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TJ NÎMES (Jcp), 18 mars 2025

Nature : Décision
Titre : TJ NÎMES (Jcp), 18 mars 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Nîmes
Demande : 24/01725
Date : 18/03/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 31/10/2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24415

TJ NÎMES (Jcp), 18 mars 2025 : RG n° 24/01435 

Publication : Judilibre

 

Extrait (rappel de procédure) : « A l’audience du 21 janvier 2025, en application de l’article R. 632-1 du code de la consommation, le juge soulève notamment le moyen de droit tiré de la forclusion et l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts du prêteur en application des dispositions des articles L.341-1 et suivants du code de la consommation ; et cela, en raison de l’absence de vérification de la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, ainsi que du défaut de consultation probante du fichier FICP. Il soulève le caractère abusif de la clause de réserve de propriété stipulée au contrat. »

Extrait (motifs) : « L’article R. 632-1 du code de la consommation dispose que : « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ». Selon l’article 1171 du code civil : « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement. Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur. La clause insérée au contrat, est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée. Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties.

Par conséquent, la demande de restitution du véhicule formulée en application de la clause litigieuse réputée non écrite sera rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NÎMES

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

JUGEMENT DU 18 MARS 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/01725. N° Portalis DBX2-W-B7I-KY3T.

 

DEMANDERESSE :

SA COFIDIS

RCS LILLE METROPOLE N° XX, [adresse], représentée par la SELARL BLG AVOCATS, avocats au barreau de ROANNE

 

DÉFENDEUR :

M. X.

né le [date] à [ville], comparant en personne

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Laurence ALBERT, juge des contentieux de la protection

Greffier : Coraline MEYNIER lors des débats et de Stéphanie RODRIGUEZ la mise à disposition au greffe.

DÉBATS :

Date des Débats : 21 janvier 2025

Date du Délibéré : 18 mars 2025

DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, rendue publiquement par mise à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Nîmes, le 18 mars 2025 en vertu de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre préalable acceptée le 11 février 2021, la SA COFIDIS a consenti à M. X. un prêt affecté à l’acquisition d’un véhicule de marque RENAULT modèle CLIO IV, d’un montant de 8 800 euros, au taux contractuel annuel de 4,44%.

Le véhicule a été livré le 14 février 2021 et les fonds ont été débloqués le 19 février 2021.

A la suite d’impayés, une mise en demeure lui a été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 29 février 2024, d’avoir à payer sous huit jours la somme de 1 130,85 euros,

La déchéance du terme a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 20 mars 2024.

Par acte du 31 octobre 2024, la SA COFIDIS a cité M. X. à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes.

Elle sollicite la condamnation de M. X. à lui payer :

- à titre principal, la somme de 6.427,48 euros, arrêtées au 5 septembre 2024, outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement,

- à titre accessoire, la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle demande, en outre, que soit ordonnée la restitution du véhicule de marque RENAULT modèle CLIO IV, immatriculé EY-679-CL, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour à compter de la signification de la décision.

A l’audience du 21 janvier 2025, en application de l’article R. 632-1 du code de la consommation, le juge soulève notamment le moyen de droit tiré de la forclusion et l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts du prêteur en application des dispositions des articles L.341-1 et suivants du code de la consommation ; et cela, en raison de l’absence de vérification de la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, ainsi que du défaut de consultation probante du fichier FICP. Il soulève le caractère abusif de la clause de réserve de propriété stipulée au contrat.

La SA COFIDIS comparaît, représentée par son avocat, et poursuit le bénéfice de son assignation.

M. X. comparaît en personne.

Il demande reconventionnellement qu’un délai de paiement de 24 mois lui soit accordé.

La SA COFIDIS s'oppose à la demande de délais de paiement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur numérotation et rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et au jour du contrat.

 

Sur la recevabilité des demandes :

Par application des dispositions de l’article 125 du code de procédure civile la forclusion de l’action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge ; et, est considérée comme étant une action d’ordre public selon les dispositions de l’article L.314-24 du code de la consommation.

En l’espèce, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est daté du 5 juillet 2023. La présente action a été engagée le 31 octobre 2024, avant l’expiration d’un délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé, conformément aux dispositions de l’article R.312-35 du code de la consommation.

En conséquence, la SA COFIDIS sera jugée recevable en ses demandes.

 

Sur la vérification de la solvabilité :

Aux termes de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.

