TI VERDUN, 15 décembre 2008

CERCLAB - DOCUMENT N° 1876
TI VERDUN, 15 décembre 2008 : RG n° 11-08-000248 : jugt n° 506/2008
(sur appel CA Nancy (2e ch. civ.), 6 janvier 2011 : RG n° 09/02322)
Extraits : 1/ « Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas il est néanmoins statué sur le fonds et le juge ne fait droit à la demande que si elle est régulière, bien fondée et recevable. Par suite, il appartient au tribunal de céans de rechercher si la demande de la SA COFIDIS est régulière, recevable et bien fondée en sa demande. Ainsi et à ce titre il lui appartient de vérifier que l'action en paiement n'est pas forclose et ce d'autant qu'il s'agit d'une règle que le juge peut relever d'office conformément à l'article L. 141-4 du code de la consommation issu de la loi du 3 janvier 2008. En outre et au surplus, il sera rappelé qu'il appartient conformément à l'article 12 du code de procédure civile, au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Au surplus, le silence du débiteur qui ne comparaît pas ou qui reste taisant à l'audience ne saurait valoir acquiescement à la dette. En outre, le consommateur ne peut en aucun cas renoncer aux dispositions d'ordre public qui assurent sa protection. Enfin que le consommateur soit non comparant ou même qu'il reconnaisse la dette en son principe et même en son montant à l'audience n'interdit pas au juge de relever d'office le non respect de la loi. »
2/ « Ces stipulations n'ont d'autre effet que de prévoir expressément la possibilité d'une augmentation tacite du découvert, alors que celle-ci doit impérativement être réalisée dans les termes d'une nouvelle offre préalable qui doit être acceptée et qui ouvre à l'emprunteur une faculté de rétractation. Une telle mécanique contractuelle permet au prêteur d'aggraver l'endettement de l'emprunteur qui, privé de la protection instituée par la faculté de rétractation, risque un endettement mal contrôlé ; qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du prêteur et du consommateur. […].
L'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours à cette date (art. 7) a d'ailleurs consacré la position de la Cour de cassation en modifiant en ces termes la fin du premier alinéa de l'art. L. 311-9 : « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti » ; le législateur a ainsi voulu assurer une bonne information du consommateur et éviter que des offres souscrites pour de faibles montants ne soient par la suite utilisées pour emprunter des montants beaucoup plus élevés. L'article L. 311-9 du code de la consommation n'opère aucune distinction entre un découvert de base autorisé à l'ouverture du compte (ou découvert utile, ou disponible initial ou réserve) et un « montant maximum du découvert pouvant être autorisé » sans nouvelle offre préalable ; le « crédit consenti » au sens de l'article L. 311-9 du code de la consommation est nécessairement celui dont l'emprunteur peut disposer à la signature du contrat et qui conditionne le taux du crédit et le montant des mensualités de remboursement, et qu'il ne peut être augmenté sans signature d'une nouvelle offre préalable. […]. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE VERDUN
JUGEMENT DU 15 DÉCEMBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-08-000248. Jugement n° 506/2008.
A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 15 décembre 2008 ; Sous la Présidence de GARNIER Anne-Laure, Juge d'Instance, assistée de VIVENOT Liliane, Greffier ; Après débats à l'audience du 17 novembre 2008, le jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
COFIDIS
[adresse], représenté(e) par Maître BIENFAIT Olivier, avocat du barreau de MEUSE
ET :
DÉFENDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], comparant en personne
Madame X. née Y.,
[adresse], comparante en personne
PROCÉDURE : Mise au rôle le 15 septembre 2008
Jugement avant dire droit le 20 octobre 2008
Réouverture des débats le 17 novembre 2008
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat en date du 28 novembre 1989, M. X. et Mme X. née Y. ont souscrit auprès de COFIDIS un crédit utilisable par fractions et assorti d'une carte de crédit dit compte permanent ou compte renouvelable avec un découvert utile de 15.000 Francs soit 2.286,74 €.
Suivant avenant au contrat accepté le 2 novembre 2002, le découvert était augmenté de 1.400 € et porté à la somme de 3.686,74 €.
Suivant avenant au contrat accepté le 3 août 2004, le découvert était augmenté de 1.000 € et porté à la somme de 4.686,74 €.
Suivant avenant au contrat accepté le 29 octobre 2005, le découvert était augmenté de 2.500 € et porté à la somme de 7.186,74 €.
Par contrat en date du 11 mai 1989, M. X. et Mme X. née Y. ont souscrit auprès de COFIDIS un crédit utilisable par fractions et assorti d'une carte de crédit dit compte permanent ou compte renouvelable avec un découvert utile de 4.000 Francs soit 609, 80 €.
Suivant avenant au contrat du 31 octobre 2005, le découvert était augmenté de 500 € et porté à la somme totale de 1.109,80 €.
