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CA RENNES (1re ch. B), 11 avril 2003

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (1re ch. B), 11 avril 2003
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 02/01291
Date : 11/04/2003
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TI RENNES, 26 novembre 2001
Numéro de la décision : 299
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1794

CA RENNES (1re ch. B), 11 avril 2003 : RG n° 02/01291 ; arrêt n° 299

Publication : Juris-Data n° 216211

 

Extrait : 1/ « Considérant que la directive européenne n°93-13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs s'oppose à une disposition de droit interne qui, dans une action intentée par un prêteur à l'encontre d'un emprunteur consommateur en exécution d'un contrat de crédit à la consommation conclu entre eux, interdit au juge national de relever, à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause en raison de l'expiration d'un délai de forclusion ».

2/ « Considérant, ceci étant, qu'au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation la clause précitée visée dans l'article 7 du contrat est abusive dès lors qu'elle a pour effet de créer, au détriment du consommateur emprunteur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; qu'en effet elle permet au seul prêteur de résilier unilatéralement et sans aucun préavis le contrat de crédit et d'exiger de l'emprunteur le remboursement immédiat du capital restant dû en arguant de l'absence de signalement spontané par ce dernier de changements ayant pu survenir dans les informations qu'il avait initialement fournies à la demande du prêteur, alors même que les échéances du prêt sont régulièrement honorées, qu'ainsi les éventuelles modifications intervenues dans la situation de l'emprunteur sont sans conséquence sur le respect par lui de ses obligations, que l'absence de signalement peut n'être que la suite d'un simple et compréhensible oubli et non la manifestation d'une volonté de cacher des renseignements au demeurant d'ordre privé qui n'ont pas nécessairement d'effet sur le remboursement du crédit, qu'enfin s'il peut être légitime que le prêteur souhaite obtenir des renseignements lui permettant d'apprécier s'il convient qu'il renouvelle le crédit à son échéance annuelle il lui appartient d'en faire expressément la demande à son co-contractant ».

3/ « Considérant que la seule sanction prévue par l'article L. 132-1 précité du caractère abusif d'une clause est qu'elle est réputée non écrite ; qu'il sera donc statué en ce sens, la déchéance du droit aux intérêts, prévue par l'article L. 311-33 du même code, n'étant pas la sanction du caractère abusif d'une clause mais du caractère irrégulier de l'offre préalable, lequel s'apprécie selon ses propres règles ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 11 AVRIL 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 02/01291. Arrêt n° 299.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur PIPERAUD, Président de Chambre, Madame Ghislaine SILLARD, Conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller,

GREFFIER : Danielle DELAMOTTE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : À l'audience publique du 07 mars 2003 devant Monsieur PIPERAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur PIPERAUD, Président de Chambre, à l'audience publique du 11 avril 2003, date indiquée à l'issue des débats.

 

APPELANTE :

SA COFINOGA

[adresse] représentée par la SCP CHAUDET et BREBION, avoués, assistée de Maître Catherine LE DRESSAY, avocat, entendu en sa plaidoirie

 

INTIMÉE :

Madame X.

[adresse] représentée par la SCP GAUVAIN et DEMIDOFF, avoués assistée de Maître DESAUNAY, avocat, entendu en sa plaidoirie (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro […] du […] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Au motif que l'offre préalable de prêt était irrégulière comme contenant une clause aggravant la situation de l'emprunteur le tribunal d'instance de RENNES, par jugement du 26 novembre 2001 et au visa des articles L. 311-13 et L. 311-33 du code de la consommation, a dit que la société COFINOGA était déchue de son droit à intérêts concernant le contrat du 9 avril 1994, a condamné X. à payer à la société COFINOGA la somme de 10.837,37 Francs, soit 1.652,15 euros, avec les intérêts au taux légal à. compter de la signification de sa décision et a rejeté toutes les autres demandes ;

La société COFINOGA a interjeté appel de ce jugement et, par écritures du 3 mars 2003 exposant ses moyens et arguments, a conclu à son infirmation et à la condamnation de Madame X. à lui payer la somme de 3.824,82 euros avec les intérêts au taux contractuel de 15,60 % à compter du 9 avril 2001 et la somme de 686 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Par écritures du 20 janvier 2003 dans lesquelles elle a fait valoir ses propres moyens et arguments Madame X. a conclu à la confirmation du jugement dont appel, y ajoutant à ce qu'il soit jugé que la clause, déclarée illicite par le tribunal soit également déclarée abusive, enfin à la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que le 9 avril 1994 Madame X. a accepté une offre préalable de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit, d'un montant initial de 4.000 Francs, présentée par la société COFINOGA ; que cette offre a été renouvelée annuellement jusqu'à ce qu'à la suite d'incidents de paiement le prêteur fasse jouer la déchéance du terme et réclame, suivant mise en demeure du 18 avril [minute page 3] 2000, la somme de 21.703,43 Francs arrêtée au 15 mai 2000 ;

Considérant qu'en cause d'appel Madame X. conclut à la déchéance du droit aux intérêts de la société COFINOGA, en application des dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation, au motif que le contrat de crédit du 9 avril 1994 contenait une clause qui non seulement était aggravante de la situation de l’emprunteur, en sorte que l'offre préalable était irrégulière ainsi que l'avait jugé le tribunal d'instance, mais était également abusive, au regard de l'article L. 132-1 du même code ; qu'elle fait valoir en outre qu'au regard du droit européen le juge n'a pas le pouvoir de limiter dans le temps l'exception soulevée par le consommateur ;