Le prêteur doit prouver qu’il a rempli son obligation de mise en garde, laquelle lui impose de vérifier les capacités financières des emprunteurs profanes.

Selon l’article L. 341-2 du code de la consommation, le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l’espèce, la SA COFIDIS ne produit aucune pièce justificative permettant de vérifier la solvabilité réelle de l’emprunteur.

Seule la fiche de dialogue est versée au débat ; toutefois, elle n’est qu’un outil ayant pour objet de contribuer à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur. C’est pourquoi de simples déclarations non étayées, faites par le consommateur, ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes, si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives des ressources et charges de l’emprunteur.

La SA COFIDIS produit un document daté du 11 février 2021 visant à justifier la consultation du FICP.

Toutefois, ce document ne peut avoir de réelle valeur probante dans la mesure où il est émis par le prêteur lui-même et, mentionne une « clé BDF » qui ne correspond pas à un code d'identification sécurisé communiqué par le FICP lors d'une consultation, mais seulement à la date de naissance de l'emprunteur immédiatement suivie des cinq premières lettres de son nom.

Or, la mention d'une telle clé, dont le prêteur dispose des éléments constitutifs, et qu'il peut donc façonner lui-même en indiquant une date de son choix pour la consultation, réelle ou supposée, ne constitue pas la preuve de la consultation exigée par l'article L. 312-16 du code de la consommation.

En outre, le document produit par le prêteur ne mentionne aucun résultat et n’est pas accompagné de l’attestation de consultation délivrée par la Banque de France sur simple demande du prêteur.

Par conséquent, eu égard à la gravité du manquement du prêteur, la déchéance totale du droit aux intérêts sera prononcée de ce chef.

Aux termes de l’article L.341-8 du code la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L.341-1 à L.341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La somme due se limite ainsi au montant du capital prêté déduction faite des versements effectués dès l’origine du contrat.

Dès lors, il ressort de l’historique du compte que la créance de la SA COFIDIS s’établit comme suit :

- capital emprunté depuis l’origine : 8 800 euros,

- sous déduction des versements : 4 476,28 euros,

Soit une somme totale de 4 323,72 euros que M. X. sera condamné à payer à la SA COFIDIS.

Afin d'assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, exigence réaffirmée par les arrêts CJUE des 27/03/201 C-565/12 et 9/11/2016 C-42-15 (point 65), il convient d'écarter toute application des articles1231-6 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier, qui affaiblissent, voire annihilent la sanction de déchéance du droit aux intérêts, il convient de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

 

Sur la demande de délais de paiement :

Par application des dispositions de l’article 1244-1 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut notamment dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l’espèce, compte tenu la situation de l’emprunteur évoquée lors de l’audience, il convient d’échelonner le paiement des sommes dues sur 23 mensualités de 180,15 euros chacune, la 24ième soldant la dette en principal et intérêts.

 

Sur la demande de restitution du véhicule :

L’article R. 632-1 du code de la consommation dispose que : « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».

Selon l’article 1171 du code civil : « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».

Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement.

Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur.

La clause insérée au contrat, est donc une clause de “laisser croire” qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée.

Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties.

Par conséquent, la demande de restitution du véhicule formulée en application de la clause litigieuse réputée non écrite sera rejetée.

 

Sur les demandes accessoires :

Succombant à l’instance, M. X. sera condamné aux dépens.

Ni l’équité, ni la situation respective des parties ne justifient l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte que la demande formée de ce chef sera donc rejetée.

En application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, la décision de première instance est de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou le juge n’en dispose autrement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025 par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

JUGE recevables les demandes de la SA COFIDIS,

JUGE que la SA COFIDIS est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat litigieux,

CONDAMNE M. X. à payer à la SA COFIDIS la somme de 4 323,72 euros, sans intérêts,

AUTORISE M. X. à apurer la dette en 23 mensualités de 180,15 euros chacune au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du jugement, la 24ième mensualité étant constituée du solde de la dette en principal et intérêts,

DECLARE qu’à défaut de paiement d’une mensualité, l’intégralité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse,

RAPPELLE qu’au cours du délai fixé pour apurer la dette, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier sont suspendues et les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues,

DEBOUTE la SA COFIDIS de sa demande en restitution du véhicule en application de la clause contractuelle réputée non-écrite,

CONDAMNE M. X. aux entiers dépens de l’instance,

DEBOUTE la SA COFIDIS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

La Greffière,                         La Présidente,