Par acte d'huissier en date du 30 juillet 2008, COFIDIS a fait assigner M. X. et Mme X. née Y. aux fins d'obtenir :
- leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 15.309,77 € au titre du capital restant dû, outre intérêts contractuels à 16,80 % à compter du 21 décembre 2007,
- leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 2.070,82 € au titre du capital restant dû, outre intérêts contractuels à 18,72 % à compter du 21 décembre 2007,
- sa condamnation à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
A l'appui de ses prétentions, la demanderesse verse aux débats :
- le contrat et trois avenants,
- la lettre de mise en demeure,
- les courriers de reconduction annuelle,
- un historique du crédit.
M. X. et Mme X. née Y., cités à étude, n'ont pas comparu ni n'étaient représentés.
Par jugement rendu avant dire droit le 20 octobre 2008, le tribunal de céans a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue à l'article L. 311-37 du code de la consommation.
La SA COFIDIS conclut que le juge ne saurait tirer les conséquences du moyen d'office qu'il a pu soulever. Il a rappelé la différence entre le découvert utile et le découvert maximum autorisé et précise que la sanction d'un tel dépassement ne saurait être en aucun cas la forclusion.
[minute page 3] Monsieur et Madame X. née Y. ont comparu. Ils ont indiqué n'avoir pas signé de nouveaux contrats.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS
Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas il est néanmoins statué sur le fonds et le juge ne fait droit à la demande que si elle est régulière, bien fondée et recevable.
Par suite, il appartient au tribunal de céans de rechercher si la demande de la SA COFIDIS est régulière, recevable et bien fondée en sa demande. Ainsi et à ce titre il lui appartient de vérifier que l'action en paiement n'est pas forclose et ce d'autant qu'il s'agit d'une règle que le juge peut relever d'office conformément à l'article L. 141-4 du code de la consommation issu de la loi du 3 janvier 2008.
En outre et au surplus, il sera rappelé qu'il appartient conformément à l'article 12 du code de procédure civile, au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Au surplus, le silence du débiteur qui ne comparaît pas ou qui reste taisant à l'audience ne saurait valoir acquiescement à la dette. En outre, le consommateur ne peut en aucun cas renoncer aux dispositions d'ordre public qui assurent sa protection. Enfin que le consommateur soit non comparant ou même qu'il reconnaisse la dette en son principe et même en son montant à l'audience n'interdit pas au juge de relever d'office le non respect de la loi.
Aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné naissance.
Les contrats LIBRAVOU et QUATRE ÉTOILES signés par Monsieur et Madame X. stipulent que « je souhaite profiter de la formule LIBRAVOU et je choisis la réserve d'argent dont je pourrais disposer à mon gré : 15.000 Francs. » et « le montant du découvert autorisé à l'ouverture pourra être augmenté sur simple demande. Cette demande sera faite pour toute demande de financement nécessitant un découvert supérieur au découvert autorisé. »
Le financement d'une commande différée dès janvier 1997 pour le contrat LIBRAVOU et dès novembre 1991 pour le contrat QUATRE ÉTOILES ont porté le solde débiteur de Monsieur et Madame X. à plus de 2.286,74 € (15.000 Francs) pour le premier et à plus de 4.000 Francs pour le second ; il sont restés constamment supérieur à cette somme pendant plus de deux années.
Dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le délai biennal court à compter de la première échéance impayée non régularisée (Assemblée Plénière de la Cour de Cassation 6 juin 2003) ; lorsqu'une ouverture de crédit utilisable par fractions a été consentie dans la limite d'un certain montant et que le solde débiteur du compte est supérieur au plafond contractuel, le juge ne peut faire courir le délai biennal de forclusion à compter de la résiliation du crédit sans s'être assuré que ce plafond n'a pas été dépassé antérieurement à la date de la résiliation, auquel cas le dépassement [minute page 4] du découvert maximum convenu manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai de forclusion (arrêt n° 03-19.862 de la 1ère Chambre civile en date du 7 décembre 2004, Bouchardon Belloeil, JCP 2005,IV, 1152).
La Cour de Cassation a en outre précisé que cette défaillance « ne peut être regardée comme utilement effacée par l'octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières au regard de la législation en la matière » (Civ. 1ère, 30 mars 2005, n° 02-13.765, Cofinoga/Fumanal, Gaz. Pal. 1er/2 juillet 2005 p. 9, concl. J. Sainte-Rose - Bull. civ. I n° 159 p. 134).
En l'espèce, le contrat autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit, fixé à 15.000 Francs soit 2.286,74 € pour le contrat LIBRAVOU et à 4.000 Francs soit 609,80 € pour la contrat QUATRE ÉTOILES, dans la limite de 50.000 Francs pour le premier et de 30.000 Francs pour le second sans aucune formalité.