Considérant que pour sa part la société COFINOGA réplique que la clause invoquée par X. n'était ni abusive ni aggravante, qu'elle est fondée à se prévaloir de la forclusion biennale de l'article L. 311-37 du code de la consommation dès lors que la clause concernée n'était pas abusive et qu'en tout état de cause la seule sanction du caractère abusif d'une clause était qu'elle était réputée non écrite, sans que puisse être prononcée la déchéance du droit aux intérêts ;

Considérant que l'article 7 du contrat de crédit conclu entre les parties le 9 avril 1994 contient la clause suivante : « COFINOGA se réserve la possibilité de clôturer la présente offre sans préavis dans les conditions suivantes : dans le cas où vous ne signaleriez pas toutes les modifications des renseignements vous concernant (adresse, revenus, profession, situation familiale, etc.) fournis initialement : - Dans (ce) cas la clôture de l'offre s'accompagnera de la restitution de la carte et COFINOGA pourra éventuellement exiger le remboursement immédiat de toutes les sommes restant dues à la clôture du compte selon les modalités prévues par la présente offre » ;

Considérant que la directive européenne n°93-13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les [minute page 4] contrats conclus avec les consommateurs s'oppose à une disposition de droit interne qui, dans une action intentée par un prêteur à l'encontre d'un emprunteur consommateur en exécution d'un contrat de crédit à la consommation conclu entre eux, interdit au juge national de relever, à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause en raison de l'expiration d'un délai de forclusion ;

Considérant qu'en l'espèce Madame X. est donc recevable à invoquer devant la Cour le caractère abusif de la clause précitée, le délai de forclusion biennal de l'article L. 311-37 du code de la consommation lui étant de ce chef inopposable ;

Considérant, ceci étant, qu'au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation la clause précitée visée dans l'article 7 du contrat est abusive dès lors qu'elle a pour effet de créer, au détriment du consommateur emprunteur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; qu'en effet elle permet au seul prêteur de résilier unilatéralement et sans aucun préavis le contrat de crédit et d'exiger de l'emprunteur le remboursement immédiat du capital restant dû en arguant de l'absence de signalement spontané par ce dernier de changements ayant pu survenir dans les informations qu'il avait initialement fournies à la demande du prêteur, alors même que les échéances du prêt sont régulièrement honorées, qu'ainsi les éventuelles modifications intervenues dans la situation de l'emprunteur sont sans conséquence sur le respect par lui de ses obligations, que l'absence de signalement peut n'être que la suite d'un simple et compréhensible oubli et non la manifestation d'une volonté de cacher des renseignements au demeurant d'ordre privé qui n'ont pas nécessairement d'effet sur le remboursement du crédit, qu'enfin s'il peut être légitime que le prêteur souhaite obtenir des renseignements lui permettant d'apprécier s'il convient qu'il renouvelle le crédit à son échéance annuelle il lui appartient d'en faire expressément la demande à son co-contractant ;

[minute page 5] Considérant que la seule sanction prévue par l'article L. 132-1 précité du caractère abusif d'une clause est qu'elle est réputée non écrite ; qu'il sera donc statué en ce sens, la déchéance du droit aux intérêts, prévue par l'article L. 311-33 du même code, n'étant pas la sanction du caractère abusif d'une clause mais du caractère irrégulier de l'offre préalable, lequel s'apprécie selon ses propres règles ;

Considérant, à cet égard, que si en application de l'article L. 311-33 précité le prêteur qui accorde un crédit sans présenter à1' emprunteur une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées notamment par l'article L. 311-37, dont il résulte que l'offre ne peut contenir des clauses qui, ajoutées aux mentions imposées par le modèle type, aggravent la situation de l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci, est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur qui conteste la régularité de cette offre préalable par voie d'action ou d'exception peut se voir opposer le délai de forclusion biennale de l'article L. 311-37 dont le point de départ est la date à laquelle le contrat de crédit a été formé ;

Or considérant qu'en l'espèce la contestation relative à la régularité de l'offre a été opposée pour la première fois le 26 avril 2001, alors même que le délai de forclusion biennale ayant couru à compter du 9 avril 1994 était expiré ; qu'ainsi X. est irrecevable en sa demande de ce chef ; qu'en conséquence le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts ; que l'intimée sera donc condamnée à payer à la société COFINOGA la somme de 3.824,82 euros avec les intérêts sur le capital de 2.475,86 euros au taux contractuel à compter du 9 avril 2001, l'appelant justifiant du montant de sa créance par les pièces produites ;

Considérant qu'en équité l'appelante sera déboutée de sa demande de frais irrépétibles ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Infirme le jugement du Tribunal d'instance de RENNES du 26 novembre 2001 ;

Déclare abusive, et par suite la répute non écrite, la clause contenue à l'article 7 du contrat de crédit en date du 9 avril 1994 liant les parties selon laquelle la société COFINOGA se réserve la possibilité de clôturer l'offre de crédit sans préavis dans la cas où l'emprunteur ne signalerait pas toutes les modifications des renseignements le concernant fournis initialement ;

- Déboute X. de ses autres demandes ;

- La condamne à payer à la société COFINOGA la somme de 3.824,82 euros avec les intérêts au taux conventionnel sur le capital de 2.475,86 euros à compter du 9 avril 2001 ;

Déboute la société COFINOGA de sa demande de frais irrépétibles ;

Condamne X. aux dépens; qui seront recouvrés conformément aux dispositions légales sur l'aide juridictionnelle.