CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CASS. CIV. 2e, 5 juillet 2006

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 2e, 5 juillet 2006
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 2
Demande : 04-10273
Date : 5/07/2006
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA NANCY (1re ch. civ.), 28 janvier 2003
Numéro de la décision : 1089
Référence bibliographique : Bull. civ. II, n° 180
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 1953

CASS. CIV. 2e, 5 juillet 2006 : pourvoi n° 04-10273 ; arrêt n° 1089

 

Extrait : « Attendu que, pour décider que la clause d'exclusion de garantie litigieuse n'était pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, l'arrêt se fonde sur ce texte dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995 ;  Qu'en appliquant ainsi au contrat conclu entre les parties un texte qui n'était pas en vigueur le 13 novembre 1994, date à laquelle, du fait de la clause de tacite reconduction qu'il comportait, ce contrat avait été reconduit antérieurement au sinistre sous la forme d'une nouvelle convention, de sorte que lui était applicable l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, la cour d'appel a violé par refus d'application les textes susvisés ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 5 JUILLET 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 04-10273. Arrêt n° 1089

DEMANDEUR à la cassation : X.

DÉFENDEUR à la cassation : Société Generali France assurances - Cabinet Berthemin

Président : Mme FAVRE.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire,

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X., aujourd'hui décédée, a souscrit le 13 novembre 1974 auprès du groupe Concorde, par l'entremise du cabinet Y., agent général d'assurance, une police multirisques habitation prévoyant une exclusion de garantie en cas de vol commis au cours d'une période d'inhabitation ; qu'ayant été victime d'un vol au mois de novembre 1995, Mme X. a sollicité la garantie de son assureur, aujourd'hui dénommé société Generali France assurances, qui la lui a refusée, en raison de l'inhabitation, par l'assurée, de la maison sinistrée ; que Mme X., aux droits de laquelle agissent désormais ses héritiers (les consorts X.), a assigné cette société devant le tribunal de grande instance, ainsi que le cabinet Berthemin, devenu le cabinet Berthemin et Y., afin de voir déclarer, à titre principal, nulle et non écrite comme abusive la clause d'inhabitation stipulée au contrat d'assurance, et, à titre subsidiaire, l'agent général responsable pour manquement à son devoir de renseignement et de conseil ;

 

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que les consorts X. font grief à l'arrêt d'avoir dit que la clause d'exclusion de garantie litigieuse était valable,

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

alors, selon le moyen, que, selon l'article L. 113-1 du code des assurances, pour être valablement stipulée, une exclusion doit être formelle et limitée ; que ne présente pas ces qualités une clause qui exclut la garantie contre le vol en cas d'inhabitation du local assuré pendant quatre-vingt-dix jours par an, ce qui aboutit en réalité à vider de l'essentiel de sa substance la garantie souscrite contre le vol par une personne seule, âgée, qui présente des risques certains de s'absenter de son domicile durant de longues périodes, soit pour être hospitalisée soit pour être accueillie dans un environnement familial ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a directement violé le texte susvisé ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu que l'arrêt retient exactement qu'est formelle et limitée la clause d'exclusion de garantie pour inhabitation qui définit précisément la notion d'inhabitation fixée à quatre-vingt-dix jours par année d'assurance en cours ;

 

Mais sur le second moyen :

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour dire qu'aucun manquement à son devoir de conseil ne peut être reproché à M. Y., l'arrêt énonce que cette obligation devait s'apprécier lors de la souscription de la police au mois de novembre 1974 ; qu'il n'est pas démontré qu'alors l'agent d'assurance savait, ou pouvait présumer, que Mme X. était déjà amenée ou devait très prochainement être amenée à ne pas habiter l'immeuble assuré pendant des périodes égales ou supérieures à quatre-vingt-dix jours et qu'il était nécessaire, dans son intérêt, de prévoir une stipulation contraire aux conventions spéciales ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu'en statuant ainsi, alors que le devoir d'information et de conseil de l'agent d'assurance ne s'achève pas lors de la souscription du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

Et sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties, en application des dispositions de l'article 1015 du nouveau code de procédure civile :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 2 du code civil et L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 ;

