dit que celui-ci bénéficiera du maintien des conditions générales en vigueur lors de sa souscription en mars 2005, et ce jusqu'au 21 mars 2011, date d'expiration du renouvellement de son adhésion.
Déboute M. X. du surplus de ses demandes.
Condamne la société CRMServices à payer au demandeur la somme de 150 € à titre de dommages-intérêts et la même somme sur le fondement de l'article 700 du CPC.
Dit que la société défenderesse devra supporter la charge des dépens de procédure.
[minute page 5] Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jours, mois et an que dessus.
Et Nous avons signé avec le Greffier.
Le Greffier Le Juge de Proximité
- 5750 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Consommateur - Clause imposée par le cocontractant
- 5756 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Qualité des parties - Demandeur : association agréée
- 6038 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clientèle du professionnel
- 6110 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 - Prix
- 6111 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 - Conditions générales
- 6134 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Prorogation - Reconduction - Renouvellement
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