CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 7 mai 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2327
CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 7 mai 2008 : RG n° 07/00374
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que, contrairement à ce que soutient la société COFIDIS, cette clause n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation ou aux modèles annexés à l'article R. 311 du même code ; Attendu qu'en effet tant les dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation relatives à l'« ouverture de crédit qui, assortie ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du crédit consenti », que les modèles types 4 ou 5 de l'annexe à l'article R. 311-6 du même code, prévoient une utilisation fractionnée du crédit consenti, alors qu'en l'espèce ce n'est pas l'utilisation qui est fractionnée mais bien l'autorisation d'utilisation, cette autorisation intervenant postérieurement, sous certaines conditions dont certaines dépendent de l'appréciation du prêteur, telle la condition relative à la situation familiale, financière et professionnelle qui ne doit pas avoir été modifiée dans un sens défavorable au remboursement de crédit, ou les possibilités de remboursement suffisantes selon les normes de la profession, le prêteur se réservant implicitement la possibilité de refuser l'augmentation et le crédit n'étant donc pas d'ores et déjà consenti à hauteur du découvert utile ; qu'en l'espèce, il convient au demeurant de constater que l'augmentation du « crédit utile » est intervenue sans qu'il en soit fait la « demande expresse » et dès le 2ème mois de fonctionnement du crédit (confer l'historique du compte) ; Attendu que malgré le vocabulaire utilisé, l'augmentation du « crédit utile » ne peut s'analyser qu'en une augmentation du crédit initialement autorisé, laquelle intervient, dès lors, sans nouvelle offre préalable que l'emprunteur devrait formellement accepter en disposant, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation ;
Attendu que cette clause de l'offre de la société COFIDIS qui permet une augmentation du crédit consenti sans présenter de nouvelle offre informant exactement le débiteur des conditions du nouveau crédit et notamment des charges de remboursement à venir et sans lui offrir une possibilité de rétractation, créent un déséquilibre significatif à son détriment et constituent une clause abusive réputée non écrite, aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;
Attendu que, par ailleurs, il appartient au juge de soulever d'office le moyen tiré de l'existence d'une telle clause ;
Attendu, cependant, que contrairement à ce qui a été jugé l'inexistence de la clause relative à l'augmentation du crédit sans nouvelle offre, ne peut pas avoir pour conséquence, en l'espèce la suppression du droit aux intérêts ; qu'en effet cette sanction encourue lorsque le crédit est consenti ou augmenté sans une offre de crédit régulière, ce qui est certes le cas en l'espèce, est une mesure d'ordre public de protection qu'il n'appartient pas au juge de soulever d'office ;
Attendu qu'en revanche, il appartient au juge de rechercher d'office si la société COFIDIS n'est pas forclose en son action ».
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 7 MAI 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/00374. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE COMPIÈGNE du 23 novembre 2006.
APPELANTE :
SA COFIDIS
[adresse], Représentée par la SCP MILLON - PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Maître MARGRAFF, collaboratrice de Maître Franck DELAHOUSSE, avocats au barreau d'AMIENS.
ET :
INTIMÉE :
Madame Y. épouse X.
[adresse], Assignée à l'étude suivant exploit de la SCP G. Huissiers de Justice Associés à COMPIÈGNE en date du 22 mai 2007 à la requête de la SA COFIDIS. Non comparante.
DÉBATS : [minute Jurica page 2] A l'audience publique du 26 février 2008, devant : Madame SCHOENDOERFFER, Président, entendue en son rapport, M. FLORENTIN et Madame SIX, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 7 mai 2008
GREFFIER : M. DELANNOY
ARRÊT : PRONONCE PUBLIQUEMENT le 7 mai 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Madame SCHOENDOERFFER, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
La cour statue sur l'appel interjeté par la société COFIDIS d'un jugement rendu, le 23 novembre 2006, par le tribunal d'instance de Compiègne, dans un litige l'opposant à Madame Y. épouse X.
Aux termes d'une offre préalable acceptée le 5 octobre 2002, la société COFIDIS a consenti à Madame Y. épouse X. une ouverture de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit pour un crédit disponible de 3.000 euros, pouvant être augmenté sur demande expresse de l'intéressée à condition que le compte n'ait fait l'objet d'aucun incident de paiement jusqu'à la somme de 8.000 euros, dite montant du découvert autorisé.
Se prévalant de la déchéance du terme notifiée le 13 octobre 2005, la société COFIDIS a fait assigner Madame X., par acte d'huissier du 13 juillet 2006, afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 4.511 euros avec intérêts au taux contractuel sur le capital restant de la déchéance du terme jusqu'à parfait paiement, outre des frais irrépétibles.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 23 novembre 2006, le tribunal d'instance de Compiègne a :
- condamné Madame X. à verser à la société COFIDIS la somme de 2.614,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2005,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté toute autre demande,
- [minute Jurica page 3] condamné Madame X. aux dépens.
La société a interjeté appel de cette décision le 15 janvier 2007.
Par écritures signifiées le 22 mai 2007, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- condamner Madame X. née Y. à lui payer la somme de 4.511 euros avec intérêts au taux contractuel de 18,43 % l'an sur la somme de 4.241,21 euros et au taux légal sur la somme de 269,79 €, le tout à compter de la mise en demeure du 11 octobre 2005,
- condamner Madame X. à lui payer la somme de 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Mme Y. épouse X., assignée à l'étude de l'huissier de justice Nicolas G., huissier de justice associé à Compiègne, le 22 mai 2007, n'a pas constitué avoué.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CECI EXPOSE, LA COUR,
Attendu que Madame Y. épouse X. n'ayant pas été assignée à sa personne, le présent arrêt sera rendu par défaut ;
Attendu que la société COFIDIS fait valoir que la clause qualifiée d'abusive par le premier juge est légale et réglementaire, car conforme aux termes de l'article 311-9 du Code de la consommation et conforme aux modèles annexés à ce code ; qu'il n'entre pas dans l'office du juge de relever d'office une clause abusive ; qu'en toute hypothèse une clause abusive est réputée non écrite et que la sanction ne peut être la suppression des intérêts, le juge ne pouvant relever d'office cette sanction qui est une « véritable peine privée » (sic) ; qu'en toute hypothèse la suppression des intérêts contractuels ne peut pas porter sur le découvert utile ; qu'en outre, seule une échéance impayée peut constituer le point de départ du délai de forclusion ;
Attendu qu'il convient d'observer que l'offre de crédit souscrite par Madame X. porte sur une « Formule Libravou d'un montant de 3.000,00 € avec une mensualité de 90,00 € » ;
Qu'au recto de l'offre, dans les clauses pré-imprimées, il est précisé que ladite offre est faite aux conditions suivantes :
« Montant maximum du découvert autorisé : 8.000 €.
Crédit disponible que vous avez choisi à l'ouverture: voir recto.
[minute Jurica page 4] Dès après le 5e arrêté des comptes mensuel suivant l'ouverture de votre crédit, le montant disponible pourra être augmenté jusqu'au montant maximum du découvert autorisé, par fractions successives ou en une seule fois, aux conditions suivantes :
- que vous en fassiez la demande expresse à COFIDIS,
- qu'aucun incident de paiement n'ait été enregistré sur votre compte ou sur un autre crédit que COFIDIS aurait pu vous consentir
- que votre situation familiale, financière et professionnelle n'ait été modifiée dans un sens défavorable au remboursement de crédit,
- que vos possibilités de remboursement soient suffisantes selon les normes de la profession,
- que vous n'ayez commis aucune violation du présent contrat » ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient la société COFIDIS, cette clause n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation ou aux modèles annexés à l'article R. 311 du même code ;
Attendu qu'en effet tant les dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation relatives à l' « ouverture de crédit qui, assortie ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du crédit consenti », que les modèles types 4 ou 5 de l'annexe à l'article R. 311-6 du même code, prévoient une utilisation fractionnée du crédit consenti, alors qu'en l'espèce ce n'est pas l'utilisation qui est fractionnée mais bien l'autorisation d'utilisation, cette autorisation intervenant postérieurement, sous certaines conditions dont certaines dépendent de l'appréciation du prêteur, telle la condition relative à la situation familiale, financière et professionnelle qui ne doit pas avoir été modifiée dans un sens défavorable au remboursement de crédit, ou les possibilités de remboursement suffisantes selon les normes de la profession, le prêteur se réservant implicitement la possibilité de refuser l'augmentation et le crédit n'étant donc pas d'ores et déjà consenti à hauteur du découvert utile ; qu'en l'espèce, il convient au demeurant de constater que l'augmentation du « crédit utile » est intervenue sans qu'il en soit fait la « demande expresse » et dès le 2ème mois de fonctionnement du crédit (confer l'historique du compte) ;
Attendu que malgré le vocabulaire utilisé, l'augmentation du « crédit utile » ne peut s'analyser qu'en une augmentation du crédit initialement autorisé, laquelle intervient, dès lors, sans nouvelle offre préalable que l'emprunteur devrait formellement accepter en disposant, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation ;
Attendu que cette clause de l'offre de la société COFIDIS qui permet une augmentation du crédit consenti sans présenter de nouvelle offre informant exactement le débiteur des conditions du nouveau crédit et notamment des charges de remboursement à venir et sans lui offrir une possibilité de rétractation, créent un déséquilibre significatif à son détriment et constituent une clause abusive réputée non écrite, aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;
Attendu que, par ailleurs, il appartient au juge de soulever d'office le moyen tiré de l'existence d'une telle clause ;
Attendu, cependant, que contrairement à ce qui a été jugé l'inexistence de la clause relative à l'augmentation du crédit sans nouvelle offre, ne peut pas avoir pour conséquence, en l'espèce la suppression du droit aux intérêts ; qu'en effet cette sanction encourue lorsque le crédit est [minute Jurica page 5] consenti ou augmenté sans une offre de crédit régulière, ce qui est certes le cas en l'espèce, est une mesure d'ordre public de protection qu'il n'appartient pas au juge de soulever d'office ;
Attendu qu'en revanche, il appartient au juge de rechercher d'office si la société COFIDIS n'est pas forclose en son action ;
Attendu qu'en effet, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, comme en l'espèce, à compter du dépassement du découvert autorisé ou en l'absence de dépassement, et compte tenu des termes du contrat à compter de toute échéance impayée non régularisée ;
Attendu qu'il convient de constater qu'il ressort de l'historique produit que si le crédit disponible qui constitue ainsi qu'il vient d'être dit le véritable découvert autorisé a été dépassé dès le mois de décembre 2002, ce dépassement a été régularisé en août 2003 ; qu'un nouveau dépassement est intervenu en février 2004 mais qu'il a été régularisé dès le mois de mai 2004 ; que le dépassement survenu le 10 septembre 2004, n'a jamais été régularisé, que cependant l'assignation a été délivrée le 13 juillet 2006 dans le délai de deux ans ;
Attendu que, s'agissant des échéances impayées, il ressort du même historique que de mars 2003 à mai 2005 elles ont toujours été régularisées ;
Attendu que dès lors aucune forclusion n'est encourue par la société COFIDIS ;
Attendu que cette société peut donc justement prétendre, conformément aux dispositions des articles L. 311-30 et D. 311-11 du Code de la consommation, au capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisant des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt, soit la somme de 4.241,17 euros, correspondant au capital restant dû : 3.372,37 euros, augmenté des échéances impayées : 868,80 euros, ladite somme assortie de l'intérêt au taux contractuel à compter du 13 octobre 2005 ;
Qu'en outre la société COFIDIS peut prétendre à l’indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, soit la somme de 269,79 euros assortie de l'intérêt au taux légal à compter à compter du 13 octobre 2005 ;
Attendu que la situation économique des parties commande de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant par arrêt par défaut,
Infirme le jugement ;
Dit la société COFIDIS recevable en sa demande ;
[minute Jurica page 6] Condamne Madame Y. épouse X. à payer à la société COFIDIS la somme de QUATRE MILLE DEUX CENT QUARANTE ET UN EUROS ET DIX-SEPT CENTIMES (4.241,17 euros) la dite somme augmentée de son intérêt au taux contractuel à compter du 13 octobre 2005 et jusqu'à parfait paiement ;
Condamne Madame Y. épouse X. à payer à la société COFIDIS la somme de DEUX CENT SOIXANTE-NEUF EUROS ET SOIXANTE-DIX NEUF CENTIMES (269,79 euros) la dite somme augmentée de son intérêt au taux légal à compter du 13 octobre 2005 et jusqu'à parfait paiement ;
Dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Madame Y. épouse X. aux entiers dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5719 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Crédit à la consommation
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6632 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 3 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Respect du contrat
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit
- 6636 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 7 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Conformité aux modèles-type