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu'il résulte du second de ces textes que sont réputées non écrites les clauses relatives à l'étendue des garanties lorsqu'elles apparaissent imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour décider que la clause d'exclusion de garantie litigieuse n'était pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, l'arrêt se fonde sur ce texte dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995 ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu'en appliquant ainsi au contrat conclu entre les parties un texte qui n'était pas en vigueur le 13 novembre 1994, date à laquelle, du fait de la clause de tacite reconduction qu'il comportait, ce contrat avait été reconduit antérieurement au sinistre sous la forme d'une nouvelle convention, de sorte que lui était applicable l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, la cour d'appel a violé par refus d'application les textes susvisés ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Generali France assurances et le cabinet Berthemin et Y. aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Generali France assurances ; la condamne à payer aux consorts X. la somme globale de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille six.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit, avocat aux Conseils pour les consorts Buffoli, ès qualités.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué : d'AVOIR dit que la clause d'exclusion de garantie était valable.

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE : "force est de constater que cette clause est mentionnée en caractères très apparents sur la police et ne peut échapper à l'attention et à la lecture d'un souscripteur moyennement appliqué, alors qu'elle est intégrée dans un chapitre intitulé "IV EXCLUSIONS" en gros caractères ; que conformément aux dispositions de l'article L. 113-1 du Code des assurances, l'exclusion est formelle et limitée en ce qu'elle définit précisément la notion d'inhabitation fixée à 90 jours par année d'assurance en cours" ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS 1º) QUE : selon l'article L. 113-1 du Code des assurances, pour être valablement stipulée, une exclusion doit être formelle et limitée ; que ne présente pas ces qualités une clause qui exclut la garantie contre le vol en cas d'inhabitation du local assuré pendant 90 jours par an, ce qui aboutit en réalité à vider de l'essentiel de sa substance la garantie souscrite contre le vol par une personne seule, âgée, qui présente des risques certains de s'absenter de son domicile durant de longues périodes, soit pour être hospitalisée soit pour être accueillie dans un environnement familial ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a directement violé le texte susvisé ;

ALORS 2º) QUE : dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation , les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que tel est le cas d'une clause d'un contrat conclu entre un assureur et une personne âgée présentant un risque certain d'être contrainte à quitter son domicile pendant de longues périodes, qui exclut la garantie contre le vol en cas d'inhabitation du local assuré pendant 90 jours par an, ce qui aboutit en réalité à créer au détriment de cette dernière, qui paye régulièrement ses primes, un déséquilibre significatif entre ses droits et ceux de l'assureur qui perçoit lesdites primes sans avoir en contrepartie l'obligation d'assurer le risque de vol en cas d'inhabitation ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a directement violé l'article précité.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué : d'AVOIR considéré qu'aucun manquement ne pouvait être reproché à l'agent d'assurance ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE : "l'obligation de conseil de l'agent d'assurance doit s'apprécier lors de la souscription de la police en 1974, étant rappelé que le contrat était tacitement reconductible ; que la clause d'exclusion était claire et lisible et qu'elle ne présentait aucune difficulté particulière d'interprétation ou nécessité d'explication préalables ; qu'il n'est pas démontré qu'en 1974, l'agent d'assurance savait ou pouvait présumer que Madame BUFFOLI était déjà amenée ou devait très prochainement être amenée à ne pas habiter l'immeuble assuré pendant des périodes égales ou supérieures à 90 jours et qu'il était nécessaire dans son intérêt de prévoir une stipulation contraire aux conventions spéciales" ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE : l'agent général d'assurance est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil vis-à-vis de son client et doit lui donner une information loyale sur les garanties que lui accorde le contrat d'assurance qu'il lui fait souscrire ; que s'agissant d'un contrat "Tout en un", applicable à un seul souscripteur, c'est-à-dire à une personne vivant seule, âgée de surcroît, l'agent d'assurance ne pouvait ignorer que cette personne, qui était sa cliente depuis plusieurs années et à laquelle il proposait régulièrement des extensions de garantie qu'elle acceptait, et pour lesquelles il était rémunéré, devait appeler son attention sur la clause d'exclusion de garantie en cas d'inhabitation durant 90 jours par période annuelle et lui proposer de souscrire une convention excluant ladite clause ; qu'en décidant qu'il n'avait pas manqué à son devoir de conseil, la Cour d'appel a directement violé l'article 1147 du Code civil.