Ces stipulations n'ont d'autre effet que de prévoir expressément la possibilité d'une augmentation tacite du découvert, alors que celle-ci doit impérativement être réalisée dans les termes d'une nouvelle offre préalable qui doit être acceptée et qui ouvre à l'emprunteur une faculté de rétractation.
Une telle mécanique contractuelle permet au prêteur d'aggraver l'endettement de l'emprunteur qui, privé de la protection instituée par la faculté de rétractation, risque un endettement mal contrôlé ; qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du prêteur et du consommateur.
Or, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ; que la Commission des clauses abusives a condamné de telles clauses qui « laissent penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur » (Avis 04-02 et 04-03) ; la Cour de cassation a, le 10 juillet 2006, rendu un avis dans le même sens en considérant que « l’article L. 132-1 du Code de la consommation répute non écrite comme abusive la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit ».
L'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours à cette date (art. 7) a d'ailleurs consacré la position de la Cour de cassation en modifiant en ces termes la fin du premier alinéa de l'art. L. 311-9 : « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti » ; le législateur a ainsi voulu assurer une bonne information du consommateur et éviter que des offres souscrites pour de faibles montants ne soient par la suite utilisées pour emprunter des montants beaucoup plus élevés.
L'article L. 311-9 du code de la consommation n'opère aucune distinction entre un découvert de base autorisé à l'ouverture du compte (ou découvert utile, ou disponible initial ou [minute page 5] réserve) et un « montant maximum du découvert pouvant être autorisé » sans nouvelle offre préalable ; le « crédit consenti » au sens de l'article L. 311-9 du code de la consommation est nécessairement celui dont l'emprunteur peut disposer à la signature du contrat et qui conditionne le taux du crédit et le montant des mensualités de remboursement, et qu'il ne peut être augmenté sans signature d'une nouvelle offre préalable.
La Cour de Cassation, confirmant dans un arrêt publié du 16 janvier 2007 sa jurisprudence des 30 mars 2005 et 27 juin 2006, a censuré une cour d'appel pour avoir énoncé que la clause de dépassement du découvert sur simple demande de l'emprunteur ne permettait pas de considérer le premier solde débiteur supérieur au montant initial de l'ouverture de crédit comme une échéance impayée ayant manifesté la défaillance de l'emprunteur, « alors que le dépassement du découvert autorisé manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion ».
La Cour de Cassation a confirmé sa jurisprudence encore plus récemment en décidant que le délai biennal de forclusion court à compter de la défaillance de l'emprunteur, manifestée par le dépassement du découvert initialement autorisé, distinct du montant maximum pouvant être autorisé, lorsque la banque ne justifie pas avoir proposé à l'emprunteur une augmentation du capital initialement autorisé conformément aux termes de l'offre préalable (Civ. 1ère, 12 juillet 2007, n° 05-16712).
Toute augmentation du découvert autorisé, toute modification du montant ou du taux du crédit précédemment accordé, en ce qu'elle touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit faire l'objet d'une offre préalable comportant les mentions prescrites par l'article L. 311-10 du code de la consommation ; la Cour de Cassation a ainsi rappelé que tout dépassement du plafond de découvert prévu dans un contrat de crédit utilisable par fractions doit donner lieu à la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit. (Civ 1ère, 17 mars 1998, Sanchez, RTD com oct.déc. 1998, p. 907 obs. B. Bouloc.), et que : « Toute modification du montant ou du taux d'un crédit précédemment accordé doit être conclue dans les termes d'une offre préalable » (Cass. 1ère civ. 18 janv. 2000, Villatte, Bull. civ. I, n°14. D. 2000, AJ p. 134.) ;
En l'espèce, le montant maximum de 15.000 Francs pour le contrat LIBRAVOU et de 4.000 Francs pour le contrat QUATRE ÉTOILES convenu entre les parties à la signature du contrat ayant été dépassé dès janvier 1997 pour le premier et dès novembre 1991 pour le second et non régularisé par une nouvelle offre signée, cette défaillance de l'emprunteur constitue conformément à l'arrêt Fumanal (Civ. 1, 30 mars 2005) le point de départ du délai de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du code de la consommation, qui était ainsi expiré le 30 juillet 2008, date de délivrance de l'acte introductif d'instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE COFIDIS FORCLOSE et donc IRRECEVABLE en son action en paiement du solde restant dû sur les ouvertures de crédit consenties à M. X. et Mme X. née Y.,
[minute page 6] CONDAMNE COFIDIS aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an ci-dessus indiqués.
LE JUGE LE GREFFIER
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5722 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Jurisprudence antérieure à la loi du 17 mars 2014
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6631 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 2 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Obligation de faire une offre
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit