CASS. CIV. 1re, 13 février 2001
CERCLAB - DOCUMENT N° 2042
CASS. CIV. 1re, 13 février 2001 : pourvoi n° 98-16478 ; arrêt n° 221
Extrait : « Attendu que pour considérer cette clause comme abusive et la déclarer non écrite, les juges du fond ont retenu que le délai de carence n’était justifié que par la nécessité d’éviter l’absence d’aléa que présenterait la manifestation d’une pathologie au moment ou peu de temps après la conclusion du contrat et que la durée d’une année du délai stipulé procurait à l’assureur un avantage excessif, l’assuré payant des primes pendant ce délai de carence sans aucune autre contrepartie que la garantie décès ; Attendu, cependant, que la clause litigieuse n’excluait de la garantie ni le décès ni les invalidités ou incapacités dues à un accident survenues dans l’année suivant la prise d’effet des garanties ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la cour d’appel a méconnu la loi du contrat et violé [l’article 1134 du Code civil]. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 98-16478. Arrêt n° 221.
DEMANDEUR à la cassation : Mutuelle du Mans assurances IARD
DÉFENDEUR à la cassation : Madame X - Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Loire-Atlantique
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Mutuelle du Mans assurances IARD, société dont le siège est […], en cassation d’un arrêt rendu le 25 mars 1998 par la cour d’appel de Rennes (7e chambre civile), au profit : 1°/ de Madame X., demeurant […], 2°/ de la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Loire-Atlantique, dont le siège est […], défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l’audience publique du 9 janvier 2001, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Bouscharain, conseiller rapporteur, MM. Sargos, Aubert, Bargue, Pluyette, Croze, conseillers, Mmes Girard, Cassuto-Teyteaud, Verdun, conseillers référendaires, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bouscharain, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la Mutuelle du Mans assurances IARD, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de Mme X., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne défaut contre la CRCAM de Loire-Atlantique ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1134 du Code civil ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’en contractant un emprunt destiné à financer l’acquisition d’un immeuble, Mme X. a, le 8 janvier 1994, adhéré à l’assurance de groupe souscrite par l’établissement prêteur auprès de la Mutuelle du Mans, en vue de garantir le remboursement de l’emprunt en cas de décès, invalidité absolue et définitive, invalidité permanente totale et incapacité temporaire totale de travail ; qu’ayant été placée, le 20 octobre 1994, en arrêt de travail pour maladie, elle a demandé à l’assureur l’exécution de la garantie ; que ce dernier lui a opposé la clause selon laquelle étaient exclues de la garantie les invalidités absolues et définitives, incapacité temporaire totale, invalidité permanente totale dues à une maladie et survenues dans l’année suivant la prise d’effet des garanties ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour considérer cette clause comme abusive et la déclarer non écrite, les juges du fond ont retenu que le délai de carence n’était justifié que par la nécessité d’éviter l’absence d’aléa que présenterait la manifestation d’une pathologie au moment ou peu de temps après la conclusion du contrat et que la durée d’une année du délai stipulé procurait à l’assureur un avantage excessif, l’assuré payant des primes pendant ce délai de carence sans aucune autre contrepartie que la garantie décès ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, cependant, que la clause litigieuse n’excluait de la garantie ni le décès ni les invalidités ou incapacités dues à un accident survenues dans l’année suivant la prise d’effet des garanties ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la cour d’appel a méconnu la loi du contrat et violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 mars 1998, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne Mme X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X..
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille un.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat aux Conseils pour la Mutuelle du Mans IARD.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré non écrite comme étant abusive la clause intitulée ''délai de carence'' stipulée dans la police souscrite par Madame Maria X. auprès des MUTUELLES DU MANS et condamné en conséquence cet assureur à prendre en charge les échéances du prêt contracté par cette assurée à compter du 121e jour après le 20 octobre 1994.
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la Société LES MUTUELLES DU MANS n'hésite pas à se contredire lorsqu'elle déclare que ''si aux termes de l'article 4 du contrat, sont exclues des garanties les invalidités (...) et incapacités (...), dues à une maladie et survenant dans l'année qui suit la date d'effet des garanties, il n'en demeure pas moins que sont garantis les décès, quel que soit leur cause, les invalidités (...) et incapacités (...) dues à une maladie et survenant au cours de cette première année '' ;
QUE la durée du délai de carence a deux conséquences :- juridiquement, un déséquilibre significatif à l'avantage des MUTUELLES DU MANS qui ne sont pas tenues, contrairement à l'assurée, d'exécuter leurs obligations pendant ce délai, ce qui a conduit les premiers juges à apprécier, en l'absence de contrepartie de l'assureur, le caractère abusif de la clause ; - économiquement, Madame X. a payé des primes inutiles ou du moins que ne justifiait aucune prise en charge suffisante, puisque seul le décès était couvert pendant le délai de carence, ce qui n'avait pas d'intérêt pour elle ;
QUE ce déséquilibre, c'est-à-dire ce rapport qualité/prix peut être pris en compte dans l'appréciation du caractère abusif de la clause ; que, dès lors, la référence du jugement attaqué au prix inutilement payé par Madame X. n'est pas la remise en cause de l'économie du contrat mais ''l'expression économique d'un déséquilibre économique'' (?) caractérisé par l'inutilité du paiement des primes en l'absence de contrepartie de l'assureur ;
ET AUX MOTIFS QUE la recommandation n° 90-01 de la Commission des clauses abusives concernant les contrats d'assurances complémentaires à un contrat de crédit immobilier prévoit que doivent être considérées comme nulles les clauses prévoyant un délai de carence d'une année dans la mesure où il dénature les garanties concernées ''en considération notamment de la durée du prêt (auquel elles se rapportent)'' ;
QUE si, selon la Commission, l'économie particulière des contrats d'assurance souscrits pour garantir l'exécution d'un contrat de prêt peut conduire à stipuler des délais de carences pour certaines garanties, il convient néanmoins de recommander qu'ils soient clairement signalés à l'attention du consommateur ; qu'en toute hypothèse sont nulles les clauses prévoyant un délai de carence d'une année ;
QUE les conditions d'application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation sont réunies ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/ ALORS QUE l'erreur matérielle entachant les écritures des MUTUELLES DU MANS en date du 7 avril 1997 avait été formellement rectifiée par leurs conclusions des 19 septembre et 10 décembre 1997 remplaçant le moyen erroné visé par la Cour d'appel par le moyen suivant : ''en conséquence et a contrario, les décès, quelle que soit leur cause, les invalidités absolues et définitives, incapacités temporaires totales et invalidités permanentes totales dues à un accident et survenant au cours de cette première année sont garantis'', ce dont il résultait que les primes payées par l'assurée pendant le délai de carence avaient une contrepartie réelle ; qu'en reprochant aux MUTUELLES DU MANS leur contradiction initiale sans tenir compte des rectifications de celles-ci, expressément opérées par leurs conclusions ultérieures, la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile.
2/ ALORS QU'en déclarant abusive la clause de carence visant exclusivement les maladies survenues pendant l'année de prise d'effet des garanties au motif que, pendant cette année, l'assureur ne garantirait que le risque de décès, ce qui constituait une contrepartie insuffisante au paiement des primes par l'assuré et conférait à l'assureur un avantage excessif, la Cour d'appel a méconnu les termes de cette clause, qui laissait dans le champ de la garantie les sinistres consécutifs à un accident survenu pendant le délai de carence ; qu'ainsi elle a violé l'article 1134 du Code Civil ;
3/ ALORS, en outre, QUE en déclarant nulle, par application de la recommandation n° 90-01 de la Commission des clauses abusives, les clauses prescrivant un délai de carence d'un an, la Cour d'appel a méconnu la portée de cette recommandation, qui ne constitue pas une règle de droit s'imposant au juge et, partant, a excédé ses pouvoirs ;
4/ ALORS, subsidiairement, QUE la recommandation n° 90-01 de la Commission des clauses abusives du 10 novembre 1989 déclare ''qu'en toute hypothèse, sont nulles les clauses prévoyant un délai de carence d'une durée telle qu'il dénature les garanties concernées en considération notamment de la durée du prêt auquel elles se rapportent'' ; qu'en en déduisant, par un motif général, la nullité des délais de carence d'une année sans rechercher si, comme l'y invitaient les conclusions de l'assureur, en l'espèce, le délai d'un an stipulé en considération d'un prêt consenti sur 20 ans dénaturait ou non les garanties concernées, la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.
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